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Les dynamiques du peuplement de la « communauté » d’Arimum

Dans le document Rivalités Riveraines (Page 144-164)

Organisation socio-territoriale

4.1 Les dynamiques du peuplement de la « communauté » d’Arimum

Arimum (ou Arimú)79, est un lac en forme de trèfle à trois feuilles, localisé dans le bas-Arapiuns, en aval de Vila Brasil. Il n’existe pas de consensus sur l’origine du nom. Pour certains, Arimum renvoie au nom d’un encantado (être enchanté) qui habitait le cap central du lac où est aujourd’hui érigée la vila ; pour d’autres, c’est un dérivé du terme jerimú, ou potiron, un cultigène local. La toponymie locale relevée par les chroniqueurs montre que cet espace était déjà peuplé au milieu du XIXe siècle (Pena, 1869 ; Le Cointe, 1911; Nimuendaju, 1939 ; Muniz, 1909). Les registres documentant l’occupation effective des lieux remontent à 1904, lorsque certains habitants enregistrèrent la posse de leur terre auprès de l’office notarial de Santarém (Muniz, 1909: 213). D’après les récits, dans les années 1920, un conflit armé aurait favorisé le repli temporaire d’une partie de ces populations dans des centres forestiers des environs (chap. 3). Ce n’est finalement qu’à partir des années 1950-1960 (une période qui correspond à l’expansion des freguesias et des communautés de l’Arapiuns) que des familles issues d’autres parages (Arapiuns, Lago Grande) vinrent s’installer autour du lac d’Arimum. La « communauté » fut finalement fondée entre la fin des années 1960 et 1974, date de la construction de la chapelle (chap. 3). Dès lors, observons de plus près comment les habitants actuels des lieux narrent ce processus de peuplement qui s’étend de 1904 aux années 1980.

Des familles de « grands Blancs blonds » installées le long de l’Arapiuns

Au début du XXe siècle, dans le Lago Grande, à proximité de l’entrée du lac, étaient présentes de grandes familles d’éleveurs. Une partie d’entre elles était arrivée du Nordeste à la fin du XIXe siècle, suite à la grande sécheresse de 1887. Ils s’y étaient installés car la région, spécialisée dans l’élevage bovin, présente à proximité de la várzea, de grandes étendues de savane qui pouvaient être mises à contribution pour accueillir les troupeaux lors de l’étiage. A cette hauteur de l’interfluve, la bande de terre est très mince, bordée d’un côté par un écosystème de terre ferme et de l’autre par la várzea : il s’agit d’une zone-tampon (chap. 1).

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On ignore de quelle langue indigène (Arapiyú ?, Tapajó ?) ce terme est originaire, ou même de quel tronc linguistique il provient.

145 Cette disposition du milieu physique était une aubaine pour les éleveurs qui pouvaient réaliser avec un moindre effort la transhumance des troupeaux.

 Arrivée des Imbiriba du Nordeste

Parmi les familles de Nordestins arrivées à Santarém au XIXe siècle, les Imbiriba comptent parmi celles qui s’installèrent dans la várzea, entre le Lago Grande (les Fernandes Imbiriba) et Óbidos (les Machado Imbiriba et Imbiriba Guerreiro) (Figure 33). L’histoire aujourd’hui transmise entre les descendants de la branche Fernandes Imbiriba est la suivante :

« La famille Imbiriba, à l’origine Fernandes, est d’origine portugaise et hollandaise, et ils étaient grands, blonds, aux yeux bleus et à la peau rouge, sanguine, d’où le surnom qui, plus tard, est devenu un nom de famille, Imbiriba, du nom d’un arbre dont la graine est également rouge. D’après les récits de mon père, la famille se serait enfuie de Quixeramobim, dans le Ceará, suite à la grande sécheresse de 1887, et se serait établie à Santarém. Une branche est allée à Oriximiná, ce qui est à l’origine des Imbiriba Guerreiro ».

Sebastião Gil de Lalor Imbiriba Quatrième génération, habitant de Santarém et Rio de Janeiro Correspondance par e-mail du 17/10/2013 Ce témoignage fut obtenu dans une correspondance par e-mail, par l’un des enfants du colonel Mário Imbiriba, dont il sera question plus loin. Cet homme vit aujourd’hui à Rio de Janeiro, où il s’est formé dans une bonne université. Une partie des descendants de ces ramifications ont connu une ascension sociale : ils résident aujourd’hui en ville, principalement Santarém et Belém, mais également Rio de Janeiro.

