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Deux eulogies

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 48-53)

La première eulogie est celle que Zhu Xi consacre à Lu Jiuling

陸九齡

(1132-1180 ; zi Zishou

子壽

, hao Fuzhai

復齋

) après la mort de ce dernier survenue le 19 octobre 1180. Lu Jiuling est le dernier des cinq frères aînés de Lu Jiuyuan. L’écrit mentionne brièvement le « frère cadet » (Lu Jiuyuan lui-même) lors de l’évocation de la rencontre d’Ehu.

學匪私說,惟道是求。苟誠心而擇善,雖異序而同流。如我與兄,少不並遊。蓋一生而再見,

遂傾倒以綢繆。念昔鵝湖之下,實云識面之初。兄命駕而鼎來,載季氏而與俱。出新篇以示我,

意懇懇而無餘。厭世學之支離,新易簡之規模。顧予聞之淺陋,中獨疑而未安。始聽熒于胸次,

卒紛繳于談端。徐度兄之不可遽以辯屈,又知兄必將返而深觀。遂逡巡而旋返,悵猶豫而盤旋。

別來幾時,兄以書來。審前說之未定,曰予言之可懷。逮予辭官而未獲,停驂道左之僧齋。兄 乃枉車而來教,相與極論而無猜。自是以還,道合志同,何風流而雲散,乃一西而一東。蓋曠 歲以索居,僅尺書之兩通,期杖屨之肯顧,或慰滿乎予衷。屬者乃聞兄病在床,亟函書而問訊,

并裹藥而攜將。曾往使之未返,何來音之不祥。驚失聲而隕涕,沾予袂以淋浪。嗚呼哀哉!

今茲之歲,非龍非蛇,何獨賢人之不淑,屢興吾黨之深嗟!惟兄德之尤粹,儼中正而無邪。至 其降心以從善,又豈有一毫驕吝之私耶!嗚呼哀哉!兄則已矣,此心實存。炯然參倚,可覺惰 昏。孰泄予哀﹖一慟寢門。緘辭千里,侑此一尊。

(« Ji Lu Zishou jiaoshou wen 祭陸子壽教授文 » [Eulogie pour l’Instructeur Lu Jiuling], Wenji 87, 4077-4078, in Zhuzi quanshu, vol. 24)

110 Le terme d’« eulogy » et d’« eulogistic » est utilisé par Beverly Bossler, historienne spécialiste des Song, dans son ouvrage Powerful Relations, mais de manière générique et au sujet de genres d’écriture que nous qualifions ici simplement de

« mortuaires », et qui renvoient pour beaucoup d’entre eux à des inscriptions : muzhi 墓誌 (inscriptions tombales), shendaobei 神道碑 (stèles d’allées divines) et xingzhuang 形狀 (rapports de réalisations – ou de conduite – : voir également Schirokauer 1962, 165). Telles sont les matériaux sur lesquelles elle se fonde dans cette étude de la préfecture de Wuzhou 婺州, selon une approche rhétorique et sociologique qui n’est pas celle que nous privilégions ici (voir Bossler 1998, 1-34). Il semble en revanche que les « jiwen 祭 文 » (nos « eulogies ») soient absent du champ d’investigation de cet ouvrage.

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Le savoir n’est pas affaire d’idées personnelles, car seule la Voie mérite d’être poursuivie. Du moment que le cœur s’accomplit et que l’on poursuit le mieux, lors même que les bras diffèrent, le courant est équivalent.

Ainsi, pendant notre jeunesse nous ne nous étions pas fréquentés, et de notre vie nous ne nous sommes rencontrés qu’à deux occasions : il en est pourtant résulté une admiration et un attachement profonds.

