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Eco-conception dans le domaine des TIC

Chapitre 2 – Analyse environnementale et éco-conception des

1. Eco-conception dans le domaine des TIC

L’éco-conception n’est pas un sujet nouveau pour les fabricants d’équipements

électriques et électroniques. Ces dernières années ont par exemple vu la naissance et

la propagation du concept de « Green IT », défini comme l’étude et la pratique d’une

conception, d’une fabrication, d’une utilisation et d’un traitement en fin de vie des

équipements électroniques et des systèmes de communication impliquant un

minimum d’impact sur l’environnement (Murugesan, 2008)

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. Ce concept est porteur

de beaucoup de promesses qui, même si elles peinent à rencontrer la réalité, ont le

mérite d’être clairement formulées par les acteurs du secteur eux-mêmes. Que ce soit

le résultat d’une tendance naturelle ou le résultat de ce type de démarches, l’efficacité

environnementale de la plupart des catégories de produits électriques et électroniques

aurait, selon Aoe (2007), augmenté entre les années 90 et les années 2000

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, donnant

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Définie comme une approche cycle de vie, le Green IT fait surtout preuve de beaucoup d’égard à l’encontre de la consommation d’énergie. Une autre limite est son approche en termes d’efficacité environnementale : l’objectif étant d’augmenter le rapport entre performance computationnelle et consommation d’énergie. Ceci pouvant se réaliser soit par une diminution de l’impact à performance constante, soit par une augmentation de la performance à impact constant, cette dernière option semblant être plus fréquemment choisie et ne pouvant être garante d’un impact global moindre.

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L’efficacité environnementale d’un écran CRT aurait par exemple été doublée, celle d’un sèche linge augmentée de moitié, celle d’un fax multipliée par un ordre de grandeur. Ces résultats sont cependant soumis à caution. L’auteur a comparé, pour 19 types de produits, l’efficacité environnementale de deux

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ainsi des produits ayant de meilleures fonctionnalités relativement à leurs impacts

environnementaux. Même si ces résultats portent sur des produits électroménagers, il

est à espérer que les produits micro-électroniques ont connu une évolution similaire.

Quoi qu’il en soit, il semble que le sujet ait assez mobilisé l’attention depuis quelques

années pour voir la naissance de régulations, de normes et de labels donnant un cadre

clair en faveur d’une éco-conception minimale des produits électroniques.

Cette section présente la littérature relative à l’éco-conception dans le domaine des

technologies de l’information et de la communication. Nous distinguerons quatre

types de contributions : les textes normatifs, les initiatives visant à générer des outils

d’analyse simplifiés à partir de l’ACV, les outils d’amélioration et les méthodes

d’intégration des problématiques environnementales en conception.

1.1. Réglementations, normes, labels, guides

La réglementation relative aux impacts des équipements électriques et électroniques,

comprenant les équipements des TIC, est relativement riche. Citons par exemple la

directive européenne RoHS – visant à limiter l’utilisation de certaines substances

dangereuses dans les EEE, la directive DEEE – visant à rendre obligatoire des taux

minimaux de recyclabilité, de récupération et de traitement en fin de vie, et les

directives EuP et ErP – établissant des critères d’éco-conception minimaux pour une

large catégorie d’équipements électriques et électroniques (Parlement Européen et

Conseil de l’Union Européenne, 2003a, 2003b, 2005, 2009).

Pour ce qui est des normes, citons la norme internationale ECMA-341 341 relative à

l’éco-conception des produits des technologies de l’information et de la

communication (ECMA International, 2008). Plus qu’une norme, elle constitue

véritablement un guide, car elle donne des préconisations de conception sans fixer de

seuil. Ces préconisations portent sur : le choix et la quantité des matériaux, l’efficacité

énergétique, l’utilisation de consommables (dont batteries), les émissions chimiques et

sonores, la durée de vie des produits, le devenir en fin de vie, le contenu en substances

dangereuses et l’emballage.

