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De nombreuses études ont été réalisées afin d'évaluer qualitativement l'influence de la taille et de l'épaisseur de l'éprouvette, de la présence d'entailles latérales, de la taille du défaut et du type d'éprouvette sur la ténacité à l'amorçage ou la grandeur dJ/da pour les matériaux ductiles.

I.3.2.1.Effet de l'épaisseur et de la taille des éprouvettes

Le premier point étudié, le plus simple car il ne s'intéresse pas aux effets de géométrie, est l'influence de la taille et de l'épaisseur de l'éprouvette. Il permet de montrer succinctement les problèmes de transférabilité des grandeurs caractéristiques basées sur le concept de l'intégrale J. Le tableau 1.3.2.1-a. présente les différentes tendances observées sur la ténacité à l'amorçage et dJ/da lorsque :

• l'épaisseur B de l'éprouvette varie pour une largeur W constante,

• la largeur de l'éprouvette varie pour une épaisseur constante,

• pour des éprouvettes homothétiques (W=aB),

H lorsque l'éprouvette présente ou non des entailles latérales.

W constant,

Influence sur la ténacité à l'amorçage JÏC

JIC reste constant :

Beauvineau et al [1-14] sur CT en acier C-Mn Davis et al [1-15] sur CT en acier HY-130 Davies [1-16] sur CT en acier inoxydable 316

Jic reste constant :

Wilkowski et al [1-21] et Marshall et al [1-21]

sur CT en acier inoxydable 304

JIC reste constant :

Me Cabe et al [1-24] sur CT en acier type a508-2A Gibson et al [1-23] sur CT en acier C-Mn John et Turner [I-18] sur SENB an alliage de titane

Jic augmente :

Pisarski [1-27] sur SENB en acier C-Mn Ernst [1-25] sur CT an acier type A5O8 de Roo [1-26] sur CT en acier de cuve

JIC reste constant :

Etemad et Turner [I-28] sur SENB en acier HY-130 Roos et al [1-20] sur CT en acier de cuve

Jic diminue :

Vassilaros et al [1-29] sur acier tupe A533B Beauvineau et al [1-14] sur CT en acier C-Mn Gibson et al [1-23] sur CT en acier C-Mn Joyce et al [1-17] sur SENB an acier HY-100

Influence sur dJ/da

dJ/da reste constant :

Joyce et al [1-17] sur SENB an acier HY-100 John et Turner [I-18] sur SENB an alliage de titane Heerens et al [1-19] sur CT en alliage d'aluminium

dJ/da diminue :

Beauvineau et al [1-14] sur CT en acier C-Mn Heerens et al [1-19] sur CT en acier de cuve Roos et al [1-20] sur CT en acier de cuve

dJ/da augmente :

Gibson et al [1-23] sur CT en acier C-Mn

dJ/da diminue :

John et Turner [I-18] sur SENB an alliage de titane Marshall et al [1-22] sur CT en acier inoxydable 304

dJ/da reste constant :

Ernst [1-25] sur CT an acier type A508 de Roo [1-26] sur acier de cuve

dJ/da diminue :

Gibson et al [1-23] sur CT en acier C-Mn John et Turner [I-18] sur SENB en alliage de titane

dJ/da reste constant :

Etemad et Turner [I-28] sur SENB en acier HY-130

dJ/da diminue :

Vassilaros et al |I-29] sur acier tupe A533B Beauvineau et al [1-14] sur CT en acier C-Mn Gibson et al [1-23] sur CT en acier C-Mn Joyce et al [1-17] sur SENB an acier HY-100

Légende : B : épaisseur

W : largeur

Tableau 1.3.2.1-a : Tendances observées dans la littérature sur Jic et la pente dJ/da.

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Chapitre I : Etude bibliographique sur la déchirure ductile

L'ensemble de ces résultats montre que si l'effet d'échelle est moins sensible mais tout de même discuté pour la ténacité à l'amorçage, la pente dJ/da présente une sensibilité importante à ce phénomène. Cependant, il est difficile de conclure sur les tendances observées, car variées voir contradictoires, dépendantes de la nature du matériau et de la géométrie considérée. C'est sans doute pour cette raison que cette démarche n'a pas abouti à la définition de grandeurs intrinsèques au matériau.

I.3.2.2.Effet de la géométrie et de la profondeur du défaut sur la ténacité

Sachant que l'objectif est de déterminer un critère pour l'étude de l'intégrité des structures, il semble logique de s'intéresser à la transférabilité entre éprouvettes. De nombreuses études ont donc été menées sur le sujet. Elles ont montré clairement l'influence de la géométrie de l'éprouvette sur la ténacité à l'amorçage et sur la pente dJ/da. Il est aujourd'hui établi que ce phénomène est lié à la distribution des contraintes dans le ligament et au degré de confinement de la plasticité en pointe de fissure ('constraint effect'). Ainsi, on observe que les éprouvettes dont le ligament est sollicité majoritairement en traction (DENT,SENT et CCP) présentent un taux de triaxialité h plus faible que les éprouvettes dites de flexion (CT et SENB). h est donné par la relation :

avec cr = Jkk et

'eq

(M9) Or la ruine d'un matériau ductile est d'autant plus rapide que ce taux de triaxialité est important [1-30]. Ceci explique pourquoi les courbes de résistance à la déchirure obtenues pour une éprouvette de 'traction' donnent des valeurs de J plus importantes que celles obtenues avec une éprouvette de 'flexion' pour une même longueur de fissure car il est nécessaire d'appliquer un chargement plus important pour atteindre le même endommagement.

