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Huit romans (en plus des trois récits d’enfance et de l’essai EPD qui seront présentés et commentés dans la dernière partie) de Chamoiseau constituent le corpus primaire de notre réflexion.

Ses autres textes (théâtre, nouvelles, essais...) viendront, en guise de corpus secondaire, confirmer tel ou tel autre pan de nos analyses, pour interroger la fictionnalité ou non des œuvres choisies, corroborer ou non la perpétuation ou l’évolution d’une construction littéraire, d’une pratique discursive qui lui est spécifique, qu’il met en scène par le truchement d’une multiplicité de personnages, humains et non humains.

De CSM à LEAC, en passant par son essai autobiographique et ses récits d’enfance, quelle forme de discours (en termes de construction narrative) et quels contenus récurrents, idéologiques ou thématiques, ces «ingrédients » dont parle Bakhtine, donne-t-il à lire ?

Les trois parties centrales de notre travail tenteront d’y répondre, mais il est essentiel de livrer une présentation quelque peu détaillée de ces huit romans :

- Chronique des sept misères (1986) :

Publié en 1986, CSM révèle Chamoiseau à un public élargi dans l’espace francophone et hexagonal augurant déjà de la notoriété du Goncourt qui lui sera attribué en 1992 pour Texaco et montrant ainsi la voie (x) d’une autre façon d’aborder l’écriture dans l’aire caraïbe, après l’expérience de la Négritude césairienne ou de l’Antillanité glissantienne.

La narration, soumise aux caprices du « milan » (la doxa, la voix amplifiée de la communauté, celle des autres protagonistes qui sont autant des personnages-récits, à l’instar du « chroniqueur », le « makyé » Chamoiseau), s’efforce de s’accorder une certaine lisibilité par la scansion particulière opérée par le paratexte, pour exposer à la fois les périodes fastes et de déveine des djobeurs, les principaux personnages du roman.

Les deux grandes parties du roman (« Inspiration » et « Expiration ») essaient de donner libre cours à la voix superstructurale de ces djobeurs, derrière laquelle s’abrite le narrateur impliqué qu’est l’auteur lui-même, Chamoiseau. Ce dernier dévoile, dans la description d’un métier traditionnel en voie de disparition, son effort de conservation de ce patrimoine. Un

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effort qui est inséparable de la problématique de l’oral et de l’écrit, en scène dans l’aire culturelle caribéenne.

De ce fait, le roman bruit d’une tension entre la langue dominante et la langue dominée. Il s’ingénie à créer une langue tierce (la langue particulière de l’écrivain ? Un compromis linguistique investi dans l’expérience de l’écriture ? Un interlecte ?), qui émerge de la subtilité

« non-prédictible »31, linguistique et néologique de l’auteur marqueur. Un marqueur narrateur qui laisse intervenir les djobeurs comme « paroleurs » pour qu’ils l’aident, dans son entreprise de décryptage de la «Trace », à combler les possibles brèches de son récit secondaire sur la vie de Pierre Philomène, dit Pipi, pivot narratif, autour duquel se cristallisent attention, respect, admiration, crainte et désir.

En effet, avant la parole inaugurale du personnage amplifié « nous » qui s’adresse à la compagnie, le récit de l’« Inspiration » démarre avec l’histoire familiale du futur roi des djobeurs. Son grand-père, Félix Soleil était désespéré de n’avoir pas eu de fils : sa femme ne mettait au monde que des filles ! C’est à travers sa fille Héloïse, mère de Pipi, que son vœu, à titre posthume, sera exaucé.

