• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3 : MODELE D’ANALYSE DES DYNAMIQUES NORMATIVES

3) Dynamiques normatives et capabilités

Approcher le rapport aux injonctions au projet du point de vue des dynamiques normatives demande de nombreuses précisions quant à l’angle privilégié. Nous avons vu que l’engagement en formation est traversé par des conflits de normativité qu’il s’agit d’apprécier, ce qui nécessite un outillage conceptuel ad hoc. Or, en faisant retour sur notre hypothèse, la notion de forme de

capabilité a pour vocation d’appréhender ce qui se joue dans le rapport aux injonctions au projet.

Nous revenons donc ici sur la notion de capabilité que nous rattachons au concept de « liberté

positive » (Berlin, 1988), puis sur les dimensions rattachées à la notion de forme de capabilité, avant

de préciser en quoi consiste notre approche des dynamiques normatives.

3.1) Une conception positive de la liberté

Dès que l’on parle de capabilité, on se situe d’emblée dans une conception positive de la liberté : conception qui, dans l’absolu, va à l’encontre des modèles de justices tels que nous les connaissons dans les démocraties occidentales. C’est dire que la convocation de cette notion pose problème dans ses usages tant elle est contre nature, par rapport à nos référents culturels dès qu’il est question de sa mise en œuvre. À la liberté comme absence de contraintes, peut être opposée la liberté centrée sur la responsabilité et l’éthique. Si la « liberté positive » (Berlin, 1988, 171) s’appuie sur la capacité individuelle d’être maître de ses choix et de sa destinée, la « liberté négative » se définit en rapport à la liberté de l’autre, suivant ce que le sujet « est capable de faire ou d’être sans

l’ingérence d’autrui ». A ce titre, ce que nous avons présenté des injonctions au projet peut être ici

appréhendé comme injonction à la liberté positive, autrement dit, injonction à mettre en œuvre son autonomie suivant ses propres projets. On perçoit également que les droits, les règles institutionnelles, mais également les dispositifs relèvent d’une conception négative de la liberté, dans la mesure où ils sont assortis d’interdits, de devoirs, et de droits. Dès lors, en tant que le

dispositif se fait le véhicule d’injonctions au projet et de droits sociaux, il constitue l’espace d’agencement entre liberté positive et liberté négative. Toute la question est alors de savoir comment s’articulent l’une et l’autre.

Dès lors, l’enjeu, pour l’étude des capabilités, consiste à comprendre en quoi les formes de manifestations de la liberté positive ont été rendues possibles ou empêchées par les étayages institutionnels (et donc les formes issues de la liberté négative). C’est cette même idée que reprend Ricoeur (2004, 231) parlant de « droits à des capabilités », expression donnant à voir l’articulation entre liberté positive et négative. L’enjeu consiste ici à redonner toute sa mesure aux possibilités

d’usages que les sujets développent des dispositifs, en considérant ces usages premiers par rapport

aux environnements, et en les questionnant par rapport au champ des possibles ouverts par les étayages institutionnels. Autrement dit, rapportée aux injonctions au projet, la liberté positive relève non des droits formels qui y sont rattachés, ni des dispositifs en tant que tels, mais bien de leurs usages potentiels (ce que nous appelons ici les possibilités d’usages). Partant, une attention particulière doit être portée aux ressources réellement accessibles, c’est-à-dire aux droits (libertés négatives) auxquels ces capabilités se rattachent. Le pire serait d’imaginer un système déséquilibré, où les droits réels ne seraient plus accessibles. Un danger que décrit ici Caillé (2014, 7) : « celui que

nos sociétés ne basculent dans une forme sociale inédite qu’il est possible de qualifier de « totalitarisme à l’envers » [ou de] « parcellitarisme » ». Ici, le risque serait de doter les sujets les plus

démunis de « libertés illusoires » (Caillé, 2014, 7) dans la mise en œuvre effective de leurs projets. Cette mise en garde nous invite à mesurer à quel point la notion de capabilité est dangereuse dans

ses usages. C’est bien dans l’articulation entre possibilités d’actions étayées institutionnellement et

formes d’usage effectives qu’il s’agit de centrer la problématique, et non dans l’activation inconditionnelle des capacités des sujets à être maître de leur destin quels qu’en soient les possibilités de conditions.

