• Aucun résultat trouvé

Distorsions cognitives et différences hommes – femmes

III – Distorsions cognitives chez les joueurs

3. Distorsions cognitives et facteurs associés

3.2. Distorsions cognitives et différences hommes – femmes

Parmi les études qui se sont intéressées aux distorsions cognitives chez les joueurs de jeux de hasard et d’argent, certaines se sont attelées à comparer les joueurs de sexe masculin aux joueurs de sexe féminin. Toutefois, les résultats mis en avant dans la littérature sont hétérogènes : certaines études montrent que les joueurs, quel que soit leur sexe, présentent des distorsions cognitives similaires en termes de nombre et de nature (Joukhador, Maccallum et Blaszczynski, 2003 ; Delfabbro et Winefield, 2000) tandis que d’autres mettent en évidence des résultats inverses (Cosenza et Nigro, 2015 ; Dannewitz et Weatherly, 2007 ; Hong et Chui, 1988 ; Toneatto, Blitz-Miller, Calderwood, Dragonetti et Tsanos, 1997).

En effet, l’étude effectuée par Toneatto et ses collaborateurs (1997) a montré l’absence

de différences dans les distorsions cognitives présentées par les joueurs féminins et masculins, excepté pour « la confiance en son habileté » retrouvée de manière plus importante chez les

résultat peut s’expliquer par le fait que les hommes présentent un intérêt plus important pour des jeux comportant une part d’habiletés (poker, blackjack et paris) alors que les femmes, elles, semblent davantage s’orienter vers des jeux de hasard pur ne nécessitant ni compétences ni réflexion (jeux de grattage, jeux de loterie, roulette et machines à sous). Ces résultats suggèrent donc que les hommes présenteraient davantage de croyances en lien avec l’illusion de contrôle et le biais d’interprétation, où la surestimation des compétences est prégnante.

Par ailleurs, l’étude de Delfabbro et son collaborateur Winefield (2000) réalisé en milieu écologique auprès de joueurs réguliers de machines à sous n’a montré aucune différence entre les hommes et les femmes quant au nombre de pensées irrationnelles. Toutefois, bien que l’échantillon de joueurs soit faible (N=20), les auteurs ont observé une tendance plus importante à la personnification des machines à sous chez les femmes (Delfabbro et Winefield, 2000). En d’autres termes, il semblerait que ce soit davantage la nature des croyances qui diffèrent selon le sexe du joueur. L’étude de Joukhador et ses collaborateurs (2003) a néanmoins révélé des résultats inverses à savoir que pour un même jeu pratiqué, en l’occurence les machines à sous électroniques, les joueurs pathologiques masculins et féminins présentaient des scores de cognitions erronées similaires.

D’autres études ont cependant montré l’existence de différences quant aux distorsions présentes chez les joueurs masculins et féminins. Tel que précisé ci-dessus, les jeux vers lesquels les hommes s’orientent préférentiellement suggèrent la présence plus importante de croyances liées à l’issue du jeu. Or, dans leur étude Hong et Chui (2001), qui se sont spécifiquement intéressés à l’illusion de contrôle, montrent que cette croyance est plus élevée chez les joueurs masculins en termes de présence et d’intensité par rapport aux joueurs féminins. Le lieu de recrutement effectué à Hong Kong, en Chine, a cependant pu biaiser les résultats. En effet, la culture et la société chinoise attendent des hommes qu’ils soient capables de maîtriser leur environnement (Hong et Chui, 2001). Et, bien que l’illusion de contrôle soit

la seule cognition erronée pour laquelle Raylu et Oei (2004) n’ont pas trouvé d’effet de sexe lors de l’étude de validation du Gambling-Related Cognition Scale, Dannewitz et Weatherly (2007) confirment les résultats trouvés par Hong et Chui (2001). Les femmes semblent donc faire moins d’erreurs de raisonnement en situation de jeu que les hommes.

D’autres études étendent les résultats à l’ensemble des distorsions cognitives (Cosenza et Nigro, 2015 ; Moodie, 2008 ; Oei, Lin et Raylu, 2007). L’étude d’Oei et al. (2007) réalisée en population générale auprès de joueurs occasionnels et à problème a montré un moindre nombre et une moindre intensité des distorsions cognitives chez les joueurs féminins par rapport aux joueurs masculins. Moodie (2008) a également trouvé des scores plus élevés pour chacune des croyances erronées mesurées chez les joueurs pathologiques masculins par rapport aux joueurs pathologiques féminins. Plus récemment l’étude de Cosenza et Nigro (2015) a montré un effet de sexe significatif sur l’ensemble des distorsions cognitives évaluées : les joueurs masculins présentaient des scores significativement plus élevés d’illusion de contrôle, de contrôle prédictif, de biais d’interprétation, d’incapacité à arrêter de jouer et d’attentes liées au jeu que les joueurs féminins. Ces auteurs ont également mis en évidence l’existence d’un effet significatif du sexe dans le développement de la sévérité de jeu (Cosenza et Nigro, 2015) : les hommes, conformément aux données de la littérature (Forrest et McHale, 2012 ; OFDT, 2013 ; Villella et al., 2011), sont plus susceptibles de développer une pratique de jeu problématique par rapport aux femmes. Ainsi, le sexe masculin et les distorsions cognitives expliquaient à eux deux 26,1% de la sévérité de jeu (R carré ajusté=,261; p=,001) (Cosenza et Nigro, 2015).

Ces résultats suggèrent alors que les distorsions cognitives ne seraient pas nécessairement impliquées dans le développement et le maintien d’une pratique pathologique de jeu chez les femmes (Cosenza et Nigro, 2015 ; Moodie, 2008). Cette hypothèse soulève alors un questionnement important sur les prises en charge proposées : le traitement des distorsions

Lorsque la sévérité de jeu est prise en compte dans la comparaison des joueurs (hommes

versus femmes), des différences s’observent. Au sein du groupe de joueurs sans problème de

jeu et à risque, les hommes ont rapporté plus de distorsions cognitives que les femmes, tandis qu’au sein du groupe de joueurs à problème, les femmes présentaient des scores plus élevés que les hommes pour l’attente liée au jeu et l’incapacité à arrêter de jouer (Cosenza et Nigro, 2015). Bien que les joueurs de sexe masculin tendent globalement à présenter plus de distorsions cognitives en termes de nature et d’intensité que les joueurs de sexe féminin, une inversion s’observe pour certaines croyances au fur et à mesure que la pratique de jeu s’intensifie.

Toutefois, l’existence d’un effet de sexe tant sur la nature que sur l’intensité des distorsions cognitives ne semble plus au coeur des recherches du fait des connaissances recueillies sur les jeux de hasard et d’argent. En effet, un consensus a été établi dans la littérature sur le fait que les hommes et les femmes s’orientent vers différents jeux de hasard et d’argent. Les femmes semblent préférer les jeux de hasard purs au sein desquels les composantes d’habileté et de connaissance ne rentrent pas en ligne de compte, tandis que les hommes semblent à l’inverse préférer les jeux de hasard et de stratégie faisant notamment appel à la réflexion (Dannewitz et Weatherly, 2007). Les joueurs de sexe féminin joueraient donc davantage aux machines à sous, à la loterie ou encore aux jeux de grattages comme le bingo alors que les hommes seraient plus facilement attirés par le poker ou les pronostics sportifs. Or, le développement de croyances erronées diffèrent selon le type de jeu pratiqué (Barrault et Varescon, 2012 ; Bonnaire, Bungener et Varescon, 2009 ; Myrseth, Brunborg et Eidem, 2010).