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CHAPITRE II : CAMPAGNE EXPERIMENTALE SUR PATES ET MORTIERS

3. Caractérisation de la microstructure poreuse

3.2. Distribution de la taille des pores

Le réseau et la distribution poreuse d’un matériau cimentaire sont extrêmement complexes car les pores obtenus après hydratation ont une géométrie complexe et des dimensions variables (§I-A-1.3.). Il existe plusieurs méthodes de mesure de la taille des pores ; les plus couramment utilisées sont les mesures de porosimétrie par intrusion mercure (PIM) et par sorption d’azote. Ces techniques sont complémentaires et permettent la caractérisation de la structure des matériaux à l’échelle microporeuse, mésoporeuse et macroporeuse (Figure I-8) (de 1 nm à plusieurs centaines de µm). Cependant, préalablement à ces mesures, le prétraitement des échantillons est indispensable pour que l’ensemble du réseau poreux soit accessible au fluide à injecter. L’eau libre, ainsi que les gaz et les vapeurs contenus dans les pores de l’échantillon de matériau à analyser, doivent être évacués par une technique de séchage et de dégazage de l’échantillon.

3.2.1. Préparation et prétraitement des échantillons

Le résultat de l’investigation de la structure poreuse dépend fortement du prétraitement appliqué. Par exemple, la porosité et la surface spécifique d’un solide microporeux déterminées par sorption d’azote peuvent facilement varier de ± 30%, selon la procédure de séchage adoptée [BAR 02]. En effet, lors du prétraitement, un séchage insuffisant réduira l’accès au réseau poreux et sous- estimera les valeurs de porosité et de surface spécifique, tandis qu’un prétraitement trop violent peut conduire à des altérations de la microstructure de l’échantillon de matériau. La technique de séchage idéale, qui préserve la microstructure et qui peut retirer uniquement l’eau libre du matériau, n’existe malheureusement pas. Les différentes méthodes de séchage utilisées affectent la microstructure de différentes façons : soit en induisant des microfissures, ou en altérant les hydrates en faisant perdre une partie d’eau chimiquement liée. Aussi, dans la littérature, un consensus sur la meilleure technique de séchage à utiliser n’existe pas.

Dans notre cas, le prétraitement appliqué consiste en une « cryosublimation » ou à une

« lyophilisation » des échantillons sous vide (6. 10-4 mbar), durant 7 jours, après immersion dans de

l’azote liquide (-77K). Cette technique de Freeze-drying (ou F-drying) est critiquée par plusieurs auteurs mais reste tout de même défendue par beaucoup d’autres.

Gallé [GAL 01], par exemple montre que la technique de lyophilisation est un procédé de séchage approprié pour l’investigation de la structure porale des matériaux cimentaires par (PIM). Moukwa [MOU 88] considère que le prétraitement par lyophilisation est le moins néfaste vis-à-vis de la microstructure, grâce à la sublimation de la glace qui provoque des contraintes capillaires plus faibles que celles générées aux limites solide – liquide - vapeur lors d’un séchage normal. Korpa

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[KOR 06] confirme également cette atténuation des effets des pressions capillaires dues à la sublimation-évacuation (F-drying). Il affirme que l’utilisation de la F-drying donne une « image plus

réelle » de la microstructure, tandis que la méthode D-drying (séchage sous vide à -79°C et ~ 6,7e-2

Pa) [KOR 06], considérée par plusieurs laboratoires comme l’une des meilleures techniques de séchage, donne des résultats légèrement moins bons. D'autres investigations [KOR 06] [KON 93] ont aussi montré une préservation des pores fins (<5 nm) avec l’utilisation de la F-drying.

Pour l’analyse chimique par ATG (Analyse ThermoGravimétrique) et pour arrêter l’hydratation des échantillons saturés, Collier et al. [COL 08] ont constaté que le F-drying et les échanges de solvants avec de l’isopropanol sont les techniques les plus efficaces trouvés à ce jour.

Ainsi et pour toutes ces raisons préalablement citées, la technique de lyophilisation reste la technique la plus couramment utilisée par les laboratoires.

Maintenant, il est vrai que d’autres travaux de recherche ont prouvé le contraire, à savoir que le prétraitement par lyophilisation affecte aussi bien les pores du gel que les pores capillaires et endommage la microstructure à cause de l’effort thermomécanique induit [POW 47] [FEL 64]. Cependant, toutes les autres techniques de séchage affectent plus ou moins la structure physique ou chimique des matériaux cimentaires, et les avis restent partagés sur les effets de la lyophilisation. Pour finir, il est à rappeler que l’un des objectifs principaux de ces caractérisations microstructurales est de pouvoir comparer des échantillons de pâtes et de mortiers entre eux. Il est donc plus important d’utiliser la même technique de séchage pour tous les échantillons, c’est le cas dans cette étude avec

la F-drying. Des échantillons représentatifs des matériaux (2 à 3 cm3) ont été prélevés sur les disques

découpés. Trois échantillons de chaque formulation ont été testés en PIM et en adsorption azote, et la moyenne est donnée comme résultat. En général, ces essais montrent une bonne reproductibilité (écart type moyen n’excédant pas les 10%).

