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Où la durée gestation est trop variable pour qu!on sache de quelle bête, biche ou bique il s!agit :

Dans le document Le cerf, le temps et l'espace mythiques (Page 196-200)

Pour distinguer la « bique » de la « biche », il ne suffit pas de préciser que l!une est sauvage : « la « bise salvage » serait la femelle du cerf ? La désignation vaudrait pour plusieurs autres espèces. Suffit-il de dire « « cerva major » ? Ou « bischa silvestris » ? Ou « hinula ? Ou « selena » ?

La chèvre domestique se reproduit jusqu!à deux fois l!an :

« [...] La brebis et la chèvre sont en gestation cinq mois ; c'est pourquoi dans certains pays chauds où le temps est doux et où elles ont une nourriture abondante, elles donnent naissance deux fois l'an. »576

« [...] Les brebis et les chèvres mettent au monde des jumeaux à cause de la richesse de la pâture et si le bélier ou le bouc est né jumeau ou encore la mère. Elles sont aussi génératrices de mâles ou génératrices de femelles à cause des eaux (car certaines eaux sont génératrices de mâles, et d'autres, de femelles) et aussi à cause des mâles. »; et si elles sont accouplées par vent du Nord, elles donnent de préférence naissance à des mâles, et par vent du Sud, de préférence à des femelles. »577

« Sur les moutons [et les chèvres] et le rôle fécondant des vents : ["] Mieux encore, les brebis [et les chèvres] savent également que Borée et Notos contribuent, non moins que les [mâles] qui les montent, à leurs efforts pour mettre bas. Elles savent également que Borée a tendance à donner des mâles et Notos des femelles. Et selon que la brebis [ou la chèvre] qui a été couverte désire l'une ou l'autre progéniture, elle se tourne face à l'un ou face à l'autre. ["] »578

« Théorie démocritéenne de l'influence du climat sur la parturition : Démocrite dit que les fausses couches sont plus fréquentes dans les régions méridionales que dans les régions septentrionales, et que cette situation est normale attendu que le corps des femelles gravides est amolli et distendu par le vent du sud;["] Ainsi donc, selon l'Abdéritain, par temps froid l'embryon se maintient, et par temps chaud il est généralement expulsé ; il ajoute que les veines et les parties générales ont nécessairement tendance à se distendre quand la chaleur devient extrême. »579

Les abris fournis par l!homme en échange du lait des mères et de la chair des chevreaux, procurent des conditions d!existence plus favorables au cheptel que ne le sont les conditions naturelles. Le but de la domestication est de favoriser la reproduction utile au berger, ce dont témoigne Elien qui insiste sur le rôle de l!éleveur lors du renversement saisonnier des vents :

« Les chèvres, quant à elles pour leurs couches, trouvent dans les vents, sans avoir à se démener, des serviteurs tout prêts qui viennent sans qu'on les appelle. Les bergers sont aussi très attentifs aux vents. Ainsi lorsque Notos souffle, ils font monter les chèvres par les boucs afin que leurs petits soient plutôt des femelles. »580

Quant aux abris sous la roche brûlante de soleil en été, on ne peut s!empêcher de faire le rapprochement avec l!Odyssée, car Polyphème enferme ses troupeaux chaque soir dans sa caverne (en hiver donc, puisqu!elles sont allées pâturer de jour). On songe alors au soleil se cachant en automne et plongeant de ce fait le monde dans l!obscurité. Pour que le soleil réapparaisse, on le fait sortir en se grimant et en faisant mille diableries qui ressemblent au « cervulum facere » romain et aux Roïtschägättä contemporains. En vertu cette comparaison, Ulysse est « grimé » en bélier quand il s!accroche à leur toison pour échapper à la vengeance de Polyphème.

Le bouc sauvage est en rut en été, car l!oestrus de la chèvre aegagre survient avant la « dormance » estivale de la végétation :

« [La chèvre aegagre] est active jour et nuit d'octobre à mai ; de juin à septembre, ne se déplace pas pendant la journée en raison de la chaleur. »581

« Au temps du rut, en juin, [les boucs] poursuivent leurs rivaux, le choc des cornes s'entend de loin et il n'est pas rare qu'un des adversaires, ou les deux, se dérochent. En novembre, moment où la nourriture est la plus abondante,

après la sécheresse de l'été, la chèvre [aegagre des Sporades] met bas un, rarement deux cabris, dans une caverne inaccessible à l'homme. »582

« Des chèvres domestiques retournées à l'état sauvage ont laissé quelques bâtards ressemblant aux chèvres [aegagres des Sporades]. »583

« Les chèvres qui naissent sur le Mimas ne boivent pas pendant six mois et se contentent de regarder la mer et d'absorber les bises qui en viennent. »584

« Les chèvres de Céphallénie ne boivent pas pendant six mois de l'année. »585

Le bouc sauvage est en rut en hiver (la chèvre aegagre s!accouple alors après la « dormance estivale ») :

« Reproduction : rut d'octobre à décembre, ["] généralement après les premières pluies d'automne. Naissances avril-mai. Gestation 142-153 jours. Une portée annuelle de 1-2 chevreaux. »586

