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Chapitre 4: Les résultats

4.2 Vivre la colère: une expérience individuelle et partagée

4.2.6 Les conséquences de sa colère

Quelles sont les conséquences de la colère sur la vie d’une personne? Devient-on colérique “à vie” ou peut-on se défaire de cette étiquette? Pour certains, la colère a entrainé chez eux de l’isolement, du rejet, de l’exclusion

" Ça ça m'a amené à être tout seul beaucoup ça. Ça m'a amené à pas avoir grands amis ça. Beaucoup beaucoup ouais beaucoup beaucoup ouais ça m'a amené à ... à vivre du rejet, à vivre de la solitude, ça m'a poursuivi longtemps longtemps pis si j'regarde dans mon coin à [nom de ville] où c'que j'viens j'ai pas grands amis. J'vas sur facebook pis y a pas grand grand grand d'monde. J'suis ben étiqueté à [nom de ville] beaucoup beaucoup beaucoup." (Georges)

En plus de vivre le rejet ou l'exclusion de la part des proches, la plupart des participants dont Georges dans l'extrait ci-dessus, ont mentionné avoir été étiqueté à cause de leurs comportements dits colériques.

"J'veux dire j'tais pas parti dans ma tête au détriment de ... de ... de ... de ... ben écoute ben Angélique, voulais pas faire mal à personne pis rien de tout'ça, mais si y avait eu des gens debout en avant de moi, je les aurais surement frappé avec l'auto pis Dieu merci c'était un mur, t'sais c'tait un mur, c't' une maison pis t'sais j'chui pas ... ben là on m'a considérée violente évidemment, mais t'sais j'ai jamais eu d'antécédents d'violence ... de violence là outre si on m'agresse je me défends pis encore là c'est une question de perception y'a des gens qui vont se sentir agressés et pour la même situation l'autre à côté y s'aura pas senti agressé, mais ... en tout cas." (Solange)

"Ouais pis t'sais quand t'es quelqu'un d'colérique comme ça pis t'sais qui pète des plombs ben t'sais tantôt j'disais moi mes enfants quand qu'y ont des comportements qui sont pas tout l'temps parfait t'as tendance à tout checker ben là moi j'veux dire j'suis... je regardais à la loupe laà, c'est si j'lève le ton c'est t'sais t'es ciblé c'est sûr. Au travail j'peux pas t'dire parce que c'est pas le genre de comportement que j'ai au travail ou avec les amis. Mais fait que là l'étiquette que j'porte à la maison ben oui c'est t'sais papa qui s'fâche là t'sais." (Stéphane)  

Georges et Stéphane mentionnent d'ailleurs qu'encore aujourd'hui en dépit du cheminement et du travail effectué sur eux-mêmes afin d'adopter de mieux gérer leur colère, l'étiquette persiste au sein de leur entourage.

"Pis en même temps c'est ça qui est difficile c'est que ... pis ça j'ai vécu ça dans la dernière année c'est que tu progresses t'sais avec des ... des programmes comme ici, tu progresses pis t'es plus conscient pis tu l'sais quand tu fais des reculs, pis qu't'as des succès, mais ton environnement le voit pas nécessairement eux autres ils voient juste quand tu pètes un plomb t'sais fait quand tu t'fais dire, je me suis faite dire pis ça c'était un impact pis c'est frustrant s'faire dire t'sais comme ça change pas t'es toujours ... t'es toujours colérique, tu nous cries toujours après. Je vois, mais y a comme les deux fois que j'ai crié après t'sais tantôt j'te disais 95% du temps ben y en 15 que j'ai faite mon recul pis j'ai faite mon retrait pis vous avez rien entendu là t'sais. Fait que ça ça peut être frustrant aussi, mais je l'accepte

'garde c'est you rip what you saw, t'sais je m'suis crée un ... j'me suis crée un stéréotype pis l'étiquette elle va rester pendant un bout là, ça faut vivre avec là." (Stéphane)

"J'suis parti ça fait 15 ans, mais l'monde y savent pas que j'ai ... j'ai travaillé sur moi, j'ai changé beaucoup pis je me suis amélioré t'sais, fait que les gens y viennent pas m'chercher pour aye veux-tu être mon ami, ils m'ajoutent pas dans leur liste beaucoup, ouais. Ça j'ai pris beaucoup de prise de conscience beaucoup par rapport à ça.

