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8.1. Validation de l’image du Quai de Gare

Les résultats montrent que notre image suscite des descriptions orales comportant un nombre important de mots. Nous remarquons que les adultes jeunes produisent le plus de mots en moyenne ainsi qu’un plus grand nombre de mots différents que les deux autres groupes. Les enfants produisent le moins de mots. Suite à notre analyse sélective, nous avons conservé 101 « mots clés » (mots principaux) toutes tranches d’âges confondues. Ces résultats permettent de confirmer notre 1ère hypothèse. Notre image permet donc de susciter un discours oral suffisamment long afin d’étudier les capacités langagières des sujets.

Concernant les paramètres propres à la validation de notre image, nous avons vu que l’image est jugée comme étant très simple quels que soient les groupes d’âges. Notre image est globalement jugée familière et même très familière par les adultes jeunes. Ces derniers ont peut être plus l’habitude de fréquenter un tel lieu. De plus, le style du dessin, qui peut s’apparenter aux dessins de bandes dessinées, est peut être plus commun pour ce groupe. Ces résultats nous permettent de confirmer notre 2ème hypothèse. En effet, notre image est donc jugée familière et visuellement simple par tout notre effectif.

L’analyse des expressions interprétatives, des termes inférentiels et le grand nombre d’inférences ressortant des descriptions produites par les sujets contrôles montrent que notre image permet l’élaboration d’inférences. De plus, les très bons résultats obtenus au questionnaire de compréhension des inférences (100% de bonnes réponses pour les sujets âgés entre 11 et 75 ans) confirment que les inférences sont aisément interprétables par la population contrôle. Notre image donne donc bien lieu à des productions orales exprimant des inférences extraites visuellement. Ces bons résultats nous permettent de confirmer notre 3ème hypothèse. Ainsi, notre image permet l’élaboration d’un grand nombre d’inférences, facilement identifiables et interprétables par les sujets.

De manière générale, l’ensemble de la population interrogée, tous les âges, milieux socio-économiques et sexes confondus, juge notre image comme étant familière et visuellement simple.

Les participants élaborent un grand nombre d’inférences visuelles et les interprètent sans erreur.

Ces bons résultats, n’induisant pas de biais en faveur d’une population, confirment nos hypothèses et nous permettent donc de valider aisément notre image.

8.2. Comparaison entre l’image du Quai de Gare et l’image du Cookie Theft

Notre analyse comparative a tout d’abord montré que les deux images étaient appréhendées de manière différente. En effet, l’image du CT incite à un début de narration contraire au sens habituel de la lecture. Il serait intéressant d’étudier si cette dominance pour le côté droit de l’image est également présente lorsque la tâche de description se fait à l’écrit. Le fait que plus de 2/3 des sujets débutent leur narration par le côté droit relève le caractère bizarre de la scène et qui surprend plus que le vol de « cookies » par les enfants. Notre image incite à un début de narration par le quadrant 2 (90% des sujets) ce qui correspond au balayage visuel normalement effectué, dans notre culture, lors de l’analyse visuelle (objets, photos, affiches, journaux, etc.) et principalement en lecture (de gauche à droite). Nous remarquons que les enfants sont moins habitués que les adultes à appréhender les choses de gauche à droite. De plus, nous remarquons que l’épisode bizarre (l’homme qui traverse les voies) attire au premier abord en moyenne l’œil de 8 sujets et que les enfants et adolescents sont les plus sensibles à cet événement.

Les résultats montrent que l’image du QG permet une production orale plus longue en temps et en nombre de mots que celle du CT et ceci pour tous les groupes d’âges. L’image du QG compte un plus grand nombre d’éléments incitant le sujet à une description plus riche. Le fait que la narration soit plus rapide montre également que les sujets passent moins de temps à chercher les éléments à décrire et à les interpréter. Ces résultats permettent de confirmer notre 4ème hypothèse. Nous remarquons que les enfants et adolescents présentent une augmentation de mots plus importante lors de la description de la nouvelle image. Cette importante augmentation de mots peut s’expliquer par le fait qu’ils sont plus attirés par l’image en couleur qui leur est plus actuelle, plus drôle et certainement plus familière que l’image du CT. L’analyse sélective des mots clés nous montre que les groupes adultes présentent une augmentation plus importante pour les mots clés que le groupe 0. Le fait que la diminution du nombre de mots suite à l’analyse sélective présentée par les enfants et adolescents soit plus faible que les deux groupes adultes peut s’expliquer par une différence de lexique. Les enfants et les adolescents ont un vocabulaire moins riche que les adultes.