La ramification Fernandes Imbiriba est issue de deux alliances fondées sur un échange de sœurs entre les familles Fernandes et Imbiriba. Les deux familles émigrèrent ensemble du Ceará et s’établirent à l’est du Lago Grande da Franca et dans le bas-Arapiuns où ils devinrent éleveurs de bétail. Les registres fonciers disponibles (Le Cointe, 1911 ; Muniz, 1909 ; INCRA, 1976) attestent de la présence de la famille Imbiriba le long du Lago Grande et au bord de l’Arapiuns. Dans le Lago Grande, le périmètre dominé incluait l’Île des Remèdes (Figure 34), l’entrée du Lago Grande et en remontant la rive droite, du Pataxó jusqu’à Ajamuri et Santa Helena. L’école d’Inanú porte jusqu’à aujourd’hui le nom d’Ambrôsio Imbiriba, signe encore visible d’anciennes relations de patronnage. Manoel Monteiro Imbiriba fut contrôleur fiscal pour la région de l’Arapiuns (Almanack Lemmaert, 1914, 1917, 1924).

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Figure 33: Généalogie de la famille Imbiriba : une famille originaire de Ceará insérée dans le tissu socio-économique local

OBIDOS

IMBIRIBA MACHADO

IMBIRIBA GUERREIRO SANTAREM - LAGO GRANDE

João Batista Imbiriba Humberto Fernandes Imbiriba Gonçalo Fernandes Imbiriba Gersonita Imbiriba Carneiro 75 Mario Fernandes Imbiriba 69 Sebastião Gil Lalor Imbiriba Beatriz Lalor Imbiriba Pedro Paulo Lalor Imbiriba 71 Maria Avelina Imbiriba 65 Minervina Imbiriba dos Reis (Mariquinha) Maria Fernandes Imbiriba Nely Imbiriba Beatriz Meireles Machado Lalor (Barão do Solimões) Manoel Francisco Machado 87 Eunice Imbiriba Corrêa Antônio Fernando Lalor Imbiriba Mario Filho Lalor Imbiriba João Lalor Imbiriba José Luis Lalor Imbiriba Miguel Agostinho Lalor Imbiriba Ney Floriano Lalor Imbiriba Raimundo Santos Carneiro Maria Aquino Imbiriba Gonçalo Ramalho Fernandes Argemira Geracina Imbiriba Manoel Coriolano Monteiro Imbiriba Maria Tapajos Nogueira Fernandes José Aquino Imbiriba Humbertina Imbiriba Carneiro Cornélio Imbiriba Fernandes Antônio Fernandes Imbiriba Maria Etelvina Imbiriba Fernandes Rubenir Freire Imbiriba Tânia Maria Cavalcanti Imbiriba Francisco Carneiro Joana Machado Imbiriba Tereza Rosa Jesus Machado Imbiriba Auréliano Imbiriba Argemira Machado Imbiriba Etelvina Machado Imbiriba Baltazar Machado Imbiriba João Batista Imbiriba Fernandes Filho Solon Machado Imbiriba Sof ia Fernandes Imbiriba 99 Ana Fernandes Imbiriba Pedro Machado Imbiriba Demostenes Monteiro Imbiriba José Gabriel Guerreiro (Xiquinha) Francisca Machado Imbiriba Ana Machado Imbiriba João Guerreiro Antônio Machado Imbiriba Machado Imbiriba prof essora IMBIRIBA FERNANDES

147 Sur la carte du bas-Amazone, dessinée par Paul Le Cointe (1911), apparait la fazenda Nossa Senhora dos Remédios de João Baptista Imbiriba (du même nom que l’île). Ce dernier était un grand éleveur : son activité a été répertoriée dans l’Almanack Laemmert pour la période allant de 1914 à 1924 (dans la rubrique « commerce > fazendas »). Son frère, Gonçalo, possédait un domaine dont l’étendue traversait l’interfluve et arrivait aux abords de l’Arapiuns, jusqu’au lieu-dit Lago da Praia (« lac de la Plage »). Le domaine comprenait les grands champs de savane naturellement présents dans cette partie spécifique de l’interfluve. Son exploitation, la fazenda São João, figurait dans l’Almanack Laemmert dès 1910 (1910: 63; 1911-1912: 3339; 1914: 3529; 1915: 3400; 1917: 3202; 1924: 3716). Notons que ces deux exploitants n’apparaissent pas dans la rubrique « éleveurs de bétail », ni dans aucune fonction administrative ou politique de la Comarca. Le fils de Gonçalo, le colonel Mário, est signalé comme ayant grimpé dans la hiérarchie sociale grâce à une brillante carrière militaire. Celui-ci serait retourné s’occuper de la fazenda de son père, le long de l’Arapiuns, en 1951, alors qu’il prenait sa retraite (Imbiriba, 2006, 2013).

