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Dispersion d’El Hakawati et repositionnement dans le champ théâtral français

Au terme de la période de « reconnaissance » qui s’achève avec le spectacle L’histoire de Kofor

Shamma (1989), El Hakawati est identifiée à l’international en tant que troupe palestinienne. Le fait de revendiquer son statut de troupe professionnelle malgré les conditions de l’occupation constitue une désassignation qui permet aussi de lutter contre l’imagerie colonialiste de l’orient

« barbare ». L’assignation identitaire ne provient pas seulement du regard orientaliste porté sur la troupe à l’étranger, mais également des injonctions qui lui sont faites sur place. La récupération du lieu de résidence d’El Hakawati – dépossession matérielle particulièrement

violente puisque, rappelons-le, le lieu avait été réhabilité par les membres de la troupe – a été

faite au nom du mouvement théâtral palestinien, peu connu en dehors de frontières de la Cisjordanie et de Gaza1. Cet événement fragilise la troupe et ses membres se séparent à l’issue

de la création À la recherche d’Omar Khayyam en passant par les croisades (1991). François

Abou Salem poursuit son travail entre la France et la Palestine, avec la volonté de créer une école de théâtre « à cheval entre la banlieue de Paris et Jérusalem2». Mais la faible réception de son spectacle Jéricho année zéro (1994), créé pour un Festival de Lille explicitement en faveur des espoirs de paix au Proche-Orient3, termine de l’éloigner du terrain de Palestine. C’est désormais en tant qu’artiste « estampillé » palestinien que François Abou Salem exerce en Europe, produisant des spectacles (auto)biographiques, singularisant l’expérience

palestinienne. Il raconte son parcours et son tiraillement entre sa terre de naissance et sa terre

d’accueil dans Motel (1997), et poursuit sa quête de rencontres dans un opéra tiré de l’épopée

de Gilgamesh en 2002.

La fragmentation d’El Hakawati, et ses nouvelles conditions matérielles d’existence, plus précaires, conduisent à proposer de nouvelles formes théâtrales qui semblent attester d’un

mouvement de poétisation de la cause palestinienne concomitante à un éloignement des territoires palestiniens. Ce repositionnement met en exergue les questions identitaires et

d’« interculturalisme4 » qui traversent le champ théâtral français.

1Rappelons que le seul ouvrage qui fait état des productions culturelles palestiniennes a été publié par l’UNESCO

en 1980. Maher Al-Charif(dir.), Le patrimoine culturel palestinien, Paris, Le Sycomore, 1980.

2 François Abou Salem, « À la recherche d’une réconciliation. En passant par le Revest », dans Donjon Soleil, Le

Resvest-les-eaux, Les Cahiers de l’égaré, juin 1994, p. 60.

3 Voir la section 2 dans ce chapitre.

4 Josette Féral, « L’Orient revisité. L’interculturalisme au théâtre », dans Trajectoires du Soleil autour d’Ariane

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5.1. Figures du creuset artistique de « l’Occident » et de « l’Orient » : À la recherche

d’Omar Khayyam en passant par les croisades (1991).

En 1990-91, fatigués (les membres de la compagnie) du poids de notre « palestinienneté », de nos « responsabilités » p i o diale e t politi ues, d’u e J usale de plus e plus di is e et ei t e où u dialogue a e les Is a lie s est e t e e t a e , de l’h po isie du o de « civilisé » da s la C ise du Golfe, de la fia e de l’O ide t à ot e ga d, de so ega d folklorico-orientaliste, nous avons voulu exorciser cette fatigue en créant un spectacle avec des partenaires occidentaux sur le thème « nous Arabes, nous Européens ». Quand commence la rencontre ? Que s’est-il passé ? Où se situe le conflit ? D’où ie t la fia e ? La fascination ?1

Récupérée au nom du mouvement théâtral palestinien, El Hakawati souhaite donc se débarrasser de son assignation identitaire en mettant en place une production internationale. Il

s’agit d’une profonde remise en question de la stratégie et des pratiques de la compagnie depuis

ses débuts, comme indiqué dans le programme culturel du Revest-les-eaux où le spectacle est accueilli en création mondiale le 1er août 1991 : « Nous nous sommes demandés pourquoi ce

trac par rapport à l’Occident ? Pourquoi avoir tellement voulu être jugé et reconnu par lui ?2 ». Pendant une année, de 1990 à 1991, la troupe mûrit son projet notamment au cours de deux résidences européennes au Kulturwerksatt Kaserne3 de Bâle (Suisse), puis à Savignano Sul Rubicone4 (Italie). Avec la guerre du Golfe, le spectacle « prend un caractère d’urgence5 ». Le spectacle est joué à quatre reprises en plein air à la Tour du Revest6 (Voir figure 30 et 31), à partir de 22h, avant une tournée internationale « en Italie, à Édimbourg, à Londres, aux USA,

en Allemagne, à Paris, à Marseille, à Bruxelles, en Israël, au Maroc…7 ».

