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De tels projets, ça dure combien de temps ?

JOSEPH : Pour faire tout ce travail-là, il faut vingt ans. Dans un atelier que j’ai animé autour de la fontaine construite dans la cité, un papa est venu et il a dit qu’il fallait participer à cela pour que le gamin voie. Il était papa, il habitait la cité et ses gamins sont en danger. Donc ce n’est pas rien… Ce qui est marrant, c’est que c’est le seul objet dans le quartier qui n’est pas surveillé, qui est en terre cuite, qui n’est pas protégé et qui n’est pas abîmé. Et ça fonctionne avec un tout petit moteur, avec un panneau solaire… c’était un des tout premiers qu’il y avait dans la ville… tu penses bien, des gars qui piquent tout… On n’a jamais changé le panneau solaire.

CHARLES : Avec une population plus sensible, je pense qu’il faut compter, à tout casser, une année scolaire. Plus, tu as une érosion qui arrive. Idéalement… oui, j’en ai fait beaucoup sur

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une année scolaire… mais je préconiserais quelque chose sur une durée de 3 à 6 mois. Quelque chose de plus serré, de plus soutenu. Il y a une notion de rythme, aussi. Il faut un bon tempo et qu’ils sentent qu’on a fait ça en plus… Il faut remotiver et remotiver des gamins comme ça, parfois l’animateur doit trouver… « Est-ce qu’il y en a qui sont intéressés ? Moi, je vais voir une expo, mais cette expo elle est assez exceptionnelle, parce que… Et puis on ira manger une frite ». En général, pour la frite ils viennent mais quand ils voient… et ça, la cul- ture a un impact.

OCTAVE : Encore une fois, si je dois planifier les choses, au minimum… c’est toujours des trucs de trois ans. Trois saisons. A la manière dont on vit et dont on fonctionne, je dirais qu’il faut au moins trois saisons. La première est consacrée… mais ce n’est pas à couper au cou- teau… à l’écoute des demandes et des potentialités. Mais ça se fait avec l’artiste. Et au bout, il y a une présentation, une mise en valeur, mais qui n’est pas celle du cheminement complet. La deuxième année, on va mettre en œuvre les potentialités, on va faire un projet. Et le projet, moi, j’en fais depuis toutes des années, de toutes sortes, et quand je commence, je ne sais pas ce que je vais avoir à la fin de la rencontre.

JFG : Mais quand on dit qu’on veut avoir un résultat, c’est qu’à un moment donné on sent quand même le résultat ?

OCTAVE : Et bien, non. Justement. Il faut avoir confiance en sa capacité d’artiste et en la ca- pacité des artistes avec qui on travaille, et surtout avoir confiance dans la capacité des gens avec qui on va travailler. Si on a un objectif, si on sait où on veut aller, on va forcer les gens et là, on va voir les gens qui quittent, qui partent, qui s’égarent parce que ça ne sera plus com- ment eux ils le portent et ont envie de le faire cheminer. Et moi, j’ai fait cela avec des groupes importants, on part sur un mot, mais ça peut être le premier mot que quelqu’un dit… ça n’a aucune importance, ce ne sont jamais que des éléments qui vont accrocher l’imaginaire, qui vont accrocher l’expression, qui vont accrocher les échanges et c’est de ça… Maintenant en- core une fois, il y a des outils pour faire tout ça. On ne réunit pas pour faire un thème de tra- vail avec 70 enfants, on va faire, première chose, sur un mot ou un thème qu’ils ont choisi ou que quelqu’un a dit, on va faire de l’expression. Mais maintenant pas seulement de l’expression orale, on va avoir de l’expression écrite, dessinée ou sculptée, ou jouée, ou mi- mée… selon les disciplines que les artistes ont. Et on va raconter la signification que ce mot a dans la vie de tous les jours, ce qu’on entend les parents en dire, ce qu’on entend le maître à l’école en dire, ce qu’on entend dans les journaux, dans les revues,… Et puis on va alors créer des histoires. Chaque petit groupe va créer une histoire sur le mot. Le mot, ça peut être vingt pistes. Et donc chacune des histoires, on va les mettre ensemble et donc là à nouveau, on tra- vaille avec des ambassadeurs qui viennent de chaque groupe. Mais simplement pour dire qu’il y a des techniques qui permettent tout cela et que donc même sans savoir au début vers où on va, au bout de trois-quatre fois deux heures, on arrive à un produit qui était à l’époque… ça peut être une exposition de dessins mais ça a été une mini-édition, qui a permis d’aller racon- ter l’histoire à droite à gauche auprès d’un tas de gens qui finalement sont venus dans le pro- jet. Donc des projets, que j’ai trois personnes ou une, comme celle qui venait pour l’atelier d’écriture, ou que j’en ai huit ou j’en ai cent, peu importe moi je fais confiance aux cent, aux huit, à une… et je me dis qu’elle a des potentialités et que c’est à moi de travailler avec, à moi de partir de son imaginaire.

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YOANN : Il faut se donner le temps. Sauf évidemment pour le groupe. A un moment donné… il ne faut pas mettre la pression, c’est un juste milieu. Il faut à un moment mettre des échéances, refaire la dead line, sinon on serait encore là à refaire et à refaire les choses.