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PARTIE II LE LIVRE NUMÉRIQUE ET L’ÉCOSYSTÈME DU LIVRE AU QUÉBEC

4. Distribution-diffusion

Les enjeux associés à la distribution ainsi qu’à la diffusion du livre numérique sont importants. Nous abordons tour à tour les nouvelles modalités de diffusion, des initiatives émanant de librairies indépendantes, le prêt aux particuliers ainsi que les dynamiques partenariales.

4.1 Nouvelles modalités de diffusion

L’arrivée de systèmes de vente et de distribution de livres en ligne a mené à un entrecroisement des fonctions d’éditeur, de distributeur et de détaillant. En France, nombreuses sont les plateformes en ligne qui s’adressent à des bibliothèques ou à des particuliers. Numilog, autrefois propriété de Hachette et appartenant aujourd’hui à Denis Zwirn (son fondateur), est le leader dans la distribution et la diffusion de livres numériques en France. Il est principalement en opération dans les librairies indépendantes ainsi que dans les bibliothèques. Au début de 2013, Numilog s’associait avec Booken, un fabriquant français de liseuses. Immateriel.fr est un autre distributeur de livres français qui a pour particularité d’être un « […] Apple-approved aggregator officiel pour la diffusion d’ouvrages numériques sur les 50 iBookstores d’Apple […]. » Il collabore avec plus de 400 éditeurs afin d’offrir aux usagers une sélection de titres. Immatériel.fr est également concepteur de bibliothèques numériques. Yoobox, de son côté, offre l’accès gratuit et illimité à une variété de livres numériques, consultables à partir d’un iPad ou d’un ordinateur. L’utilisateur n’est contraint à aucun engagement.

Le rapport Future of Publishing, un projet soutenu en partie par NESTA, fait état de propositions de modèles d’affaires de distribution de livres numériques. Trois d’entre eux peuvent être identifiés. Freemium : l’utilisateur a droit à du contenu de base ou à un certain niveau de fonctionnalités, mais doit payer pour du contenu ou des fonctions additionnels. In-app purchases : un modèle qui fonctionne bien dans le domaine des jeux vidéo. Il fait aussi appel au modèle freemium et consiste en la fragmentation des contenus. Par exemple, pour des séries fictives, un éditeur peut rendre disponible gratuitement le premier chapitre d’un livre mais faire payer, pour 99 pences [environ 2,50 $], les chapitres suivants. Subscription models : des modèles qui intéressent particulièrement les éditeurs et distributeurs. Le service Prime d’Amazon en est un exemple. L’éditeur Angry Robot Books, qui vend ses livres via Amazon, Apple et sa propre plateforme, offre aux lecteurs une inscription d’une durée de 12 mois qui comprend 24 des titres qu’il prévoit publier sur cette période pour les 2/3 du prix.

Plusieurs distributeurs en ligne ont quant à eux développé des plateformes pour des clientèles très ciblées. C’est le cas de Cyberlibris, une initiative existant depuis 2001 et proposant différentes bibliothèques. Basée sur une collaboration avec les éditeurs de livres, elle consiste plus particulièrement en des plateformes de lecture en ligne de livres numérisés. Les livres sont ensuite mis à la disposition de différentes clientèles (familles, bibliothèques, milieux académiques) sous la forme d’un abonnement. Les différents services de Cyberlibris comprennent notamment Bibliovox (la plateforme de livres numériques des bibliothèques municipales et départementales), Smartlibris (une bibliothèque numérique visant les familles), e-Biblio Couperin (qui se présente comme la bibliothèque numérique de l’université française), etc.

De nombreuses initiatives de plateformes de distribution de livres numériques ont émergé en Australie, s’adressant d’ailleurs à d’autres acteurs de la chaîne du livre. Parmi celles-ci, on compte par exemple booki.sh, acquise par Overdrive en mars 2012, et qui est le premier ebookstore australien. Il constitue une plateforme de lecture de livres numériques que le lecteur doit acheter et dont les titres sont téléchargeables ou stockés dans le cloud ; plusieurs détaillants l’ont incidemment adopté.

4.2 Initiatives issues des librairies indépendantes

Le cas de 1001libraires.com est cependant révélateur de la vulnérabilité des librairies indépendantes au sein du marché du numérique. Le 4 avril 2011, « Douze ans après sa préfiguration dans des discussions entre libraires français » et « Onze ans après l’arrivée d’Amazon en France », comme la rappelle un article de Libération (5 avril 2011), le portail des librairies indépendantes voyait le jour, non sans difficultés. L’objectif premier du site, en partie financé par le Centre national du livre, était de permettre aux librairies indépendantes de se pourvoir d’un service de vente de livres numériques et physiques en ligne et de prolonger leur service de libraire sur le Web, devenant ainsi, si l’on peut dire, distributeurs-diffuseurs. Plus concrètement, la mission initiale du portail se déclinait comme suit :

Donner la priorité au passage dans la librairie, sans perdre les ventes en ligne potentielles.

Permettre de répondre aux demandes et besoins des clients habituels du libraire, et se faire connaître auprès de ceux qui privilégient Internet et le numérique.