Le risque d’une approche finalement sclérosée de la liberté peut être en partie circonscrit dès lors que l’on s’appuie sur une conception de l’homme capable de « vivre bien avec et pour autrui

dans des institutions justes » (Ricoeur, 1990, 405). Dans la mesure où l’injonction au projet ne peut

pas constituer le cadre à proprement parler de l’action, il nous semble que cette notion de liberté positive nous invite à questionner la manière dont le sujet y situe sa responsabilité au regard des

possibilités de menaces et des possibilités d’ouverture qu’il perçoit. Il ne s’agit pas de miser ici

uniquement sur le sujet éthique pour approcher le concept de capabilité, mais plutôt de considérer

que l’activité normative du sujet en situation constitue un indicateur des usages possibles du dispositif. En dernier ressort, le sujet capable d’évaluer en situation les possibilités de menaces et

chance) offre de possibilités réelles de saisir sa chance. Le pouvoir d’agir en tant que le sujet peut

« avoir prise » (Zimmermann, 2008) sur son environnement constitue alors le critère de la mise en

œuvre de la liberté positive au regard des étayages institutionnels potentiels.

Dès lors, mobiliser les capabilités comme concept opératoire pour capter ce qui se joue en

termes de possibilités d’usages dans un contexte d’injonction au projet ne consiste pas en une

apologie de l’individu capable de tout dans n’importe quel contexte. Il s’agit au contraire de ne rien

présupposer des usages envisageables, en considérant toutes les formes possibles, allant de l’émancipation à la destructivité. C’est pourquoi nous proposons ici la notion de forme de capabilité

dont nous allons maintenant en exposer les dimensions.

3.2) Un dimensionnement quadripartite de la capabilité

Nous mobilisons ici la notion de capabilité en tant que cette dernière nous donne à voir les possibilités d’usages du dispositif au travers des dynamiques normatives à l’œuvre dans le rapport à

l’injonction au projet. Autrement dit, cette notion nous invite à considérer le différentiel entre modes

d’engagement effectifs et ce qui relève du champ des possibles au regard des possibilités de menaces. Ainsi, nous parlons de formes de capabilités, en nous dégageant de leur caractère normatif : toutes les formes d’usage potentielles sont ici prises en compte (de l’émancipation aux formes de destructivité). Afin de préciser notre propos, nous proposons d’appréhender cette notion suivant quatre dimensions (Loquais, à paraître - Cf. annexe 2, p. 262) : la potentialité, l’attestation, la normativité et la sensibilité.

Première dimension de la capabilité : la potentialité (au sens de possibilités conditionnelles).

La capabilité n’a de sens que par rapport à ce qui pourrait être, aux champs de possibles, à ce qui

peut émerger en situation, bref… c’est ce qui rend ce concept à la fois puissant et volatile : la capabilité fonctionne au conditionnel. S’il est question d’usage de dispositif, il ne faut pas limiter les

formes de capabilités aux usages en eux-mêmes, mais les élargir aux possibilités d’usages. Si les

capabilités désignent « l’ensemble des façons d’être et d’agir qui sont potentiellement accessibles à

une personne, qu’elle les exerce ou non » (Sen cité par Zimmermann, 2008, 119), alors cette approche

invite à renverser la perspective qui tendrait à penser les dispositifs avant et pour autrui. La potentialité propre aux capabilités laisse envisager d’autres usages, s’appuyant sur l’activité du sujet en situation pour questionner le sens des possibles, non plus pour, mais avec autrui. Autrement dit, dans le cas des injonctions au projet, c’est non seulement le projet de soi pour soi qui est questionné dans ses possibilités de réalisation, mais plus globalement les projets d’autrui sur soi en fonction des perspectives qu’ils ouvrent.

