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PARTIE I LA LOI DU LIVRE ET L’ÉCOSYSTÈME DU LIVRE AU QUÉBEC

3. Agrément, tabelles, remises et office

3.1 Agrément

Il faut, selon un des spécialistes rencontré, rehausser les critères d’agrément (nombre de titres) pour les librairies et les éditeurs. Il en va de même d’un éditeur concernant les librairies. Un responsable de bibliothèque considère que rehausser les critères d’agrément « sortirait » plusieurs librairies de la liste agréée. Pour un autre bibliothécaire, il faut impérativement un examen aux trois ans afin de vérifier le respect des critères pour tous les acteurs.

La question d’une modification possible du nombre de titres nécessaires en inventaire pour les librairies agréées revient fréquemment dans les propos des personnes rencontrées mais il n’existe pas de consensus. Les écrivains et un acheteur institutionnel estiment que le nombre est actuellement adéquat. Ce critère est capital pour la créativité, la diversité et l’accessibilité selon les écrivains. Un responsable de bibliothèque propose que l’inventaire soit établi en fonction d’un pourcentage de la production annuelle de littérature au Québec. Un éditeur et un écrivain se demandent s’il ne faudrait pas augmenter le ratio de productions québécoises nécessaires pour les librairies agréées. Selon deux bibliothécaires et un distributeur, le stock demandé aux librairies est trop élevé. Deux bibliothécaires ajoutent que les commandes sont aujourd’hui rapidement effectuées et qu’il n’y a plus la même nécessité de tenir un inventaire aussi complet. Selon un distributeur, des libraires conservent des fonds afin d’obtenir l’agrément mais sans chercher à les vendre au public, ce qui est légal mais contraire à l’esprit de la Loi. À l’opposé, un libraire note que des papeteries en région ont fait l’effort, pour obtenir l’agrément, de tenir un large inventaire, ce qui a un effet positif. Un éditeur défend de son côté l’idée d’établir un certain pourcentage de ventes faites au grand public afin d’obtenir l’agrément. Trois des libraires considèrent de leur côté qu’on pourrait augmenter le nombre de titres nécessaires. Pour un spécialiste et deux bibliothécaires, tous les libraires agréés n’ont pas l’inventaire requis, ce qui peut être préjudiciable pour l’ensemble de la chaîne selon un autre bibliothécaire. Selon un des libraires, il importerait de mettre en place de nouveaux incitatifs pour le développement des fonds de titres.

Un spécialiste défend le principe de la propriété comme outil afin de résister aux ventes effectuées par des entreprises étrangères et est rejoint par quatre bibliothécaires et un libraire qui estiment qu’il est primordial que les libraires soient à 100 % québécoises ou aient, à tout le moins, leur siège social au Québec. Un autre spécialiste se questionne à ce sujet. Pour un bibliothécaire, les distributeurs devraient être à 100 % québécois. Un des distributeurs rencontré n’est pas certain de son côté que la possession à 100 % québécoise des éditeurs devrait être maintenue comme critère pour l’agrément, soulignant qu’être Québécois ne signifie pas nécessairement la défense de la littérature québécoise ou les bonnes pratiques pour l’ensemble de l’industrie. Un bibliothécaire estime que les librairies anglophones ne devraient pas être à propriété 100 % québécoises pour être agréées.

Un distributeur estime que l’agrément octroyé à certaines coopératives scolaires, mais pas à toutes, crée un certain flou. Un éditeur s’avoue « dérangé » par les librairies qui, ayant l’un de leur point de vente agréé, étendent cet agrément à d’autres points de vente, même si elles ne répondent pas aux critères. Il existerait ainsi un problème avec l’agrément pour les librairies possédant un entrepôt centralisateur ou une structure de distribution.

Certains interlocuteurs estiment qu’il existe un certain flou concernant Memento, outil de recherche et de gestion de l’information que certains estiment nécessaire aux librairies qui veulent se prévaloir de l’agrément sans que cela ne soit toutefois inscrit dans la Loi. Ainsi, un libraire juge que l’abonnement à Memento devrait être obligatoire, alors qu’un autre note que cela fait déjà partie des critères afin d’obtenir l’agrément. Un spécialiste pense que toutes les librairies ne l’ont pas. Un bibliothécaire doute qu’il existe un contrôle continu de l’abonnement des libraires à Memento. Un éditeur pense que la Loi nomme Books and Print au lieu de reconnaître l’existence de Memento.

Soulignons enfin qu’un intervenant qui a déjà une activité de libraire et d’éditeur agréé est aussi, dans les faits, un distributeur mais sans agrément, précisant ne pas savoir à quelle situation correspond ce statut.

3.2 Tabelles

Plus de la moitié des libraires, les écrivains, trois bibliothèques, tous les distributeurs et un éditeur s’accordent pour demander une mise à jour des tabelles. Tous les distributeurs expliquent que, dans les faits, les distributeurs et les éditeurs adaptent les tabelles selon les livres vendus. Pour un distributeur,

les éditeurs ont souvent un rôle actif, exigeant un montant moindre que celui préconisé par les tabelles afin de maintenir le livre compétitif. En pratique, donc, une forme de mise à jour est effectuée. Un éditeur se demande qui contrôle ces tabelles. Il faudrait, selon un libraire, les réviser annuellement. Pour un autre libraire, les librairies sont pénalisées par certaines tabelles (prix plus élevé pour compenser un faible achalandage) mais les distributeurs toujours gagnants avec ce système. Un libraire propose qu’on élimine les tabelles et que le prix soit fixé en fonction des coûts d’achat et d’importation.

