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CHAPITRE 6 : PROFILS DES JEUNES : ANALYSE DES TRAJECTOIRES OBJECTIVES

3) Des différences par genre (et autres particularités)

L’échantillon constitué de dix-neuf femmes et vingt-et-un hommes est traversé par de très fortes disparités entre les sexes quant à la situation familiale et le niveau de diplôme. En effet, trois tendances peuvent être mises en avant :

- Parmi les treize personnes diplômées, il y a douze femmes et un seul homme ; - Sur les huit personnes en situation de responsabilité familiale, sept sont des femmes ;

- Le fait d’être soutenu familialement est équitablement réparti entre hommes et femmes (6 hommes et 6 femmes, même si, nous l’avons dit, il est plus présent pour les femmes détentrices du Bac).

Ces différents aspects signalent des lignes de ruptures entre les profils de notre échantillon. Les hommes sont en effet plus concernés par des parcours liés à des dispositifs d’insertion, les réseaux informels et parfois la délinquance tandis que les femmes sont plus souvent diplômées et sont (pour la moitié d’entre elles) sollicitées pour les activités domestiques. Trois autres caractéristiques du corpus peuvent ici être mises en avant : la durée des entretiens, le parcours professionnel et les particularités liées à la situation administrative de certains ressortissants (primo arrivants et demandeurs d’asile). D’une part, la durée des entretiens varie de douze minutes à plus d’une heure. Ce différentiel signale de capacités inégales selon les stagiaires à produire un discours sur leur engagement dans le dispositif. En comparant les entretiens par nombre de mots produits, nous pouvons établir deux constats : d’une part, les entretiens les plus longs concernent les jeunes qui parlent de leur parcours scolaire marqué par la réussite au Bac ou le chahut ; d’autre part, les plus courts concernent soit les hommes ayant connu un parcours caractérisé par des problèmes judiciaires et, selon leurs termes, de longues « périodes d’inactivité » (ent. 34 - Khalid), soit des femmes de niveau collège faisant part de difficultés dans leur vie, sans détailler en quoi elles consistent.

En outre, l’expérience professionnelle est relativement hétérogène et reste marquée par une forte expérience des stages (dans le cadre des contrats d’alternance, qu’ils aient ou non abouti à l’obtention d’une qualification). La recherche de travail constitue également une activité à part entière, rapportée comme telle chez tous les jeunes. Si trois jeunes seulement mentionnent un contrat de travail (type CDD), la moitié d’entre eux a connu le monde de l’entreprise par le biais d’un contrat en alternance (20 jeunes). Trois jeunes mentionnent des périodes de travail non déclaré et six autres des périodes conséquentes de chômage (de six mois à deux ans). Il apparait que cette expérience se dessine de manière totalement aléatoire ; on peut présumer qu’elle dépend essentiellement du hasard. L’expérience de la rue et de la survie est également mentionnée par quatre stagiaires. Sont notamment rapportées les expériences liées à la prise et à la vente de drogue. Deux d’entre eux ont été (ou sont encore partiellement) incarcérés.

Enfin, le statut de primo-arrivant (3 stagiaires) ou de demandeur d’asile (1 stagiaire) concerne quatre personnes. Nous avons déjà noté que la personne demandeur d’asile est titulaire d’un Bac. Nous pouvons ajouter que sa situation administrative la place dans une position de très forte incertitude (et de danger pour son intégrité physique et morale en cas de retour contraint au pays). Les trois jeunes primo-arrivants sont dans une situation beaucoup moins précaire, dans la mesure où ils bénéficient d’une prise en charge administrative beaucoup moins coercitive. La présence de ces publics au sein d’E2C est notamment liée à la disparition de certains dispositifs d’aide à l’insertion qui leur étaient réservés, avant les politiques de durcissement des conditions d’immigration en France (Bouquet, Jaeger, 2011).

Parcours formation Situation sociale & familiale Genre

13 diplômés :

5 Bac (dont 4 Bac pro) 8 CAP/BEP (dont 1 parcours SEGPA) 27 non diplômés : 1 SEGPA 5 dispositifs d’insertion (CLIS, DIMA…) 7 abandons de contrats en alternance 12 arrêts au collège 1 travailleur handicapé 1 interruption au lycée

15 jeunes soutenus par leurs parents (dont 2

primo arrivants, 2 handicapés, 1 demandeur d’asile)

12 jeunes non soutenus familialement (dont 1

primo arrivant)

10 jeunes en responsabilités familiales (dont 1

père, 3 mères, 4jeunes en charge de la fratrie, 2 jeunes en charge d’un parent)

3 jeunes contraints (2 en contrat FJT, 1 en

mandat judiciaire) 21 hommes (dont 3 diplômés) 19 femmes (dont 9 diplômées)

Tableau 2 - Caractéristiques des profils de l'échantillon

Synthèse du chapitre 6

Ce chapitre, consacré aux profils de l’échantillon, montre que les jeunes interviewés ici ne sont peut-être pas uniquement les moins qualifiés ou « les plus éloignés » de l’emploi, mais peuvent être diplômés dans des filières offrant les perspectives d’insertion les moins favorables. Ce point signale une certaine précarisation d’une part grandissante de la jeunesse, qui tente par tous les moyens d’accéder à l’offre de formation effectivement disponible. La période où a eu lieu ce recueil de données a également son importance (début de l’année 2014) : le public accueilli dans les E2C ne correspondait que partiellement aux publics les moins qualifiés, ce qui n’a plus été le cas à partir de 2015 et la mise en place de la « Garantie jeunes »53. Or, si les jeunes non diplômés rencontrent des difficultés pour accéder au marché du travail, ils se trouvent également confrontés à une forte sélection à l’entrée des formations (y compris pour l’entrée dans de dispositifs comme E2C). Outre le fait que notre échantillon comporte des diplômés, notons que le soutien familial, le genre et la place dans la famille, constituent également des lignes de différentiation franche entre les parcours.

53

« Le dispositif "Garantie jeunes" est piloté par le ministère de l’Emploi, via les missions locales. Il est destiné

aux jeunes de 18-25 ans pas ou peu diplômés, qui ne sont ni en cycle d’études, ni en formation et dont les ressources ne dépassent pas le plafond du Revenu de solidarité active (RSA) » (source : site du Gouvernement :

Chapitre 7 : Ce que s’engager veut dire :