Pour ce qui est des labels, citons les étasuniens Energy Star

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et EPEAT

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, basés sur la

norme IEEE 1680-2006 (Institute of Electrical and Electronics Engineers, 2006). Tandis

que le premier est exclusivement porté sur l’efficacité énergétique, le second édicte

des exigences supplémentaires en matière de réduction des substances dangereuses,

produits mis sur le marché à environ dix ans d’intervalle. L’efficacité environnementale y est définie comme le rapport entre une quantité de fonction et une quantité d’impact environnemental. Deux critères environnementaux sont pris en compte : l’émission de gaz à effet de serre et le poids du produit. Les facteurs d’émission de gaz à effet de serre proviennent de la base de données japonaise JEMAI v1.01, dont on peut douter qu’elle prend bien en compte la phase de pré-production pour les raisons que nous avons évoquées à la section 2.1 Equipements électroniques (notamment : complexité des flux de pré-production, utilisation de procédés non conventionnels, faible représentativité technologique et temporelle des bases de données). De plus, un seul couple de produits est analysé pour la plupart des types de produit, interdisant ainsi toute généralisation des résultats.

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http://www.energystar.gov/.

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de sélection des matériaux, de valorisation en fin de vie, de longévité et d’emballage.

De plus, il exige de la part du producteur la mise en place d’un système de

management environnemental d’une gestion de la fin de vie de ses produits. En dépit

de leur origine, ces labels sont devenus des standards internationaux.

Enfin, notons le guide d’éco-conception des logiciels de Philippot et al. (2012), listant

des stratégies permettant de diminuer l’impact environnemental de l’utilisation des

systèmes d’information par le biais de la programmation. Il y a en effet deux manières

de diminuer l’impact de l’opération d’un équipement électronique : diminuer la

consommation du hardware pour une tâche donnée, et diminuer la sollicitation du

hardware par le software (Domingo et al., 2011). C’est à cette deuxième voie que ce

guide s’intéresse, en présentant des conseils techniques et méthodologiques

permettant de générer un code-source efficace, donc peu consommateur, et ainsi

d’éviter de produire ce que leurs auteurs appellent des « obésiciels ». Malgré sa

structuration insuffisante, ce guide reste intéressant car il s’agit à notre connaissance

de la première tentative de définir une démarche d’éco-conception de produits non

matériels.

1.2. Outils simplifiés d’évaluation

Suivant la démarche de création d’outils d’amélioration à partir de l’analyse

environnementale, certains auteurs ont cherché à déterminer des indicateurs

permettant d’estimer le poids environnemental d’un produit au cours de sa

conception. Les exigences pour de tels indicateurs sont : être aisément

compréhensibles par les concepteurs, simples à calculer, et basés sur des données leur

étant accessibles. Les caractéristiques techniques du produit sont en ce sens de

bonnes candidates. Ainsi Singhal et al. (2004) ont déterminé les caractéristiques des

téléphones portables qui sont corrélées avec leurs impacts environnementaux. Le

projet EPIC-ICT (EPIC-ICT, 2006) adopte la même démarche en définissant un ensemble

de cinq indicateurs pour les PC et les téléphones portables. Joyce et al. (2010)

également, proposent d’approximer l’impact d’une carte électronique par une

fonction linéaire de sa surface et du nombre de ses couches, ainsi que du nombre de

pattes des circuits intégrés qu’elle embarque.

Les caractéristiques produit soulevées par ces études, utilisées comme indicateurs

d’impact, sont présentées par le tableau 3. Les caractéristiques les plus partagées sont

la quantité de métaux précieux (soulevée par les cinq études), la surface des cartes

électroniques (soulevée par quatre des cinq études) et la consommation électrique à

l’usage (soulevée par trois des cinq études).

