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PARTIE II LE LIVRE NUMÉRIQUE ET L’ÉCOSYSTÈME DU LIVRE AU QUÉBEC

2. Avenir de l’écosystème du livre

Les intervenants sont mitigés concernant l’importance que va prendre le livre numérique. Deux bibliothécaires estiment que le marché numérique va s’ajouter au marché papier. Selon un libraire, un distributeur et trois bibliothécaires, le numérique se développera à moyen terme et il y aura deux supports qui vont cohabiter au sein du même marché. Pour un libraire, le numérique vient directement fragiliser les librairies et leurs ventes papier. Il y aura à terme, selon un éditeur et un bibliothécaire, équilibre entre papier et numérique. Pour un autre bibliothécaire, le numérique sera dominant d’ici 20 ans. Le numérique restera encore marginal dans un avenir proche, selon un libraire. Deux bibliothécaires envisagent de nouvelles clientèles spécifiques à l’ère du numérique. Un libraire estime que les générations plus habituées aux technologies numériques vont développer le marché. Pour un responsable de bibliothèque, seule une minorité va abandonner le papier pour le numérique. Le livre papier existera toujours selon les écrivains, notamment pour l’objet en tant que tel, et ne sera pas supplanté par le numérique. Pour un bibliothécaire, certains types de livres ne se prêtent pas au numérique, tandis qu’un autre considère que le numérique ne remplacera le papier que si la technologie des liseuses progresse davantage.

Selon un bibliothécaire, les livres de référence, les magazines et les périodiques sont les premiers types de publication qui passeront totalement au numérique. Un spécialiste ajoute les livres pratiques et les livres complexes. Pour un distributeur, l’essor du numérique va surtout concerner les best-sellers et les essais d’actualité. Le livre documentaire est davantage susceptible de disparaître selon un libraire, et ce pas uniquement en raison des livres numériques mais plutôt en lien avec l’accessibilité à l’information permise par le Web.

2.2 Le rôle des différents acteurs

Selon un distributeur, tous les acteurs doivent repenser leurs rôles et leurs façons de fonctionner. Il y aura, selon lui et un autre des distributeurs rencontré, des dynamiques de concentration chez les distributeurs et les éditeurs.

Un distributeur considère que son corps de métier a été le premier à voir arriver le numérique, et ce d’abord comme une menace. Ils s’y sont ensuite engagés comme agrégateurs. Les écrivains, un spécialiste, un éditeur, un distributeur et deux bibliothécaires considèrent incidemment que les distributeurs vont se tourner vers le travail d’agrégateur. Pour un responsable de bibliothèque, les distributeurs cherchent à se préserver une place sans nécessairement montrer la valeur de leur apport dans l’univers du numérique. Pour un libraire, ce nouveau rôle n’est pas indispensable, les distributeurs étant « contournables ». Un distributeur voit sa profession se porter vers des collaborations serrées avec les éditeurs pour accompagner le nouvel environnement numérique. Les distributeurs devraient notamment s’occuper de l’organisation des normes, protocoles et métadonnées, selon l’un deux. Deux libraires et un distributeur soulignent les rôles de facturation et deux éditeurs, les écrivains, un distributeur et un libraire insistent sur la fonction de promotion/diffusion. Un éditeur soutient que les activités de distribution vont devenir obsolètes, les distributeurs n’ayant pas su bien prendre le virage numérique. Pour un libraire, ce sont les distributeurs qui doivent, pour le livre numérique, être les garants de l’inventaire.

Un libraire, un éditeur et un distributeur notent que certains éditeurs ont tenté la vente directe. Pour le distributeur, l’excédent de gestion nécessaire les a dissuadés. Un éditeur soutient que la vente directe des éditeurs dépendra de la force des réseaux de librairies à assurer une présence sur le territoire. Un libraire s’oppose à la vente directe des éditeurs. Pour les auteurs, certains éditeurs devront se spécialiser dans le cadre du livre numérique.

Un spécialiste défend l’idée que les bibliothèques intègrent à terme des modalités d’achat de livres (numérique et papier) sur leurs plateformes. Un bibliothécaire propose l’idée d’une mutualisation des achats numériques par les bibliothèques mais note que les éditeurs s’y opposent, voyant là un manque à gagner.

