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A- II : LE DESSIN D’ENFANT

5. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE DU DESSIN D’ENFANT

5.6 DONALD W WINNICOTT

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Selon Donald W. Winnicott (1896-1971), la psychanalyse elle-même est un jeu. Elle « s’est développée comme une forme très spécialisée du jeu mise au service de la communication avec soi-même et avec les autres  » (1975; 60). Plus particulièrement, «  les objets et les phénomènes transitionnels font partie du royal de l’illusion qui est à la base de l’initiation de l’expérience » (Ibid.; 67).

Le jeu nait de l’écart entre plaisir (présence de la mère) et déplaisir (absence de la mère) dans un espace dit « potentiel ou transitionnel (…) permis par un maternage suffisamment bon » (1971). Cette aire intermédiaire d’expérience se situe entre le subjectif et ce qui est objectivement perçu. La mère, en s’adaptant aux besoins de son bébé, lui permet d’avoir l’illusion que ce qu’il crée existe réellement. C’est une aire du « compromis » qui autorise d’abord à initier la relation entre l’enfant et le monde puis par la suite à soulager la tension suscitée par cette relation à la réalité du dehors tout au long de sa vie (Ibid.). C’est, pour Winnicott, ce qui permet à l’enfant de « maintenir séparés et reliés l’une à l’autre la réalité intérieure et la réalité extérieure » (Ibid.). Dans cette espace transitionnel, entre fantasme et monde réel, se déploie la créativité et se trouvent toutes les activités symboliques : le jeu, le dessin, le langage, la culture, qui offrent à l’enfant la possibilité de faire des expéri- ences fondamentales pour sa maturation et son intégration. Cette aire intermédiaire sub- siste chez l’adulte dans le mode d’expérimentation interne qui caractérise les arts, la reli- gion, la vie imaginaire et le travail scientifique. Quand l’enfant développe ses intérêts cul- turels, il désinvestit en général son objet transitionnel. «  Cette aire intermédiaire est en continuité directe avec l’aire de jeu du petit enfant ‘’perdu’’ dans son jeu » (1975; 219). Winnicott (1975) distingue le « play » (créativité initiale pure, sans règles) et le « game », jeu qui s’accommode peu à peu avec le réel et ses exigences pour se normaliser progres- sivement dans des règles. Le play, un des phénomènes transitionnels winnicottiens, im-

plique à la fois l’acte de jouer et le joueur lui-même. Il est caractérisé par la concentration et la préoccupation de l’enfant qui s’y adonne. A partir de l’expérience du ‘’playing’’, possible dans la proximité d’un autre en qui l’enfant a confiance, que s’origine la créativité. Le play est effectivement créatif puisqu’il s’articule avec le rêve et la vie, mais il menace par sa tension pulsionnelle. Le ‘’gaming’’ est alors une tentative pour tenir à distance l’aspect ef- frayant du ‘’playing’’. Dans sa fonction réparatrice et libératrice, le « game » est comme un rêve éveillé, une production fantasmatique qui devient expression symbolique. Pour Winni- cott (1975) le jeu a une autre caractéristique fondamentale : « Jouer, c’est faire ». L’activité de jouer porte ce double versant pragmatique et créatif, qui permet que l’enfant passe du « jeu qui compte plus que son contenu » au « jeu, pas pour de vrai » (Ibid.). Selon Winnicott le jeu est essentiel dans la psychothérapie car c’est seulement quand il joue que l’enfant est libre de se montrer créatif. «  La psychothérapie s’effectue là où deux aires de jeu se chevauchent, celle du patient et celle du thérapeute. Si le thérapeute ne peut pas jouer, cela signifie qu’il n’est pas fait pour ce travail. Si le patient ne peut pas jouer, il faut faire quelque chose pour lui permettre d’avoir la capacité de jouer, après quoi la psychothérapie pourra commencer. Si le jeu est essentiel, c’est parce que c’est en jouant que le patient se montre créatif » (Winnicott, 1971; 242).

En psychothérapie, Winnicott (1971) propose une situation prototype de l’objet transition- nel (objet « donné » par le premier et « trouvé-créé » par le second), à mi-chemin entre monde interne et monde externe, grâce à une technique de dessin particulière. Il a nommé celle-ci le squiggle, support relationnel dans la rencontre avec les enfants. Il disait à ces jeunes patients : «  Je ferme les yeux et je laisse courir mon crayon sur la page. C’est un

squiggle. Tu en fais quelque chose d’autre puis c’est à toi de jouer ; tu fais un squiggle et

c’est moi qui le transforme » (1971 ; 67). Passant par une situation ludique, les deux sujets en jeux, enfant et psychanalyste, participent à la construction d’un objet commun, objet in- termédiaire de leur relation : le squiggle. Ce jeu graphique a plusieurs caractéristiques :

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Il ouvre à l’échange d’une expérience sensorielle entre les deux partenaires

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Il permet la mise en jeu de l’alliance

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Il constitue la porte d’entrée à une double symbolisation, graphique puis verbale

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Il sollicite une création réciproque dans le jeu partagé

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Il permet la co-construction d’un objet intermédiaire ou la trace de l’un s’articule et s ‘associe à la trace de l’autre

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Il permet l’alternance d’une phase active (production, créativité, maitrise) et une phase passive (accueil de l’autre, réception, acceptation)

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Il donne un support identificatoire possible, d’intégration en premier et de différencia- tion par la suite

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Il sollicite l’élaboration de l’altérité dans un travail relationnel face à la perte et à la sé- paration.

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Le dessin permet alors une communication et ouvre un espace transitionnel de création, intermédiaire, entre l’enfant et son analyste. Cela permet donc l’intégration des dynamiques transféro/contre-transférentielles au cœur même du processus. L’ajout d’éléments par l’enfant au squiggle initial du thérapeute s’effectue en fonction du transfert sur l’analyste et, réciproquement, la transformation de l’analyste du squiggle de l’enfant relève de son propre vécu contre-transférentiel.

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