Une grande part des caractéristiques n’est cependant pas partagée, comme dans le cas

du téléphone portable, où 3 caractéristiques seulement sont partagées, sur les 10

identifiées par les deux études. Une partie de ces différences peut être expliquée par

les méthodes utilisées, une étude faisant appel à une analyse réglementaire, l’autre

non. La quantité de substances toxiques est ainsi considérée par l’une et non par

l’autre. D’autres différences peuvent être expliquées par le niveau de détail désiré de

ces indicateurs. Par exemple, une étude se contente d’évoquer la surface des cartes

électroniques, alors que l’autre y ajoute la surface des circuits intégrés y étant

disposés. Cette information permet de préciser la première, mais est également plus

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difficile à obtenir. D’autres différences sont plus difficilement explicables à la lecture

de ces études, notamment en raison du manque de détails. Un exemple en est

l’absence de réflexion sur la batterie dans une de ces deux études.

p h o n e p o rta b le (Si n gh al et a l. , 2004) PC (E PIC -ICT , 20 06) p h o n e p o rta b le (E PIC -IC T, 200 6) Carte él ectro n iq u e (J o yce et a l. , 2010)

Quantité de métaux précieux

Surface des cartes électroniques

Surface des circuits intégrés

Quantité de substances toxiques

Surface des écrans LCD

Quantité de brasure

Nombre de composants

Consommation d’énergie en phase d’usage

Masse des parties mécaniques

Consommation d’énergie à l’assemblage

Taille des batteries

Nombre de pattes de l’ensemble de circuits intégrés

Tableau 3 - Caractéristiques produit utilisées comme proxy d’impact environnemental de conception.

1.3. Outils de résolution de problème

Parallèlement existent des outils plus spécifiques, permettant d’améliorer la

performance environnementale d’un produit au regard d’un aspect environnemental

défini par ailleurs. Ainsi Evrard et al. (2012) proposent une méthode permettant

d’intégrer à la conception des produits électriques et électroniques la problématique

de leur consommation énergétique. Cette méthode est pilotée par un indicateur qui

est une estimation de consommation énergétique du produit sur l’ensemble de sa

phase d’utilisation. Cet indicateur peut être estimé dès les premières phases du

processus de conception, et avec un raffinement croissant au cours des phases

suivantes (Domingo et al., 2011). Sa manipulation permet d’identifier des voies

d’amélioration pouvant être approfondies grâce à une liste de guidelines donnant des

moyens d’action concrets (Bonvoisin et al., 2010). Mathieux et al. (2008b) proposent

quant à eux d’intégrer à la conception de ces produits la problématique du traitement

en fin de vie. Ils définissent des indicateurs traduisant le niveau de recyclabilité d’un

équipement électrique ou électronique : le pourcentage (par rapport à la masse du

produit) des pièces pouvant être recyclées ou réutilisées, celui des pièces pouvant être

valorisées énergétiquement, et celui des déchets résiduels. Ils fournissent également

une liste de 44 guidelines permettant d’intégrer la problématique du recyclage en

conception (Mathieux et al., 2008a)

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.

39

La liste de ces guidelines est disponible dans l’outil en ligne implémentant cette méthode : ReSICLED (Recovery Strategy Index for End-of-life conscious Design, beta version), https://resicled-dev.g-scop.grenoble-inp.fr/ReSICLED-0.1/guidelineDescription/seeGuidelines. Consulté le 06/08/2012.

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1.4. Méthodes d’éco-conception

Certains auteurs ont proposé des méthodes d’éco-conception systématique pour les

produits électriques et électroniques. Ces propositions ont pour but d’établir des

guides méthodologiques afin d’intégrer les problématiques environnementales dans la

conception, et dépassent ainsi notre cadre d’analyse. Cependant, elles préconisent

l’utilisation d’outils. Ainsi Yung et al. (2011), Gurauskienė et Varžinskas (2006), ainsi

que De Langhe et al. (1998), proposent d’utiliser l’ACV afin d’établir un diagnostic du

produit. Pour ce qui est de la résolution des problèmes ainsi identifiés, les deux

premiers se basent sur la « roue des stratégies d’éco-design » de van Hemel et Brezet,

qui consiste en une liste de 8 stratégies déclinées en 33 principes d’éco-conception

(van Hemel et Cramer, 2002). Le troisième, quant à lui, reste évasif sur ce point.