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CHAPITRE 2 : L’ENSOLEILLEMENT ET LES TEMPERATURES INTERNES

2.3. Discussion

Les températures internes des mangues vont cependant être variables dans la journée selon un cycle diurne et selon les facteurs climatiques auxquels elles sont soumises. En effet, par le biais de l’ensoleillement, la température interne du fruit est la résultante de plusieurs facteurs tels que la lumière, l’intensité de la radiation, la vitesse du vent, la durée d’exposition continue ou discontinue au soleil et/ou à l’ombre ainsi que la densité et la conductivité des tissus.

Ainsi les variations de cette température interne vont donner des réponses différentes sur le comportement des fruits et légumes en après récolte. Cependant selon Ferguson et al. (1998), ces températures internes liées à l’exposition sont suffisantes pour induire des changements métaboliques dans les tissus des fruits et les travaux en après récolte de Liu (1978), Porritt et Lidster (1978), Klein et Lurie (1990) sur pomme montrent que des pré traitements après récolte entre 38 °C et 42 °C permettraient de maintenir la fermeté et de diminuer l’acidité pendant le mûrissement des fruits. Par ailleurs des pré traitements entre 38 et 42 °C en après récolte sur mangues ont permis l’acquisition d’une thermotolérance permettant à ces fruits de supporter les températures extrêmes des traitements de désinsectisation (McCollum et al.,

1993 ; Joyce et Shorter, 1994 ; Jacobi et al., 1995, 2000, 2001a, 2001c). Même si les pré

traitements appliqués ont en général des durées plus longues, les travaux de Ferguson et al. (1998) sur pomme en pré récolte précisent que des similitudes de réponses physiologiques existent entre ces prétraitements après récolte et l’exposition à de fortes températures des pommes en pré récolte. Il nous faudra également considérer que les maxima de températures internes enregistrés sont très élevés (jusqu’à 47 °C dans la chair du fruit et 52 °C sur la peau des fruits) pendant des durées variables. Et qu’en climat subtropical l’incidence de fortes températures pourraient être plus fréquentes et plus durables qu’en climat tempéré ce qui leur permettrait de rassembler des conditions moins adéquates pour l’acquisition d’une thermotolérance en pré récolte (Ferguson et al., 1998). Par ailleurs une forte exposition aux radiations du soleil (et notamment aux UV) ainsi que de fortes températures peuvent également altérer les tissus et pertuber la physiologie des fruits.

La température interne au sein d’un même fruit n’est pas homogène et un gradient existe de la source de chaleur en surface vers l’intérieur des tissus. Ce phénomène a été modélisé par

Thorpe en 1974 sur pomme en ensoleillement direct. La face exposée des mangues du cv.

Cogs Hall est beaucoup plus chaude que celle non exposée avec des écarts pouvant aller jusqu’à 10 °C. De plus au sein même de chacune des faces, les couches de tissus les plus

externes sont plus chaudes que celles proches du noyau. La face non exposée des mangues du cv. Cogs Hall exposées au soleil n’est pas soumise à une radiation directe mais ses températures internes vont jusqu’à des maxima de 34.5 à 35.5 °C soit 1 à 2 °C plus élevées que les maximas de l’air à l’ombre sous canopée.

Ces résultats confirment donc qu’en situation de faible ensoleillement ou en l’absence de rayonnement, le réchauffement des faces peut se faire par convection de l’air dans la peau puis par conduction de la chaleur dans la pulpe (Bergh et al., 1980 ; Woolf et al., 1999a, 1999b). Cependant, les températures internes beaucoup plus élevées de la face exposée au soleil (de 43 à 45 °C) suggèrent que la source principale de chaleur est due aux radiations incidentes du soleil sur la surface du fruit (Bergh et al., 1980) et plus particulièrement aux radiations infrarouges.

En effet 50 % de la radiation directe du soleil sont dans la portion des infrarouges du spectre et ces derniers seraient responsables de l’augmentation des températures internes des fruits (Hopp, 1947 ; Lipton et O’Grady, 1980). Par ailleurs la masse totale de la mangue est composée d’environ 80 % d’eau et Harvey, en 1924, précise que l’eau est un bon absorbeur des infrarouges. Mais les pigments rouges de la peau pourraient également absorber davantage les infrarouges (Retig et Kedar, 1967). En effet, Schroeder (1965) met en évidence que les tomates rouges sont 4 à 8 °C plus chaudes que des tomates vertes sous les mêmes conditions de températures pré récolte. De même, Schroeder et Kay (1961), en Californie, ont constaté que les avocats à peau brune avaient une température de chair plus élevée (> 40 °C) que ceux à peaux vertes (< 40 °C). Ainsi nos résultats sont en accord avec ces travaux. La mangue du cv. Sensation, dont la surface rouge est plus importante, a une température supérieure à celle du cv. Smith avec des écarts de 5 à 6 °C. La prédominance de la tache de couleur sur les mangues pourra donc influencer fortement la température de la peau et de la chair selon l’exposition. Cependant d’autres expérimentations sur d’autres cultivars avec des teneurs similaires en pigments rouges devront être menées afin confirmer ces résultats

