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Description du travail de préparateur du Voice Picking

Dans le document UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL (Page 96-102)

CHAPITRE III : LE TRAVAIL DANS LES CENTRES DE DISTRIBUTION DES

3.3 Le travail des préparateurs de commandes

3.3.1 Description du travail de préparateur du Voice Picking

propre travail ne permet pas que l’on établisse un dialogue avec les subalternes. Grâce au fait que ces chefs immédiats ne sont presque jamais sur le terrain de travail des préparateurs de commandes, il est très difficile pour ces derniers de savoir comment se déroule le processus de travail, en quoi consiste exactement la routine, quels formats utilisent leurs contremaîtres, comment se réalisent leurs contrôles, avec quel type de check-list, etc. Cela fait qu’il existe beaucoup de désinformation chez les nouveaux employés ; les nouveaux ne commenceront que peu à peu à comprendre en quoi consistent leur travail et celui de leurs chefs, raison pour laquelle ils font des conjectures et créent des fantasmes par rapport à ce qu’ils supposent que font leurs chefs.

Quant aux travailleurs avec de l’ancienneté, même s’ils s’informent sur les nouveaux investissements technologiques et informatiques, ils ne parviennent pas à savoir comment se réalise l’opération des contremaîtres. Les préparateurs de commandes et les opérateurs de monte-charge utilisent leur imagination pour remplir les espaces vides laissés par le manque de communication. Nous avons d’ailleurs constaté que cela favorise l’apparition de mythes et de mensonges sur le pouvoir qu’ont les superviseurs d’observer le travail des préparateurs.

acceptée sans résistance manifeste, à laquelle on obéit car il s’agit d’un rituel devenu mécanique.

Le second contrôle est celui-ci de l’identification informatique de l’employé. Pour accéder au système, il s’identifie à partir d’un terminal informatique ; lorsqu’il tape son code de travailleur apparaît sur l’écran l’inscription « Bonjour, le nom du travailleur et l’heure exacte à laquelle il a cliqué la touche “Enter” ». Ce salut est la première interaction entre l’humain et la machine qui dirigera ses actions durant la journée. Une fois que le travailleur est « actif » dans le système, il doit être attentif à un autre signal, celui de la cloche annonçant la relève des équipes.

Au son de la cloche, le préparateur de commandes doit se diriger vers son casier pour y prendre son terminal portable, son casque et la batterie (cf. figure 3.1 dans l’annexe).

Pour commencer son travail, il doit installer la batterie sur le terminal afin d’amorcer la syntonisation des ordres dans le casque. Le système vérifie préalablement qui est le préparateur habilité sur le terminal portable.

La voix numérique de la machine dit : « Le préparateur actuel est » et il indique le nom et le prénom du dernier travailleur à avoir utilisé ce terminal portable. Si le nom entendu n’est pas celui du travailleur en train de réaliser la mise en circuit, appelé « jumelage » par les préparateurs, il l’indique à la machine pour que celle-ci effectue la reconnaissance de la voix du préparateur pour que la tâche puisse commencer. Pour ne pas perdre une minute, ce jumelage se fait dans le laps de temps pendant lequel le préparateur se déplace de la zone des casiers jusqu’au parking des chariots préparateur de commandes.

Nous avons constaté qu’il s’agit d’une opération élémentaire. Sauf contretemps, comme une panne mécanique ou autres incidents mineurs (batteries déchargées,

microphones muets, etc.), il s’agit d’un ensemble d’automatisme et on ne peut pas dire qu’il y ait ici des situations véritablement stressantes.

Le préparateur sait que la machine a correctement réalisé la reconnaissance de voix quand il entend : « Dites “prêt” pour une nouvelle assignation, ou dites “fermer session” pour terminer ». Elle contrôle tout en chiffres. Lorsque le préparateur dit

« prêt », la machine répond : « assignation nº (et un numéro de huit chiffres) », et cela continue avec toute une série d’informations qui comprend le numéro du client (quatre chiffres qui identifient le magasin qui a fait la commande), le numéro de l’employé (cinq chiffres), le numéro de la palette (une ou deux) ; le volume en pieds cubes (quatre chiffres) ; le poids total en kilos (quatre chiffres) ; le numéro de la porte du quai de déchargement (trois chiffres) et le temps standard (la quantité de minutes stipulée pour réaliser la tâche, quatre chiffres). Le préparateur n’a besoin de mémoriser aucune de ces informations puisqu’elles sont imprimées sur des étiquettes.