« [La chèvre ægagre est] diurne en hiver, pratiquement nocturne en été pendant les grandes chaleurs. ["] Les mâles vivent à l'écart, sauf pour la période du rut en automne. [La femelle met bas] 1 à 2 jeunes en avril-mai. »587

« ["] Les chèvres [aegagres] de Crète vivent en nombre appréciable en quelques localités de l'île ["] Le rut est en novembre, la mise bas au début de mai. »588

Le bouquetin se reproduit pendant la dormance hivernale :

« Les [bouquetins] mâles adultes ne se joignent aux femelles que pour le rut. ["] Reproduction : rut en décembre-janvier. Naissances fin mai ou en juin. ["] Gestation 21-23 semaines. Une portée annuelle d!un petit (rarement 2). »589

« [Les bouquetins vivent en] groupes de femelles et de jeunes. Les mâles souvent plus faut en altitude, ne les rejoignent que lors du rut en décembre-janvier. ["] [La femelle met bas] un jeune en mai-juin. »590

(546) : « Le rut a lieu en décembre et en janvier ["] Dans les derniers jours de mai ou en juin, la femelle met bas un petit, très rarement deux. »591

La physionomie de la femelle (ou étagne) est très différente [de celle du bouquetin mâle]. Beaucoup plus petite, ne dépassant pas 50 kg, elle a une longue figure et des cornes de chèvre, dépassant rarement 25 cm, sans bosses, avec de simples rides transversales. »592

Le mot « étagne », signalé par Eugène Rolland (1906), avait été relevé dès 1789 par les taxonomistes.

Le chevreuil est en rut avant la « dormance » hivernale :

« Le rut a lieu fin juillet et en août, même septembre, mais les embryons, après quelques divisions, restent stationnaires jusqu'en novembre, pour se développer normalement ensuite ["] et voir le jour en avril, plutôt mai, et juin. Exceptionnellement d'ailleurs, il peut naître des petits chevreuils dans tous les mois de l'année. »593

Mais on trouve une assertion complémentaire, chez des naturalistes mieux au fait de la biologie de la reproduction :

« Reproduction : ["] le seul Artiodactyle chez lequel il y a implantation différée de l'embryon. Mâles polygynes. Rut en juillet-août. Rut secondaire en octobre-décembre (un petit nombre de femelles fécondées durant cette période ; dans ce cas la gestation est directe). La période d'implantation différée dure c. 150 jours (jusqu'en décembre) et la gestation proprement dite c. 144 jours. Une portée annuelle : jumeaux 75% ; 1 faon, 20%, 3 faons 5%, mais cela dépend beaucoup du milieu. »594

La comparaison entre les faits rapportés par les différents naturalistes aboutit à une conclusion paradoxale : il existe des « cabris d!été » -qui naissent à l!état sauvage,

sauf chez les chèvres aegagres des îles Sporades- et des « cabris d!hiver » qui naissent dans les bergeries, les bories ou les grottes des îles Sporades. Est-ce en fonction des climats ? Apparemment oui, selon Aristote. Ceci conduit directement aux thèmes mythiques : allons d!abord en direction du Nord, avec Hérodote, puis en direction du Couchant, avec Isidore de Séville et Geoffroy de Monmouth :

« Les Scythes qui s'y rendent ont besoin de sept interprètes, en sept langues différentes, pour traiter leurs affaires. Si jusque là le pays nous est bien connu, personne ne sait exactement ce qu'il y a plus loin [...]. Les Argippéens prétendent -mais je n'en crois rien- que des hommes aux pieds de chèvres habitent ces montagnes et que, plus loin encore, on trouve des hommes qui dorment 6 mois de l'année. »595

« Description des îles au delà des portes d'Hercule : les Gorgades sont des îles de l'océan visibles depuis un promontoire appelé cap d'Hespérion. Les habitantes de ces îles sont les femmes Gorgones à l'agilité d'oiseau et au corps rugueux et hirsute. Ces femmes ont donné leur nom aux îles. Ces dernières sont à deux jours de mer du continent. »596

« Description des îles au delà des portes d'Hercule : Gorgadès est habitée par des femmes au corps de bouc qui, à ce que l'on rapporte, surpassent par leur célérité les lièvres à la course. »597

On aura reconnu Atalante et les Hespérides au Couchant, et les Argonautes et la Colchide, au Levant. Atalante, vierge à l!instar d!Artémis, n!a voulu pour époux que celui capable de la vaincre à la course. Selon les versions du mythe, elle aura ainsi gagné la course et fait tuer deux centaures, sinon perdu du temps à ramasser les pommes d!or et perdu la course.

Les biches portent-elles neuf mois ?

