• Aucun résultat trouvé

e. changement et stabilité

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 193-200)

La voie qui se dessine ici nous paraît confortée par les enseignements que l’on peut tirer d’un certain courant de la sinologie anglo-saxonne sur l’histoire des Song. De nombreux chercheurs mettent en effet l’accent sur les phénomènes de « changement », à l’échelle de cette séquence historique et au-delà. Dans ce type d’approche, la « période » ne borne nullement la recherche : l’historien s’autorise divers coups de sonde lui permettant un va-et-vient heuristique entre différents points de la chronologie. Pour nous, l’intérêt de ce type d’approche est qu’il fait ressortir simultanément le sens d’une évolution et l’idée que cette évolution était plausible dans le monde historique considéré509.

Ainsi, on a noté ci-dessus l’acceptation progressive par les souverains des Song d’une innovation historiographique comme celle d’Ouyang Xiu. L’historien peut constater cette évolution d’une manière simple : en comparant deux situations homologues situées à quelques décennies d’écart. Par exemple, les différences perceptibles entre deux regards chronologiquement distants sur les Cinq dynasties attestent à la fois d’une permanence et d’une évolution510. La méthode est au fond la même, quoique à une échelle plus vaste, chez l’historien James Liu quand celui-ci défend la thèse d’un « tournant intérieur » qui marquerait les Song du Sud par rapport aux Song du Nord.

Dans la lignée des travaux de de Bary (1953, 100-107), Liu constate chez les lettrés postérieurs à l’invasion jürchen un désinvestissement du pouvoir central. Par contraste avec l’« interventionnisme » d’échelle nationale qui prévalait sous les Song du Nord à travers des entreprises comme celles de Wang Anshi, il relève parmi les contemporains de Zhu Xi et Lu Jiuyuan une inflexion « localiste », se traduisant par l’établissement d’académies hors du cadre officiel, par un investissement dans des œuvres servant de solidarité clanique et par la diffusion de pratiques de culture de soi511. Au-delà des critiques qu’a pu susciter ce schéma évolutif – sans doute trop dépendant de catégories étrangères aux faits considérés512 –, son intérêt réside dans sa capacité à faire émerger une logique du changement. En effet, la dimension « introspective », pour reprendre le terme de James Liu, est loin d’être absente des écrits des Song du Nord. On la voit notamment développée chez Cheng Yi dans son Commentaire sur l’Ordonnancement des mutations, à travers une

509 Pour un exemple de comparaison entre différentes problématiques du changement à propos des Song, voir Schirokauer & Hymes 1993, 46-47.

510 C’est ce que fait Christian Lamouroux dans son étude sur Ouyang Xiu (Lamouroux 1997, 67 n. 68).

511 Sur ces « changements qualitatifs », voir Liu 1988, 10-11 ; von Glahn 1993, 221-222 ; Walton 1993, 255-258.

512 Dans sa recension du Monde historique de Zhu Xi de Yu Yingshi, Ge Zhaoguang critique la perspective de James Liu en pointant le fait que les catégories qu’elle mobilise, notamment waiwang 外王 et neisheng 內聖 (royauté extérieure et sainteté intérieure) n’ont pas d’équivalent chez les acteurs du temps (noté dans Hartman 2006, n. 6). Voir la section précédente pour une confirmation de ce point chez Zhu Xi et Lu Jiuyuan. Notons également que, pour ce dernier par exemple, « intérieur » et « extérieur » sont précisément deux aspects qui peuvent être englobés dans un même ensemble (voir Yulu xia, in Lu Jiuyuan ji 35, 456).