1 François Abou Salem, « À la recherche d’une réconciliation. En passant par le Revest », dans Donjon Soleil ou

Dix ans de Théâtre et de Poésie au Revest-les-Eaux, 1984-1994, Le Resvest-les-Eaux, Les Cahiers de l’Égarée,

1994, p. 59.

2 Programme de la Tour du Revest, Eté 1991, archives personnelles de Jean-Claude Grosse.

3La Kulturwerksatt Kaserne de Bâle est une association fondée en 1980 dans les locaux d’une ancienne caserne

militaire transformée en 1972 en centre socio-culturel. Elle reçoit des subventions du canton de Basel-Stadt en 1981, puis de Basel-Land qui augmentent en 2003 après un projet d’envergure internationale autour de Samuel Beckett dirigé par Peter Brook. L’association a développé de nombreux partenariats internationaux, notamment

en France avec La Filature de Mulhouse, Le Manège de Reims, le Festival de Marseille, Le Maillon de Strasbourg, Le Théâtre de la Ville de Paris. À ce jour, la structure accueille 270 événements (théâtre, concerts, danse) et attire plus de 50 000 visiteurs par an.

4 La ville de Savignano sul Rubicone a mis à disposition un lieu de répétition.

5 Programme de la Tour du Revest, été 1991, archives personnelles de Jean-Claude Grosse.

6 La Tour du Revest-les-eaux est un monument historique du XIIIe siècle qui se situe sur un piton rocheux à 220

mètres d’altitudes, surplombe la ville ainsi qu’un lac de retenue à l’est et la vallée supérieure du Las. C’est une tour massive, carré de 12 mètres de hauteur, d’une superficie de 8m², aux murs épais de 2 mètres. Des

représentations théâtrales ont lieu devant la tour dès la mise en place du festival en 1983. Le panorama, ouvert sur la ville et la montagne, confère au lieu une dimension mystique qui peut rappeler le paysage naturel visible depuis les gradins du théâtre de Dionysos sur le versant sud-est de l’Acropole d’Athènes.

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Figure 30: Photographie de la Tour du Revest1. Droits réservés

Figure 31: Photographie du spectacle À la recherche d’Omar Khayyam en passant par les croisades2. Droits : Élian Bachini. Détails : sur la structure verticale à droite sur l’image, certaines inscriptions sont lisibles sur la photographie originale :

« Ici et mainten[…] » ; « Kultur » ; « Freedom » ; « Et moi et toi pourquoi ? » ; « Sex pour tous ». Avant-plan (de gauche

à droite) : une comédienne, deux comédiens. La tenue du comédien à droite laisse supposer qu’il peut s’agir d’Omar

Khayyam ( ?). Arrière-plan : un(e) comédien(ne) ( ?) tient un filin noir tendu entre deux structures, un comédien éclairé, derrière lui une comédienne voilée (Iman Aoun ?), et une autre ( ?) ou un mannequin ( ?).

1 Détail de la quatrième de couverture de Donjon Soleil op. cit.,

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C’est en Italie que Jean-Claude Grosse1, directeur artistique des « 4 saisons du Revest2 », rencontre François Abou Salem et sa troupe mixte qui préparent un spectacle revenant sur la première croisade de 1098 :

Les soldats de la première croisade marchent vers Jérusale . Ils fo t u a age à Ma’a a, petite ille de S ie, sa s d fe se. Des su i a ts se et ou e t da s u soute ai …

Co e ’est u e pi e su des e o t es e t es des C ois es et des A a es, la dist i utio et l’ uipe so t i tes. Ils so t palesti o-libano-franco-helvético-italiens ! Le spectacle parlera plusieurs langues mais il restera compréhensible à tous.3