Ayant moins de mots à disposition, ils utilisent plus facilement les mêmes mots contrairement aux adultes qui ont un vocabulaire plus varié pour exprimer des idées identiques. Les enfants ont donc un langage plus homogène et moins variable que les adultes puisque le nombre de mots clés est supérieur au groupe 1 et ceci pour les deux images. Il faut cependant garder en mémoire que l’effectif du groupe 0 est trop faible pour en tirer des conclusions définitives.

Les résultats comparatifs concernant l’élaboration des inférences montrent que notre image permet l’élaboration d’un plus grand nombre d’inférences, de termes inférentiels et d’expressions interprétatives. Ces résultats confirment notre 5ème hypothèse. De plus notre image semble être mieux comprise puisque nous observons moins d’expressions de doutes. Cette meilleure compréhension visuelle peut également être mise en évidence par une plus grande production de mots et d’inférences en un temps plus court pour décrire notre image. Nous avons vu que la scène entre le garçon et la fille (CT) n’est pas illustrée de manière assez évidente pour permettre une interprétation claire et précise de ce qui se passe. Les incompréhensions par rapport à leurs actions s’expriment, non seulement avec des expressions de doutes explicites, mais aussi par les termes utilisés décrivant des actions et des objets différents. Chaque personne semble interpréter cette partie du dessin de manière très subjective n’aboutissant pas à un véritable consensus. Ces locutions de doutes s’observent principalement lorsque les locuteurs interprètent la partie gauche (les deux enfants) de l’image du CT. C’est peut-être pour cette raison que les sujets commencent préférentiellement leur narration par le quadrant 1 (moins ambigu).

Les résultats nous ont montré que par différentes analyses, l’image du QG permet d’obtenir une description plus homogène et donc plus consensuelle de la scène. Ces résultats confirment donc notre 6ème hypothèse. D’une part, les termes utilisés pour décrire l’image du QG sont plus consistants et fréquents que ceux employés pour décrire l’image du CT. Cet effet est plus important pour les adultes âgés. Ainsi, si un plus grand nombre de mots identiques a été utilisé par différents individus alors notre image offre une meilleure cohérence des termes entre eux. D’autre part, nous observons une plus grande proportion de mots dits seulement une ou deux fois pour décrire l’image du CT, soulignant une variabilité des termes supérieure pour cette image. Les deux groupes adultes montrent une augmentation de mots plus importante lorsque nous effectuons l’analyse sélective des mots clés à partir des mots de base. Ces résultats indiquent la nature hétérogène des mots employés par ces groupes. Cependant, l’image du QG permet des descriptions plus homogènes, composées d’un plus grand nombre de mots identiques, que celles du CT puisqu’un nombre supérieur de mots clés a pu être sélectionné. D’autre part, les descriptions des adultes âgés ont permis de mettre en évidence 26 mots clés pour le CT et 68 mots clés pour notre image. Ces résultats nous amènent à penser que l’image du CT incite à un plus grand nombre de mots différents à cause d’une interprétation visuelle plus difficile à effectuer. En effet, certaines parties ambiguës de l’image sont interprétées différemment engendrant une grande variété d’idées et de mots. De plus, certaines études (Chainay et al, 1998) ont montré que les personnes âgées sont les plus sensibles à la couleur, ce qui peut les aider à interpréter de manière plus claire et plus

homogène l’image du QG. La couleur peut donc être considérée comme facilitatrice. En effet, elle permet de mieux définir les formes et les contrastes améliorant l’analyse et désambiguïsant certains éléments de l’image. Ainsi, la présence de couleurs et la clarté des traits permettent aux sujets de passer moins de temps à interpréter les éléments visuels et d’être plus actifs dans leur description offrant des productions plus rapides.

Cette plus grande homogénéité des termes utilisés est également démontrée par le fait que pour décrire l’image du QG nous obtenons des fréquences de mots plus élevées. L’analyse en thèmes met en évidence la disparition ou la diminution de thèmes et ceci uniquement pour le CT. Ces résultats renforcent l’idée que les mots utilisés pour décrire cette image n’ont pas été assez homogènes entre eux pour permettre à ces termes d’être conservés et ainsi former un thème ou sous-thème. L’image du QG offre donc des sous-thèmes plus homogènes et consistants entre eux que l’image du CT. Cette cohérence interne des termes montre que la population s’accorde plus volontiers pour décrire et interpréter notre image. Notre image permet donc une interprétation plus consensuelle et représentative que l’image du HDAE-F. A nouveau, le fait que les descriptions des adultes âgés soient plus homogènes pour décrire notre image est à mettre en lien avec la clarté des traits et les couleurs présentes sur notre image. Pour terminer les résultats montrent que notre image permet une production plus importante de sous-thèmes et de mots. Nous remarquons une diminution importante des termes utilisés suite à l’analyse sélective pour les deux images mais sans perte d’informations majeures pour l’image du QG. Ces résultats soulignent encore une fois le caractère homogène des descriptions issues du QG.