192

réflexion sur le « cœur » (xin

) et sur la « nature humaine » (xing), dont on situe généralement l’essor collectif dans le groupe des lettrés hostiles à Wang Anshi, en exil à Luoyang au plus fort des réformes du protégé de Shenzong513. Le fait que ce groupe n’ait nullement été homogène incite à penser le passage des Song du Nord aux Song du Sud non pas comme un basculement dans un autre monde, mais plutôt comme la concomitance d’accents divers sur un répertoire commun perdurant d’une époque à l’autre514. On pense en particulier au répertoire des Ordonnancements eux-mêmes (les « Classiques ») qui, s’il évolue lui aussi dans sa répartition au sein du « canon », semble opérer parfois en-deçà des trajectoires particulières à la manière de linéaments de positions possibles515. De même, au plan des réalisations impliquant une part de matérialité, maintes académies « établies » à l’époque de Zhu Xi (pour nombre d’entre elles par Zhu Xi lui-même), ont en réalité été fondées ou refondées dans les premières décennies des Song du Nord (Walton 1993, 256). C’est aussi le cas, quoique à une moindre échelle, pour les œuvres « d’obligation » (ou si l’on veut « de bienfaisance ») destinées à entretenir l’appartenance clanique, notamment par l’organisation d’un soutien aux familles pauvres d’un même clan : le domaine du clan Fan

, étudié par Denis Twitchett dans une étude classique, en est la figure pionnière pour le début de la dynastie516. En somme, dans tous ces domaines, il semble que les Song du Sud se contentent de donner un relief nouveau à des réalités qui faisaient déjà partie intégrante du monde historique des Song.

Dans un autre registre, de nombreux travaux d’histoire sociale et économique centrent leur recherche sur la question du changement. Le premier livre de Peter Bol s’ouvre ainsi sur une comparaison macrohistorique entre des lettrés des Tang focalisés sur la « culture » et des lettrés des Song ayant glissé vers l’« éthique ». Cette démarche comparative est reprise dans un récent ouvrage dont l’un des objets est de faire ressortir le « nouveau monde » du XIe siècle (Bol 1992, 3-14 ; 2008, 7-42). On la trouve également à l’œuvre dans une étude déjà évoquée dans cette section, qui porte sur le lien, a priori inapparent, entre deux « émergences conjointes » [emerged together] à l’époque des Song : d’une part le nombre croissant de monographies locales produites par des lettrés implantés localement (et non plus par des officiels en poste dans les localités), d’autre part la multiplication de généalogies familiales consolidant et élargissant le cercle des appartenances claniques (Bol 2004a,

513 Schirokauer & Hymes 1993, 22, citant Freeman 1974.

514 Sur l’« hétérogénéité » des lettrés associés aux frères Cheng, voir van Ess 2004, 298.

515 On pense par exemple à la façon dont les lettrés des Song mettent l’accent sur l’une ou l’autre des quatre compétences – dexing 德行, yanyu 言語, zhengshi 政事, wenxue 文學 (puissance de réalisation, maniement de la langue, gestion gouvernementale, savoir du raffinement [écrit]) – en fonction desquelles Maître Kong rangeait certains de ses disciples par domaines d’excellence (voir Lunyu 11, 3, trad. Cheng 1981, 87). Voir, à propos des compétences prisées par Wang Anshi, Sima Guang, Cheng Yi et Su Shi, Bol 1993, 138, 147.

516 Twitchet 1959, 132. Pour un rappel (fondé notamment sur Hymes 1986 et Ebrey 1986b) du nombre supposé à l’époque des Song du Nord de ce qu’on traduit parfois par « champs de bienfaisance », mais que nous traduirions plutôt par « champs d’obligation » ou « dévoués » (yitian 義田 ou yizhuang 義莊), voir Walton 1993, 256 n. 8. Voir également plus bas nos remarques sur ce terme de « yi » (obligation, dévouement) (cf. IB3b ; IIB1a).

193 317). Bol observe un retour de ce phénomène dans la Chine contemporaine des trente dernières années, et cette résurgence dans l’ordre du temps lui suggère une forme de permanence dans l’ordre du sens (ibid., 317-318, 343). Ainsi, dans maintes recherches, le repérage des différences d’une époque à l’autre est inséparable du postulat d’un cadre d’intelligibilité commun.