La potentialité, en tant que dimension de la capabilité, pose donc la question de l’articulation entre projet collectif et projet individuel. Le dispositif, en tant que vecteur d’un projet de société (Peeters, Charlier, 1999), est alors revisité dans ses finalités au travers des possibilités réelles de choix. Dès lors, la capabilité ne procède pas d’un pouvoir d’agir solipsiste, mais bien de certaines combinaisons, parfois heureuses, parfois pathogènes, mais souvent imprévisibles, entre les dispositions engagées par le dispositif et la façon dont les sujets s’en saisissent. Insistons sur ce point, la dimension conditionnelle de la capabilité n’a rien à voir avec un champ de possibles évanescent. En mettant en avant les possibilités de participation des sujets aux dispositifs de formation (ici : de deuxième chance), une telle notion a des conséquences pratiques tangibles sur les possibilités concrètes d’usages. La potentialité questionne donc le rapport aux visées collectives. Si, à l’échelle d’un dispositif comme E2C, le jeune en formation se trouve confronté au projet de la structure, les

formes de capabilités élaborées en situation, relèvent du rapport aux finalités perçues du dispositif

(le niveau « idéel » (Albéro, 2010), ou la « verticalité » du dispositif (Houot, Triby, 2014)).

Deuxième dimension, les formes de capabilités sont également conditionnées à ce qui se joue dans les mécanismes de reconnaissance. Aussi, nous proposons ici qu’il n’est pas de capabilité

sans « attestation » (Ricoeur, 1990). Ici, le pouvoir d’agir du sujet dépend des formes de

reconnaissance possibles et de la manière dont le sujet est attesté dans ses actes et sa responsabilité (morale). Comme l’affirme Jorro (2013, 43), « Le pouvoir d’agir chez Ricoeur ne découle pas

seulement de l’effectuation de l’action mais aussi de la manière dont le sujet en rend compte et en atteste. De ce qui précède le pouvoir d’agir possède une triple spécificité : le sujet effectue une action, il est en mesure d’en rendre compte et d’en assurer la responsabilité (…). La théorie de l’homme capable valorise un sujet éthique, ayant prise de bout en bout sur son action ». Or, c’est l’attestation

qui détermine la possibilité, pour le sujet, d’avoir prise sur son projet. Je suis capable parce que je me déclare ou parce que je suis déclaré comme tel. Ainsi, « la reconnaissance-attestation [procède de la]

possibilité pour un sujet de dire sa capacité à faire, « sa capabilité » et, par conséquent, sa responsabilité devant l’acte produit » (Jorro, 2013, 43). Dans le rapport à l’injonction au projet, la

capabilité ne peut en effet être considérée comme un substrat, mais bien comme un processus qui s’actualise dans un perpétuel recommencement. Ici, la dynamique des attestations nous invite à comprendre en quoi les niveaux institutionnels (les injonctions au projet) ne constituent pas seulement des cadres de l’action, mais également des produits. Dès lors, le sujet qui s’engage en formation justifie en quelque sorte le dispositif et produit en retour des formes d’attestation qui peuvent lui être nécessaires pour construire son identité professionnelle. Concrètement, lorsqu’un jeune met en avant la pertinence d’un dispositif comme E2C, pour lui-même et pour les autres, il génère des attestations vis-à-vis du dispositif qui, en retour, le valorisent.

On retrouve ici la question de la socialisation des sujets pris dans des dynamiques de reconnaissance. L'attestation relève bien d’un processus itératif et précaire de tentatives de conciliation entre « identité pour autrui » (identité sociale qui m’est attribuée) et « identité pour soi » (ce à quoi je m’identifie) ou entre « projet de soi pour soi » et « projet de soi pour autrui » (Dubar, 1991 ; Kaddouri, 2010). Ces mécanismes s’inscrivent dans une « lutte pour la reconnaissance » (Honneth, 2000) dont l’issue n’est jamais acquise. Il faut cependant tempérer le caractère muable de l’identité. Les dynamiques identitaires s’appuient en effet sur des socles, des supports, des étayages, qui n’impliquent pas le même type de dynamique d’attestation pour les sujets. Être cadre supérieur, installé dans l’emploi, reconnu par ses pairs, ou jeune sans expérience au démarrage de sa vie professionnelle, n’implique pas les mêmes mécanismes. Si l’on considère ces processus à l’aune de la subjectivation, il apparait que devenir sujet peut s’avérer une aventure vectrice d’émancipation ou source de perte de soi, suivant certaines déterminations sociales.