En conclusion, ces différents résultats permettent de valider l’image du QG par rapport à une image de référence. Nos trois hypothèses comparatives ont pu être confirmées, ce qui permet de valider note image et montrer qu’elle offre une évaluation des inférences et du discours, améliorant ce qui est proposé par le Cookie Theft.

8.3. Limites de l’image du Cookie Theft

Ces résultats montrent les limites du Cookie Theft. D’une part, les mots clés ne permettent par de faire ressortir les 7 « idées principales » présentées sur l’image. Pour rappel, nous observons même des pertes de thèmes. Les différentes analyses en fonction des thèmes, sous-thèmes et du nombre de mots mettent en évidence les limites d’une standardisation pour l’image du CT, et soulignent un véritable manque de consensus pour certaines parties de l’image. Cette image peu claire et ambiguë, incite les locuteurs à interpréter une même scène de manière différente. Par exemple, l’idée de gâteau est exprimée par les termes de gâteaux, « cookies », « biscuits », « chocolat »,

« bonbons », « confiture » ou « pain » mais aussi par des idées autres comme les termes de

« vaisselle », « bouteille » et « verre » (voir annexe 37, cf. thème de ce que fait la fille pour un autre exemple de variabilité). Le caractère ambigu de l’image et les difficultés d’interprétation du CT sont d’autant plus frappants auprès des sujets âgés. Cette constatation a son importance car un grand nombre de personnes souffrant d’un accident vasculaire cérébral sont des personnes âgées.

Ainsi, suite à nos analyses, nous nous demandons si l’image du Cookie Theft permet réellement d’évaluer les processus langagiers et inférentiels ou si les différentes variables mentionnées n’interfèrent pas avec la tâche. Est-ce que l’image du Cookie Theft permet véritablement de mettre en évidence des troubles de l’élaboration des inférences ? Ou est-ce des difficultés d’interprétation dues au caractère ambigu de la scène ?

8.4. Richesse lexicale du français

Notre analyse en thèmes montre la richesse lexicale de la langue française. Cette caractéristique du français met en évidence le grand nombre de termes différents pour exprimer une même idée. Nos résultats nous indiquent que le nombre des termes synonymes est cependant plus important pour l’image du Cookie Theft. En effet, cette grande image, d’origine anglophone, et considérée, par certains comme « vieillotte », n’est peut-être pas adaptée à la langue française et à l’époque actuelle. Elle suscite une quantité importante de termes différents (synonymes) pour exprimer une même idée ou décrire un même élément représenté sur l’image (e.g., « robinet », « lavabo »,

« évier », « plonge », « lavoir »). Ce trait particulier du français est un aspect important dont il faut tenir compte. Ces différences lexicales dépendent de facteurs langagiers mais également interindividuels tels que l’âge, l’origine, le niveau d’études ou encore la connaissance du monde.

En effet, les enfants et les adolescents montrent une moins grande variabilité des termes choisis.

Ces résultats sont à mettre en lien avec leur lexique, moins riche et moins varié que celui des adultes. De plus, nous remarquons que les groupes adultes utilisent certains termes populaires ou issus de l’argot (e.g., « chiper », « choper » pour voler et « déguiller » pour tomber).

Cette variabilité linguistique du français et ses variations régionales ressortent dans notre analyse en sous-thèmes. Par exemple, pour décrire notre image, nous observons 6 façons différentes de dire « prendre le train » (tels que prendre, monter, choper, sauter, entrer, attraper) de même pour l’idée de « grand-mère » ou de « s’embrasser » (voir annexe 34). Pour l’image du CT, nous observons au moins 15 façons différentes d’exprimer le fait d’être « distrait », 8 façons au moins pour exprimer l’idée de « voler » et une trentaine de façons pour décrire l’action de « tomber ».

Il serait donc intéressant d’étudier si cette variabilité du vocabulaire utilisé pour l’image du HDAE-F est propre au français ou si elle est due aux traits imprécis de l’image et son caractère

ambigu. Cette analyse pourrait, par exemple, être menée avec des analyses de sujets anglophones, italophones, hispanophones et d’autres langues encore.

Il est vrai que nous avons proposé une analyse en terme de mots les plus fréquemment produits par notre effectif contrôle afin d’en sortir des constantes. Nous n’avons pas réellement tenu compte des synonymes. Nous avons préféré faire une analyse plus stricte en regroupant les termes par idées et sous-thèmes tout en les analysant de manière séparée puisque notre image a été construite afin de permettre l’évaluation des inférences et la création d’une grille d’inférence comportant tous les mots dits le plus fréquemment. Une nouvelle analyse pourrait être de traiter les termes de manière beaucoup plus précise en les classant selon leur signification.