Un travail de la même veine résonne plus particulièrement avec le cas de Lu Jiuyuan. Il s’agit de la monographie d’histoire locale de Robert Hymes, centrée sur la préfecture qui se trouve être celle du clan des Lu (Fuzhou). L’ouvrage s’ouvre sur le programme de recherche suivant : « Ce livre parle de changement »517. Hymes fait ensuite l’inventaire des aspects justifiant d’après lui le primat donné aux évolutions : la forte croissante démographique qui marque les Song et que constatent notamment avant lui Mark Elvin (1974, 204-209) et Robert Hartwell (1982), ainsi que le passage d’une « élite » encore organisée sous les Tang comme une aristocratie militaire (où l’empereur n’est qu’un primus inter pares parmi les chefs de quelques grands clans) à une « gentry » de lettrés beaucoup plus fluide, trouvant dans les examens de recrutement dans l’administration des Song le moyen de pérenniser sa position518. Sur ce dernier point, Hymes tempère néanmoins l’approche quelque peu optimiste qui prévalait avant lui, en montrant à la lumière des données locales que l’apport de sang neuf par le levier des examens n’a pas été aussi spectaculaire qu’on avait pu le croire519. C’est d’ailleurs au nom de telles critiques qu’il en vient malgré tout à dire : « Mais ce livre parle aussi de stabilité » (Hymes 1986, 4).

À l’instar de ces travaux, le présent travail parle de changement et de stabilité. Cette voie double nous paraît autant appelée par les faits que justifiée théoriquement. Pour ce qui est du changement, il se déduit sans mal de la dimension relationnelle de notre objet d’étude, dont on peut dire pour reprendre l’épithète de Roger Chartier qu’il est « indécis » par nature : ni Zhu Xi ni Lu Jiuyuan ne savent, au moment où ils manifestent leur désir de se rapprocher vers 1173, ce qui va advenir de leurs rapports. Mais immédiatement une précision s’impose : de cet avenir les deux hommes ont, sinon une idée, du moins une forme d’anticipation pratique, liée à ce qu’ils connaissent et sentent du monde qui est le leur. Ce monde historique est, tout autant qu’un autre, un lieu où se passent des choses ordinaires et moins ordinaires, des faits fortuits ou inattendus.

Mais la façon dont les acteurs filtrent ces faits au tamis d’un ordre du sens, ou dont ils réagissent face à eux sur le plan pratique, n’a pas l’aléatoire que nous pourrions trouver aux faits eux-mêmes.

517 Hymes 1986, 1. Pour une formule et un objectif similaires, voir Liu 1988, 7.

518 Souvent implantés dans le nord-ouest et le nord et se prévalant de généalogies prestigieuses reconnues par le pouvoir impérial, ces quelques dizaines de grands clans jouent un rôle prépondérant dans la hiérarchie des Tang. Ils se réclament d’une longue tradition de service, qui pendant la période précédente (les Six dynasties) les a souvent amenés à servir sous des pouvoirs différents (voir Hymes 1982, 2-4 ; Bol 1992, 6-14, 36-48).

519 Voir Hymes 1986, 4.

194

Insistons-y : l’appréciation d’un changement ou d’un événement suppose des règles et des institutions du sens. Sans employer cette dernière expression, l’historien du Moyen Âge français Alain Boureau en approche de l’idée lorsqu’il parle du « collectif » ou des « croyances partagées » :

L’historien, en théorie, paraît bien préparé à considérer la question du changement ; mais il est fort démuni quand il s’agit de rendre compte du collectif. Or, le collectif, qu’il soit pris du côté de l’action (une guerre, une révolution) ou de l’institution (l’État, l’impôt, l’Église) suppose un assentiment, un accord, donc des croyances partagées, ou, du moins, l’insertion possible de calculs dans des croyances. L’institution ne tient pas toute seule, ni par l’habitude, ni par la force pure (Boureau 1991, 514).

La remarque du médiéviste porte fondamentalement sur le statut d’évidence des faits à décrire. Ce statut n’est pas le même selon que l’on est plongé dans le monde historique en question, ou qu’on lui est extérieur en raison de notre appartenance à un autre monde historique. Pour un observateur extérieur, toute la difficulté est de ne pas hypostasier ce qui, du fait de sa méconnaissance des règles du monde décrit, lui apparaît comme le plus visible mais qui n’est peut-être que secondaire au regard de la hiérarchie du sens sur laquelle se règlent les acteurs. Dès lors, la tâche qui revient à une description compréhensive est d’expliciter ou de rendre saillantes les « croyances partagées » (nous disons « institutions du sens ») qui fondent aussi bien le mouvement que la stabilité, mais qui, du fait même de leur caractère primordial dans le monde décrit, y demeurent souvent de l’ordre de l’implicite.

