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CHAPITRE IV : DE LA PATE AUX MORTIERS : IMPACT DE L’AJOUT DES GRANULATS

3. Discussion sur la dispersion de la FSS

Ce chapitre a pour objectif de comparer le comportement d’une pâte à ceux de mortiers ayant le même rapport E/L et la même teneur en FS, afin d’identifier l’influence de l’ajout d’agrégats sur la microstructure et les propriétés de transport. Pour permettre cette comparaison, la pâte et les mortiers doivent avoir la même ouvrabilité. L’ouvrabilité ou le degré de fluidité des pâtes et des mortiers a été mesurée après chaque préparation du mélange par le test du mini-cône selon la norme UNE-EN 1015-3.

Avec l’ajout de sable, la maniabilité des mortiers décroît, et leur mise en œuvre devient de plus en plus difficile à cause de problèmes de compactage. Cette texture mal compactée peut induire la présence de plusieurs variables (bulles d’air, vides) susceptibles de fausser et d’impacter négativement les résultats de diffusion et de l’homogénéité de la microstructure. Pour limiter ces différents problèmes, un superplastifiant a été ajouté dans les formulations à fortes teneurs en sable (≥ 50%) afin d’améliorer leur ouvrabilité/maniabilité.

Dans ce travail, la valeur d’affaissement a été fixée entre 10 et 12,5 cm pour tous les mélanges. Pour la pâte de ciment avec 10% de FS et un rapport E/L de 0,41, l’ouvrabilité du mélange a été jugée bonne et ne nécessitant pas d’ajout de superplastifiant. D’ailleurs, plusieurs normes fixent la teneur en eau nécessaire pour obtenir une consistance normale (par exemple la norme UNE EN 196-3 préconise le rapport E/C de 0,372 comme référence de ciment pouzzolanique).

Dans la littérature, plusieurs chercheurs ont adopté l’ajout du superplastifiant dans les mortiers à fortes teneurs en sable. Parmi eux, Wong et al. [WON 09] ont étudié l’impact de l’ajout d’agrégats sur la diffusion et la perméabilité au gaz au sein des mortiers avec FS (8% de FS) et (E/C de 0,3). Dans leur travail, le superplastifiant est ajouté uniquement dans les mortiers à plus de 30% de sable, et non dans la pâte ou le mortier avec 10% de teneur en sable. Yanjun et Cahyadi [YAJ 03] ont également étudié la microstructure et la résistance à la compression de plusieurs pâtes de ciment (E/L =0,4) avec 0, 5, 10 et 20% d’ajout de FS sans ajouter de superplastifiant dans leurs formulations. Dans cette partie, on verra que l’ajout de granulats joue un rôle significatif dans la dispersion des agglomérats de FSS grâce aux efforts de cisaillement induits pendant le malaxage, et que leur effet est beaucoup plus important que celui de l’ajout du superplastifiant. Bien évidemment, les matériaux concernés ici sont ceux formulés avec de la fumée de silice de type slurry. Cette affirmation n’est pas valide dans le cas des matériaux fabriqués avec la poudre densifiée de fumée de silice (FSD). Dans ce dernier cas, où la FSD est employée, plusieurs auteurs s’accordent à combiner l’utilisation de plusieurs techniques de dispersion (cisaillement du mélange, l’ajout de superplastifiant, traitement préalable de la poudre…) afin d’espérer l’obtention d’une bonne dispersion et de limiter la présence d’agglomérats au sein du matériau cimentaire (§III-1.3.).

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3.1. L’effort de cisaillement induit par l’ajout des granulats :

Comme précédemment vu dans les deux premières sections de ce chapitre, les mortiers à plus de 30% de teneur en sable, montrent une meilleure homogénéité de la pâte et une bonne dispersion de la FSS que les mortiers à moins de 10% de teneur en sable, révélant l’existence d’agglomérats. Le superplastifiant n’a été ajouté que dans les formulations à plus de 50 % de sable, ce qui signifie que le mortier SN(10)30, fabriqué avec 30% de volume de sable et 10% de FS, ne contient pas de superplastifiant.

Cependant, malgré l’absence d’adjuvant dans la formulation SN(10)30, la FSS est bien dispersée et les agglomérats de FS presque inexistants, contrairement aux formulations SN(10)0 et SN(10)10. L’ajout de sable à hauteur de 30% en volume, est alors suffisant pour générer un effort de cisaillement capable de briser les amas de FSS et fournir une meilleure dispersion de la FS et une meilleure homogénéité de la matrice cimentaire.

