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Difficultés rencontrées dans l’étude pilote

Le modèle de Davidson (1957) : théorie et « hypothèses expérimentales »

3.6. Protocole expérimental

3.6.1 Difficultés rencontrées dans l’étude pilote

(a) Contrôle des « effets de renforcement cumulatifs et directs ».

Les auteurs se sont aperçus que gagner ou perdre plusieurs fois de suite par session rendait les sujets optimistes ou pessimistes, ce qui en retour pouvait avoir des effets sur les réponses des sujets à des offres similaires. De la même manière plus l’enjeu monétaire devenait important ou symétriquement plus il devenait faible, plus des effets de distorsions observés sur les choix pouvaient survenir (Davidson, Suppes, Siegel [1957], p. 53).

La difficulté était non seulement de repérer ces effets sur les sujets mais aussi d’éviter que ces effets ne contaminent durablement tous leurs choix.

Pour pallier cette difficulté, les auteurs mirent en place une procédure particulière. Lorsque par exemple il s’agissait de tester l'hypothèse H1, le croupier- expérimentateur offrait près de 15 paris au sujet. Au départ, chaque pari pris par le sujet était suivi d’un jet de dé et du règlement de la récompense (par l’expérimentateur) - ou de la dette (par le sujet) - relative au pari lui-même. Pour contrôler les effets de renforcement, il était proposé au sujet, de faire plusieurs paris à la suite avant que le dé ne soit lancé – tout ceci avec son accord. La justification donnée au sujet était qu’il s’agissait pour lui de gagner du temps. C'est-à-dire qu'une paire d'issues était présentée à lui et le sujet faisait son choix, qui était noté, après quoi une autre paire lui était immédiatement présentée. On disait au sujet que les choix qu'il faisait étaient liés et que lorsqu’il faisait ses choix pour deux ou trois paires d'issues successivement, il ferait rouler le dé une fois pour chacun d'eux, après quoi il ne pourrait plus changer d'avis. En d'autres termes, le sujet était engagé dans le choix qu'il faisait quand les issues lui étaient proposées, même s'il ne faisait pas rouler le dé pour voir si un choix particulier était payant jusqu'à ce que tous ses choix soient faits. L'expérimentateur donna au sujet des paires d'issues en groupes de trois ou quatre jusqu'à ce que les épreuves pour tester H1 soient terminées.

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Une fois cette mesure prise, l’expérimentateur était capable de mesurer l’utilité du sujet (H2).

A ce point, l’expérimentateur disait au sujet qu’il y avait seulement 25 ou 30 choix à faire encore, et il lui demandait s’il voulait les faire tous avant que le dé ne soit jeté pour voir quelle serait le résultat final86.

Ayant recueilli l’accord de tous les sujets, aucune impression de retard dans la récompense ne semblait être ressenti par les sujets si bien que ces derniers avaient toujours l’impression de parier même si l’issue des paris n’était connue que de manière décalée (Davidson, Suppes, Siegel [1957], p. 54).

(b) L’effet de récence (recency)

Un deuxième problème expérimental concerne l’effet de récence (recency). L’expression la plus simple de cet effet est que les sujets avaient plus de facilité à se rappeler des dernières syllabes du dé lors des derniers jets plutôt que des syllabes obtenus dans les tous premiers.

Cet effet se matérialisait, selon les auteurs, lorsque les sujets voyaient une syllabe particulière d’un dé arriver (sortir) ou non suite à de nombreux jets. Si la même syllabe venait plus de trois fois de suite par exemple, la probabilité subjective baissait temporairement pour la plupart des sujets.

Le problème fut effectivement résolu en utilisant trois dés au lieu d’un. Le dé utilisé était changé après chaque jet. De cette manière, aucune syllabe particulière ne pouvait gagner ou perdre, ou même être choisie, deux fois de suite. Le temps que le dé soit réutilisé, le sujet avait oublié ou n’était pas influencé par son expérience précédente (Davidson, Suppes, Siegel [1957], p.55). L’expérimentateur n’annonçait pas les événements correspondants avant que le dé soit jeté.

Cet effet de récence rappelle les effets observés par Preston et Baratta [1948] évoqués plus haut. La particularité du modèle de 1957 de Davidson et al est que les auteurs ont tenté de corriger ces effets pour qu’ils ne puissent pas amoindrir ou remettre en cause les résultats de l’expérience.