Figure 34: Occupation du Lago Grande par les Imbiriba et les Taglia

 Arrivée des Taglia du Lago Grande

Limitrophes aux terres des Imbiriba, se trouvaient celles des Lopes-Taglia, une famille d’éleveurs en provenance d’Itacomini (Lago Grande). En 1904, Virginio Francisco Lópes, surnommé « Taglia », avait déclaré son occupation d’une terre – « Camucy » – au bord d’un

148 lac du même nom, le long de l’Arapiuns (Muniz, 1909: 213). Le terrain était délimité en aval par le lac du Camuci, en amont par l’entrée du lac d’Arimum (lieu appelé « pointe du navire [enchanté] »), incluant au passage la pointe du Sarará. En largeur, il allait jusqu’à l’actuelle route Translago et comprenait toute la zone de savane naturelle. La famille passait la crue au bord du lac du Camuci avec le bétail. Pendant l’étiage, elle retournait dans la várzea d’Itacomini (Lago Grande). De l’origine plus ancienne de ces Taglia-Lopes on ne sait rien, si ce n’est que, comme leurs voisins, les Imbiriba, ils sont décrits comme une famille de « grands Blancs blonds » « venus du Lago Grande ».

Ces deux familles semblent présenter un profil assez similaire : éleveurs initialement installés dans la várzea du Lago Grande, ils ont finalement étendu leur expansion territoriale jusqu’à l’Arapiuns. La présence naturelle de savanes rendait plus aisé le déplacement de leurs troupeaux sur la terre ferme pendant la crue. D’une part, le bétail n’avait pas à traverser le lac à la nage; et d’autre part, ils s’épargnaient le dur labeur du déboisement. C’est l’exemple-type de l’occupant de la « zone tampon », où la terre ferme se rend perméable à l’arrivée des gens issus de la várzea (chap. 1). Cette expansion territoriale est toujours conçue comme unilatérale (du Lago Grande vers l’Arapiuns) et n’est pas réalisée dans un cadre où chacun aurait équitablement accès aux ressources foncières (ni à leur régularisation juridique à l’office notariale).

 Un conflit foncier entre les Imbiriba et leurs anciens métayers

Si la présence des Lopes-Taglia est tenue pour légitime par les autres habitants de la région (notamment ceux d’Arimum) en raison de leur présence ancienne en ces lieux et du statut de primo-habitants du Camuci, ce n’est pas le cas des Imbiriba. En effet, ces derniers ont été confrontés à l’accueil hostile des autres occupants de Lago da Praia, notamment à partir des années 1950. A cette période, les descendants des premières familles de migrants (représentés par la figure du colonel Mário Imbiriba), qui avaient abandonné les lieux pour la zone urbaine et des emplois administratifs et militaires, y revinrent pour se recycler dans la paysannerie. Le colonel et ses fils souhaitaient exploiter les terres de la fazenda São José, qu’ils considéraient comme leurs, puisqu’elles avaient été enregistrées en 1904 au registe paroissial de Santarém au nom du vieux Gonçalo, père du colonel.

« Le colonel Imbiriba, le terrain lui appartenait. Il était capitaine. C’était la dictature. Il avait des vigiles. Il élevait du bétail. Ça allait du Camuci à la Translago, jusqu’à la rivière. Rosiene Balboa avait fait une maison ici et il lui tirait dessus [vers 1945]. Il visait

149 pour que la balle entre dans le pot de chambre. C’est à cause de cette persécution que Rosiene a déménagé sur [la pointe du] Toronó. Puis le colonel a commencé à mourir, mais ses fils continuaient. Je suis allé huit fois au poste de police. La dispute s’est terminée en 1992. Angelina Benitez [la métayère] était sa tante [au colonel ; elle habite toujours à cet endroit]».

Catéchiste de Santa Luzia, 62 ans. « C’est bien plus tard que j’ai su que le colonel Mário disait que du Camuci jusqu’au Toronó tout lui appartenait. Ça allait jusqu’au Sarará. Je l’ai su par un bavard, le cousin de mon épouse. Le père du colonel Mário c’était Gonçalo et il avait une terre à Lago da Praia. Ce Gonçalo qui avait un terrain là-bas était un Indien ».