Je garde en mémoire ce moment passé naguère au temple du Lac des Oies, lors de ce qui fut en fait notre première rencontre. Vous étiez venu avec promptitude, votre frère cadet à bord, et nous fûmes alors au grand complet. Pour mon instruction vous aviez sorti une composition récente, où votre intention s’exprimait en toute sincérité : vous y fustigiez ce que le savoir de l’époque a de morcelé et de disparate, tout en y donnant une nouvelle manière à la facilité et à la simplicité. Cependant, en vous écoutant dans mon étroitesse d’esprit, seul de notre réunion je restai dubitatif et comme gêné. Il y eut d’abord un trouble dans mon cœur, puis de la confusion dans mes propos. Progressivement je compris qu’une argumentation n’allait pas suffire où vous convaincre immédiatement ; mais je savais aussi qu’une fois rentré chez vous, vous sauriez méditer en profondeur. Je pris alors le chemin du retour d’un pas irrésolu, en proie à une hésitation paralysante. Quelques temps après notre séparation, je reçus une lettre de vous. Vous y constatiez que votre opinion antérieure n’était pas encore définitive, et y affirmiez que mes paroles méritaient d’être retenues. Lorsque, faute de la démission [que je demandais], je dus m’arrêter dans un temple non loin de ma route, vous interrompîtes votre trajet pour venir me délivrer votre enseignement : ce fut l’occasion d’aller au bout de nos arguments et de lever toute incertitude. Depuis votre départ, nous étions d’accord sur la Voie, équivalents dans l’engagement. Mais il suffit d’un souffle pour disperser les nuages, et nous nous éloignâmes dans des directions opposées. Pendant ces années où nous vécûmes séparés l’un de l’autre, je ne pus que vous écrire deux lettres : mon espoir était que vous daigneriez me rendre visite, ce qui m’aurait grandement consolé. Or récemment, le bruit me vint que vous étiez allité ; je vous écrivis alors en hâte pour prendre des nouvelles, vous faisant apporter un colis de médicaments. Mais mon émissaire n’était pas encore de retour que l’on m’annonçait la mauvaise nouvelle. La stupeur me laissa sans voix, et je versai des larmes qui ruisselèrent sur mes manches. Hélas, quelle ne fut pas mon affliction !

Nous ne sommes pas dans les années du Dragon ou du Serpent111 : pourquoi donc seuls les hommes sages sont frappés de malheur, provoquant les lamentations répétées des miens ? Votre vertu était la pureté même, et vous n’étiez que dignité et rectitude, sans jamais un écart. Qui plus est, vous aviez dompté votre cœur en suivant les bons conseils, d’où l’absence chez vous du moindre égoïsme, ni même d’une once de vanité ou de mesquinerie. Hélas, quelle n’est pas mon affliction ! Mais mon aîné, si vous avez disparu, votre cœur véritablement subsiste. Par son éclat, chacune de vos actions est capable d’éclairer les esprits paresseux et troublés. Comment exprimer mon sentiment ? Ma souffrance est celle que l’on éprouve pour un intime. Par l’envoi de ces mots lointains, je vous dédie une libation.

L’eulogie suivante est celle que Lu Jiuyuan écrit pour Lü Zuqian

呂祖謙

(1137-1181 ; zi Bogong

伯恭

, hao Donglai

東萊

). Ce haut fonctionnaire de l’empire, l’un des lettrés les plus influents de l’époque, peut être décrit a minima comme un proche de Zhu Xi : c’est avec lui que ce dernier a compilé Jin si lu

近思錄

, Réflexions sur le tout proche, anthologie publiée en 1175 (Chen Rongjie 1988b, 389-406, 551-553, 555 ; 1989, 356-373 ; Shu Jingnan 2003, 345-355 ; Marchal 2010, 47-48).

Probablement connu de Lu Jiuling depuis la venue de celui-ci à l’Université Impériale (Taixue

太 學

) au début des années 1160, et en bons termes avec Lu Jiuyuan qu’il rencontre d’abord en 1171 à la capitale, puis en 1172 à l’occasion de la participation de ce dernier aux examens de printemps qu’il supervise, Lü Zuqian est à l’origine de la rencontre à Ehu, en mai-juin 1175, des deux frères Lu et de leurs disciples d’une part, de Zhu Xi et de ses disciples d’autre part. Survenue le 9 septembre 1181, près d’un an et demi après celle de Zhang Shi

張栻

(1133-1180), lettré du Hunan

111 Des recherches supplémentaires auraient sans doute permis de mieux comprendre cette expression allusive, fei Long fei She 非龍非蛇, dont nous comprenons néanmoins qu’elle désigne des années jugées défavorables aux sages.

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également très proche de Zhu Xi112, sa mort est ressentie comme une lourde perte par Zhu Xi comme par Lu Jiuyuan, l’un et l’autre voyant partir avec lui l’un de leurs soutiens de poids à la Cour.