3.2.2. Porosimétrie par intrusion mercure (PIM)

La porosimétrie par intrusion (ou injection) de mercure est un outil d’investigation de la structure méso et macroporeuse des matériaux, qui repose sur le caractère non mouillant du mercure. Pour faire pénétrer ce dernier dans un milieu poreux vide d’air, il faut lui appliquer une pression d’autant plus forte que les dimensions des pores sont faibles. Les essais ont été réalisés à l’aide d’un porosimètre de la marque Micrometrics (modèle Autopore IV 9500).

Le principe consiste d’abord à immerger sous vide dans un bain de mercure un échantillon sec déjà

lyophilisé (Figure II-9 (a)) et de lui appliquer ensuite une pression de mercure PHg qui augmente de

façon incrémentale et principalement sur deux phases. La première phase est une intrusion en basses pressions jusqu’à 0,66 MPa et la deuxième, une pénétration à haute pression jusqu’à 413,4 MPa. Le

volume cumulé de mercure Vp entrant dans les pores est mesuré à chaque incrément V=V(PHg), et le

diamètre équivalent d’accès des pores (Dp) (supposés cylindriques) déterminé en fonction de la

pression d’intrusion PHg à partir de l’équation de Washburn [WAS 21] :

Hg Hg Hg p P D  4

cos(

) (Eq.II-10)

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Où σHg est la tension superficielle de mercure (σHg=0,480 N/m et σHg=0,485 N/m sont les valeurs les

plus couramment utilisées [ARL 07]) et θHg l’angle de mouillage du mercure dans le matériau

variant de 130° à 145° [GOO 81] selon la nature du solide (avec une valeur moyenne résultant d’un grand nombre d’expériences et retenue par plusieurs laboratoires de 141°C [ARL 07]).

A l’issu de cet essai, le résultat brut décrit le volume cumulé de mercure V introduit (et évacué) en fonction du diamètre des pores accessibles (Figure II-9(b)). Cette courbe d’intrusion, ou sa dérivée, permet de déterminer les principales familles des pores, ainsi que le diamètre seuil des pores capillaires (ou le rayon critique défini dans §I-A-1.3.1. ou §I-A-2.2.1.), un diamètre d’une grande importance sur les propriétés de diffusion au sein de la matrice cimentaire, comme le montre le chapitre suivant.

(a) (b)

Figure II-9 : (a) têtes de pénétromètres après injection de mercure en basse pression -3 échantillons par formulation- (b) Cycle d’intrusion-extrusion de mercure sur un échantillon de

pâte SN(10)0

On peut également définir, à partir de cette courbe, deux paramètres essentiels : la connectivité αc, et

la porosité totale au mercure: θHg.

La connectivité est une notion théorique qui décrit le nombre de connexions qu’offre un pore avec ses voisins, et qui permet d’évaluer qualitativement le pourcentage de mercure piégé. Il est en effet, important de noter qu’à l’intrusion, le mercure inséré révèle la connectivité et la percolation du réseau poreux, tandis qu’à l’extrusion, le volume de mercure, non restitué en totalité, met en évidence les formes et les tailles irrégulières de la structure poreuse du matériau [MAT 01] [MATA

01]. La connectivité αc est donnée par l’expression :

i i i e c

V

V

V

V

max min

(Eq. II-11)

Où Vi est le volume de mercure introduit pour une pression de 0,1 MPa (pression atmosphérique, et

valeur finale à laquelle le mercure est évacué), Vimin et Vimax correspondent respectivement aux

volumes minimal extrudée et maximal introduit comme on peut le voir sur la Figure (II-9(b)). Le

pourcentage de mercure piégé (αc) permet l’évaluation qualitative de la connectivité des pores : plus

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La porosité totale au mercure θHg décrit le volume de pores connectés envahis par le mercure à la fin

de la phase d’intrusion. Elle est obtenue en multipliant le volume cumulé maximal introduit Vimax de

pâtes, mortiers ou bétons par leurs masses volumiques respectives (au mercure) :

ml

g

g

ml

V

i Hg

Hg max

/

/

(Eq. II-12)

Les valeurs de porosité totale θHg au mercure pour chaque formulation sont regroupées dans le

tableau récapitulatif II-5. La porosité au mercure, comparé à celle de l’eau (60°C), est nettement plus faible pour toutes les formulations testées (Figure II-10).