Les chariots ne sont pas assignés à un préparateur, ils sont stationnés dans le parking selon le numéro de quatre chiffres qui leur correspond. Tous les jours, en commençant le travail, le préparateur devra inspecter le chariot qu’il va utiliser. Il devra s’assurer qu’il est en bon état, que la batterie est correctement chargée, que les fourches montent et descendent de façon adéquate, que le frein et la marche arrière fonctionnent bien, que le klaxon a une bonne sonorité, etc. Pour le faire, il dispose d’un carnet de formulaires type check-list qu’il devra toujours remplir quand il prend un chariot et déposer la copie dans une boîte aux lettres.

En terminant la journée (et pendant les heures de pause), le préparateur doit toujours garer son chariot à la place de stationnement avec le numéro qui lui correspond et le brancher à la prise de courant. S’il oublie de le brancher, l’accumulateur pourra se décharger et le chariot « tombera en panne ».

Après la série d’informations indiquant que l’assignation peut débuter, les minutes allouées à cette dernière commencent à s’écouler et la première instruction qu’il faut suivre pour chacune des commandes est d’imprimer des étiquettes autoadhésives de 10 cm sur 15 cm qui devront être collées lorsqu’on l’a finie (l’une sur la partie avant et l’autre sur la partie arrière) sur chacune des palettes déposées à la porte à quai de la zone de déchargement indiquée dans chaque assignation.

Après avoir imprimé les étiquettes le préparateur se déplace vers la zone que lui indique la machine pour commencer l’assemblage des marchandises. Il devra alors commencer par mettre sur les fourches du chariot un ou deux supports-palettes pour pouvoir commencer le déplacement dans les allées de l’entrepôt en déposant les colis de marchandise selon la commande.

Les marchandises se trouvent stockées de chaque côté des couloirs. Les couloirs impairs ont une circulation du sud au nord, et les couloirs pairs, du nord au sud. Il y a seulement deux allées traversant de façon perpendiculaire tous les couloirs, dans lesquelles on est autorisé à circuler dans les deux sens (de l’est à l’ouest et vice-versa).

La signalisation des marchandises se fait avec un chiffre placé sur les poutres supérieures au-dessus de la place où se trouve chaque produit. Les marchandises rangées sur le côté gauche sont marquées avec des chiffres impairs tandis que celles qui sont rangées sur le côté droit sont marquées avec des chiffres pairs. Les marchandises sont placées sur des supports-palettes en bois ou en plastique et disposées en tours empilées, selon la forme des colis et celle des emballages de l’usine d’origine, en palettes d’une hauteur approximative d’un mètre quatre-vingt35.

35 Dans certains cas, pourtant, certaines marchandises à cause de leur fragilité (comme les colis ultralégers d’herbes pour tisanes, le yaourt emballé par unité individuelle ou, etc.) sont disposées sur deux niveaux, en tours de marchandise qui forment des palettes d’un peu moins d’un mètre de hauteur.

Le préparateur de commandes doit prendre les caisses indiquées par la voix numérique, calculer où il les placera sur le support pour organiser les palettes de telle sorte qu’elles soient stables et qu’elles ne s’écroulent pas lors du déplacement. C’est l’une des principales tensions à laquelle est soumis le préparateur de commandes lorsqu’il commence à travailler : apprendre à organiser les palettes en calculant la dimension de chacune d’entre elles et de toutes les caisses qu’il doit déposer lui demandera du temps et de la patience. Malgré la simplicité de la tâche, cet exercice devient une espèce de jeu, un puzzle ou un Tetris. Il est possible que le préparateur ait la patience requise, mais la tension est due au fait qu’il sait qu’il est chronométré et quand il s’arrête pour calculer comment placer les colis, il diminue son rendement.