Ce phénomène est illustré sur la figure I.3.2.2-a. [1-31].

Eprouvette CT avec entailles latérales (20%) sans préfissuration par fatigue

• Eprouvette SENT - a/W = 0.5

• Eprouvette DENT - a/W = 0.5

H h 4 6

Àa (mm)

8 10

Figure I.3.2.2-a : Effets de la géométrie sur la courbe J-Àa pour l'acier 22NiMoCr37 [1-31].

Ce phénomène de 'constraint effect' explique également l'augmentation de la résistance à la déchirure lorsque la profondeur du défaut diminue, comme le montre la figure I.3.2.2-b dans le cas d'éprouvettes SENB [1-32].

• a/W = 0.1 A a/W = 0.2 O a/W = 0.5

1.5 2.5

Aa (mm)

Figure I.3.2.2-b: Influence de la profondeur du défaut sur la courbe de résistance à la déchirure ductile [1-32].

Sorem et al.[1-33] ont étudié ce phénomène en calculant l'étendue de la zone plastique dans le cas d'une éprouvette de flexion SENB (éprouvette de 'flexion'). La figure 1.3.2.2-c montre cette étendue pour des rapports a/W de 0.5, 0.2 et 0.05 et pour trois chargements distincts représentés par le CTOD correspondant (chaque couleur correspond à un CTOD donné). Pour les petites fissures, la zone plastique a tendance à rejoindre le bord libre de l'éprouvette et à s'étendre lorsque le chargement augmente, diminuant ainsi son degré de confinement. A l'opposé, pour les fortes profondeurs de défaut, la zone plastique évolue peu avec le chargement.

Pointe de fissure -$

Ligament

a/W = 0.50

Etendue de la zone plastique pour :

| CTOD = 0.025 mm

| CTOD = 0.053 mm 1 CTOD = 0.109 mm

a/W = 0.05 a/W = 0.20

Figure 1.3.2.2-c : Influence de la profondeur du défaut sur le confinement de la zone plastique [1-33].

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Chapitre I : Etude bibliographique sur la déchirure ductile

I.3.3.Vers des grandeurs intrinsèques ?

I.3.3.1.Pour l'amorçage

Lorsqu'une fissure est sollicitée par un chargement monotone croissant, la pointe de fissure subit, dans un premiers temps, une déformation plastique importante qui conduit à une avancée de fissure apparente : c'est l'émoussement. Cette avancée n'est pas proprement dit une propagation par déchirure ductile mais les méthodes de mesure de longueur de fissure ne permettent pas de distinguer ce phénomène de la propagation réelle. C'est pourquoi, dans un premier temps, la courbe J-Aa va suivre la droite d'émoussement. L'émoussement est relié à J par une relation linéaire [1-34] du type :

J = aAa (1-20)

a est une constante dépendant des caractéristiques de traction du matériau considéré, mais sa définition varie selon les normes. Cette relation caractérise la droite d'émoussement.

L'instant où la propagation ductile s'amorce (à cet instant, la droite d'émoussement n'est plus suivie), est difficile à déterminer expérimentalement. Pour cela, les normes définissent l'amorçage à partir de la valeur de J correspondant à une propagation de 0.15 ou 0.2 mm. La ténacité ainsi définie est donnée par l'intersection de la courbe J-Àa avec la droite d'émoussement translatée de 0.15 ou 0.2 mm (figure 1.3.3.1-a). Cette ténacité à l'amorçage est généralement notée J0.15 ou J0.2- Cette définition conduit à des valeurs sensibles aux effets d'échelle et de géométrie comme nous l'avons vu.

droite d'émoussement

\

J0.2

courbe J-Àa

Aa 0.2 mm

Figure I.3.3.1-a : Détermination de J0

.2-Eisele et al. [1-35] proposent une autre définition de l'amorçage. Lorsque le CTOD atteint une valeur critique [1-36], la fissure commence à se propager (figure 1.3.3.1-b). Eisele définit alors la ténacité à l'amorçage à partir de la valeur de J obtenue lorsque l'on reporte la profondeur de la zone d'émoussement correspondant à cet instant sur la courbe J-Aa. Cette

taille de la zone d'émoussement est déterminée par observation au microscope électronique à balayage en fin de l'essai. La figure 1.3.3.1-c présente le faciès observé dans le cas d'une éprouvette CT en acier ferritique Tu52b. Les trois zones (fatigue, émoussement et déchirure ductile) sont clairement différenciées.

longueur de fissure initiale

© Fissure initiale de fatigue

© Début du chargement : émoussement de la pointe de fissure

® Atteinte du CTOD critique :

début de la propagation CTOD,cntique

© Propagation

/ = taille de la zone d'émoussement

Figure I.3.3.1-b : description de l'amorçage.