31 En référence aux formes interlectales de la Martinique dont parlent Jacky Simonin et Logambal Souprayen-Cavery, dans leur article commun, « Continuum linguistique » tiré de Sociolinguistique du contact, Dictionnaire des termes et concepts, p.134. Ces derniers citent d’ailleurs Prudent, à propos de sa définition de la notion d’« interlecte » dans la description de la réalité sociolinguistique martiniquaise, voire antillaise : « L’interlecte était à ce moment défini comme un espace discursif dynamique, accusant la manifestation de nombreux code-switching, code-mixing, interférences, cumuls de français et de créole à des points des énoncés qui ne pouvaient être décrits par une « grammaire de langue ». (Prudent, 2005, p.362). La surconscience linguistique (ou le laboratoire scriptural de Chamoiseau) a-t-elle une haute idée de cette réalité sociolinguistique qu’il évoque dans sa fiction (SM), quand il énonce les trois lectes (basilecte, mésolecte, acrolecte) du continuum linguistique, terme (en plus de celui de diglossie) que réfute Prudent ? En tout cas, l’écriture de Chamoiseau témoigne d’un constat, celui qui consiste à dire que sa fabrique lexicale et énonciative, met en scène ce qui se passe dans la réalité des locuteurs martiniquais tout au moins, ce « macrosystème sociolinguistique », dans lequel les deux idiomes (créole et français) évoluent et ce, « selon le schéma de la sociogenèse qui, allant à l’encontre des positionnements eurogénétistes et afrogénétistes, désigne la construction commune d’une société ayant un mode de communication spécifique » (Ibid, p.135). Voir aussi l’annexe de notre étude, p.532, par rapport à la citation du texte de Chamoiseau, SM.

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Héloïse, restée seule après la dispersion de ses sœurs et la mort de ses parents, sera la proie d’Anatole-Anatole, fils du quimboiseur et fossoyeur du cimetière, Phosphore. Pour parvenir à ses fins, le fils pactise avec le diable en devenant « dorlis »32. Héloïse ne sera pas la seule victime de cet incube local (le radical et le suffixe de « dorlis » évoquent respectivement les mots « lit » et « dormir ») dont la spécialité est de troubler les nuits des femmes et des filles endormies. Hélène Migerel l’appelle « Phallus [...], qui dispense du plaisir dans la couche des femmes endormies, sans discrimination d’âge. Il s’introduit à la tombée de la nuit, faisant fi des portes fermées »33, sauf de l’interposition d’un « garde-corps » à la mesure de son pouvoir maléfique, comme le laisse comprendre la fin tragique d’Anatole-Anatole que révèle plus tard le curé du Vert-Pré à Man Elo.

Anatole-Anatole abusera donc de l’orpheline, qui se résout à la fuite du Vert-Pré, en direction du chef-lieu, Fort-de-France, et de ses « pièges », au sens que Kundera accorde à ce mot dans L’Art du roman. Le sous-chapitre « Mère et dorlis » est d’importance, parce qu’il attribue au texte les caractéristiques d’un conte34. On constate, à l’ouverture ou tout au long du récit, ces

« indices » récurrents, d’ailleurs observables dans les autres romans de Chamoiseau : l’apostrophe à l’auditoire, suivi d’une conception mythique ou « mystérieuse » (parce que

« dorlique ») du personnage principal. A cela s’ajoutent d’autres fonctions plus proppiennes qui abondent dans le sens d’un roman aux allures de conte:

- L’éloignement (celui d’Héloïse qui fuit le Vert-Pré, le départ de ses sœurs, voire la mort de ses parents).

32 Plutôt en perfectionnant la « Méthode » que lui apprise son père dans la seule perspective d’assouvir sa passion pour Héloïse.

33 Hélène Migerel, La Migration des zombis, survivance de la magie antillaise en France, Ed. Caribéennes, 1987, p. 65.

34 Vladimir Propp, Morphologie du conte, Seuil/Points, 1985.

Dans la trentaine de fonctions que relèvent Propp pour définir le conte, quelques-unes suffiront pour caractériser le texte de Chamoiseau : l’éloignement, le manque, les méfaits, le pourvoyeur, la punition, la tâche difficile, le retour.

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- Le manque (l’épisode de la jarre, comme expression désespérée d’un enrichissement personnel par l’or ; le besoin d’amour de bon nombre de personnages, en tête desquels se positionne Pipi).

- Les méfaits (le viol d’Héloïse, la Seconde Guerre mondiale, l’émigration des forces vives du pays, la destruction du jardin-miracle par l’intelligentsia locale, la mort du djob, l’anéantissement de Pipi par Man Zabyme).

- Le pourvoyeur (Madame Paville, dite Odibert qui aide Héloïse à son arrivée à Fort-de-France, L’Eglise qui redore l’image de Man Doudou accusée de débitrice du démon, voire Anartole-Anatole qui met en garde son fils contre Man Zabyme).

