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Discours pathologisant à l'égard de la colère

Chapitre 4: Les résultats

4.1 Intervenir sur la colère: une tâche complexe et ambivalente

4.1.5 Discours pathologisant à l'égard de la colère

Pour l’ensemble des intervenants, la colère ne devrait pas être considérée comme un trouble de la santé mentale, au même titre que ceux répertoriés dans le Manuel Statistique et Diagnostique (DSM).

"Non j'pense vraiment pas. J'pense que ... vraiment pas. J'pense que t'sais tu ... c'est normal d'exprimer cette ... ben comme j'disais c'est normal de resentir la colère, tout est dans la façon qu'on l'exprime.

J'pense que c'est parce qu'on l'exprime d'une mauvaise facon que c'est un problème de santé mentale. Mais j'pense par exemple que quand la santé mentale est impliquée aussi, j'pense que là nos interventions doivent être différentes de toute évidence la. J'pense que ça c'est plus là qu'il faut faire attention, mais j' ... comme j'aurai ben non j'pense pas qu'on devrait comme inclure ça dans le DSM là.

Non j'penserais pas. J'pense vraiment que ... j'pense vraiment que c'est en ... que c'est lié à la santé mentale nécessairement quand on exprime mal notre colère, ouais." (Brigitte)

"J'suis pas d'accord, j'suis pas d'accord. J'trouve ça fort un peu. La colère c'est pas une maladie mentale. J'ai tu d'misère avec ça. [...]

Ouais j'suis pas sûre de trouver je ... c'est sûr que s'il la mette c'est qu'il y a une recrudescence de .. de colère, y a plus de colère."

(Mathilde)

Si la colère n’est pas un trouble de santé mentale en soi, elle peut être considérée néanmoins comme étant révélateur d’un autre trouble de santé mentale sous-jacent, comme un problème de personnalité:

"Des fois j'ai ... je ... c'est des ... j'comprends pas que la personne voit pas que il y a un problème, que c'est pas les autres, mais lui t'sais que cette colère-là c'est pas les autres là qui sont responsables c'est lui, il l'voit pas. Il l'voit pas pis on travaille fort, il a faite pleins

de thérapies pis ça la rente pas. Probablement un trouble de personnalité qui a pas été évalué, je le sais pas." (Mathilde)

Brigitte, quant à elle, indique qu'en évaluant les comportements violents commis par une personne, on est parfois amené à considérer l'aspect de la santé mentale afin de déterminer s'il s'agit d'un pur cas de problème de gestion de la colère ou d'une combinaison des deux:

"[...] j'pense que aussi une grosse ... toute la question de la santé mentale t'sais c'est pas t'sais oui y a des gens qui ont des ... des problèmes de gestion de la colère tout ça pis t'sais qu'on réfère aux programmes spécifiques pour ça, mais y a des gens t'sais qui ont comme d'autres problématiques autour t'sais que combinés ensemble ça fait comme un duo explosif t'sais mais que c'est pas nécessairement des gens qui d'emblée on va orienter vers les programmes de gestion de la colère non plus là."

S’ils ne sont pas prêts à admettre que la colère est un trouble de santé mentale, le discours des intervenants reflètent néanmoins une certaine médicalisation du phénomène de la colère.

Certains vont en effet identifier la colère en termes de symptômes, de signes physiques ou encore de déficits et de fonctionnalité:

"[...] la colère va peut-être des fois t'amener à faire des choses alors que fondamentalement t'est pas un individu comme ça. On va r'trouver ça aussi la rage au volant, des gens qui sont dans la vie très fonctionnels pis oup tout d'un coup il s'passe de quoi, ils perdent carrément les pédales. [...] Ben moi je pense que une colère persistante et ... et toujours présente et ... et ... c'est un symptôme, c'est pas une maladie c'est un symptôme de ... d'autres choses selon moi. Tu peux pas voyons donc la colère c'est un sentiment. C'est comme si on disait on va ... on ... on va cataloguer les gens qui sont justement anxieux ou dépr ... ben ça c'est des maladies mentales c'est pas un bon exemple. Les gens qui sont tristes, sans parler de dépression, les gens qui sont tristes ont va mettre ça dans les cas de problèmes de santé mentale. Non j'pense pas, j'suis pas d'accord avec ça. [...] Ça l'devient si, puis on va détecter plus un trouble de la personalité souvent qui est sous-jacent à la colère" (Mathilde)

" T'sais souvent les gens on s'rend compte que ils ont des déficits pas juste au niveau t'sais de la colère [...] T'sais j'aime pas définir une personne violente j'aime mieux dire qu'on a peut-être des déficits dans la gestion des émotions qu'être une personne violente, j'trouve que c'est moins comme une étiquette si on veut là." (Brigitte)

Des termes médicaux sont aussi utilisés pour décrire la détection et le traitement d'un problème de colère:

"Ça j'pense que c'est une grosse partie de leur travail aussi de reconnaître nos propres indicateurs de bon quand on sent que la colère monte pis reconnaître un peu nos ... nos ... pas nos signaux d'alarme, mais de ... d'être capable de détecter qu'on t'sais qu'on sent que notre ... notre soupape, ça commence à brasser un peu t'sais y a des gens pour qui ça c'est t'sais c'est un bon travail a faire avant qu'y ... qu'y commettent des gestes ou des paroles tout ça."