Les théonymes « Bovinda », « Damona », (Carvonia ou Cervera, comme patronyme), « Stanna » (Cabrera, comme patronyme, ou Capella comme nom d!étoile), laissent entendre que les entités gynémorphes se manifestent sous des apparences animales. Qu!en est de leur nuptialité, de leur grossesse et de leur lactation ? Nous ne nous intéressons qu!aux « vaches », « biches » ou « chèvres » mythiques, c!est à dire aux théonymes équivalents à ces zoonymes. Une entité gynémorphe censée épouser ou s!accoupler avec un cornard à bois de cerfs, aura une double inscription calendaire. Une occurrence équinoxiale pour la hiérogamie accouplement et/ou la perte de sa virginité, et une occurrence solsticiale pour la parturition, le genre du nouveau-né, la lactation et la succession des générations. L!ambiguïté vient de ce qu!on assimile les dates de hiérogamies, à la durée de gestation des êtres dont l!entité divine est censée prendre l!apparence. En passant des apparences animales à l!apparence humaine, la cohérence narrative nécessite l!accord des dates d!accouplement et/ou de durée de la gestation dans les deux genres taxonomiques. Comme les biches sont en #strus à une date précise, non asservie aux conditions anthropiques, il en découle que les femmes sont censées accoucher en été, dans la « nature des choses » ou « selon un ordre de la nature » $ Autrement dit, les deux proverbes suivants ne peuvent être compris l!un sans l!autre. Le premier relatif donne les indications relatives aux dates d!#strus du bétail domestique, le second, celles des parturitions :

« B#uf d'automne, cheval de printemps ».598

« ["] Mai pour les b#ufs, juin pour nous. »599

Les biches ne portent que huit mois selon Aristote : le signifié mythique s!évacuerait si on s!en tenait aux textes des naturalistes :

« Les biches portent huit mois et quelques jours ; elles ne produisent ordinairement qu!un faon, et très-rarement deux ; elles mettent bas au mois de mai et au commencement de juin, elles ont grand soin de dérober leur faon à la poursuite des chiens, elles se présentent et se font chasser elles-mêmes pour les éloigner, après quoi elles viennent le rejoindre. Toutes les biches ne sont pas fécondes ; il y en a qu!on appelle brehaignes, qui ne portent jamais ; ces biches sont plus grosses et prennent beaucoup plus de venaison que les autres, aussi sont-elles les premières en chaleur. »600

« ["] La durée de gestation des biches s!étend sur une moyenne de 240 jours (236 moyenne exacte) avec des extrêmes de 220 et 270 jours. »601

« Il y a 243 jours entre le 1er octobre et le 31 mai de l!année suivante, si nous admettons la moyenne de 240 jours ["] cela situe effectivement les fécondations entre le 20 septembre et le 5 octobre.»602

« Le brame se calque sur la période écologiquement la plus favorables aux naissances en fonction de la latitude, de la température et de la meilleure pousse de l!herbe. »603

Qu!on assigne aux biches une date de parturition n!est pas de notre propos sauf si elle sert à déterminer la date, fixe, de l!accouchement des dames aux fontaines. A travers la relation entre les genres masculin et féminin est contée la distinction entre les genres animaux et le genre humain. L!anthropocentrisme fait du déni d!une saison de reproduction dans le genre humain, l!équivalent d!un caractère essentiel comme si les animaux relevaient de la nature et que le genre humain n!en relevait pas. Il y a plusieurs façons d!aborder ce sujet : Aristote prétend que les hommes désirent l!accouplement en hiver et les femmes, en été. Hell propose d!y voir une fièvre masculine automnale, quand les chasseurs parlent plutôt du « symbolisme sexuel des femmes » et de leur « homologue [chez les] cervidés ». Reinberg s!en tient au fait que la pulsion sexuelle masculine passe par un maximum en automne. Sa découverte a pour conséquence indirecte de faire de la concomitance du rut des cerfs et de la pulsion sexuelle saisonnière des hommes, la cause des racontars de chasse. Il devient alors possible de les interpréter sans tomber dans le travers de l!écriture complaisante de la « nature » masculine que Pelosse reproche au récit « ethnologique » de son collègue alsacien.

La parturition des biches au chant du coucou :

La croyance selon laquelle le premier chant du coucou est concomitant de la délivrance des biches, est encore d!actualité. Pour Gaston Phébus et Jacques du Fouilloux, les choses sont moins claires : la biche porte huit ou neuf mois, selon son âge et la nourriture dont elle dispose. Certains veneurs français, par contagion probable avec les traditions équestres, prétendent que les dates de mise bas des biches les plus précoces sont la saint Georges (le 23 avril). Cette croyance accorde les dates du rut équinoxial avec une durée de gestation de huit mois, tandis que les mises-bas plus tardives s!observeraient à la saint Jean, ce qui correspond à une durée de gestation de neuf mois. Voyons rapidement ce qu!il en est des premiers et des derniers chants du coucou :

A la mi-mars, le coucou est dans l'épinard. » [le prunellier ou épine noire] Entre mars et avril, on sait si le coucou meurt ou vit.

A la saint Benoît, le coucou chante au bon endroit ou il est mort de froid. [le 21 mars]

A la saint Benoît, le coucou chante, il en a droit, ou il est mort de froid. 604

Quelques dictons sont plus pessimistes : il faut attendre six à sept semaines après la saint Mathias (le 24 février), voire Pâques $

Dans le document Le cerf, le temps et l'espace mythiques (Page 196-200)