Toutes ces fonctions caractérisent les romans de Chamoiseau en général, et celui-ci en particulier. « Robert et guerre » et « Bombance d’après-guerre : le Roi » sont deux sous-chapitres qui les actualisent. Tout comme la totalité de la deuxième partie (« Expiration ») qui impose une hypothèse de lecture où prédominent les difficultés, les « méfaits ». Malgré la déveine annoncée par le paratexte tutélaire, la solidarité reste de rigueur et en vigueur dans les trois marchés de Fort-de-France où évolue la majeure partie des personnages. Hormis les hauts du chef-lieu que Pipi investit dans une solitude relative, dans le but avoué de rencontrer Afoukal, pour vivre son expérience amoureuse avec Marguerite Jupiter et celle, fatale, avec la diablesse Man Zabyme qui mettra fin, par la dévoration, à sa « fièvre de l’or »

Les multiples expériences de Pipi, en général marquées par le malheur, se cantonnent majoritairement dans la seconde partie du roman – « expiration » - sans pourtant minimiser la crise socio-économique qui a prévalu précédemment, que cela soit après ou avant la Seconde Guerre mondiale, ou juste après la départementalisation.

L’«Expiration» verbalise la disparition d’une économie de subsistance – le djob – sous un mode non du pathos, mais plutôt de la mise en garde, en ce sens que le djob, dans les trois marchés de Fort-de-France, est un métier qui ne peut se détacher d’un vivre-dire. Sans les coups de boutoir de la modernité – une version de la domination silencieuse énoncée dans EPD – le narrateur marqueur ambitionne d’alerter le « lecteur », de ces multiples ethnocides qui semblent ne pas concerner seulement l’espace caraïbe.

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Le discours paratextuel, d’ouverture ou de clôture, spectacularise cet état d’esprit où la diction (l’idéologie, le fait divers, le discours journalistique, essayiste) cohabite avec la fiction, dans le même texte. Il semble qu’aucune résolution n’ait été fournie dans le récit pour remédier à l’ethnocide des djobeurs, si ce n’est que la « voix » amplifiée – à la limite du tragique – de ces mêmes djobeurs qui, désormais, glissent dans la légende, dans le conte, dans l’attente d’une « oreille », d’un auditoire hypothétique, comme le suggère SM, le deuxième roman de Chamoiseau.

Le retour de Man Elo dans le Vert-Pré n’est pas non plus une résolution satisfaisante. Même si elle réalise que la mort a eu raison de son agresseur, le dorlis et père de son fils. La

« punition » ultime (les morts multiples) qui coïncide avec le retour au bercail est une boucle qui scénarise la propre drive35 insulaire d’une mère, d’une femme, dont le bout se solde par une terrible déception. Une déception qui semble être atténuée par le mythe que suscite l’expérience terrestre de Pipi. Le dernier personnage, qui semble sortir indemne de cette existence de déveines, est une femme, une mère. Les djobeurs ne sont donc plus seulement les manieurs de brouette, mais ce sont aussi les femmes. Man Elo et ses nombreuses collègues marchandes qui peuplent les trois marchés sont, comme le rappelle le marqueur narrateur, de véritables « djobeuses du cœur », supportant les déceptions amoureuses, la misère matérielle, la monoparentalité, à l’image de Marguerite Jupiter, compagne éphémère de Pierre Philomène, dit Pipi.

35 Voir en annexe la définition du mot, comme d’autres créolismes et néologismes que nous citerons dans cette étude.

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- Solibo Magnifique (1988):

Comment donner un encadrement lexical36 cohérent à un texte qui, d’emblée, se veut parcellaire, inconstant dans sa progression diégétique ? Mais pour donner raison à la

« circularité » chère au marqueur et celle définie par Italo Calvino37, nous pouvons risquer l’introduction d’un « ordre » dans le récit.

La distorsion est, de prime abord, battue en brèche par la division du texte en six parties : la première agit comme une mise en appétit du lecteur-narrataire, l’appareil tutélaire qui l’accompagne la pose comme l’origine de la « parole » (comprenons l’histoire), « l’écrit du malheur » qui va nous être conté ; la dernière partie est un effort de restitution « fidèle » des discours de Solibo la nuit du carnaval. Deux parties qui ne sont pas assumées par un narrateur, ce qui n’est pas le cas avec les quatre autres parties.

La première partie présente le personnage-conteur par qui le malheur est arrivé : celui de l’arrestation de ses auditeurs après son autostrangulation.

