Dispositifs hybrides et ingénierie de conception

La conception d’un dispositif hybride de formation se base sur le raisonnement pour représenter l'expertise du domaine, l'expertise pédagogique et le comportement de l'élève. L’implémentation de tels dispositifs pose souvent des problèmes dus à la complexité des modèles qu'elle met en œuvre et requiert souvent une étroite et longue collaboration entre spécialistes (pédagogues et informaticiens). L'hypothèse d'une intersection constructive entre les attentes didactiques et les potentialités de l'informatique a donc naturellement germé. Les résultats affectifs quand ils existent sont liés à des conditions didactiques. Ainsi, l’ingénierie de conception fait recours à l’hybridation. Celle-ci intègre deux facteurs : le facteur humain aussi connu sous l’appellation de médiation et le facteur technologique ou médiatisation.

3.1.1.1. Médiation

Il convient de rappeler que nous nous situons ici dans une approche collaborative et socio- constructiviste de l’apprentissage selon la conception vygotskienne versus approche transmissive/individualiste. Le modèle de conception doit alors intégrer un schéma « tripolaire » (Sujet-Objet-Alter) traduisant d’une part l’environnement d’apprentissage et d’autre part les changements cognitifs grâce aux interactions : sociale et de tutelle.

La médiation ne relève pas seulement du relationnel entre les différents acteurs du dispositif comme le souligne Hoby Andrianirina (2011). Mais elle relève aussi d’autres formes de médiation : « sensorimotrice (elle porte sur les comportements gestuels et moteurs induits par

l’instrument), praxéologique (elle porte sur les conditions de réalisation de l’action) et réflexive (elle porte sur le sujet lui-même et implique donc une dimension méta fondamentale pour les processus d’apprentissage)) » (Charlier et al., 2006 ; Hoby Andrianirina, 2011 : P.76. Partant

de cette citation de Charlier et al. (2006), nous constatons que la médiation est accompagnée d’une idée de facilitation et de réconciliation. Ces deux idées de facilitation et de réconciliation œuvrent alors à socialiser le dispositif en militant à ce que les points de vue ainsi que les entités pensantes se rejoignent.

Le dispositif pris comme médiateur doit alors être amené à jouer un rôle de facilitateur. Vu sous cet angle, la médiation comme le souligne les auteurs (Lancien, 2003; Bélisle, 2003) est aussi perçu comme « l’ensemble des processus par lesquels une personne ou un groupe de personnes

s’intercale entre le sujet apprenant et les savoirs à acquérir pour en faciliter l’apprentissage».

Le dispositif doit aussi être pris comme un accompagnateur de l’apprenant dans son projet personnel, ceux d’autant que selon Carré et Caspar (1999 : P.133), « l’accompagnement de

projet avec une aide à la construction de savoirs singuliers par les apprenants, visant l’acquisition de compétences en situation ».

Enfin, le dispositif doit jouer un rôle d’animateur et selon Hoby Andrianirina (2011 : P.122), il s’agit de «enrôlement de l’apprenant, contrôle de sa frustration et maintien de l’orientation

selon l’étayage de Bruner ou un évaluateur». La fédération des trois grands vocables à savoir :

médiateur, accompagnateur et animateur dans un dispositif technique est appelé la médiatisation.

3.1.1.2. Médiatisation

Pour Hoby Andrianirina (2011), on associe la médiatisation à l’utilisation de l’artefact comme médiateur entre les trois pôles sujet – objet – alter. Selon Bélisle (2003), la médiatisation est “l’instrumentation technique d’une action humaine” et concerne “l’instrumentation technique d’une action humaine”. Pour Charlier et al. (2006), la médiatisation dans l’apprentissage relève de “l’ingénierie de la formation et du design pédagogique et portent sur deux dimensions du

dispositif de formation : les objets et leurs fonctions”. Hoby Andrianirina (2011) souligne que

fonction désignative ou référentielle”. Quant à leurs fonctions, elles sont multiples : informer, communiquer, produire, etc.

Dans le contexte de formation avec le numérique, la médiatisation est assurée par les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC). Ces nouvelles technologies intègrent les environnements de travail à distance, les technologies intégratives utilisant les mondes virtuels ou la téléphonie mobile comme supports d’apprentissage. En général, selon l’approche pédagogique choisie, le concepteur est amené à réfléchir sur un certain nombre de questions : quels objets ou médias mettre en place ? Pour quelles fonctions ? Quels scénarios entre les objets, leurs fonctions et les scénarios pédagogiques ?

3.1.1.3. Ingénierie de conception

Les éléments pour la conception d’un dispositif d’apprentissage hybride reposent sur une série d’étapes. Nous nous referons ici au schéma de Blepp (1999) repris par Hoby Andrianirina (2011 : P.73). La figure 3.1 recense les différentes étapes clés à la conception d’un dispositif hybride de formation. Elle constitue pour notre recherche un socle sur lequel nous nous appuyons pour faire l’analyse diagnostique des dispositifs faisant l’objet ici de cas expérimental.

