• Aucun résultat trouvé

Distorsions cognitives et types de jeux : état actuel des connaissances

III – Distorsions cognitives chez les joueurs

4. Distorsions cognitives et types de jeux : état actuel des connaissances

À ce jour, peu nombreuses sont les études ayant pris en considération le type de jeux pratiqués par les joueurs alors même que la littérature souligne l’existence de profils, notamment cognitifs, différents selon l’activité de jeu réalisée (Barrault et Varescon, 2012 ; Bonnaire, Bungener et Varescon, 2009). En effet, certains auteurs (Bonnaire, Lejoyeux et Dardennes, 2004) abordent les jeux de hasard et d’argent selon le degré d’implication des joueurs dans l'issue du jeu, opposant ainsi les jeux dits actifs et des jeux dits passifs. Les jeux actifs sont ceux qui, à l’aide de connaissances, de stratégies et de l’expérience, permettent aux joueurs d’avoir une certaine influence sur l’issue du jeu, tandis que les jeux passifs sont ceux

dans lesquels les joueurs n’ont aucun contrôle, aucun poids sur les résultats du jeu. Ces deux catégories de jeux apparaissent davantage sous la terminologie actuelle de jeux de hasard purs et jeux de hasard et de stratégies.

À notre connaissance, seule une étude a été réalisée sur les distorsions cognitives présentes chez les joueurs de jeux de hasard purs. Dixon et ses collaborateurs (2013) ont montré d’une part que les distorsions cognitives augmentent en fonction de la sévérité de jeu et d’autre part que la surestimation de la compétence « reconnaissance du taux de redistribution d’une machine à sous » peut conduire au développement de cognitions erronées. Par ailleurs, certaines études portant sur les machines à sous ont montré que les joueurs pathologiques jouaient davantage pour des raisons de coping, c’est-à-dire pour échapper aux affects négatifs, comparé

aux joueurs sans problème (MacLaren, Harrigan et Dixon, 2012). La motivation de coping

présente chez les joueurs pathologiques suggère implicitement la présence d’attentes liées au jeu.

Les joueurs jouant à des jeux comportant une part d’habileté et de stratégie sont également à-même de développer des croyances erronées, et en particulier l’illusion de contrôle et la croyance en la chance (de gagner) (Cantinotti, Ladouceur et Jacques, 2004 ; Myrseth, Brunborg et Eidem, 2010 ; Toneatto, Blitz-Miller, Calderwood, Dragonetti et Tsanos, 1997 ; Walker, 1992). Myrseth et ses collaborateurs (2010) ont par ailleurs montré qu’une préférence pour les jeux de hasard et de stratégie était associée à une plus grande illusion de contrôle en comparaison des jeux de hasard purs. Toutefois, au sein même des jeux de hasard et de stratégie, aucune différence notable n’a été trouvée entre les joueurs pathologiques et non-pathologiques au niveau des distorsions cognitives évaluées (Myrseth, Brunborg et Eidem, 2010).

Parmi les études effectuées sur le poker, Mitrovic et Brown (2009) ont obtenu des résultats similaires à ceux de Myrseth et ses collaborateurs (2010). En effet, l’illusion de contrôle ne permettait pas de distinguer les joueurs pathologiques et les joueurs réguliers non

pathologiques. Seule la persévérance liée à la croyance en la chance différait significativement selon la sévérité de la pratique de jeu (Mitrovic et Brown, 2009). Bien que ces résultats indiquent l’absence d’implication des distorsions cognitives, ou du moins de l’illusion de contrôle, dans le développement de la sévérité de jeu, des résultats plus récemment publiés affirment le contraire (Barrault, 2012 ; Linnet et al., 2011 ; Mathieu, Barrault, Brunault et Varescon, 2018).

Linnet et ses collaborateurs (2011) partant du principe que l’expérience au poker pouvait avoir une influence sur les biais d’estimation et de décision, ont montré que les joueurs pathologiques, expérimentés de par la sévérité de leur pratique de jeu, ne différaient pas en termes de nature des croyances mais en termes de quantité comparé aux joueurs non- pathologiques, soit non-expérimentés. Par ailleurs, Barrault (2012), dans le cadre d’une thèse de Doctorat en psychologie, a comparé les joueurs ayant une pratique exclusive du poker en ligne et de poker en live. Et, bien qu’une gradation significative des scores à l’illusion de contrôle, au contrôle prédictif et à l’incapacité à arrêter de jeu soit observée selon la sévérité de jeu, ces distorsions cognitives étaient présentes de manière similaire (en nombre et intensité) chez les joueurs en ligne et en live. Ainsi, le développement de ces croyances serait dû à l’intensité de la pratique de jeu et non pas au média de jeu utilisé (live ou online). De plus, les joueurs non-pathologiques en ligne présentaient davantage de biais d’interprétation que ceux jouant en live, suggérant l’influence du média de jeu uniquement pour les joueurs n’ayant pas

de problèmes de jeu (différence non retrouvée chez les joueurs à risque et pathologiques). Enfin, ni la sévérité de la pratique de jeu, ni le média utilisé ne semblent influencer les attentes liées au jeu ; indiquant que cette distorsion cognitive est présente de manière similaire chez les joueurs en ligne et en live, et ce quelle que soit la sévérité de jeu. Les scores retrouvés correspondant davantage à ceux généralement obtenus par les joueurs sans problème de jeu

suggèrent par ailleurs que les individus jouant exclusivement au poker ne développeraient pas davantage d’attentes liées au jeu au et à mesure que leur pratique s’intensifie.

Ainsi, les résultats respectivement mis en avant Mysreth et ses collaborateurs (2010) et Mitrovic et Brown (2009) peuvent s’expliquer par la méthodologie adoptée pour évaluer les distorsions cognitives. En effet, les auteurs ont tous deux utilisé le Gamblers’ Beliefs Questionnaire (Steenbergh, Meyers, May et Whelan, 2002) construit à partir d’items généraux. Ce dernier ne rend donc pas compte des croyances spécifiques de certains jeux de hasard et d’argent.

Alors que les études portant sur les joueurs de poker commencent à fleurir dans le champ de la recherche en psychologie, celles portant sur les parieurs en tout genre sont quasi- inexistantes. La plupart des études s’intéressant aux paris hippiques et sportifs ont été envisagées d’un point de vue économique et financier. Seule une étude a été réalisée dans le champ de la psychologie mettant alors en avant que les qualités que les parieurs s’auto- attribuent tel que le fait d’avoir des connaissances sur les équipes, les pronostics, ou encore sur les résultats précédemment effectués, participent au développement de croyances erronées (Cantinotti, Ladouceur et Jacques, 2004). L’implication du joueur dans le jeu (posture active) ainsi que la structure des paris peut amener les parieurs à surestimer leurs capacités (à faire un gain) et à sous-estimer la part de hasard. Par ailleurs, la structure des paris sportifs est conçue de telle sorte que les parieurs ayant joué selon les informations dont ils disposaient ne gagnent pas plus que s’ils avaient parié de manière hasardeuse (Cantinotti, Ladouceur et Jacques, 2004). En effet, il est possible que les parieurs ne prennent pas en compte la façon dont les côtes sont établies, c’est-à-dire en faveur des bookmakers.