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PARTIE II LE LIVRE NUMÉRIQUE ET L’ÉCOSYSTÈME DU LIVRE AU QUÉBEC

2. Politiques et législations

2.4 Droits d’auteurs et propriété intellectuelle

Le piratage, et plus largement la circulation de livres numériques de manière illégale, constitue un problème nécessitant une intervention pour plusieurs États. Ainsi, au printemps 2010, suivant le Digital Britain Report de 2009, le Parlement du Royaume-Uni mettait sur pied le Digital Economy Act (c.24)

(DEA) qui propose de nouvelles lois ainsi que des amendements afin d’encadrer les médias numériques. Devenu effectif en juin 2010, il vise notamment à prévenir les infractions concernant les droits d’auteur, comme l’échange illégal de fichiers circulant sur Internet (musique, vidéos, logiciels,

livres numériques, etc.). Dans son article The Digital Economy Act Explained, Anthony Dhanendran rappelle brièvement comment le DEA 2010 sera mis en application :

Copyright holders (companies that own the copyright to works that are being shared) will be able to report a suspected copyright infringer to the suspect’s ISP [Internet service provider]. The ISP then has to notify its customers. Companies can also request a list, from the ISP, of people who are believed to have shared copyright files.

Le rapport Digital Opportunity. A Review of Intellectual Property and Growth, une commande du Premier ministre anglais en novembre 2010, réalisé par Ian Hargreaves (chercheur indépendant) et déposé en mai 2011, avait pour objectif de vérifier s’il était nécessaire de réviser le cadre de la loi concernant la propriété intellectuelle. Hargreaves y indique quelques préoccupations concernant les droits d’auteur dans différents domaines culturels, dont celui de l’édition. La question du piratage est notamment évoquée. Faisant suite au rapport de Hargreaves, le gouvernement anglais a produit un document de consultation intitulé Consultation on Copyright destiné à recueillir les opinions concernant les droits d’auteur à l’ère du numérique.

En août 2012, le gouvernement australien diffusait un document intitulé Copyright and the Digital Economy. Issues paper dans lequel il invitait également le public à émettre des propositions. Dans son rapport, le Book Industry Strategy Group demande au gouvernement de se pencher sur la question des droits d’auteur dans le contexte numérique, et que celle-ci soit prise en considération par la commission en charge de la réforme législative, l’Australian Law Reform Commission (ALRC). La 9ème recommandation du BISG, Digital Copyright Protection, va comme suit (rapport du BISG, recommandation 9, p. 4 et le détail, p. 67-68) :

That, as copyright is fundamental to the viability of the book industry:

[I]ssues relating to digital books form part of the Australian Law Reform Commission’s upcoming review of digital copyright.

[T]he Australian Law Reform Commission consult directly with the book industry through its author and publishing associations.

Comme le rapporte le bilan du BISG (p. 68), des amendements avaient déjà été effectués en ce sens afin d’adapter les droits d’auteur australiens aux nouvelles technologies, notamment le Copyright Amendment (Digital Agenda) 2000 ainsi que le Copyright Amendment Act 2006.

La question des droits d’auteur est problématique en Espagne, mais sur un plan différent, non lié au piratage. Dans un rapport portant sur l’avenir du livre numérique en Espagne réalisé par le Groupe de travail sur le livre électronique et intitulé El Libro Electrónico, Marta Garcia León présente le fonctionnement actuel de la négociation entre auteurs et éditeurs. Or, en citant l’article 43 de la loi sur la propriété intellectuelle, elle souligne que les droits cédés et les modalités d’exploitation ne doivent pas excéder ce qui est expressément prévu au moment de la signature. Dans l’article « Aspectos legales sobre el libro electrónico en México y España », Juan Miguel Sanchez Vigil, Juan Carlos Marcos Recio, Ricardo Villegas Tovar et María Olivera Zaldua vont dans le même sens en notant que l’absence de la mention du livre numérique dans la loi de protection de la propriété intellectuelle en Espagne pousse les auteurs à devoir réaliser une seconde négociation avec leurs éditeurs en ce qui concerne les livres électroniques. L’Association Collégiale des Écrivains Espagnols (Asociación Colegial de Escritores de España, ACE) défend ainsi l’idée de séparer le numérique du papier en parlant de licence d’exploitation au lieu de contrat d’édition.

La question des DRM dans le livre numérique est posée en Espagne. Le groupe de travail portant sur le livre électronique de l’Observatoire de la lecture et du livre souligne que, si la loi sur la propriété intellectuelle comporte de nombreux articles confortant l’existence de DRM sur les fichiers numériques, il existe des problèmes au niveau des limitations dans l’usage pour les consommateurs et surtout pour les bibliothèques. Un article particulier (37.3) de la loi portant sur la propriété intellectuelle permet le contournement du fruit de la négociation pour l’autorisation de diffusion entre l’auteur et l’éditeur ; celui-ci est toutefois réservé à la consultation dans les établissements publics (incluant les bibliothèques). L’enjeu porte pour certains sur une extension de cet article afin d’englober les prêts en bibliothèque virtuelle.

Ces préoccupations dénotent une volonté, pour certains États, d’encadrer le marché du livre numérique et les pratiques qui s’y développent actuellement de façon non concertée. Il est ici intéressant de remarquer qu’il existe de grandes disparités selon les pays. L’Australie, dont le marché est largement constitué par des acteurs issus d’autres pays anglophones, ne présente pas de mesures et politiques spécifiques si ce n’est des recommandations contenues notamment dans le Final Report to Government

du Book Industry Strategy Group, groupe d’étude désigné pour évaluer les défis du livre numérique. Cela nous entraîne vers le point suivant, celui des mesures mises en place afin d’encourager le développement des marchés numériques.