Figure II-10 : Valeurs moyennes de porosités mesurées par porosimétrie à l’eau et par intrusion mercure

Cette différence entre θHg et θH2O est liée à l’inaccessibilité du mercure aux porosités très fines. En

effet, les C-S-H ne sont que très partiellement accessibles par intrusion de mercure puisque, compte tenu des pressions maximales disponibles, le diamètre minimal accessible au mercure est de 3 nm. Cette contrainte d’accessibilité explique également les faibles valeurs de surface spécifique mesurées par la PIM (au moins 80% de la surface spécifique provient des C-S-H [BAR 94]).

Pour compléter la description de la structure poreuse dans les domaines microporeux (ouvertures de pores inférieurs à 3 nm), non accessibles au mercure, il est souvent fait appel aux mesures par adsorption-désorption de gaz (azote dans notre cas d’étude).

La porosimétrie par intrusion de mercure est une technique qui possède d’autres inconvénients et qui a souvent été critiquée. L’application des très hautes pressions d’injection est susceptible d’endommager le réseau poreux très fin. Par ailleurs, le modèle de pores cylindriques -accessibles au mercure depuis la périphérie du matériau- peut entrainer une mauvaise attribution du volume injecté dans le cas où des pores de plus grandes dimensions sont connectés via des pores de faibles diamètres [DIA 00] [ABE 99].

Cependant, cette technique reste particulièrement utile et performante pour permettre une étude comparative de la percolation et de la distribution de la taille des pores dans des systèmes où seul un

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rares méthodes capable d’explorer une gamme de pores aussi large (360 µm à 3 nm) et de fournir des indicateurs pour l’interprétation ou la prédiction des propriétés de transfert des matériaux (rayon

critique, θHg).

3.2.3. Sorption d’azote

Les isothermes d’adsorption-désorption d’azote ont été obtenues dans le domaine de pressions

relatives (0,01≤ P/P0 ≤ 1) en utilisant un dispositif expérimental automatisé communément appelé

l’appareil BET (de la marque Micrometrics). Cet appareil comprend un poste d’analyse et deux postes de dégazage utilisés pour essayer d’éliminer l’eau résiduelle adsorbée dans les pores du matériau lyophilisé et avoir une surface « propre » avant toute mesure d’adsorption. Tous les échantillons ont été fragmentés en petits morceaux de quelques millimètres puis dégazés pendant 24h

à 60°C et 6x10-4 mbar, avant le lancement de l’essai.

Les mesures d’adsorption d’un gaz chimiquement inerte tel que l’azote permettent la détermination de la surface spécifique (indicateur de la finesse de division d’un milieu poreux) par la méthode BET [BRU 38]. Cette méthode consiste à relier le volume des molécules adsorbées (adsorbat) à la surface

du solide (adsorbant), dans le domaine des faibles pressions relatives (0,05≤P/P0≤0,40). A partir du

tracé de l’isotherme d’adsorption, on détermine le volume de gaz adsorbé sous forme d’une

monocouche de molécules (V0). Connaissant l’aire d’encombrement d’une molécule d’adsorbat

(AN2=0,162 nm2), on détermine la surface spécifique (SN2) du matériau exprimée en m2/g par la

formule suivante : M N A N V A V N S 2 2 . . 0  (Eq. II-13)

Avec NA : le nombre d’Avogadro = 6,023. 1023 et VM, le volume molaire de l’adsorbat = 22 410 cm3

aux conditions normales de température et de pression (273,15 K, 1 bar).

A partir des isothermes de désorption, la distribution de la taille d’ouverture des micro- et mésopores peut être estimée [GRE 82] [CON 06]. L’intérêt de cette méthode est qu’elle permet de compléter les spectres poreux obtenus par PIM en investiguant des pores de diamètre inférieure à 3 nm, et sans aucun risque d’endommager le matériau (méthode non-destructive). La distribution de la taille des pores est calculée en appliquant la théorie BJH (Barrett, Joyner and Halend) [BARR 51] sur la branche de désorption, en supposant que celle-ci représente l’équilibre de condensation capillaire, et que le rayon du ménisque est donné par l’équation de Kelvin-Laplace. Les pores sont supposés cylindriques, et leurs parois tapissées d’une couche multimoléculaire d’azote dont l’épaisseur dépend de la pression relative d’équilibre.

Les auréoles microporeuses présentes à l’interface granulat/pâte ne peuvent pas être précisément quantifiées par porosimétrie au mercure ou par adsorption d’azote. Pour l’analyse de ces zones, il faudrait plutôt faire appel à la microscopie électronique à balayage couplée à l’analyse d’images.

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