玉在山輝,珠存川媚,邦家之光,繄人是寄。惟公之生,度越流輩,前作見之,靡不異待。外

Le jade fait resplendir la montagne, la perle fait scintiller la rivière ; mais seuls les hommes font rayonner la gloire d’un pays. Ô Duc, par votre existence vous avez surpassé vos contemporains et vos écrits, comparés à ceux du passé, forcent le respect. À l’extérieur vous sembliez d’une modestie de simplet, mais à l’intérieur votre habileté était sans égale. Si le mépris se donnait carrière quand vous préfériez la discrétion, en revanche quand vous manifestiez [votre valeur], d’aucuns alors vous enviaient. Mais sans vous attarder à ces futilités, vous restiez maître de vous-même, si bien que les méprisants finissaient par éprouver du respect, et les envieux de la honte. Fort de votre largeur de vues et de votre immense talent, vous érigiez votre personne sans nul autre à vos côtés. Vos pensées s’enchaînaient dans la délicatesse et vos mots se déployaient dans le raffinement. Vos écrits de jeunesse laissaient assurément encore une marge de progression ; mais que ce soit [les disciples de Maître Kong] Yan (Yan Yuan) et Zeng (Zeng Shen) dans leur pratique du savoir, ou [les ministres de l’Antiquité] Lü (Lü Shang) et Yi (Yi Ying)113 dans leur engagement, tous, à force d’obstination et d’approfondissements, gagnèrent en maîtrise et en acuité. Ainsi avez-vous contenu toute partialité et maintenu l’équilibre, supprimé tout défaut et nourri en vous la pureté. Concentré sur votre for intérieur, vous avez cultivé une conduite simple et cette pureté tranquille s’est faite débordante, jusqu’à l’illimité. Comment un homme d’une telle valeur ne serait-il pas un heureux présage pour un royaume ? Lorsque s’est déclarée votre maladie l’année dernière, les gens ont été déconcertés. Mais comme les choses semblaient s’arranger, l’espoir existait d’une rémission complète. Vos recueils [de commentaires] sur les Poèmes et sur le Commentaire [de Zuo] constituaient une grande entreprise, qui prolongeait le travail des classicistes d’antan, dans la continuité des Histoires et des Ordonnancements : fermant la porte pour vous soigner, vous n’aviez pas abandonné cette œuvre de longue haleine. Lorsque l’annonce de votre mort commença à se diffuser, ceux qui la reçurent tombèrent en pleurs !

Orienter ce nôtre raffinement est une tâche qui revient à quelques hommes de bien : quelle est alors l’intention du Ciel, qui les reprend les uns après les autres ? En effet Jingzhou (Zhang Shi) n’est plus, et

112 Zhang Shi meurt le 28 février 1180 (Shu Jingnan 2003, 491-492).

113 Réputé pour sa sagesse, Lü Shang fut le précepteur du roi Wu des Zhou, qu’il soutint dans sa lutte contre le tyran Zhou , ainsi que le conseiller du roi Wen : voir notamment Mengzi 孟子 (Maître Meng) 7B38. Yi Yin fut quant à lui le ministre vertueux du roi Tang des Shang : voir notamment Mengzi 2A1-2.

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alors que mon frère vient de décéder il a moins d’un an, vous nous quittez à votre tour. La mort ne connaît pas de limites, mais c’est l’importance des hommes qui varie ; or si les hommes d’une telle valeur meurent, c’est de l’épuisement que suscite chez eux leur désintéressement. Hélas, pourquoi le Ciel n’en tient-il aucun compte ? Pour tarir nos sources et égaliser nos montagnes, il ne souffre pas la moindre attente.