Le coefficient de diffusion HTO obtenu pour le mortier SN(10)30 est faible et rejoint les DeHTO des

autres mortiers à plus de 50% de sable (Figure IV-2 et IV-3). Aussi et comme le montrent les résultats de caractérisation microstructurale, la matrice cimentaire contenue dans le SN(10)30 est assez proche, voir presque similaire à celle contenue dans les mortiers à plus de 50% de sable. Cela signifie en d’autres termes, que la même « efficacité » de FS est obtenue dans un mortier avec 30% de sable sans ajout de superplastifiant, que dans un mortier avec plus que 50% de teneur en sable mais contenant du superplastifiant. Ce résultat implique que l’effet de l’ajout de granulats sur la dispersion de la FSS est plus important que l’usage du superplastifiant.

Dans l’objectif de confirmer le rôle du cisaillement généré par les granulats pendant le malaxage, une nouvelle formulation a été proposée à ce stade de l’étude : un mortier avec 10% de FS, E/L= 0,41, 50% de teneur volumique en sable grossier (de granulométrie entre 0,63 à 2 mm) et sans superplastifiant. Après malaxage du mortier, le mélange est tamisé afin d’éliminer tous les grains de sable et de récupérer uniquement le coulis ou la pâte de ciment. Cette pâte est ensuite vibrée puis démoulée après 24h. Elle est conservée pendant 6 mois en eau de chaux dans les mêmes conditions détaillées précédemment dans (§II-1.3.).

Le sable grossier a été choisi afin de faciliter l’opération du tamisage (le plus petit grain ayant une taille de 0,6 mm). La pâte résultant de cette opération est appelée SG(10)50-tamisée.

Après 6 mois d’hydratation, la pâte de ciment tamisée est observée au MEB associé à l’analyse chimique par EDS. Les observations présentées à la Figure IV-16, montrent une bonne dispersion de la FS et l’absence de gros agglomérats comme ceux perçus dans les SN(10)0 et SN(10)10.

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Figure IV-16: Image MEB capturé au grossissement (x36) et cartographie élémentaire de silicium (bleu) et calcium (rouge) de la pâte de ciment SG(10)50-tamisée.

La mesure de la porosité totale à l’eau de la pâte SG(10)50-tamisée donne une valeur de 32,5±0,4%, similaire à celle de la pâte de ciment SN(10)0 ayant la même composition initiale (32,3 ± 0,3). Cependant grâce à la meilleure dispersion de la FS dans cette nouvelle pâte, la taille des pores est plus petite que celle de la pâte initiale SN(10)0, et sa distribution rejoint parfaitement celle des pâtes contenues dans les mortiers à plus de 30% de sable (Figure IV-17).

Figure IV-17 : Illustration de la distribution poreuse de la pâte SG(10)50-tamisée obtenue par porosimétrie au mercure

Une pâte similaire à SG(10)50-tamisée a également été fabriquée mais avec du sable monodispersé (de granulométrie 2,5/3 mm) à la place du sable grossier (0,63/2 mm). Les cartographies en calcium et cilicium montrent des résultats analogues à ceux de la Figure IV-16, à savoir une bonne dispersion de la FSS et une parfaite homogénéité de la pâte.

En résumé, ces résultats montrent que l’ajout d’une quantité significative de sable est suffisent pour briser les agglomérats de fumée de silice de type slurry grâce à l’effort de cisaillement induit par les granulats pendant le malaxage. L’effet de l’ajout du superplastifiant est illustré séparément ci-après.

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 1 10 100 1000 d V/d lo g(D ) (ml n m -1 p ar g d e p ât e)

Diamètre d'accès des pores dp (nm) SN(10)0 SN(10)10 SN(10)30 SN(10)50 SN(10)60 SN(10)65 SG(10)50-tamisée SG(10)50-tamisée

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3.2. L’influence de l’ajout du superplastifiant

Une nouvelle pâte de ciment a été fabriquée afin de découpler les effets du superplastifiant et des granulats sur la dispersion de la FSS. Il s’agit de la pâte SN(10)0 à laquelle 0,2% de superplastifiant a été ajouté pendant l’étape de malaxage. Ce choix de dosage en adjuvant est adopté car un dosage plus élevé à 0,3% montre un phénomène de ressuage et de ségrégation des grains de ciment. La pâte qu’on appelle SN(10)0-SP est fabriquée, démoulée et conservée comme toutes les pâtes précédentes suivant le protocole détaillé en (§II-1.3.).

La Figure IV-18 montre une cartographie élémentaire du silicium (Si) et du calcium (Ca) réalisée sur la pâte SN(10)0-SP, avec le même grossissement que les images précédentes (x36).

Figure IV-18 : Image MEB capturée au grossissement (x36) et cartographie élémentaire de silicium (bleu) et calcium (rouge) de la pâte de ciment SN(10)0-SP.

