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PARTIE II LE LIVRE NUMÉRIQUE ET L’ÉCOSYSTÈME DU LIVRE AU QUÉBEC

1. État des lieux

1.1 L’esprit de la Loi du livre appliqué au numérique

La plupart des bibliothécaires, quatre libraires, deux éditeurs, deux distributeurs et un écrivain jugent bon et important que les acteurs respectent l’esprit de la Loi du livre dans leurs pratiques actuelles concernant le livre numérique. Deux libraires souhaitent que ces pratiques soient rapidement intégrées à une loi ou une réglementation.

Un spécialiste et plusieurs intervenants du côté des clients institutionnels considèrent que les bibliothèques sont de « bons joueurs » en reproduisant le système de la Loi du livre sur le numérique (elles se procurent les ouvrages auprès de librairies de leurs territoires respectifs). Deux responsables de bibliothèques rapportent que les bibliothèques publiques voulaient au départ éviter de passer par les libraires pour le numérique. BAnQ et la SODEC auraient joué les médiateurs selon deux autres bibliothécaires. Les écrivains et un bibliothécaire notent que ce système « territorial » est étrange ou « factice » dans l’environnement numérique, sans proposer pour autant qu’il soit abandonné. Cette structuration n’est pas, pour un spécialiste, forcément définitive.

Un éditeur aurait préféré pouvoir vendre directement aux collectivités et aimerait qu’une loi le lui permette, reconnaissant cependant les avantages du système en place. Deux libraires observent des pratiques de vente directe se développer de la part d’éditeurs au sein de l’environnement numérique.

1.2 Pratiques actuelles des acteurs traditionnels

La question du prêt numérique en bibliothèque cristallise de nombreuses réflexions. Si elle se situe à l’extérieur du mandat de la Loi du livre, elle constitue cependant un enjeu majeur à traiter pour de nombreux intervenants rencontrés, et ce dans toute la chaîne du livre. Pour un spécialiste, la pression de certains élus municipaux, des utilisateurs et la question du prêt numérique font des bibliothèques des leaders « naturels » concernant le livre numérique. Un bibliothécaire note que BAnQ avait pour projet initial de prêter ses livres numériques à tous les Québécois mais qu’elle l’a revu, puisque cela risquait d’être mal accueilli par le milieu. Un bibliothécaire aurait défendu un projet de ce type, avec une grande bibliothèque numérique. Il souligne qu’il se développe des inégalités entre grandes et petites bibliothèques en lien avec le numérique. Un distributeur estime que le modèle actuel de prêt numérique

n’est favorable qu’aux bibliothèques. Un libraire, un distributeur et deux éditeurs voient les bibliothèques comme des concurrents de la chaîne classique de vente de livres en raison de la facilité des prêts numériques. Pour trois libraires, le prêt numérique possède un grand avenir. Le système actuel est cependant perfectible selon un autre libraire.

Un bibliothécaire et un spécialiste rapportent que des bibliothèques ne peuvent pas dépenser leur budget numérique faute d’une offre suffisante. La majorité des bibliothécaires soulignent que les usagers des bibliothèques ne comprennent pas qu’un titre numérique soit achetable mais non empruntable, comme c’est le cas pour les livres papier. Pour trois bibliothécaires, les éditeurs développent deux offres : grand public et bibliothèques, cette dernière étant plus restreinte en raison d’accords avec les auteurs et les distributeurs et de l’incertitude du modèle que prendra le prêt numérique.

Pour deux spécialistes, un bibliothécaire, un distributeur et la moitié des éditeurs, le travail des libraires est moins important dans le numérique. Parmi eux, trois éditeurs, un spécialiste et un distributeur estiment que leur part de remise, si elle devait être encadrée par une loi ou un règlement, devrait être moindre. Pour un libraire, le développement du prêt numérique en bibliothèque va assurer des revenus aux libraires puisque l’esprit de la Loi du livre est poursuivi.

Un éditeur note que les écrivains veulent une part plus importante sur le prix final de vente d’un livre numérique. Pour un spécialiste, il importe de mener une réflexion concernant la part qui reviendra aux auteurs, selon que l’on considèrera le numérique comme un dérivé du papier ou comme son équivalent.

L’environnement scolaire est également identifié comme un espace stratégique qui devrait être pris en compte dans une réflexion portant sur d’éventuels aspects législatifs du livre numérique. Un bibliothécaire estime ainsi que le numérique bénéficie, dans le milieu scolaire, de budgets importants d’achats matériels (tableaux intelligents, tablettes, etc.) et souligne dans le même temps l’absence d’encadrement légal concernant les pratiques de vente de contenus. Pour un autre bibliothécaire, cela entraîne l’apparition de pratiques non éthiques de la part de certains acteurs. Selon un spécialiste, le financement lié au respect des normes doit également être développé dans le secteur scolaire. Deux bibliothécaires considèrent que les commissions scolaires gèrent mal leurs allocations, dépensant trop en supports et insuffisamment en contenus.

Selon un spécialiste, une partie du profit qui va aux librairies et aux distributeurs devrait en réalité revenir aux auteurs, aux éditeurs ou être transformée en baisse du prix des livres.

L’importance prise par certaines entreprises privées dans le paysage numérique actuel est régulièrement souligné. Selon un libraire, Amazon et Apple obtiendraient de meilleures remises de la part des éditeurs, notamment français. Trois bibliothécaires notent cependant qu’Amazon ne constitue pas, en ce moment, un concurrent concernant le numérique, le marché québécois étant encore trop restreint. Un bibliothécaire souligne qu’Amazon étant à l’extérieur du Québec, il n’y a pas de possibilité d’achat pour les collectivités, ce qui est jugé positivement.

2. Avenir de l’écosystème du livre