Troisièmement, il n’est pas de capabilité sans normativité, ou, pour être plus précis, sans

conflit de normativité. Considérer le rapport à l’injonction au projet sous l’angle de la capabilité fait

porter le risque d’une « approche « conciliatrice » étroite (…) avec tout ce qu'elle peut avoir de

potentiellement mortifère, d'entropique (volonté de fusionnel, d'osmose...) » (Peeters, Charlier, 1999,

21). Il n’existe pas d’ « environnement capacitant » en tant que tel. S’il le devient, c’est que le sujet le perçoit ou en développe un usage qui le fait advenir comme tel. En outre, il n’est pas possible qu’un quelconque environnement, capacitant ou non, contribue à éteindre ce qui relève du conflit de valeurs32. Dès lors, si sa conception se poursuit dans ses usages, comme le défend Astier (2012), c’est que des transactions entre conceptions du juste et du bien s’opèrent entre des dispositifs et des sujets. Dans cette optique, le sujet est vu comme « un être pensant, voulant, agissant, assumant la

responsabilité de ses choix, et capable de les justifier en s’appuyant sur sa propre vision des choses »

(Berlin, 1988, 179). Dans le rapport aux injonctions au projet, le sujet élabore des formes de

capabilités qui entrent en congruence ou en dissonance avec les exigences de projet. Par exemple,

dans un dispositif comme E2C, l’idée même de construire un projet professionnel peut générer un conflit de valeur, en tant que les activités menées en son nom ne correspondent pas à l’idée que le jeune se fait de sa propre insertion professionnelle.

32

Cette problématique est traitée dans le film Orange Mécanique (Kubrick, 1971), lorsque le personnage principal demande à ce que le dispositif de rééducation le transforme en homme bon. La réponse qui lui est donnée par le pasteur qui l’accompagne peut se résumer ainsi : si le dispositif réussit, alors c’est que sa capacité de juger du bien aura été réduite à néant. Cet échange, d’apparence anodine, évoque le paradoxe du dispositif qui, pour le bien d’autrui, peut devenir porteur d’un projet totalitaire.

Enfin, la capabilité se déploie dans l’expérience du sujet au travers de sa sensibilité. C’est parce qu’il est capable de sentir (et ressentir) dans son corps, ou au travers de ses affects et ses pensées qu’il met en œuvre des formes des capabilités qui lui sont singulières. Le sensible concerne tout autant les cinq sens (physiques) que la sensibilité émotionnelle et réflexive (comme par exemple la sensibilité politique). On retrouve ici la dynamique affective de l’homme capable chez Ricoeur, au travers de laquelle le sensible est à la fois un donné et un construit. Le sujet capable d’agir, de parler, de raconter et de s’imputer la responsabilité de ses actes, construit son identité narrative au travers des tensions entre « identité ipse » et « mêmeté » (Ricoeur, 1990). Ici, le sens construit à partir du sensible s’inscrit dans le travail de l’expérience et l’élaboration de sa trajectoire subjective. La sensibilité, c’est la dimension au travers de laquelle le sujet éprouve son engagement dans le monde et se confronte à l’épreuve de l’injonction au projet. Précisons ici que la sensibilité englobe l’intentionnalité mais ne s’y réduit pas. Engagé dans la situation, le sujet s’affronte au non-soi, à ce qui résiste, à la matière, à l’altérité, à l’imprévisible, à tout un ensemble d’éléments indéterminés. En ce sens, il s’agit moins ici de stratégie précédant l’action que d’une intentionnalité en train de se construire dans la situation et au travers des actes. En ce sens, « On décide une action, et c’est à

l’acte que l’on a affaire » (Mendel, 1998, 49) dans la manière dont le sujet déploie la capabilité.