De ce projet est issu un spectacle trilingue (français, hébreu, arabe) que Jean-Claude Grosse,

renonce à publier parce qu’il est « dans l’oralité » et qu’une « mise en papier ne signifi[e] pas

grand-chose »4. Comme pour les précédentes créations, la troupe rédige un résumé du spectacle

qui introduit le propos et détaille, scène après scène, le déroulement de l’intrigue. À la recherche

1 Jean-Claude Grosse (1940) est un enseignant, éditeur et écrivain, homme de théâtre, et militant politique. D’abord

enfant de troupe à Tulle, il entre à Saint-Cyr de 1959 à 1961 où il vit le schisme créé par les partisans de l’OAS au

sein des élèves-officiers. Il accompagne le retrait des occupants d’Algérie de 1962 à 1964. A son retour, il est

nommé enseignant au lycée du Quesnoy dans le Nord, mais poursuit des études de 3ème cycle à Paris en sociologie,

sous la direction d’Henri Lefebvre (1901-1991). Il ne termine pas son mémoire sur la sociologie des lieux communs, et regrette de n’avoir pas disposé de la technologie nécessaire à son entreprise à l’époque. Pendant les événements de 1968, il s’investit activement dans la grève de son lycée, puis entre d’abord à la CIR (Convention des Institutions Républicaines) dont il est exclu après avoir soutenu la grève et l’occupation de l’usine Lutti. Neuf mois plus tard, il entre à l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI) en 1969 « après un GER (groupe d’études révolutionnaires) de quelques mois ». Il a la responsabilité de plusieurs amicales, milite syndicalement

au SGEN, puis au SNES et enfin au SNLC-FO. Il reste à l’OCI qui devient OT puis PCI jusqu’à la fin des années 1980. En 1974, il quitte son poste d’enseignant dans le Nord et est nommé à Toulon, près du Revest-les-eaux où

il devient conseiller municipal en 1983, sur sollicitation du maire, Charles Vidal. Il contribue à mettre en place un

festival de théâtre, puis un théâtre, la Maison des Comoni, qu’il dirige « bénévolement pendant 21 ans ». Il fonde en parallèle la maison d’édition Les cahiers de l’égaré qui publie des textes en lien avec le festival de théâtre.

Biographie tirée de Jean-Claude Grosse, « 30. La dernière génération d’octobre, Benjamin Stora », Journal d’un

égaré, Toulon, Les promeneurs solitaires, 2018, p. 217-228 ; ainsi que d’un entretien mené par Emmanuelle

Thiébot, le 19 octobre 2018.

2A partir de 1991, le festival d’été du Revest devient « les 4 saisons du Revest » avec la création de la Maison des

Comoni. Lorsque Jean-Claude Grosse est élu conseiller municipal du Revest-les-eaux en 1983, il réalise que le territoire est peu doté en matière de théâtre. Il convainc la municipalité de commander l’écriture d’une pièce de théâtre qui ait lieu en plein air pour valoriser le patrimoine local, mais aussi en raison de l’absence de structure.

Le succès de ce « théâtre-parcours » intitulé Clepsydre est immédiat et vaut à la petite ville de 2 800 habitants un article dans Le Monde [Jean Rambaud, « Surplombant Toulon, Le revest-les-eaux fait revivre son histoire par un "théâtre-parcours" », Le Monde, 22 juin 1983]. Cette réussite permet d’obtenir immédiatement le soutien de la DRAC, puis du département et de la région, et de pérenniser le festival d’été organisé par l’association « les 4

saisons du Revest », qui dure dix années. La municipalité demande dans la foulée des subventions pour faire construire un théâtre – et non une salle polyvalente sur insistance de Jean-Claude Grosse – et obtient 90% de son financement. En 1992, l’association « les 4 saisons du Revest » bénéficie d’une convention de développement

culturel triennale avec la DRAC. Cette convention demande le développement de la politique théâtrale sur l’année, la poursuite de l’activité éditoriale des Cahiers de l’égaré et d’expositions d’artistes contemporains. L’organisation de résidences d’auteurs et compagnies, la commande de spectacles, l’implication des publics, la conquête d’un jeune public, l’ouverture aux compagnies étrangères, l’édition de textes de théâtre, de poésie et d’essais, l’organisation d’exposition et l’édition de catalogues, font partie des objectifs de cette convention.

Note d’après un entretien avec Jean-Claude Grosse, 19 octobre 2018 ; et Donjon Soleil. 1984-1994. Dix ans de

théâtre et de poésie au Revest-les-eaux, Le Resvest-les-eaux, Les Cahiers de l’égaré, juin 1994.