Fournir des moyens simples, souples et peu coûteux pour mettre en place son site Internet personnalisé.

Fournir les moyens d’administration, de maintenance et de logistique performants associés (logistique mutualisée de 60 000 références).

Permettre au libraire de remplir son rôle de « passeur » dans la vente de contenus numériques. Fournir un service réservé aux clients collectivités pour l’envoi et le suivi de leurs commandes. Accompagner les libraires adhérents dans leur démarche d’extension de la librairie sur Internet.

Pour cela, le site propose notamment aux librairies indépendantes les services suivants :

I – La géolocalisation et la réservation d’ouvrages :

Que le libraire indépendant dispose ou non d’un site internet il peut bénéficier de la géolocalisation et de la réservation en ligne proposée par 1001libraires.com. […]

II – L’affiliation :

La librairie qui dispose d’un site d’échange introduit un lien qui renvoie sur 1001libraires.com lorsqu’un internaute souhaite acheter l’ouvrage qui l’intéresse. Si la vente est réalisée par 1001libraires.com, l’initiateur du contact percevra une commission.

III – La fourniture d’un site à la librairie :

PL2i, société qui gère 1001libraires.com, fournit un site Internet au Libraire.

Le portail 1001libraires.com s’est toutefois rapidement avéré un échec. De nombreuses dettes, notamment, ont mené à sa fermeture complète en mai 2012. Certains pointent le manque de convivialité du site, ou un créneau déjà fort occupé par la FNAC et Amazon. Le président Matthieu de Montchalin a toutefois évoqué une réouverture, dans d’autres conditions.

Small Press Digital Distribution Network constitue quant à lui une plateforme de distribution de livres numériques issue d’une alliance entre The Small Press Network (SPUNC), une organisation qui représente les petits éditeurs australiens indépendants (et qui a participé au lancement de booki.sh), et InfoGrid Pacific, qui se spécialise dans les outils numériques de publication. Il permet aux membres de SPUNC l’accès à un réseau international de vente (avec notamment des joueurs comme Kobo, Amazon, Google et Overdrive).

4.3 Le prêt direct aux particuliers

La question du prêt de livres numériques est centrale dans le développement de la stratégie numérique des bibliothèques. La diffusion via le prêt n’est cependant pas exclusive à celles-ci, des initiatives privées se multipliant pour cette diffusion alternative du livre. Par exemple, le 11 octobre 2012, Amazon lançait un prêt de livres numériques en France appelé la Bibliothèque de prêt Kindle. Cette bibliothèque permet aux propriétaires des différentes liseuses Kindle d’accéder à un éventail de plus de

200 000 livres (la plupart étant des auto-publications), dont 4 000 en français. Un article d’IDBOOX émet toutefois un bémol à ce sujet : « Si 4 000 ouvrages en français sont proposés on peut supposer que la majeure partie des éditeurs français n’ont pas encore accepté que leurs livres numériques soient proposés au prêt. »

En novembre 2012 Amazon a lancé au Royaume-Uni la Kindle Owners’ Lending Library. Les livres offerts dans la sélection proviennent d’auteurs de best-sellers et d’auteurs bénéficiant du service de publication-maison d’Amazon. En décembre 2012, cette initiative a été concurrencée par celle de Bilbary plateforme qui a pour particularité d'offrir vente ou prêt de livre numérique.

Comme en France et au Royaume-Uni, Amazon lançait en Allemagne le prêt de livres numériques (Amazon Kindle Owner’s Lending Library) en octobre 2012. Skoobe (ebooks à l’envers…), quant à elle, est une plateforme de prêt numérique (aucune vente de livres) créée par une entreprise de Munich. Elle permet, depuis mars 2012, d’emprunter cinq titres allemands (pour un mois) parmi la sélection offerte par 70 éditeurs, et ce pour des frais mensuels de 9,99 euros. Il est possible de consulter les livres empruntés hors connexion (sur iPhone, iPad et bientôt Androïd) et les ouvrages sont disponibles en tout temps.

4.4 Une logique d’association

Il existe de nombreuses initiatives nées d’associations et de partenariats d’affaire. Ainsi, en août 2012, l’American Booksellers Association s’est associée à la compagnie Kobo dans le but d’implanter la plateforme du distributeur canadien dans les librairies américaines. Cette entente permet aux membres de l’ABA d’accéder au catalogue de près de trois millions de titres de Kobo. Les membres de l’ABA partageront les revenus de ces ventes. Kobo a fait de même avec la Booksellers Association (BA) au Royaume-Uni et en Irlande, pour un partenariat avec 3000 détaillants de livres, dont 1000 indépendants.

Copia a également conclu un accord de partenariat avec l’Australian Publishers Association (APA) et Thorpe-Bowker. Elle s’adresse notamment aux librairies indépendantes, visant à leur fournir une gamme de services technologiques afin de leur permettre de devenir concurrencielles dans un marché global numérique, tel que le rapporte un communiqué de presse. Copia s’adresse également aux éditeurs et distributeurs australiens, en leur fournissant des services d’agrégation et de distribution de livres numériques liés à TitlePage.