Ici le nouveau préparateur affronte une forte contradiction. Le bon sens lui indique qu’il devrait prendre le temps de penser comment disposer de manière adéquate les marchandises pour réussir à ce qu’elles restent stables. Mais, il sait en même temps qu’il investira beaucoup de temps et qu’il n’atteindra pas son pourcentage de productivité. S’il opte pour déposer rapidement les marchandises sans investir beaucoup de temps pour réussir à bien les emboîter, sa palette sera instable et il court le risque qu’elle s’écroule, ce qui générera chez lui un sentiment de frustration, car il sera obligé de ramasser les marchandises, séparer les produits abîmés, recommencer à organiser la palette, etc.

Pour éviter les écroulements, le préparateur peut utiliser un film étirable (Stretch wrap).

Cette opération prend plusieurs minutes, mais procure beaucoup de tranquillité. Il s’agit d’enrouler trois ou quatre fois les marchandises qui composent l’ensemble de la palette avec le film plastique pour qu’elle soit stable et que l’on puisse la déplacer.

Le logiciel programme l’assemblage, tenant compte du poids des caisses ou des colis et la fragilité des marchandises. Le beurre et les jus de fruits sont placés en premier, le yaourt par unités, en dernier. Les fromages et d’autres produits emballés par

« packs » de douze ou de vingt, sont des articles qui se placent dans la partie intermédiaire de la commande. En ce qui concerne les fruits et les légumes, les sacs d’oignons et ceux de navets vont en premier, les petits colis d’herbes sèches vont à la fin. Cela permet de placer les marchandises lourdes comme base de la palette, puis les colis de poids moyen et ensuite de continuer avec les petits colis et les colis ultralégers au-dessus. Certaines boîtes de brocoli ou de céleri protégés par du givre sont sollicitées toujours par la machine au début de la commande afin qu’ils restent toujours sur la base de la palette pour éviter que le dégel n’humidifie les autres marchandises.

La banane et la tomate devront toujours être protégées avec une couverture de plastique transparent appelée « capote » au moment d’entrer dans la machine d’emballage, cela contribue ainsi à contrôler l’émanation d’éthylène et d’éviter la maturation accélérée36.

Manipuler les marchandises lourdes au début de chaque commande et les légères à la fin est « rentable » également du point de vue de l’effort physique du préparateur.

Comme la fatigue augmente de minute en minute, soulever des poids légers à la fin de chaque commande pour aller ensuite au quai de réception déposer la palette sans avoir à faire un plus gros effort permet de réparer la fatigue de l’organisme. Ce repos de quelques minutes à la fin de chaque commande s’avère aussi très important psychologiquement, car le préparateur sait que la commande suivante demandera au début un gros effort physique, mais que celui-ci diminuera ensuite vers la fin.

Le préparateur sait qu’il finit sa commande au moment où il entend la phrase

« assignation terminée, donnez le numéro de la porte ». Il doit alors prononcer le numéro de la porte du quai, qui est imprimé sur les étiquettes, et se diriger vers la

36 « L’éthylène est l’hormone végétale responsable de réguler différents processus durant la maturation de produits agricoles, amenant à des processus de senescence et finalement, à la perte de valeur nutritionnelle et commerciale » (cf. Pino, et al., 2018 ; Benito-Bautista, et al., 2016 ; Balaguera-López, et al., 2014).

machine d’emballage. Celle-ci se chargera d’envelopper l’ensemble de la palette de marchandises avec un film de plastique (Stretch Wrap).

Lorsque l’emballage sera terminé, le préparateur collera les étiquettes et se déplacera jusqu’à la porte du quai dans la zone de déchargement. Là, il dépose sa commande et il dit à voix haute « prêt ». La machine récitera le refrain qui annonce le début d’une nouvelle commande, d’un nouveau chronométrage.

Dans le document UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL (Page 96-102)