Pour un bibliothécaire, le libraire pourrait devenir le garant des contrats de prêts accompagnant la vente d’un livre numérique à une bibliothèque. Selon deux libraires, un éditeur et un spécialiste, l’avenir des librairies passe par le développement de leurs expertises et conseils. Un spécialiste ajoute au mandat nécessaire des librairies dans le contexte numérique un rôle de promotion active du livre. Un bibliothécaire propose la possibilité légale, pour les libraires, de mutualiser leurs fonds numériques afin d’offrir davantage de titres.

Les auteurs, selon un distributeur, vont devoir réapprendre à négocier leurs contrats. Les écrivains, un distributeur et un éditeur pensent qu’une partie des auteurs va se tourner vers l’autoédition. Un libraire aide déjà des auteurs spécialisés à autoéditer leur travail et les distribue, voyant là une extension de son service de libraire.

2.3 Question du prix

Il n’y a pas de consensus se dégageant concernant ce qui serait le « bon » prix pour un livre numérique. Un des distributeurs rencontré note que les stratégies de prix sont capitales pour le développement du marché. Pour deux bibliothécaires, les prix des livres numériques sont trop élevés. Un de leurs collègues estime de son côté que les prix numériques doivent être les mêmes que les prix papier. Deux éditeurs situent le prix du numérique à 75 % du prix papier tandis qu’un autre considère que la population s’attend à des prix moitié moindres que ceux du papier. Un distributeur estime que « brader » les prix sur le numérique est une mauvaise idée.

En ce qui concerne la redistribution du prix de vente à l’ensemble de la chaîne, on relève des réflexions contradictoires. Ainsi, un bibliothécaire estime qu’il est inadmissible d’envisager une redevance pour l’éditeur sur les prêts numériques. Un distributeur voudrait une redevance de ce type pour les éditeurs et auteurs lorsque les prêts atteignent un certain niveau. Pour un bibliothécaire, trois éditeurs, un auteur et deux distributeurs, il importe de conserver le système des remises au sein du numérique mais de réviser les parts selon les coûts. Il faut veiller, selon un éditeur, à toujours bien rémunérer les auteurs. Un distributeur pense qu’il faut surtout harmoniser les remises, tandis qu’un libraire et un éditeur croient qu’il est nécessaire de conserver les remises papier dans l’univers numérique.

La quasi-totalité des libraires, des éditeurs ainsi qu’un spécialiste et un éditeur sont favorables à un prix réglementé, et donc inscrit dans une loi, pour le livre numérique. Un éditeur voudrait des règles différentes pour le prix réglementé numérique, tandis qu’un de ses concurrents se dit non convaincu par le système. Un libraire se questionne, en sus, concernant la taxation du livre numérique, ce qui rejoint les réflexions de deux éditeurs qui souhaiteraient une harmonisation des taxes entre les livres papier et numérique.

2.4 Accessibilité et piratage

Deux bibliothécaires voudraient pouvoir fournir à leurs usagers des titres numériques non accessibles au Canada mais disponibles en ligne dans d’autres pays. Pour l’un deux, il faut pour cela permettre des ententes entre éditeurs français et pretnumerique.ca.

Il importe, selon un libraire, de développer des solutions techniques (adresse IP, localisation de cartes de crédit) afin de s’assurer que les achats institutionnels numériques soient réalisés dans des librairies locales. Pour un bibliothécaire, les librairies virtuelles pourraient aider les territoires dépourvus de librairies physiques.

Le piratage est une préoccupation importante pour le milieu du livre. Ainsi, un libraire évoque la facilité avec laquelle il peut se procurer une copie numérique d’un livre sans avoir à payer par Internet.

Deux bibliothécaires considèrent que la peur du piratage explique les blocages que font certains auteurs et éditeurs. Pour deux spécialistes, un éditeur et deux bibliothécaires, les freins à l’accessibilité font précisément accroître le piratage. Le prêt numérique bien développé va, selon un des spécialistes rencontré, limiter le piratage.

Un des bibliothécaires rencontré est favorable à un travail effectué auprès des fournisseurs d’accès à Internet, et ce, afin d’obtenir leur collaboration.

2.5 Subventions

La question des subventions à l’achat est abordée par la majorité des acteurs comme faisant partie de la réflexion concernant le soutien au développement du livre numérique.

Il faudrait, selon un bibliothécaire et un distributeur, des aides pour le numérique (monétaires et/ou structurelles) à chaque maillon de la filière du livre. Un bibliothécaire propose une aide en lien avec le pourcentage de fonds numérisé par les éditeurs. Toute législation concernant le livre numérique devrait, selon un éditeur, s’accompagner de moyens pour la faire respecter.

3. Nouvelles pratiques