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Section 2. Les effets des médias et des nouvelles scientifiques

2.4 Effet de la persuasion

Une importante partie de la communication publique ne vise pas simplement à informer, elle vise d’abord et surtout à persuader. C’est le cas entre autres en marketing, où les compagnies veulent convaincre les consommateurs d’acheter leurs produits, en politique, où les candidats veulent convaincre les électeurs de voter pour eux, et en santé publique, où les experts du marketing social tenteront de convaincre la population d’adopter de meilleures habitudes de vie. Les effets sont mesurés sur les attitudes, mais également sur les opinions, les comportements et les croyances. Il n’existe pas de recette qui garantisse la persuasion d’un public. Toutefois, différents modèles théoriques amènent différentes perspectives complémentaires sur cette question.

Le modèle de divergence (discrepancy model) apporte un éclairage intéressant sur la persuasion. La divergence est la différence entre l’attitude/opinion/croyance qu’une personne possède juste avant l’exposition à un message et la position que le message voudrait l’amener à adopter. Si j’entends offrir 10 $ à une œuvre de charité et qu’on m’encourage plutôt à en donner 50 $, la divergence est égale à 40 $ (Fink et Cai 2013). Ici, l’effet de persuasion est égal à la différence entre la position de l’individu après l’exposition au message et sa position avant. Supposons qu’un message est à ce point efficace qu’il réussit à déplacer les croyances de tous les membres du public de manière à ce qu’elles correspondent exactement à la position espérée. Dans ce cas, l’effet de persuasion aura causé un mouvement plus grand chez ceux dont la position était, à l’origine, plus distante de celle qui leur était présentée. Le modèle de divergence le plus simple, le modèle linéaire, prédit que l’effet de persuasion est égal à une fraction de la divergence. Plus cette fraction est proche de « 1 », plus la persuasion est efficace; plus elle est proche de « 0 », moins elle est efficace. Le modèle linéaire ne prend pas en considération une multitude de scénarios, tels que la possibilité que le message ait un effet inverse (donner 5 $) ni l’éventualité que l’effet soit plus grand que celui espéré (donner 60 $).

L’une des contributions du modèle de divergence linéaire est d’offrir un modèle théorique de base auquel il est possible de comparer les résultats provenant de données empiriques.

Une multitude de facteurs sont susceptibles d’influencer l’efficacité de la persuasion. Le modèle de la probabilité d’élaboration (ELM, Petty et Cacioppo 1986b, 1986a) soutient que les êtres humains traitent l’information à laquelle ils sont exposés avec différents niveaux d’effort et de raffinement. L’intensité du traitement de l’information est appelée l’élaboration. Lorsqu’une personne apporte une attention soutenue au message, qu’elle tente de saisir les arguments avancés et qu’elle évalue leur logique et leur force à partir de ce qu’elle connait de l’enjeu, on dira que cette personne s’engage dans la « voie centrale » du traitement de l’information, qu’elle a un haut niveau d’élaboration. À l’opposé, certains individus adoptent la « voie périphérique », caractérisée par des raccourcis cognitifs, des simplifications et un faible niveau d’élaboration. Le peu d’attention accordée au message est orienté vers des détails superficiels, tels que des émotions passagères induites par les aspects visuels ou sonores, ou encore par le charisme projeté par la source du message. Le modèle ELM avance que les effets de persuasion provoqués par la route centrale persisteront plus longtemps dans le temps que ceux produits par la route périphérique. Enfin, ce modèle s’intéresse également aux facteurs qui influencent la probabilité qu’une personne s’engage dans la route centrale ou dans la route périphérique. Ces facteurs sont la motivation à approfondir la réflexion sur un sujet et les aptitudes de l’individu à comprendre le contenu du message (Petty, Cacioppo et Schumann 1983).

Plusieurs facteurs peuvent contribuer à influencer l’efficacité de la persuasion. L’un, en particulier, jouerait un rôle crucial quelle que soit la voie adoptée par le sujet. Il s’agit de la crédibilité accordée à la source du message. Pornpitakpan (2004) offre une vaste revue de littérature sur la question. La crédibilité de la source peut être évaluée selon différents critères, mais trois semblent ressortir comme étant prédominants. Le premier est l’impression que la source est digne de confiance; le second est l’impression que la source est experte en la matière; le troisième est l’attractivité physique de la source.

Une façon de comprendre l’influence de la crédibilité est de retourner au modèle de la divergence. Comme présentée plus haut, la divergence représente la différence entre l’attitude de départ du sujet et celle que le contenu de message prétend être plus souhaitable ou plus

juste. Plusieurs travaux ont montré que la crédibilité influence la forme de la relation entre la divergence et l’efficacité de la persuasion. Lorsque la source de message est jugée fiable, le modèle de divergence linéaire est confirmé, c’est-à-dire que les sujets dont la position de départ était la plus distante de celle proposée dans le message seront ceux qui seront les plus influencés. Toutefois, lorsque la crédibilité de la source est faible, le modèle prend plutôt une forme curvilinéaire. Les personnes dont la position de départ est la plus distante de celle du message seront moins convaincues que ceux présentant une divergence d’intensité moyenne.