Pour ce qui est du filtre discursif, les usages historiographiques peuvent être vus comme des facteurs stabilisateurs cruciaux. Mais il faudrait aussi compter avec un opérateur spécifique, l’Ordonnancement du Changement, Classique abondamment sollicité à l’époque des Song et qui, dans sa conformation même, est supposé incarner une logique du changement. Que les modalités de cette logique soient discutées, selon des lignes de clivages de plus en plus accusées à l’époque des Song, n’empêche pas que les lettrés continuent de voir dans ce dispositif sémiotique du Changement le « changement fait livre »520. Concernant les usages historiographiques, remarquons avec Christian Lamouroux que dans le format d’écriture forgé par Ouyang Xiu, que Zhu Xi prolongera et renforcera dans son Compendium, la narrativisation des faits vise avant tout à leur simplification. La pratique historiographique s’accompagne ici d’une visée que notre conception moderne ne saurait qualifier d’« historienne », et qui se traduit par un « écrasement du temps » (Lamouroux 1997, 63).

Pour ce qui est du second aspect, les réponses pratiques, nous sommes orientés vers des écrits à caractère qu’on est tenté de dire « normatif », où les lettrés réagissent à une situation jugée anormale521. L’étude pragmatiste de cette casuistique montre que si le répertoire des perturbations envisageables est vaste, l’éventail de ces possibilités rectificatrices n’est pas infini. Les exemples

520 Nous renvoyons à certains détails donnés dans le chapitre suivant (cf. IIA2d).

521 Sur la question de la normativité, voir le chapitre suivant (cf. IIB1a).

195 sont légion, tant chez Zhu Xi que Lu Jiuyuan. Voyons ainsi comment Zhu Xi répond à une question en forme de dilemme, rapprochant deux normes apparemment contradictoires :

或問:「設如母卒,父在,父要循俗制喪服,用僧道火化,則如何?」曰:「公如何?」曰:

「只得不從 。」曰:「其他都是皮毛外事,若決如此做,從之也無妨,若火化則不可。」泳 曰:「火化,則是殘父母之遺骸。」曰:「此話若將與喪服浮屠一道說,便是未識輕重在。」

(« Li liu 禮六 » [Rituel, 6], « Guan hun sang 冠昏喪 », Zhuzi yulei 89, 2281 [vol. 6])522

Quelqu’un demanda : « Supposons qu’à la mort de la mère, le père encore présent exige que l’on suive la coutume populaire pour les vêtements de deuil, et que l’on recourre à des bouddhistes ou des taoïstes pour effectuer une crémation : qu’en pensez-vous ? » Le Maître dit : « Qu’en pensez-vous ? » Réponse : « Il faudrait simplement ne pas obéir ». Le Maître dit : « Les autres points sont tous superficiels ; rien n’empêche de les suivre si c’est là la décision du père. Pour ce qui est de la crémation en revanche, ce n’est pas possible ».

[Hu] Yong523 dit : « Recourir à la crémation, c’est faire tort au corps des parents défunts ». Le Maître dit :

« Si l’on évoque cela [la crémation] sur le même plan que les vêtements de deuil ou les moines bouddhistes, c’est qu’on ne sait pas l’importance des choses ».

L’intérêt de cet échange, fixé à l’écrit par un disciple de Zhu Xi à travers l’un des modes d’expression les plus répandus de l’époque, les « propos notés » (yulu), est de nous montrer comment un élément troublant en vient à se couler dans un cadre d’intelligibilité préexistant.

Troublante, la question du disciple l’est en ce qu’elle réunit deux impératifs apparemment incompatibles : l’obligation d’obéissance aux parents, l’interdit de la crémation. N’insistons pas sur l’obéissance aux parents, qui découle de ce que nous avons dit sur le régime d’historicité. Quant à l’objection des lettrés à la crémation qui est une pratique bouddhique ancienne, Patricia Ebrey, qui cite ce passage, affirme qu’elle remonte aussi loin que la pratique elle-même (Ebrey 1990, 421).