Le premier chapitre (p.17-20) est consacré au procès-verbal qui est aussi à l’origine du malheur : une mise en relief peut-être idéologique ou fortuite qui parodie la tradition romanesque dans la présentation toponymique, patronymique ou actorielle ; il peut se présenter dans une dynamique interne qui explique l’intrigue, comme l’objet-motif, catalyseur de l’acte scriptural.

Même s’il est en amont de l’histoire qui nous intéresse, il obéit à une démarche –celle du marqueur narrateur – pour qui syntaxe de phrase et syntaxe de texte s’entrechoquent, dans des

« anisochronies »38, dans une lecture jouissive du texte. Mais elles39 finiront, par

36 Terme que nous empruntons à la sémiotique de Greimas. Le niveau lexical renvoie à une appréhension globale du texte, à un désir d’interprétation (méta) linguistique du texte où tout se rapporte à un sens, à une référence, à la manière d’un concept abstrait ou concret.

37 Voir p. 11 de S.M

38 Genette, 1972, pp.122-123. Dans Figures III, au début du chapitre consacré à la « durée », Genette met en regard les deux paronymes (« anachronies » et « anisochronies ») pour signifier qu’un récit peut se passer du premier « faux-frère », mais pas du second. Prolepses et analepses peuvent en être évincées, mais jamais les

« effets de rythme » auxquels renvoient les anisochronies à chaque articulation du récit. Il y a des séquences

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intermittence, par reprendre un schéma habituel, faisant oublier le premier chapitre, le reléguant dans la « fosse » péritextuelle.

Le premier paragraphe de cette partie-ci, reprend les prérogatives du roman auquel Chamoiseau a habitué son lecteur, dans l’annonce de la situation d’énonciation, et de surcroît dans sa particularité essentielle, l’interférence des voix : celle du conteur-marqueur, de Solibo, de l’auteur qui occulte parfois la subjectivité de son homologue marqueur :

« Au cours d’une soirée de carnaval à Fort-de-France, entre dimanche Gras et mercredi des Cendres, le conteur Solibo Magnifique mourut d’une égorgette de la parole, en s’écriant : Patat’sa !... Son auditoire n’y voyant qu’un appel du vocal crut devoir répondre : Patat’si !...

Cette récolte du destin que je vais conter eut lieu à une date sans importance puisque ici le temps ne signe aucun calendrier. » (p.25)

Le glissement temporel (passé simple, présent simple) rappelle sans doute, dans un même contexte, la position de l’énonciateur par rapport au souvenir qu’il évoque : le présent le rapprochant à l’instant zéro de la prise de parole, le passé simple, de façon ambiguë, renvoyant tantôt à un passé qu’on refoule par certains aspects et tantôt à un vécu qu’on intègre avec un brin de nostalgie :

« Maintenant, à y penser de loin, il est sûr que le feuillage du tamarinier avait gémi, et, que les chauves-souris nous avaient alertés en frôlant trois fois le flambeau de Sucette » (p. 34)

narratives ou descriptives qui alternent et qui sont plus importantes que d’autres dans l’espace qu’elles occuppent dans la page (les pages). Ainsi, par exemple, les origines mythiques de Balthazar Bodule-Jules qui ne mobilisent pas un nombre conséquent de pages, par rapport à son existence profane de jeune et de vieux « bougre ».

39 Syntaxe de phrase et syntaxe de texte. Le texte dans son ensemble n’est qu’une amplification d’une phrase, verbale ou nominale – ici le titre ou la première phrase du roman. Il faut se référer, dans le même ordre d’idée, à Genette (1972, p. 75) qui parle du texte comme le résultat d’« une expansion d’un verbe ». Le roman de Chamoiseau est alors le résultat de cette désignation rigide qu’est le patronyme de substitution Solibo Magnifique. Il – le conteur – est l’origine de la parole, en forme de veillée funèbre ou d’hommage, qui amplifie la Trace, pour la débarrasser de ses lacunes dans l’appréhension globale de l’Histoire du « Lieu ». Le procès-verbal d’Evariste Pilon n’est qu’une deuxième « expansion », cette fois-ci écrite, qui permet le roman, voire une littérature incapable d’évacuer une oralité qui lui est désormais inhérente, l’oraliture.

