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Un apport théorique : distinguer attentes, besoins et demandes

Nos interlocuteurs ont évoqué trois notions distinctes pour désigner le type d’attention qui doit être accordée aux jeunes : leurs attentes ; leurs besoins ; leurs demandes.

Mettons au centre de notre réflexion les trois propositions suivantes.

1. L’attente est plus ou moins explicite, formulée avec plus ou moins de précision. Elle serait portée par un certain « désir ».

2. Le besoin s’identifie au départ d’une situation visée : par exemple, reprendre la ferme de mon père et stabiliser son exploitation.

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Considérons en outre, à la lumière de l’expérience de LST Andenne, que la demande minimale est de ne pas faire pire, de ne pas être plongé dans plus de fragilité.

IRÈNE : Or d’habitude, c’est ça qui se passe.

Enfin, se pourrait-il que des jeunes viennent sans aucune attente dans une Maison de Jeunes, dans un stage d’un Centre culturel ?

OCTAVE : Je n’y crois pas. Moi je pense qu’il y a le moment et la durée. Tu vas travailler avec des personnes handicapées. Le jour où elles auront compris… les animateurs qui travail- lent avec les personnes handicapées le disent bien… c’est le moment du saut qualitatif. A force de répétitions, hop, la personne handicapée a compris et elle devient capable de… Et eux, ils mettent le doigt dessus. Mais nous, on ne le fait pas, parce qu’on a des gens dits nor- maux, on ne travaille pas comme ça, ils sont tous censés au même âge faire à peu près les mêmes choses. Donc, on généralise. Justement, le travail à faire avec ces gens-là, c’est de se dire : « Il ne dit rien mais il regarde ».

JFG : Cela suppose qu’il soit là et qu’il se dise qu’il y a un intérêt à être là.

OCTAVE : Alors on en revient sur le problème de la bande et de la solidarité. Il faut que ces jeunes se sentent dans un climat où ils puissent créer une solidarité. Et je crois qu’elle existe, mais il faut pouvoir la trouver. Moi, j’aurais du mal, parce que vu mon âge… je n’arrive pas toujours à comprendre ce qui aujourd’hui va créer leur solidarité, surtout qu’aujourd’hui elle passe très fort par les médias sociaux et que moi, j’ai refusé d’entrer dedans, par choix person- nel. Et je me suis mis en marge.

Lors de la formation du 1er juin 2015, deux des participants ont évoqué un projet mené avec des

jeunes résidant dans la « Cité » de Habay-la-Neuve, et réussi. Ce récit ne figurait pas dans le docu- ment remis aux participants, mais il a permis de compléter et de préciser l’importante distinction entre attentes, besoins et demandes, et la nécessité de reconnaître les potentialités des jeunes. Le projet d’organiser une après-midi à la pêcherie de Fratin avec deux jeunes adolescents de la Cité sociale de Habay et avec un travailleur social de l’AMO Point Jeune a été présenté dès l’entame de notre réflexion. Et il est revenu en fin de journée, pour synthétiser de façon exemplaire (au double sens du terme…), nos réflexions autour des modalités de conception d’un projet.

1) Les jeunes adolescents avaient exprimé une demande : organiser une sortie « pêche ». 2) Cette demande renvoyait à un besoin éprouvé par ces jeunes : pouvoir pêcher « sans se faire

gauler », c’est-à-dire ne pas être embêté même si on n’a pas de permis, auquel s’ajoute un autre besoin : le plaisir de faire quelque chose tranquillement.

3) Ce besoin supposait une attente initiale : si ces jeunes pêchent, même sans permis, c’est parce qu’ils comptent se faire de l’argent de poche en revendant ces poissons (ce que nous pourrions traduire par une volonté d’autonomie financière, ce qui en soi est compréhensible et louable).

4) Les potentialités de ces jeunes adolescents : ils maîtrisent la technique de pêche, disposent du matériel adéquat, connaissent le type d’appât qu’il faut utiliser et le lieu où on peut s’en procurer, connaissent les règles du jeu et savent pertinemment qu’ils les enfreignent.

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5) La présence d’un adulte bienveillant et accompagnant : le travailleur social de l’AMO a en- tendu la demande des adolescents, y a répondu favorablement, à la condition qu’une source de financement soit trouvée (un défi a donc été posé). Le problème a été formulé de façon précise : il fallait trouver 14 euros par participant, soit 28 euros au total (deux participants, ce qui favorisait l’approche des singularités). Et en tant qu’adulte accompagnant, le travailleur social a « sorti de son sac », qui plus est au « bon » moment, l’élément manquant : la recette des cookies qui allaient être confectionnés et mis en vente. Et les cookies ont été faits et vendus…

A contrario, si la démarche était partie d’une suggestion des adultes : faire des cookies, les vendre et partir une journée à l’extérieur,… il n’est pas établi que le projet aurait abouti. Pour reprendre une expression discutée lors de cette formation, il ne faut pas « vouloir les emmener ailleurs », c’est-à-dire nier leurs demandes, leurs besoins, leurs attentes et leurs potentialités. Ce qui ne veut pas dire pour autant que ces demandes, besoins, attentes et po- tentialités ne sont pas travaillés, réfléchis, planifiés, etc.

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Chapitre 4