Face à la question posée, la première réponse de Zhu Xi est moins anodine qu’il n’y paraît : en retournant la question à son disciple, le maître situe son interlocuteur dans le collectif des individus capables d’exprimer un avis (comme on le verra au second chapitre, le geste aurait une tout autre valeur en face de l’un de ces bouddhistes dont il est question dans l’échange). Puis, devant le caractère tranché de l’avis formulé, Zhu Xi nuance sa propre réponse : il invite à distinguer dans le phénomène deux points d’importance inégale. On a vu ce qu’impliquait le geste de la hiérarchisation en termes d’exepression d’un savoir. Ici, la hiérarchisation du donné, sur laquelle se conclut l’échange, en constitue le point focal : pérennisée par le disciple qui en fait mémoire à travers ce « propos noté », elle atteste du caractère magistral du maître, tout en constituant vis-à-vis du micro-événement perturbateur un facteur de stabilisation.

Fort de ce premier exemple, on se retrouve en terrain connu chez Lu Jiuyuan. Dans les Propos notés de Xiangshang, dans le même type d’écrit donc, se trouve relatée la visite à Maître Lu d’un homme voué à la stricte observance des rites anciens. Cette observance l’oppose à son propre père,

522 Passage traduit dans Ebrey 1990, 421-422.

523 Le disciple Hu Yong 胡泳 (zi Boliang 伯量, hao Dongyuan xiansheng 洞源先生), qui a noté l’échange (voir Chen Rongjie 1982, 169).

196

d’où un conflit de normes quelque peu similaire au dilemme formulé devant Zhu Xi dans l’exemple précédent.

有行古禮於其家,而其父不悦,乃至父子相非不已。遂來請教,先生云:[以禮言之,吾子於 行古禮,其名甚正。以實言之,則去古既逺,禮文不逺,吾子所行,未必盡契古禮,而且先得 罪於尊君矣。喪禮與其哀不足而禮有餘也,不若禮不足而哀有餘也。如世俗甚不經,裁之可也,

其餘且可從舊。]

(Yulu shang, in Lu Jiuyuan ji 34, 422)

Il y avait un homme qui réalisait les rites anciens dans sa maison. Or, son père en était marri, au point qu’entre les deux hommes ce n’était que contestations. L’homme vint alors prier le Maître de lui délivrer son enseignement. Le Maître dit : « En termes de rituel, la gloire que vous vaut la réalisation des rites anciens est toute légitime. Mais en termes de pratique effective, si nous sommes éloignés des Anciens, ce n’est pas le cas des formes rituelles elles-mêmes. Dans ce que vous pratiquez, il n’est pas nécessaire de coïncider totalement avec les rites anciens, d’autant que vous avez fait du tort à votre père. Lors des rites funéraires,

“mieux vaut quelques rites en moins et une affliction qui s’exprime à loisir, qu’une affliction chichement exprimée assortie d’un rituel pléthorique”524. Et si les coutumes qui ont cours dans le monde sont particulièrement contraires à l’ordonnancement, il est loisible de les supprimer. Pour le reste, on peut se conformer au vieil usage ».

Il y aurait beaucoup à dire sur le sens des distinctions qui s’exprime ici, tant dans la réponse de Maître Lu que dans la notation de cette dernière par son disciple. Contentons-nous ici de souligner ce qui ressort du rapprochement avec l’exemple précédent. De part et d’autre, un problème localisé se pose (ici une volonté parentale problématique, là un conflit entre père et fils), mais de portée générale puisqu’en lien avec l’effectuation des rites. Face à cet accroc, à ce « désordonnancement » – bu jing

不經

–, la réponse des lettrés vaut en ce qu’elle-même redéploie un ordre. Non seulement en citant les Ordonnancements comme le fait Lu Jiuyuan, mais en dégageant à partir de la matière première de la situation une hiérarchie des priorités. À l’épreuve du fait perturbateur, la valeur de la parole lettrée, tant comme propos que comme notation, se voit au bout du compte confortée, et à travers elle l’ordre d’un monde.

Au-delà de ces exemples restreints, il en est d’autres autrement plus fameux et impliquant un grand nombre d’acteurs. Mais à chaque fois, la logique – celle de l’événementialité du fait perturbateur, celle du réordonnancement par la parole lettrée – nous paraît être la même. On pense

Au-delà de ces exemples restreints, il en est d’autres autrement plus fameux et impliquant un grand nombre d’acteurs. Mais à chaque fois, la logique – celle de l’événementialité du fait perturbateur, celle du réordonnancement par la parole lettrée – nous paraît être la même. On pense

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 193-200)