3.3 Remises

Trois éditeurs et les écrivains considèrent que le système actuel des remises a des effets positifs. Un libraire avance que les remises aux librairies constituent une compensation pour la tenue de leur inventaire. Les remises ont actuellement, pour un de ses concurrents, moins de sens étant donné la hausse des frais de transport et la baisse de la charge de travail des libraires. Pour un éditeur, on pourrait négocier la remise de 30 % au cas par cas, selon les concurrents étrangers. Deux libraires perçoivent des flous entre certains 30 % et 40 % ; ils semblent demander une définition plus claire. Deux éditeurs voudraient qu’on statue sur les remises liées aux manuels scolaires si ceux-ci étaient intégrés à la Loi, ce qu’ils souhaitent. Un distributeur trouve le système des remises imparfait, mais craint qu’une renégociation ouvre la porte à la défense d’intérêts particuliers au détriment de l’équilibre et du consensus actuels. Un libraire voudrait les voir augmenter, idée que tempère un de ses concurrents puisque le prix final du livre s’apprécierait automatiquement. La part d’un libraire, après calcul des coûts de transport, se situe plutôt à 20 % ou 25 % selon ses estimations.

Concernant les surremises parfois pratiquées, un distributeur considère qu’il relève de la responsabilité de chacun de ne pas encourager ces pratiques. Il ne voit pas une nécessité de modifier la législation. Un des éditeurs interrogé pratique la surremise pour ses libraires performants et aimerait pouvoir continuer à le faire. Pour un distributeur, il faut éviter d’encourager cette pratique qui se fait au détriment d’une partie de l’écosystème. Il identifie la problématique des remises à l’arrivée de joueurs, notamment américains, qui ont l’habitude de pratiquer des surremises dans leur marché.

3.4 Office

Il ne semble pas y avoir de consensus concernant l’envoi d’office, si ce n’est le constat du coût général du mécanisme. Un distributeur souhaiterait davantage de souplesse concernant les offices, en raison des coûts de retour. Un éditeur trouve les offices problématiques parce qu’ils constituent une charge supplémentaire de travail non-rémunérée et une occupation coûteuse en espace pour les librairies, avis confirmé par un libraire. Un autre éditeur est cependant favorable à ce que ce système perdure notamment pour son effet sur la circulation des premiers romans et parce qu’il garantit un certain volume de ventes. Un libraire note que sa marge est meilleure sur les envois d’office qu’il conserve longtemps. Un libraire dit avoir négocié des ententes directes avec les éditeurs pour ne pas avoir d’offices. Pour un spécialiste, les bibliothèques acheteuses de livres à petite diffusion mais placés dans les offices participent à l’augmentation des coûts du système.

4. Territoire

Deux éléments sont ici abordés : la question de l’accessibilité du livre ainsi que certains aspects jugés problématiques.

4.1 Accessibilité

L’impact positif de la Loi concernant l’accessibilité du livre sur le territoire québécois par le biais des librairies et/ou des bibliothèques est souligné par la moitié des éditeurs, libraires et bibliothécaires rencontrés, tout comme par un spécialiste et un distributeur. Pour trois bibliothécaires, c’était là le véritable objectif de la Loi. Les trois distributeurs rencontrés affirment que sans la régulation permise par la Loi, les collectivités s’approvisionneraient sensiblement toutes à Montréal auprès de grossistes, ce que, selon un spécialiste rencontré, certaines bibliothèques voudraient faire en profitant de certaines brèches de la Loi. Pour deux libraires, la Loi a permis qu’il existe des librairies dans des régions plus éloignées. Selon eux, si les livres avaient été diffusés dans d’autres commerces, ceux-ci n’auraient pas offert un fond et une diversité culturelle aussi vastes. Un distributeur reconnaît qu’il est parfois difficile pour certaines bibliothèques de s’approvisionner auprès des librairies de leurs régions mais que cela est nécessaire afin de garantir l’existence de ces librairies sur le territoire.

Un distributeur considère que certaines régions comportent trop de librairies, ce qui disséminerait les ventes en augmentant les coûts de transport. Un spécialiste, deux éditeurs et trois bibliothécaires affirment que plusieurs librairies en région survivent notamment grâce aux ventes aux collectivités.

Un éditeur estime que la décentralisation territoriale du système a des coûts élevés sur le plan administratif, sachant que des librairies en régions s’approvisionnent à Montréal pour livrer ensuite à leurs clients institutionnels.

Le travail de Réseau Biblio sur la dynamisation des librairies dans les régions où il est implanté est souligné comme étant une réussite par deux bibliothécaires (voir la section 5 du présent chapitre). Deux responsables de bibliothèques mettent en exergue l’importance du système d’achat sur tout le territoire québécois de BAnQ qui offre ainsi un revenu sûr et régulier à de nombreuses librairies.