3 Programme de la Tour du Revest, Eté 1991, archives personnelles de Jean-Claude Grosse. Reproduit en annexe.

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d’Omar Khayyam en passant par les croisades propose de confronter deux écritures : « [c]elle

de l’Histoire de la ville de Ma’arra, et celle de 'Omar Khayyam, poète qui veut raconter une

histoire1 ». L’Histoire avec une majuscule désigne donc un événement historique, tandis que l’histoire avec une minuscule désigne la fiction. Dans le spectacle, Omar Khayyam est un

personnage historique2 « appelé3 » par la troupe El Hakawati qui « lui demande d’écrire une

pièce sur le rapport Occident Orient4 ». Mais dès « son arrivée5, la communication à l’intérieur du groupe de comédiens mixte, arabe et européen, s’avère très difficile. Encore plus difficile,

le rapport entre Khayyam et la troupe6 ». En effet, il ne parvient pas à communiquer avec la

troupe qui l’a pourtant « appelé », dont les membres l’entendent sans le comprendre ni le voir.

Le procédé semble faire écho aux précédentes créations de la troupe, faisant coexister un registre sérieux et léger, entre le drame et la farce. Khayyam fini par entrer en contact avec un

comédien qui joue le rôle d’Ibn Quzman, le fils de l’émir assassiné de Ma’arra qui doit venger

son père. Mais le comédien, « jeune homme sensible, rêveur et délicat7 », refuse de « suivre le

cours de l’Histoire8 ». Omar Khayyam est le « poète narrateur9 ». Il se trouve débordé par ce

comédien récalcitrant. Ce dernier sort de son rôle et s’adresse à un personnage qui, dans la

fiction (« l’histoire » ou le spectacle), est son ennemi :

Ibn Quzman : (à Louisa [une croisée]) Si seulement je comprenais ce que tu racontes ! Nous casserions ce monde en mille morceaux pour le recoller à notre façon.

Omar Khayyam : (à Ibn Quzman) Suivons notre plan ! Répète après moi ! La guerre est dure pou l’ho e. Elle ole so so eil et e d ses uits i utiles. Ni plaisi , i chaleur, ni paix ! 10

1 Synopsis du spectacle, archives personnelles de Jean-Claude Grosse. Reproduit en annexe.

2 Omar Khayyam (1048-1131, Iran) est un astronome, mathématicien, philosophe et poète persan. Le contenu de ses poèmes, très critique vis-à-vis de la religion, est sujet à débats et construit une figure ambiguë, mal connue,

mais qui fascine l’Occident. Les sources sont trop rares pour éclaircir l’ensemble de sa vie. Ses poèmes circulent en Occident dès 1859 grâce aux traductions d’Edward Fitzgerald, mais un orientaliste français, Franz Toussaint, estime nécessaire d’effectuer une nouvelle traduction à partir du texte original en Persan plutôt qu’à partir des premières traductions de l’anglais. À la fin des années 1980, deux romans mettent cette figure à l’honneur : Alamut,

de Vladimir Bartol écrit en 1938 mais traduit en français en 1988 seulement ; et Samarcande d’Amin Malouf,

publié la même année. Le premier roman est focalisé sur un contemporain d’Omar Khayyam, Hassan ibn al-Sabbah

(1050-1124), chef des Ismaéliens nizarites d’Alamut – qui devient une « secte d’assassins » dans le mythe occidental, que Jackie Lubeck cite lorsqu’elle évoque les premières phases du projet qu’elle estime trop ambitieux. C’est donc exclusivement la figure d’Omar Khayyam qui est retenue pour la création. Voir à ce sujet : Jackie

Lubeck, « On François », article cité.

3 Entre guillemets dans le synopsis.

4 Synopsis du spectacle, archives personnelles de Jean-Claude Grosse.

5 En italique dans le synopsis.

6 Synopsis du spectacle, archives personnelles de Jean-Claude Grosse.

7 Id.

8 Synopsis du spectacle, archives personnelles de Jean-Claude Grosse. Tout ce qui apparaît en italique dans les

citations l’est dans le texte original.