Figure 3. 1: Les étapes dans la conception d’un dispositif, d’après Blepp (1999 : P.47).

La figure 3.1 ci-dessus illustrée montre que la conception d’un dispositif d’apprentissage se passe en six étapes :

2- la conception du dispositif en fonction de ces besoins, 3- la réalisation du produit (une première version), 4- sa validation,

5- la réalisation d’une seconde version jusqu’à la version finale avant sa diffusion qui est la dernière étape.

1) Etude préalable

La conception d’un dispositif hybride va dépendre du cahier des charges qui est aussi fonction du public cible ainsi que de l’analyse des besoins. Comme le souligne Pain (2003) repris par Hoby Andrianirina (2011), une ingénierie est une démarche rationnelle, anticipatoire, exploratoire qui s’intéresse d’abord au contexte et aux acteurs ainsi qu’à leurs besoins agissant dans la situation à l’origine de la demande de formation. Il est aussi tout important dans cette démarche d’ingénierie de conception d’un dispositif de bien connaître le public cible et ses besoins. Pour cela, tous les éléments de la conception doivent s’opérer autour du public-cible : qui sont les apprenants ? Quelles sont leurs expériences antérieures, leurs motivations, leur niveau et leurs objectifs de formation ? Comment vont-ils apprendre et dans quelles conditions ? (Glikman, 2002). Les réponses à ses questions et en s’appuyant sur les dispositifs hybrides de l’ENSP, vont servir de cadre d’évaluation desdits dispositifs pour ce qui est du respect de l’étape 1 de conception d’un dispositif de formation vu précédemment.

2) Design pédagogique

Le design pédagogique est une étape clé dans la conception d’un dispositif de formation. Il s’organise autour de deux concepts : la scénarisation du contenu et la stratégie pédagogique. La scénarisation est perçue comme un processus de conception d’une activité d’apprentissage. Selon Daele et al. (2002), on y retrouve « des objectifs, une planification des activités

d’apprentissage, un horaire, une description des tâches des étudiants, des modalités d’évaluation qui sont définis, agencés et organisés au cours d’un processus de design » (P. 29).

Les stratégies pédagogiques sont directement liées aux objectifs pédagogiques poursuivis. Elles ont pour mission première de faciliter l’apprentissage. Pour Henri et al. (2006), il s’agit plus spécifiquement d’« un travail de conception de contenu, d’organisation des ressources, de

planification de l’activité et des médiations pour induire et accompagner l’apprentissage, et d’orchestration, c’est-à-dire d’intégration des contributions des différents spécialistes qui travaillent à la conception et à la réalisation du scénario dans l’environnement » (P. 8).

Le processus de conception d’un dispositif est comme nous venons de constater un processus complexe exigeant de ce fait une relation cohérente entre la scénarisation et la stratégie pédagogique.

3) Instrumentalisation du dispositif hybride de formation

Dans une démarche de conception d’un dispositif hybride de formation, le concepteur doit identifier chaque outil technologique en accord au design pédagogique choisi. Chaque outil est choisi en fonction de ses propriétés, de son fonctionnement, ses atouts et ses limites. Il vient donc que l’outil technologique et la tâche doivent être interdépendants. Cette interdépendance traduit par les représentations claires entre les théories abordées avec les éléments de conception du design du dispositif. Lund et Rasmussen (2009) soulignent également la correspondance qui doit être instaurée entre l’outil et la tâche dans l’acte d’appropriation du savoir.

Nous pensons que la dimension technique abordée ici par l’instrumentalisation ou la médiatisation du dispositif hybride en FAD doit également intégrer la dimension humaine à travers la médiation susmentionnée.

4) Réalisation, validation et diffusion du dispositif de formation

Les étapes précédemment décrites constituent le socle du dispositif de formation. La réalisation ou l’implémentation de ces étapes par les TICE vont constituer un objet de rejet ou d’adoption du dispositif par l’apprenant. Le rejet qui se manifeste par la démotivation de l’apprenant peut dépendre non pas seulement du facteur technique mais aussi du facteur humain. Il est alors important après réalisation du dispositif de le faire tester par un échantillon de testeurs tous appartenant à la catégorie du public cible initialement identifié.

Pour lutter contre l’abandon, certaines institutions ont recours aux dispositifs hybrides, c’est-à- dire l’articulation des phases de formation en présentiel et des phases de formation à distance soutenues par la technologie. Pour aussi lutter contre l’abandon, le contenu du scénario pédagogique joue un rôle important et conditionne la réussite d’un projet de formation. C’est pourquoi avant la diffusion, un référent pédagogique doit valider les contenus ainsi que la cohérence interne et externe des différents scénarios pédagogiques et outils technologiques intégrés au dispositif.