En tant qu’outillage conceptuel, les quatre dimensions ici mentionnées seront mobilisées, dans l’analyse des données, en partant (ce n’est pas un jeu de mots) de la quatrième dimension : la sensibilité. Le rapport à l’injonction au projet s’actualise en effet dans l’expérience du sujet au travers de son « être dans le monde » (physiquement, émotionnellement, et de par son activité intellectuelle). A ce titre, c’est par sa sensibilité que l’on peut avoir accès à son rapport à l’épreuve que constitue l’injonction au projet. Concrètement, c’est au travers de l’activité discursive sollicitée par le biais d’entretiens de recherche que nous allons appréhender la sensibilité des sujets en situation de formation pour approcher les autres dimensions de la capabilité : potentialité (et donc possibilités d’usages perçues), attestation (et mécanismes de reconnaissance), normativité (et conflits de valeurs).

3.3) Une approche sur les capacités d’usage

Rappelons ici notre hypothèse, qui consiste à considérer l’engagement en formation comme sous-tendu par des formes de capabilités, c’est-à-dire par des formes d’élaborations (discursives,

cognitives, normatives) qui donnent à voir les possibilités d’action des sujets en situation de formation. Ces formes de capabilités éclairent ce qui se joue dans le rapport au dispositif, au travers

des usages potentiels des étayages institutionnels. Autrement dit, la notion de forme de capabilité permet d’approcher les possibilités d’usages des dispositifs de deuxième chance. Rappelons que les

formes de capabilités sont appréhendées ici suivant les quatre dimensions mises en évidence

précédemment, à savoir :

- La potentialité (au sens de possibilités conditionnelles) : les formes de capabilités se réfèrent au domaine du possible et non du réalisé33. En cela, « l’existence de perspectives d’avenir

aussi limitées soient elles en sont des éléments décisifs » (Zimmermann, 2011, 183) ;

- La normativité : le sujet construit, en situation, le sens de sa présence en formation et définit ce qui lui semble juste pour lui-même et pour autrui (Ricoeur, 1990) ;

- L’attestation : les possibilités d’usages dépendent de mécanismes de reconnaissance vis-à-vis desquels le sujet s’attribue et se voit attribuer une valeur, en tant que sujet capable (ou incapable) ;

- La sensibilité du sujet, vecteur par lequel la capabilité se déploie.

En outre, nous avançons que les formes de capabilités, qui sous-tendent les modes d’engagement en formation, caractérisent des formes particulières de rapports aux injonctions au projet. Nous parlons ici de formes de capabilités afin de ne pas préjuger d’une échelle normative de capabilités qui serait définie ante, dans une optique proche de celle de Kaddouri (2011, 71), qui consiste à tenter de « dépasser les jugements de valeurs qu’ils soient négatifs (…) ou positifs » ; il s’agit au contraire de s’appuyer sur la normativité construite par le sujet, en situation, en tant qu’il est capable d’analyser les possibilités d’action qui lui sont données à vivre. La question se centre alors sur la manière dont le sujet définit le juste au regard de ce qu’il perçoit devoir faire. Parler ici de

formes (de capabilités) invite à se dégager de l’écueil de la désirabilité sociale, dans la mesure où ces formes de capabilités peuvent tout aussi bien procéder de l’émancipation que de la désagrégation.

C’est pourquoi il est possible d’envisager cette notion sous son versant négatif, incapacitant34. En tant qu’elles révèlent des processus à l’œuvre dans le rapport aux injonctions au projet, les formes de capabilités peuvent être appréhendées comme donnant à voir un mouvement vers l’émancipation, ou au contraire vers la désagrégation de soi. Il s’agit alors de poser la focale sur le différentiel entre possibilités de menaces et possibilités d’ouverture (ou de fermeture) que le sujet perçoit en situation. L’environnement capacitant est saisi au travers d’une tendance posant les possibilités d’ouverture comme prépondérantes, tandis que l’environnement incapacitant est lié à la prégnance des possibilités de menaces (dans et en dehors du dispositif).

33 « S’il y a un sens du réel, il doit y avoir aussi un sens du possible » (Musil, 2004, 40).

34

Fernagu-Oudet (2016, 386) propose également le versant incapacitant à la notion d’ « environnement

capacitant » : « si les environnements peuvent être capacitants, ils peuvent aussi être incapacitants (au sens de travail ou d’apprentissage empêché), voire décapacitants (au sens de dégradation des conditions

Ainsi, l’approche des dynamiques normatives que nous esquissons ici, pose, de manière