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Dans l’effort mnémonique, on transfère le lecteur à l’instant du récit pour se rendre compte de l’agonie de Solibo et de sa mort.

« Alors le retrouver là, parmi les racines, sa belle couleur terre fraîche cendrée de malédiction, comment ne pas être pétrifié en compagnie des autres ?... » (p.44)

A chaque fois qu’un personnage est nommé, une fiche signalétique est présentée comme celle de Doudou-Ménar qui court alerter la police (p.45-6), ou de Bouafesse arrêtant la bagarre à l’hôtel de police (p.51-54). Au milieu de ces fiches, en décalage topographique, des dialogues immobilisent le récit, apportent respiration et clarification au texte et, au-delà, un éclairage sur la technique d’écriture du marqueur narrateur :

« (Solibo Magnifique me disait :

«... Oiseau de Cham, tu écris. Bon. Moi, Solibo, je parle. Tu vois la distance ? Dans ton livre sur Manman Dlo, tu veux capturer la parole à l’écriture, je vois le rythme que tu veux donner, comment tu veux serrer les mots pour qu’ils sonnent à la langue. [...] ») (p.50)

Le premier chapitre se termine sur l’épisode de la rencontre des vieux amants, le brigadier-chef Bouafesse et Doudou-Ménar. Cette dernière, mise momentanément en confiance après avoir exposé et expliqué l’objet de sa venue au poste de police, regagne le tamarinier (sous lequel gît Solibo) en compagnie des policiers. Le second chapitre débute ainsi, par ce changement de décor, qui réoriente la narration vers le lieu du mystérieux décès. Pendant ce temps, ceux qui (Sidonise, Didon, Chamoiseau, Charlot...) avaient constitué l’auditoire de Solibo, évoquent de vive voix, à la manière d’une veillée mortuaire, les qualités du défunt.

Dans chaque « parole », les discours s’emboîtent les uns dans les autres, ceux de la sagesse ou de la rumeur populaire, de l’auteur comme les multiples interventions entre parenthèses qui mettent en confrontation l’idéologie du marqueur et celle du conteur Solibo.

L’arrivée de Bouafesse et de ses collègues va apporter son lot de maladresses et de bagarres, tant verbales que physiques. Les pompiers alertés seront malmenés par les policiers et par la Grosse (Doudou-Ménar) « massacrée » par Diab-Anba-Feuilles, l’un des policiers. A travers les rixes et les interrogatoires, nous lisons l’incrédulité de la « compagnie » et les

« errements » de la police locale.

Du point de vue la continuité narrative, tout se met en place au fur et à mesure de la lecture.

Les longues explications analeptiques qui surviennent à chaque entrée d’un personnage

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s’appréhendent mieux ; les discours actoriaux qui se diluent dans celui du marqueur ou du narrateur principal (s’il n’y a pas intercontamination discursive) sont repérables par la ponctuation, les marques syntaxiques. Démarche à laquelle le lecteur est conditionné dès l’ouverture du récit :

« Agenouillée près du corps, coude sur sa sorbetière, elle semblait devenue pierre, falaise, dépourvue du chaud vivant, avec une peau aussi défaite que celle du Magnifique. Quelle misère de la voir ainsi ! en déshérence comme des ignames plantés à la pleine lune, trop amères ou trop grasses. Mes enfants, murmurait Sidonise tandis que nous baissions les yeux, je vous dis la tristesse. » (p.67)

Dans la troisième partie, le texte, comme à l’accoutumée, oscille entre représentation au passé (imparfait + passé simple) et au présent. Les deux modes de mise en relief apportant chacun une intensité et une valeur particulières au travail mnémonique du marqueur où se lit celui des autres personnages-récits.

C’est ainsi, après la présentation de l’inspecteur Evariste Pilon, que Sidonise relate ses amours avec Solibo et contribue à honorer la mémoire du défunt.

Pendant que Pilon, aidé du médecin Siromiel, entame les premières investigations, la terrible Doudou-Ménar s’abat sur Diab-Anba-Feuilles. C’est son ex-amant Bouafesse qui la neutralise pour toujours, par un coup de boutou (matraque).

Les dépositions des témoins sont similaires et n’obéissent pas aux procédures habituelles des

Les dépositions des témoins sont similaires et n’obéissent pas aux procédures habituelles des