9 Id.

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Le poète-narrateur est dépassé par « l’Histoire et les personnages de son histoire1 ». Ces

derniers prennent une décision qui précipite la guerre, en l’absence du comédien incarnant Ibn

Quzman qui se révolte, et préfère mourir pour sortir de « l’Histoire et de l’histoire2 » (le

spectacle), condamnant à nouveau Omar Khayyam au silence et à l’oubli. Que pèsent les révoltes individuelles face à l’Histoire ? L’invocation du poète hédoniste Omar Khayyam, incompris, et la présence d’un comédien qui refuse de jouer sa partie jusqu’à en mourir, posent

cette question. Cette mise en abyme constitue le fil rouge du spectacle qui met en scène une rencontre entre « l’Occident chrétien et l’Orient musulman, juif mais aussi chrétien3 » décrite ainsi : « Un Occident fort en armes et en misères, et un Orient culturellement riche, mais politiquement fragile et divisé4». Entre les exigences de l’Histoire, les attentes des uns et des autres, la troupe tente de démontrer qu’un grand nombre de préjugés est à l’origine de la

méfiance entre ces deux entités. Le reste du synopsis est trop partiel pour en déduire davantage

sur la fable et les procédés théâtraux utilisés. Toutefois, on peut formuler l’hypothèse que la

pièce vise à interroger les rapports de force entre deux entités aux contours mal définis : « l’Orient » et « l’Occident ». Car le choix de la figure du savant oriental, musulman et sceptique, croyant et hédoniste, permet de remettre en question l’image d’un Orient homogène tout inféodé à l’islam. D’où peut-être l’incompréhension du poète-narrateur à qui El-Hakawati demande d’écrire une histoire sur le rapport « Occident Orient », comme si celui-ci n’avait pas

varié depuis 1098. Le refus du comédien de jouer son rôle peut donc être compris comme un refus des représentations figées, alors que le spectacle propose une rencontre réelle sur scène entre des comédiens « d’Orient » et « d’Occident »5. Le but du spectacle est bien de vivre et partager cette rencontre comme le revendique François Abou Salem :

Le th ât e de o teu s assu e u’il a uel ue hose à di e, de faço u ge te à so pu li , u’il en prendra tous les moyens : charme, séduction, provocation, colère. / Il se "mouille" et " ouille" so pu li . / Alo s l’Histoi e ede ie t i a te, pa tiale, d libérément partiale, parce ue ha u est pa tial. Cha ue pe so age a ses aiso s. Au u ’est dio e. Ce e so t pas simplement des acteurs qui ont à être alternativement Croisés et Arabe, mais le public lui-même.6 1 Id. 2 Id. 3 Id. 4 Id.

5 L’équipe est composée de François Abou Salem (mise en scène), Georges Hachem et Pierangelo Summa (assistants), avec Ya’coub Abou’Arafeh, Iman Aoun, Robert Bouvier, Jean-Louis Coulloch, Nathalie Cannet,

Georges Hachem, Amer Khalil, Etienne Oumedjkane, Boushra Qaraman, Akram Tillawi (jeu), ainsi que Francine Gaspar (scénographie) et Thomas Tschopp (assistant), Phillipe Andrieux (éclairage) et Imad Mitwalli (assistant), Antoine Duhamel et Abed Azriyyeh (musique), Sergio Diotti (producteur) et Sylvia Wetz (administration).

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Pour que l’Histoire redevienne vivante, elle doit être mise en abyme, et non célébrée ou représentée sans préoccupations présentes ou futures. C’est bien la volonté de François Abou

Salem qui indique : « il n’y a pas de mésententes profondes entre les hommes, seulement entre

les politiciens1 ». Bien que cette création mondiale soit concomitante à la Guerre du Golfe2, la

représentation est un succès. La création du spectacle est relayée dans un magazine d’Antenne

2, Les Arts au Soleil, avec enthousiasme si l’on en croit la transcription partielle de François

Abou Salem : « À ne rater sous aucun prétexte !3 ». La réception est positive malgré les anecdotes rapportées par Jean-Claude Grosse et le chef de troupe :

Ce fut une sacrée aventure ; u e tai su s je ois. Je ’ou lie ais pas le mistral, ni les coups de feu dans la nuit tirés par certains Revestois perturbés dans leur sommeil par ces répétitions en langue arabe ! , i les gazettes d’e t e-droite outrées de ce spectacle "raciste et a ti h tie i te p t pa des o die s… palestiniens !", ni la générale sous la pluie, les comédiens et le public – une cinquantaine de Revestois – esta t, t e p s, jus u’au out, a is, et …4

Outre le caractère partial de ce spectacle, parfaitement assumé par François Abou Salem, Jean-Claude Grosse organise une série de « rencontre[s] autour du mot et de l’image » à la Maison