L’hiver de l’année xin-mao (1171), j’eus la chance de vous croiser à la capitale, mais il ne s’agissait que d’un aller-retour et notre rencontre se limita à une courte salutation. Après quoi nous nous retrouvâmes dans un cadre public, alors que vous contrôliez les examens : en moins d’une journée, je n’eus pas le temps d’exprimer tout ce que recelait mon cœur. Depuis le début nous n’avions pas même échangé un mot, or c’est sur des myriades de copies anonymes que s’activa le copiste ; mais dès votre premier regard sur la mienne, vous avez su qu’il ne s’agissait de nul autre lettré : c’était déjà là faire preuve d’une perspicacité étonnante ! Là-dessus, vous fûtes frappé par un grand malheur, tandis que j’étais humilié par un classement en bout de liste – ce dont, contraint de rentrer pour vous rapprocher des vôtres, vous pûtes seulement me consoler d’une lettre. À l’été de l’année jia-wu (1174), vous étiez encore dans votre région, et alors que je m’en retournai de Qiantang, je remontai le fleuve pour vous rendre visite. Comme vous veniez de vous rendre à Qu, j’y fis halte pendant une décade, et dès que je vous revis, ma joie fut immense et j’en tirai un grand bénéfice. [En ce temps-là] j’étais coupable de présomption : j’en venais à perdre toute mesure, tenant des propos sans substance qui parfois méritaient condamnation, et bien qu’à chaque fois ces errements me valussent des blâmes, je ne parvenais pas à me dominer. Or, ce n’est qu’avec vos charitables remontrances d’alors que je commençai à véritablement comprendre la leçon. Vos questions respiraient la sympathie, vos exhortations semblaient des confidences ; votre enseignement se faisait avec toute votre personne, et quand il vous fallait faire des reproches il en allait de même. Dans ma médiocrité, je fis souvent des faux pas : vous avez pris la peine de vous soucier de moi, et vous avez porté ce fardeau jusqu’à la tombe. Un an s’était écoulé lorsque nous fûmes réunis au [temple du] Lac des Oies. Je m’y exprimai de nouveau de manière inconsidérée, comme si j’avais retrouvé mon ancien état. Vous ne dîtes aucune parole, mais j’avais saisi subtilement votre intention : j’étais sur le point de m’en imprégner agréablement afin de bénéficier de votre remède. Mais les rebelles des étangs mettaient la frontière en alerte, et je dus rentrer précipitamment dans ma famille : mon engagement ne fut pas suivi d’effet114.

Avec feu mon aîné Fuzhai (Lu Jiuling), d’un an ou deux votre aîné, vous vous étiez trouvés en harmonie, paroles et cœurs à l’unisson. [Mais comme l’illustrent les disciples de Maître Kong] Ran (Ran Qiu) et Yan (Yan Yuan), morts si jeunes, de tout temps ces choses-là se produisent. Mais hélas, Ciel, pourquoi être si peu généreux ? Si je n’ai pu m’empêcher de commémorer les furérailles de Fuzhai, comment confier à quelqu’un d’autre [une tâche] aussi importante et si profondément gravée dans le cœur ? Parmi ceux dont la voie est équivalente et les engagements en accord, vous seul êtes d’un seul tenant, et comme je vous avais prié de m’adresser une sentence, vous aviez aussitôt pris la plume pour m’en gratifier. La résonance de ceux qui récitent vos écrits court au rythme d’un fleuve, emplit l’espace comme une montagne : hélas, combien nombreux sont aujourd’hui ceux qui vouent un culte à ce raffinement de culture ? Pour ma part, j’ai beau n’être qu’une haridelle, je redouble d’énergie pour courir, mais c’est seulement quand je ne relâche pas mes efforts que je fais tout juste un cheval acceptable. Ces dernières années, j’ai eu l’impression de changer jour après jour, et les transformations s’accélérant, ma méditation s’affine. Quand je me souviens de ce qu’étaient dans le passé ma rudesse et mon agitation, notre étions alors comme le jour et la nuit : comment pouvais-je mériter d’entretenir des relations avec vous ? J’attendais cet automne ou cet hiver pour aller étudier auprès de vous : en vous rendant peut-être une dizaine de visites, j’aurais pu m’approcher de la raison des choses.

Mes doutes n’étaient pas encore levés et mes espoirs nullement comblés quand la nouvelle de votre mort vint de l’est : j’en eu le cœur brisé. Avec deux ou trois de mes enfants, nous allâmes verser nos larmes dans un monastère, et nous adressâmes une lettre à votre fils en guise de consolation. Quant à vos funérailles, j’entrai en prière avant même que l’on ne deposât provisoirement votre cercueil dans la fosse. Puis j’appris que le jour était fixé au surlendemain. Je partis en toute hâte, sans dormir les nuits, mais à mon arrivée j’eus la douleur de constater que le rideau était déjà baissé sur la fosse. Je n’avais pas pensé que les cordes et éventails funéraires auraient déjà quitté les lieux : au vu des traces de pas sur le sol boueux, il était impossible de rattraper la cérémonie. Aussi levai-je les yeux vers l’empyrée, laissant couler mes larmes à torrents : dépourvu de toute habilité et de tout courage, qui aurais-je pu incriminer ? Lors de la cérémonie du retour de l’âme [dans les tablettes de l’autel ancestral], j’allai m’incliner sur l’autel des morts et, vous prodiguant de riches boissons et victuailles, je mis par écrit des paroles de lamentation115. Les avez-vous entendues ? C’est comme si votre esprit était là116 !