Activiste indien, habitant de Caruci, 53 ans, Groupe résidentiel du Toronó. L’INCRA arbitra ces querelles tout au long des années 1970 à 1990 et la terre revint finalement à ceux qui l’occupaient réellement80, c’est-à-dire aux descendants des métayers, les Benitez, qui avaient été initialement recrutés dans la parentèle éloignée du colonel Imbiriba. En effet, la législation brésilienne attribue un rôle social à la terre, c’est-à-dire qu’en cas de conflit, la préférence est accordée aux occupants réels plutôt qu’à des primo-occupants ou des propriétaires légaux ayant déserté les lieux depuis plus de dix ans. Aujourd’hui, les descendants des métayers du colonel Imbiriba se revendiquent Indigènes aux côtés d’une partie des descendants de son ancienne rivale, Rosiene Balboa. De persécuteurs ils sont devenus alliés et ensemble ils ont fondé l’aldeia Lago da Praia (chap. 10 et 12).

 Logiques d’appartenance « communautaire » récentes

Les occupants des terres de l’ancienne fazenda São José du colonel Imbiriba font ainsi partie de la « communauté » Lago da Praia. Depuis la division du village en 2004, une partie a préféré s’affilier à Santa Luzia. Les gens du Camuci et de la Pointe du Sarará, descendants de Virgino Taglia, faisaient aussi partie de Lago da Praia, mais ils participent désormais à Santa Luzia. Parmi leurs cousins du Sarará, trois familles occupent désormais le lieu-dit São João (Figure 35), au bord du lac d’Arimum. Elles ne sont membres ni de Lago da Praia ni de Santa Luzia, mais d’Arimum car elles trouvent plus commode de participer aux activités de ce dernier village, plus proche de chez eux. Les unités domestiques d’un même groupe résidentiel peuvent ainsi être réparties entre plusieurs villages. C’est vers celui d’Arimum que je me tourne désormais, pour dresser un tableau historique des dynamiques de peuplement.

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Les prémices de la formation du peuplement à Arimum

 Les primo-occupants du lac d’Arimum

Au début du XXe siècle, le peuplement aux alentours du lac d’Arimum était plutôt épars. On y trouvait quatre groupes résidentiels : les Taglia, la famille de Maria Eduarda (mère de deux enfants d’un père Taglia) et une fratrie représentée par les demi-sœurs Jacqueline du Macaco et Elisabete du Mangal.

Le groupe résidentiel des Taglia, nous l’avons vu, dominait depuis 1904 un vaste territoire compris, d’une part, entre la rive gauche du lac d’Arimum (dans le lieu-dit São João) et le Camuci, et, d’autre part, entre la rive gauche de l’Arapiuns et les champs de savane naturelle bordant la piste qui deviendrait la route Translago. Les familles de ce groupe résidaient principalement sur la Pointe du Sarará (le long de l’Arapiuns) et au bord du lac Camuci.

Le groupe de Maria Eduarda occupait la crique du Sepetú81, au bord du lac d’Arimum. Dans les années 1920, suite à « une guerre », la famille quitta ce lieu pour monter un centre dans la forêt d’Uxícara (chap. 3). Depuis lors, elle ne venait que de façon sporadique travailler sur ses terrains.

La rive droite du lac d’Arimum était dominée par une fratrie qui se répartissait un vaste territoire, dit « du Singe ». Il partait de la pointe du Macaco le long de l’Arapiuns et s’étendait vers le centre du Macaquinho (« petit Singe »). Il était bordé en aval par la rive droite du lac d’Arimum, jusqu’à la crique dite « du Mangal » et, en amont par un lac, le Lago Azul. Le terrain était limitrophe de l’étendue de savane baptisée « campo dos Macacos » (champ des singes), revendiquée par Careca Cardoso, le « maître de l’Arapiuns », commerçant charismatique de São Miguel et grand-père paternel du premier catéchiste de Vila Brasil (chap. 3). La représentante de la fratrie du Mangal était Elisabete. Cette dernière était la demi-sœur de Jacqueline qui habitait la pointe du Macaco et qui avait également rejoint le centre forestier d’Uxícara dans les années 1920. Tout comme Maria Eduarda, elle partageait son temps entre les deux lieux.

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J’émets l’hypothèse selon laquelle cette femme était parente avec les Taglia, et que la paternité non-reconnue officiellement d’Orlano Taglia sur ses deux enfants fut compensée par une cession d’une partie de leur territoire. Notons que le Sepetú et le « lugar velho » où Maria Eduarda vivait sont adjacents au terrain des Taglia. Aujourd’hui, « lugar velho » est considéré comme faisant partie du terrain des Taglia et non de Maria Eduarda.

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Figure 35: Occupation spatiale des primo-habitants d’Arimum début XXe

Au début des années 1930, le groupe résidentiel de Dona Elisabete était stricto sensu le seul à vivre au bord du lac d’Arimum.