J'ai vécu beaucoup aussi de rejet envers les ... la ... la famille à ma dernière conjointe. Y a plus personne qui voulait me voir. Ses enfants voulaient plus m'parler, sa mère elle voulait plus m'parler, sa soeur. Elle allait à ... à Noël, à Pâques, pis au jour de l'An, elle allait toute seule chez eux pis moi j'pouvais pas y aller. Fait que ça c'est ... c'est des choses qui font ben de la peine, c'est une bonne famille puis ... ils m'ont rejeté longtemps, ils m'ont ... là ils me rejettent parce que j'suis plus avec t'sais, mais ils m'ont rejeté dans la dernière année ils voulaient plus m'voir rien de ça. C'était ... c'est ça ... c'était un ... c'était un ... c'est un homme coléreux, un homme agressif, violent, dangereux." (Georges)

Pour Georges, la colère et la violence ont longtemps fait partie de son identité en tant que jeune et adulte. La colère était même perçue, par les autres, comme une dimension positive qui le définissait comme personne. Jusqu'à temps qu'il prenne conscience que sa colère et sa violence étaient problématiques, celle-ci était une source de valorisation:

"Ma mère je l'aimais quand même puis j'ai commencé à battre les comme valorisant. Ouais. C'est comme valorisant jusqu'à temps que les ... que tu grandisses pis les conséquences ... que tu comprennes des choses ... les conséquences c'est ... ils te font réaliser que ... que dans l'fond c'est ... c'est pas valorisant c'est ... tu perds toute c'qui est alentour de toi t'sais. [...] avec mes amis c'est l'contraire j'ai été ...

j'ai été valorisé par ça. Ça ... ça m'a ... ça ... ç'a été ... ça a pas été bon pour moi ça [...] parce que d'être valorisé dans ... dans la colère c'est comme être ... d'être accepté pis c'est d'être correct, c'est

comme t'es quelqu'un d'important. [...] c'était peut-être pas des bons amis t'sais, mais quand qu'tu manques d'amour t'as pas d'amour, mais si t'es capable d'avoir quelque chose qui t'dis que t'es quelqu'un ben ... ben j'suis quelqu'un ben tant mieux pis j'ai grandis beaucoup avec ça ... j'ai eu des surnoms jeune qui y m'appelaient quand j'étais jeune y m'appellaient le boeuf ... le boeuf c'est quelqu'un qui est fort.

Fait qu'ils m'appelaient l'boeuf, fait que c'est pour moi de ... de me faire appeler l'boeuf quand j'étais jeune c'était (il frappe sa poitrine), j'suis quelqu'un, j'suis bon. Puis j'ai grandi là d'dans j'ai grandi là d'dans j'sortais dans les bars les clubs j'voyais quelqu'un qui s'faisait battre j'voulais être reconnu j'm'en mêlais j'allais battre la personne pour l'autre."

Toutefois, aujourd'hui il ne veut plus être étiqueté comme colérique. Il ne veut plus que son identité soit rattachée à ses actes colériques et/ou violents:

"Aujourd'hui ça m'ferait quelque chose, aujourd'hui ouais ça m'ferait vraiment quelque chose, aujourd'hui. J'ai ... que quelqu'un me parle de mon passé je ... je ... je lui dis ... je lui dis que mon passé était pas correct, je lui dis que j'ai changé, je lui dis que je veux plus être dans ça ... être étiqueté comme ça du tout du tout du tout du tout du tout. Mon employeur mon grand boss [...] il m'a valorisé beaucoup avec ça, pis il me valorisait beaucoup au niveau des autres employés beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup. Ça ça m'étiquetait beaucoup aussi pis moi j'ai accepté ça beaucoup au début qu'il me valorise comme ça. J'ai accepté beaucoup pis ... mais avec le temps, mais ok c'est peut-être première année c'est l'fun, deuxième là, mais quand que t'es toujours étiqueté comme ça ... c'est ça fonctionne plus ça marche plus." (Georges)

Pour Solange finalement, en dépit des années passées à être perçue comme quelqu’un ayant un problème de colère par des membres de sa famille, ce sont ses amies qui parviennent à lui faire croire qu’elle ne se réduit pas à sa colère :

"[...] j'ai des amis, moi là mes amies de fille que j'ai, j'les ai depuis que j'ai 8-9 ans. On a fêté 34 ans cet ... à Noël, ma ... ma plus vieille de mes amies qu'on s'parle à toute les jours. J'me dit j'ai dû avoir que'que chose de bon à que'que part pou qu'y m'endurent toutes ces années là à travers toutes mes frasques t'sais, pis mon autre amie ça fait 22 ans pis eux y ont pas de problème de gestion de la colère pis y viennent de familles pas mal fonctionnelles."