114 Voir Huang Kuangchong 1990, 141-161, et les précisions infra.

115 Faute de recherches approfondies sur la question, la reconstitution que nous proposons ici des étapes du rituel mortuaire ne peut être que conjecturale. On trouve néanmoins quelques éléments d’explication sans doute valables pour le cas présent (tant pour la séquence précédant l’inhumation proprement dite que pour le rituel « yu » de retour de l’âme dans l’autel domestique) dans Naquin 1988, 42-44.

116 Voir Lunyu, 3.12, et infra.

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Ce qui frappe d’abord dans le rapprochement de ces deux textes, c’est un certain nombre de récurrences thématiques et formelles. Ne mentionnons que les plus visibles. Des deux côtés nous lisons une déploration de la mort tout juste survenue, exprimée dans des mètres déterminés, dont le tétrasyllabe (là où Zhu Xi le mêle à des hexasyllabes, Lu Jiuyuan y recourt quasi exclusivement)117 ; les deux textes sont jalonnés d’interjections formulaires, que l’on retrouve dans d’autres écrits apparentés sous le pinceau des deux lettrés118 ; l’un et l’autre mentionnent également les perturbations physiologiques attendues dans les cas de deuil (mutisme, larmes abondantes). Sur le plan de la structure, une partie centrale est de part et d’autre consacrée au récit des rencontres successives de l’endeuillé et du défunt : cette narration suit un ordre chronologique, qui conduit en fin de composition à évoquer l’annonce de la mort et la réaction éplorée du commémorant. Dans leur conclusion, ces deux textes comportent la mention d’un geste effectué in praesentia : chez Zhu Xi, il s’agit de la libation adressée au défunt, à distance certes, mais dans l’instant de l’énonciation ; chez Lu Jiuyuan, un geste d’offrande est évoqué sur le mode seulement narratif (en référence au retour de l’âme dans l’autel domestique119, rituel auquel Lu a pu assister contrairement à l’enlèvement du cercueil, où il arrive trop tard), mais l’emprunt quelque peu modifié d’un passage d’Entretiens (Lunyu

論語

) 3.12 (« C’est comme si votre esprit était là ! ») se situe sans ambiguïté possible dans le domaine de la deixis120. Dans l’un et l’autre cas donc, au-delà de l’emploi en continu d’une deuxième personne d’adresse, la clausule consiste en une action ostensible de jonction

Ce qui frappe d’abord dans le rapprochement de ces deux textes, c’est un certain nombre de récurrences thématiques et formelles. Ne mentionnons que les plus visibles. Des deux côtés nous lisons une déploration de la mort tout juste survenue, exprimée dans des mètres déterminés, dont le tétrasyllabe (là où Zhu Xi le mêle à des hexasyllabes, Lu Jiuyuan y recourt quasi exclusivement)117 ; les deux textes sont jalonnés d’interjections formulaires, que l’on retrouve dans d’autres écrits apparentés sous le pinceau des deux lettrés118 ; l’un et l’autre mentionnent également les perturbations physiologiques attendues dans les cas de deuil (mutisme, larmes abondantes). Sur le plan de la structure, une partie centrale est de part et d’autre consacrée au récit des rencontres successives de l’endeuillé et du défunt : cette narration suit un ordre chronologique, qui conduit en fin de composition à évoquer l’annonce de la mort et la réaction éplorée du commémorant. Dans leur conclusion, ces deux textes comportent la mention d’un geste effectué in praesentia : chez Zhu Xi, il s’agit de la libation adressée au défunt, à distance certes, mais dans l’instant de l’énonciation ; chez Lu Jiuyuan, un geste d’offrande est évoqué sur le mode seulement narratif (en référence au retour de l’âme dans l’autel domestique119, rituel auquel Lu a pu assister contrairement à l’enlèvement du cercueil, où il arrive trop tard), mais l’emprunt quelque peu modifié d’un passage d’Entretiens (Lunyu

論語

) 3.12 (« C’est comme si votre esprit était là ! ») se situe sans ambiguïté possible dans le domaine de la deixis120. Dans l’un et l’autre cas donc, au-delà de l’emploi en continu d’une deuxième personne d’adresse, la clausule consiste en une action ostensible de jonction

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 48-53)