(Brigitte)

" [...] j'sais juste que elle est sur l'aide sociale et j'arrivais à un moment donné à détecter sa colère justement même si elle était même pas en colère. Alors il y a vraiment dans l'discours de la personne des ... des choses qui nous met la puce à l'oreille pis qui nous font croire 'garde elle a un potentiel là si tu fais pas attention, tu la cherches, tu la trouves t'sais." (Mathilde)

"[...] moi j'ai l'impression que ... qu'en 2015 une chose qui est bonne c'est qu'on y fait face à cette colère-là. On l'adresse, y a des ressources qui sont montées pour ça, hommes, femmes et j'trouve que c'est une bonne chose c'est déjà un pas dans la bonne direction.

[...] j'ai espoir qu'on dirait que plus les années avancent puis plus que c'est correct d'aller dans des ressources que les ... les ... les ressources au niveau de l'être humain, la consultation, la ... c'est quelque chose de moins tabou que ça l'était avant, le monde sont confortable de dire qu'y ont déjà été consulté y a des ... y a des résultats [...] " (Michael)

Mathilde et Michael ajoutent aussi que la colère est « comportementale » et peut-être prévenue par l’éducation et l’apprentissage dès l’enfance

" C'est la base selon moi. La colère quand t'es pris à terre risque d'être facilement traitable que si tu laisses un adulte avec cette colère-là de plus en plus ça va être difficile de la régler j'pense que quand t'es petit pis déjà c'est détecté ça serait une mosuse de bonne affaire dans les écoles qu'y travaillent là dessus. J'trouve ça triste parce qu'y mette toute ensemble dans les mêmes classes." (Mathilde)

"J'crois pas que c'est la colère le problème t'sais, vraiment c'est comment on a été enseigné, ou comment tout simplement qu'on la

gère, qu'est-ce qu'on fait avec, c'est là l'problème. La méconnaissance du sujet des fois t'sais j'veux dire les ... ça devrait être appris puis assez tôt à part de t'ca, les jeunes de ... , on devrait en parler de ces choses là [...] j'trouve que c'est bien qu'on soit rendu là, qu'on puisse donner ces services-là, qu'on puisse s'en parler aussi, que ça ... non j'trouve ça très bien, j'trouve ça très bien et j'trouve ça très important pis faudrait aussi peut-être aller toucher avant que les gens soient adultes, ça serait pertinent aussi.   "

(Michael)

De plus, le thème de la colère comme étant une source de souffrance chez les personnes aux prises avec le problème de colère est également ressortis chez deux des intervenants:

 

"[...] le mot qui m'vient en tête principalement la souffrance, pis la souffrance de tous les acteurs, la victime ou des victimes, la souffrance des proches, la souffrance de l'agresseur, la souffrance de ... de ... de la personne colérique parce que oui la colère peut

On assisterait également au développement d'une spécialisation dans le traitement du phénomène puisque dorénavant c'est un problème qui est adressé par diverses disciplines s'inscrivant au sein des interventions sociales et médicales:

"Les gens en parlent, et ils sont informés du moins les spécialistes dans l'milieu, les thérapeutes, les psychologues, les psychothérapeutes, les éducateurs, peu importe toute c'te gang là là qui travaille avec les êtres humains, y commencent à savoir, y commencent à être informés, commencent à être sensibilisés à la question." (Michael)

"Là en tout cas c'que j'me fies aux gens qui s'assoient dans mon bureau, à un moment donné y ont besoin d'aide c'est pas pour rien qu'on a des organismes comme [nom de l'organisme]. Si on a mis sur pied des groupes de personnes avec du ... du ... difficulté de gestion d'émotions c'est parce que c'est un problème ça, parce que

c'est bon qu'on entretienne ça, c'est quelque chose qu'il faut travailler, j'pense pour être bien."  (Mathilde)

Michael et Brigitte relèvent l'aspect du stigma attaché au fait d'être identifié en tant que personne ayant un problème de colère et ayant recours aux programmes de gestion de la colère :

" [...] pis c'est pour ça que moi j'aime beaucoup utiliser le ... le terme gestion des émotions plutôt que juste colère ou problématique de personne violente. T'sais souvent on voit ça sur les ordonnances de la Cour pis c'est très ben c'est très stigmatisant d'une part là t'sais on n'est pas juste une personne violente on peut... T'sais j'aime pas définir une personne violente j'aime mieux dire qu'on a peut-être des déficits dans la gestion des émotions qu'être une personne violente, j'trouve que c'est moins comme une étiquette si on veut là." (Brigitte)

Selon Michael, le stigma attaché aux phénomènes de la colère et de la violence parmi d'autres problèmes de nature psychologique/émotionnelle aurait diminué parce qu'on en parle plus et ceux-ci connaissent plus de visibilité dans la société ce qui rendrait également l'accès aux ressources plus facile:

"[...] y a beaucoup d'efforts qui sont faites au niveau des annonces à la radio, des annonces à la télévision, des ... des ... des ... bon, les programmes d'aide aux employés, fait qu'on est entouré de t'ca, on est entouré de ... y a quelque chose d'accessible pour t'aider là est-ce que tu vas l'utiliser? T'sais pis ça fait réfléchir, tu vas au [nom de l'organisme] pour ta carte d'assurance maladie y a des pamphlets partout t'sais pis t'sais des fois t'es en attente le gars y va s'mettre les mains dans les poches, va aller marcher en avant des pamphlets pis y en a un qui va ... va attirer son attention, va l'prendre pis y peut traîner pendant des mois là son pamphlet, mais à un moment donné y peut tomber d'ssus pis y va appeler t'sais c'est ... ça peut t'sais j'veux dire j'crois que l'accessibilité elle aide même si on ... y'a beaucoup d'attentes dans les services de santé là, mais la visibilité, l'accessibilité c'est toutes des choses qui ... qui favorisent pis l'fait d'en parler que ce soit pu tabou autant que ça l'était que c'est pleins de facteurs selon moi qui sont à prendre en ... à tenir compte là."