 Arrivée et départ des « Sucuri » (années 1930)

C’est à cette époque qu’une ramification de la famille Cardoso – les « Sucuri » – en provenance du lieu-dit Nazaré (Arapiuns), vint s’installer sur le cap de l’entrée du lac (ponta da boca) d’Arimum. Après un an environ, la famille partit s’installer dans un centre d’Uxícara, auprès des beaux-parents de leur fille Zezé, qui venait de se marier. Sans doute s’agissait-il d’un mariage arrangé par les parents avec un groupe résidentiel possédant des terres, ce que semble confirmer l’anecdote racontée par la principale intéressée. Selon Dona Zezé, elle avait accepté d’épouser cet homme qu’elle n’aimait pas vraiment car sa mère lui avait « promis une machine à coudre » (qu’elle ne reçut finalement pas, à son grand regret). Pourtant, c’est un autre motif qui est invoqué pour le départ de la famille d’Arimum pour Uxícara: deux intrigues amoureuses compromettant Zezé. Dans un premier temps, la jeune fille avait eu une liaison avec un fils Taglia – Cícero – ce que désapprouvait le père du jeune homme. Ensuite, son futur mari commença à lui faire la cour, ce qui entraîna une rivalité amoureuse avec une des filles de Dona Elisabete, occupante de la crique du Mangal. A ces

Légende :  Taglia-zada  Maria Eduarda  Jacqueline  Elisabete Lac d’Arimum ARAPIUNS Uxícara

152 disputes sont associées des imputations de sorcellerie, motif d’inimitié entre les Sucuri nouvellement arrivés et les autres familles des environs – notamment celles d’Elisabete et des Taglia – dont ils dépendaient jusqu’aux premières récoltes82 (interlude). Une fois le mariage conclu, toute la famille déménagea chez les beaux-parents de Zezé où l’accueil serait plus amical et pérenne. Un proche – Idelfonso – resta sur leur terrain pour s’en occuper (tomar de conta do terreno) pendant leur absence.

Trajectoires migratoires de familles de l’Arapiuns à la recherche de « terres libres »

 Arrivée de Mestre Soldado de l’Arapiuns (années 1950)

Dans les années 1950, en amont de l’Arapiuns, dans le lieu-dit Bacuri, Mestre Soldado, originaire de Carariacá (Arapixuna), habitait, avec son épouse et ses enfants, sur la terre de ses beaux-frères. Après s’être retrouvé veuf, Antônio épousa en secondes noces Samira, originaire de Vila Gorete (Arapiuns). Celle-ci était parente (cousine germaine) avec les Taglia résidents du Camuci et de la Pointe du Sarará. Après son remariage, Soldado quitta la terre des germains de sa première épouse et partit avec Samira, s’établir au bord du lac d’Arimum, non loin de la parentèle de celle-ci : les Taglia. La famille s’installa dans la crique du São João, où Samira accoucha de ses deux premiers fils.

Expulsion de Mestre Soldado du São João

Selon la conception locale, Samira n’était pas considérée comme un « membre de la famille » des Taglia. Elle n’avait aucun droit pour s’installer sur leur terre. Après quelques temps, le couple fut « délogé » par les « maîtres des lieux » (donos), selon la version communément relatée par les autres groupes résidentiels du voisinage :

« Les propriétaires (os donos) du São João sont venus et ont retiré Soldado de là-bas. Ils se sont disputés. Les Taglia sont craints car ils se croient supérieurs. Piquixita Taglia, la mère de Dimitri Taglia, était bonne de la flèche [c’était une sorcière] ».

Homme marié, 72 ans, habite Vila Brasil. « Je crois que ce sont eux, les Taglia, qui sont allés l’en empêcher, de la même façon qu’ils sont allés empêcher la sœur aînée de mon mari d’habiter là-bas. Tu sais, Basílo

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Lorsqu’une famille arrivait sur une nouvelle terre, elle s’attelait au défrichage d’une parcelle de forêt où serait planté du manioc. Il faut compter au moins un an pour pouvoir commencer à récolter les premières racines, un champ arrivant à maturité au bout de deux années. Pendant cette période, les familles sont contraintes de travailler « en société » dans les plantations d’autres familles, d’où une certaine dépendance.

153 habite là-bas uniquement parce qu’il est de la famille. Il est le neveu et ce lieu appartenait à Cícero 83. Et Cícero l’a donné à son fils.

– Mestre Soldado a dit qu’il s’était fait jeter de là-bas ?

– Non, il n’a rien dit, n’est-ce pas. Mais il est parti de là-bas pour ça, ça ne peut être que

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