8.5. Réflexion et propositions futures

L’ensemble de ces différents résultats nous permet de valider notre image et de montrer qu’elle apporte de nouveaux éléments dans l’évaluation clinique par rapport à l’une des images de référence. Notre image présente l’avantage d’avoir été normée et validée en fonction d’une population contrôle divisée en différents groupes d’âges. Cette ligne de base est essentielle comme référence pour pouvoir évaluer les performances des patients par rapport à une norme, tout en tenant compte des différences inter individuelles.

Notre image permet d’obtenir une production importante de mots et des descriptions homogènes et consensuelles. Ces résultats s’expliquent par la qualité visuelle de notre image, la clarté et la simplicité de ses traits et la présence de couleurs. La familiarité avec la scène est également un point important. En effet, les connaissances du monde des sujets permettent certaines activations sémantiques en fonction du contexte. Ainsi, plus la scène est familière et plus l’activation est importante. Il semble donc que l’auto-activation des réseaux sémantiques diffère entre les deux images. Il est possible que le script16 sémantique associé à la gare et les différentes situations qui s’y rattachent soit familier, riche et mieux intériorisé que le script en relation avec la cuisine. Est-ce que le script de la gare est plus usuel que Est-celui de la cuisine ? Une tâche de fluenEst-ce verbale sur indiçage sémantique permettrait de donner un début de réponse à cette question. Comme postulé par Beeman (1993), des patients avec des lésions droites présentent un déficit d’activation du champ sémantique nécessaire à l’élaboration des inférences. C’est pourquoi il est important que la scène utilisée soit considérée comme familière et permette une bonne activation lexicale.

16 Le script est une sorte de scénario regroupant des connaissances et des représentations sémantiques propres à une situation ou à une action, etc.

L’histoire personnelle des participants est également une variable importante. Selon la scène présentée, l’évocation peut se faire de manière plus ou moins automatique. Le vécu des individus joue également un rôle par rapport au degré de liberté permis par la scène illustrée. Apparemment, l’image du CT semble moins cadrer les locuteurs et permet des descriptions plus personnelles. En effet, une même scène, selon son niveau d’ambiguïté, peut être décrite différemment selon ce qu’elle représente pour chacun. Des facteurs tels que la différence de sensibilité selon les sexes, l’âge du patient, les conditions de vie actuelles peuvent fortement influencer la narration d’une même scène. Il est donc peut-être important de laisser une marge de liberté d’interprétation personnelle et adopter, du moins pour le Cookie Theft, une cotation plus souple, tout en étant attentif aux difficultés rencontrées par le sujet.

Les résultats ont permis de relever le caractère ambigu de l’image du CT. Il serait donc intéressant de procéder à une évaluation de la complexité visuelle et de la familiarité de cette image afin de se rendre compte de l’importance de ces facteurs auprès de la population.

Les résultats montrent que la couleur semble jouer un rôle facilitateur. Elle permet une bonne compréhension de la scène et des inférences. De plus, la couleur est écologiquement plus pertinente puisque le monde dans lequel nous vivons est coloré. Il serait intéressant de contrôler l’effet réel de la couleur en présentant notre image et celle du Cookie Theft, toutes deux en noir et blanc ainsi que ces deux images en couleur.

Notre image et celle du HDAE-F sont des images aux traits. L’analyse visuelle de telles images est considérée comme plus complexe et demande un niveau d’abstraction supérieur que l’analyse d’une photographie, en couleur, plus similaire à la réalité (Reis et al., 2006). En effet, le niveau de

« concrétude » d’une image peut influencer son identification. Ainsi les photos contiennent plus d’informations visuelles (profondeur, surface, texture, couleurs) et sont donc mieux reconnues. Ces différences de perception visuelle des objets et des images s’observent principalement pour des individus de niveau scolaire inférieur (Lauterbach, 2006) ou illettrés (Reis et al., 2006). Il peut alors être intéressant de mener une étude avec ces mêmes scènes jouées et photographiées (en effectuant des montages pour certaines parties). Il est primordial d’adapter le matériel aux capacités des patients afin d’être les plus sensibles dans nos mesures. De plus, une image photographiée a l’avantage d’être plus réelle et donc plus écologique.

8.6. Description de l’image du Quai de Gare par des patients cérébro-lésés

L’essentiel de ce travail consistait à créer une nouvelle image complexe et de la valider auprès d’une population contrôle. Il est important d’avoir un premier aperçu des productions induites par notre image auprès de patients cérébro-lésés pour lesquels cette image a été élaborée. Le dossier

L’essentiel de ce travail consistait à créer une nouvelle image complexe et de la valider auprès d’une population contrôle. Il est important d’avoir un premier aperçu des productions induites par notre image auprès de patients cérébro-lésés pour lesquels cette image a été élaborée. Le dossier