D'après les auteurs, Ji est une grandeur intrinsèque au matériau. Par exemple, Roos et al [1-20] montrent que cette définition conduit à des valeurs de ténacité à l'amorçage comparables pour des éprouvettes CT (-170 kJ/m2), SENT (-160 kJ/m2) et DENT (-175 kJ/m2) en acier 22 NiMoCr 37.

Pz el9

Chapitre I : Etude bibliographique sur la déchirure ductile

Propagation par fatigue ' Zone ' Déchirure ductile (faciès lisse et strié) d'émoussement (faciès caractérisé par les cavités)

Figure 1.3.3.1-c : Observation de la zone d'émoussement dans le cas d'une éprouvette CT en acier Tu52b.

I.3.3.2.Pour la propagation : l'intégrale J modifiée selon Ernst

Pour une fissure stationnaire, J est estimé expérimentalement à partir de l'aire sous la courbe force-ouverture selon l'expression :

J = —r "I

E Bb E*= E

E en contraintes planes (1-21)

J-V en déformations planes

où T] est une fonction dépendante de la géométrie, U la composante plastique de l'aire sous la courbe force-ouverture des lèvres de la fissure, B l'épaisseur, b la longueur du ligament et Kt

le facteur d'intensité de contrainte élastique.

Cette expression est modifiée lorsqu'il y a propagation pour tenir compte de l'influence de la longueur de fissure a [1-8]. Elle est donnée sous forme incrémentale en fonction des longueurs de fissures et l'aire Uu+1 sous la courbe force-ouverture des lèvres de la fissure entre les instants i et i+1 et est équivalente à la relation précédente dans le cas stationnaire :

B b dn

avec y = l - r i - — . — ri db

(1-22)

Cependant, Rice et al [1-37] ont montré que dans le cas d'un matériau plastique parfait, la variation de l'ouverture en pointe de fissure au cours du temps (dô/dt) est indépendante de la vitesse de propagation (da/dt). Or l'expression précédente de J ne permet pas de vérifier cette condition dans certain cas. Pour tenir compte de ce problème, Ernst propose la modification suivante [1-25] :

da (1-23)

où Jpi est la composante plastique de J et Àp l'ouverture plastique. Cette intégrale vérifie bien l'indépendance de (dô/dt) par rapport à (da/dt). D'après l'auteur, cette expression permet de s'affranchir des effets de taille et de géométrie (dans une certaine mesure) sur la courbe de résistance à la déchirure ductile J-Àa, comme le montre la figure I.3.3.2-a comparant les courbes de résistance à la déchirure ductile (exprimée en terme de J et JM) obtenues pour une éprouvette CT et une plaque présentant une fissure centrale (éprouvette CCT) en alliage d'aluminium 2024-T351. Cependant, cette amélioration, largement observée expérimentalement, reste peu expliquée.

300 T J (kJ/m2)

2 0 0

-

100--a o o

0 Eprouvette CT

* Eprouvette CCT 2 3 Aa (mm)

300 T JM(kJ/m2)

2 0 0

-100-- o

0 Eprouvette CT

* Eprouvette CCT 1 2 3 Aa (mm)

Figure I.3.3.2-a : Influence de l'expression de J sur l'effet de géométrie [1-25].

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Chapitre I : Etude bibliographique sur la déchirure ductile

1.3.4.Conclusion

Cette étude bibliographique sur le paramètre J met en évidence les points suivants :

• Les caractéristiques attractives de l'intégrale J sont à l'origine du succès de ce paramètre. De nombreuses normes proposent des grandeurs caractérisant l'amorçage et la propagation stable de la fissure.

H Les effets d'échelle et de taille sont importants sur les courbes de résistance à la déchirure ductile J-Àa, en particulier sur la pente dJ/da. De plus, aucune tendance ne peut être dégagée compte tenu des résultats dispersés voir contradictoires.

• Les résultats obtenus lors des essais de caractérisation montrent une sensibilité au type d'éprouvette utilisée. Les éprouvettes dites de 'traction' (DENT,SENT,CCP) conduisent à des ténacités plus élevées que dans le cas d'éprouvettes sollicitées en flexion (CT et SENB).

H La définition de l'amorçage à partir de la taille de la zone d'émoussement semble conduire à des valeurs de ténacité intrinsèques au matériau.

• L'intégrale de Ernst JM tend à réduire les effets de taille et de géométrie, mais ce résultat reste à justifier.