L’élimination des radiations UV par un filtre n’a pas effectivement eu d’effet négatif sur l’élévation de température interne des fruits du cv. Reynal exposés au soleil, mais ces résultats doivent être relativisés. En effet, il est possible que dans le dispositif expérimental, le filtre anti UV n’ait pas permis une aération suffisante autour du fruit engendrant ainsi, par

l’établissement d’un micro climat chaud, une élévation et un maintien de la température de l’air de 1 à 3 °C pendant plusieurs heures. La mise en place d’un contrôle avec un même cône transparent ne filtrant pas les UV aurait permis de rendre compte davantage de l’effet de ces rayonnements indépendamment de l’effet de serre. Ainsi le micro climat créé probablement par le filtre, a induit, par convection de la chaleur, une augmentation de la température interne du fruit de 4 à 10 °C en comparaison à la température interne d’un fruit sans filtre anti UV. Harvey (1924) remarque que le vent permet la dissipation de l’énergie produite par le soleil. Une bonne aération permet de refroidir le fruit de plusieurs degrés en ôtant l’air chaud autour du fruit (Retig et Kedar, 1967). Si la contribution des UV ne doit pas être négligée, nos résultats suggèrent que les mangues peuvent avoir une température interne très élevée même en leur absence.

A partir de ces diverses sources de chaleur, le transfert d’énergie va se faire plus lentement à travers les tissus des fruits. Le différentiel de températures internes (jusqu’à 14 °C dans certaines conditions d’expérimentation) entre la face exposée et la face non exposée d’une mangue soumise à l’ensoleillement direct permet de penser que le noyau pourrait dans certains cas être une barrière thermique de conduction de la chaleur. La diffusion de la chaleur dans les tissus sera cependant d’autant plus rapide et plus aisée que le fruit est gros et donc qu’il aura accumulé davantage de chaleur. En effet les résultats montrent, bien qu’ils se réchauffent plus vite, les petits fruits du cv. Kensington ont une moins grande capacité à accumuler et diffuser la chaleur dans les gros fruits du même cultivar. Ces observations sont confirmées par l’effet du filtre anti UV qui permet également une meilleure accumulation et rétention de la chaleur du fruit (jusqu’à 5 h) et ainsi améliore les capacités de diffusion de la chaleur au sein des tissus des mangues, équilibrant par là même les températures internes des deux faces. Ce différentiel de température entre deux faces pourrait avoir des conséquences physiologiques et ainsi induire des comportements après récolte différents selon les faces exposée ou non exposée des mangues, de la même façon que l’ont démontré Woolf et al. (1999a, 1999b, 2000) sur avocats.

Les résultats montrent que les mangues exposées au soleil et, sous certaines conditions, les mangues à l’ombre, ont des températures internes maxima qui se situent bien dans l’intervalle

des conditionnement thermiques cités dans la littérature (entre 38 °C et 42 °C) selon Joyce et

Shorter (1994) et Jacobi et al., (1995, 2001a) et quelquefois même bien au delà de 42 °C pour les fruits directement soumis aux radiations du soleil. Cependant, certains critères vont avoir un effet sur une potentielle acquisition d’une thermotolérance au champ :

- les caractéristiques intrinsèques des différents cultivars (taille, présence d’une tache colorée, couleur),

- la disposition spatiale sur l’arbre (orientation),

- l’angle d’incidence des rayons du soleil sur le fruit, lui même conditionné par la disposition spatiale.

Dans ces conditions, il n’est pas exclu que les niveaux de températures et de radiations intenses subis par les fruits en pré récolte puissent être des facteurs limitants à un éventuel endurcissement des mangues au champ. Dans le chapitre 3 la réponse physiologique de différents cultivars de mangues aux traitements à la chaleur est évaluée afin de définir si l’ensoleillement permet une acquisition d’une thermotolérance.

CARACTERISATION DES MANGUES A LA RECOLTE

3.1. Chromaticité des mangues ...89