86 Les auteurs mentionnent qu’en fait, « il y avait le plus souvent plus de deux fois plus de paris restant mais aucun sujet ne l’avait noté » (Davidson, Suppes, Siegel [1957], p. 54).

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(c) Distorsions dans la détermination des quantités de monnaie

Le troisième problème est relatif aux distorsions initialement rencontrées lors de la détermination expérimentale de la quantité de monnaie c comme cela a été mentionné plus haut. Ce problème, de l’avis des auteurs, ne reçut qu’une solution partielle (Davidson, Suppes, Siegel [1957], p.55).

Lors du test de H2, les auteurs ont procédé ainsi : partant de a = -4¢et b = 6¢, arbitrairement choisis, un montant c était trouvé tel que b, c ≈ a, a (ou son approximation) ; sur la base de a, b et c, un autre montant est trouvé et ainsi de suite. Dès lors, la valeur de chaque point sur l’échelle d’utilité dépend des points trouvés auparavant.

Une distorsion dans la valeur de c est donc cruciale, puisque cela va distordre toutes les autres valeurs. La distorsion initiale de c se répercute car elle constitue le point de départ de l’approximation des autres valeurs. Un problème essentiel réside aussi dans la relation (i), la première des treize équivalences, b, c ≈ a, a. En effet, si le sujet choisit l’option sûre (a, a) 87 il est nécessairement perdant puisque l’issue consiste par hypothèse à perdre 4 centimes. Comme le mentionnent les auteurs : « Si le sujet a une utilité positive pour le pari, on devra lui offrir un c faussement bas avant qu’il reporte son choix sur l’option (a, a) ; cela va en retour rendre la valeur de d faussement haute et ainsi de suite 88 » (1957, p. 55).

La méthode employée pour compenser une distorsion possible se présente comme suit89 : le point de départ est une distorsion qui existe si

- d’une part, on sait que à partir de a et b données par la relation (i), on trouve un

c, puis avec (ii) un montant d est trouvé ; en utilisant d et (iii), f est trouvé.

- Et d’autre part, si grâce à la relation (iv) et les mêmes f, b, d, on trouve cette fois une nouvelle valeur c’ telle que b, f ≈ a, c’.

87 Les auteurs reconnaissent donc de leurs propres aveux qu’ils n’ont pas pu éviter de comparer des issues sûres à des paris risqués comme ils l’avaient avancé au départ (Davidson, Suppes, Siegel [1957], p. 55). 88 D’ailleurs, seule la relation (i) a été considérée par les auteurs puis le problème a été volontairement négligé pour les autres équivalences (Davidson, Suppes, Siegel [1957], p. 55).

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Si c’= c, aucune distorsion due à l’utilité du pari n’est entrée apparemment dans la détermination originale de c (les auteurs supposaient au cours de cette discussion qu’aucune distorsion due à l’utilité du pari n’entrait dans les choix entre deux options dont chacune est un pari).

Si c’ < c, on peut raisonnablement penser que le c original est trop bas. L’expérimentateur augmentait alors le c original d’1¢, puis déterminait un nouveau d et un nouveau f (appelés c+1¢, d’ et f’) et vérifiait si b, f’≈ a, c+1¢ ; s’il en est ainsi,

c+1¢ est la valeur correcte. Sinon, un autre ajustement était indiqué. Une procédure

similaire était suivie si c < c’.

Pour 1/3 de nos sujets, les auteurs ont eu besoin de faire des compensations. Mais pour seulement un seul d’entre eux il était nécessaire de faire des compensations à deux reprises. Davidson, Suppes et Siegel pensaient qu’il était possible d’interpréter ces résultats comme montrant que la distorsion due à l’utilité du pari n’était pas aussi forte ou aussi fréquente que ce qui avait été présumé, au moins pour de faibles montants de monnaie.

(d) Rapidité et simplicité dans le recueil des données

Le dernier problème mentionné par les auteurs est qu’ils se sont sentis obligés d’être prompts à obtenir les données relevant de la mesure de l’utilité d’une seule session puisqu’ils ne pouvaient pas être sûrs de la stabilité de la fonction d’utilité du sujet sur des périodes plus longue que celle de la session de test. Les auteurs ont donc considéré que la rapidité et la simplicité valaient quelque sacrifice en termes de complétude de certains aspects de l’expérience, au moins jusqu’à ce qu’il y ait une preuve claire que la fonction d’utilité était relativement stable au cours du temps. Dans la conception finale, les auteurs étaient capables de rassembler l’information nécessaire pour H2 en moins d’une heure en moyenne.