En comparant cette Figure IV-18 à la Figure IV-5(a), on note une certaine amélioration de la dispersion de FS traduite par la détérioration des plus gros agglomérats de plusieurs centaines de micromètres de diamètre. Cependant les amas de quelques centaines de µm (≈ 100 à 200 µm, ou un peu moins) persistent toujours au sein de la matrice cimentaire du SN(10)0-SP.

L’ajout de superplastifiant ne peut donc qu’améliorer la dispersion de la FSS. Néanmoins son usage à lui seul, n’est pas suffisant pour briser tous les agglomérats de FS et assurer une parfaite homogénéité de la pâte de ciment.

Partant de ce constat et en revenant à la formulation de pâte S-F44 caractérisée auparavant à la section §III-1, la bonne dispersion de la FSS observée au niveau de cette matrice cimentaire ne peut donc être justifiée uniquement par l’ajout de superplastifiant. En effet, la teneur en eau étant faible dans ce matériau (E/C = 0,3), les grains de ciment (de taille de particules plus élevée que celles de la FSS à l’état initial) vont probablement participer pendant le malaxage à induire plus d’efforts de cisaillement au sein de la matrice cimentaire. Ces efforts de frottements internes sont atténués et affaiblies en présence d’une quantité d’eau plus élevée, c’est le cas de la pâte SN(10)0 avec un rapport E/C de 0,4 qui montre la persistance de plusieurs amas de FSS malgré l’ajout d’adjuvant (Figure IV-18).

La bonne dispersion de la fumée de silice slurry dans les pâtes de ciment peut également dépendre d’autres paramètres. Pour certains auteurs comme [DUS 13], la séquence de mélange ou l’ordre

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d’introduction des constituants (eau, ciment et slurry), se révèle d’une grande importance pour l’homogénéité de la pâte.

3.3. L’importance de la séquence du mélange

Düsseldorf dans [DUS 13] a étudié la dispersion de la fumée de silice en suspension (slurry) dans des pâtes de ciment fabriquées avec quatre séquences différentes d’introduction de constituants. La teneur en FS (10%), le rapport E/L (0,4) ainsi que les conditions de malaxage (vitesse et durée ≈ 4 min) étaient invariables dans ces formulations.

Le résultat d’observation au microscope optique des sections polies de pâtes élaborées à différentes séquences est illustré à la Figure IV-19.

Figure IV-19 : Observations au microscope optique de sections polies des pâtes de ciment fabriquées avec quatre différentes séquences de mélange (a, b, c, d) : Vérification de l’homogénéité de la pâte

[DUS 13]

Plusieurs agglomérats de silice (SiO2) de taille allant jusqu’à 2 mm de diamètre se sont formés

lorsque le ciment est ajouté en premier à la suspension de la fumée de silice avant d’introduire par la suite l’eau dans le malaxeur (Sample 1-1, Figure IV-19(a)). De l’autre côté, une distribution uniforme des particules de FS au sein de la pâte est constatée quand le ciment est d’abord mélangé avec l’eau pour former une pâte de ciment, qui est ensuite mélangée avec le slurry (Sample 1-2, Figure IV-19(b)). Les deux autres séquences (Figure IV-19 (c) et (d)), montrent également l’existence de plusieurs amas qui correspondent respectivement à des hydrates de ciment Portland

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formés localement dans la pâte et à des agglomérats plus denses et plus riches en silice que la matrice qui les entoure.

Seul l’échantillon 1-2 (Figure IV-19(b)) produit par la séquence ciment + eau + slurry a montré une structure relativement homogène de la pâte de ciment. La séquence ou l’ordre d’introduction des composants initiaux s’avère donc d’une grande importance quand la fumée de silice est utilisée sous forme de slurry. Elle a un impact considérable sur le degré de dispersion et sur l’homogénéité de la distribution de la fumée de silice dans la pâte de ciment.

Dans notre cas d’étude, et pour la fabrication des pâtes et des mortiers, les constituants ont été introduits dans l’ordre ciment + slurry + eau (§II-1.3.) correspondant au cas le plus défavorable, celui de la Figure IV-19(a). Cette séquence peut donc expliquer l’existence de plusieurs agglomérats de FSS en l’occurrence dans les pâtes de ciment comme la SN(10)0 ; SN(10)0-0,5; SN(20)0 ou dans le cas du mortier à faible teneur en sable SN(10)10.

A la fin de cette partie (§IV-3), plusieurs paramètres semblent influencer la dispersion de la FSS. L’effet de la teneur en granulats a été en particulier, illustré dans (§IV-3.1). A présent, l’objectif de la section suivante est d’étudier l’effet des granulats sur le processus de diffusion (dilution, tortuosité, effet de l’ITZ). Pour cela, on s’intéresse principalement aux mortiers ayant une matrice cimentaire homogène, à savoir les mortiers à plus de 30% de sable normalisé.

4. Impact de la teneur en sable sur les coefficients de