• Aucun résultat trouvé

Des conditions de travail non précarisées

Dans le document UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL (Page 102-106)

CHAPITRE III : LE TRAVAIL DANS LES CENTRES DE DISTRIBUTION DES

3.3 Le travail des préparateurs de commandes

3.3.2 Des conditions de travail non précarisées

machine d’emballage. Celle-ci se chargera d’envelopper l’ensemble de la palette de marchandises avec un film de plastique (Stretch Wrap).

Lorsque l’emballage sera terminé, le préparateur collera les étiquettes et se déplacera jusqu’à la porte du quai dans la zone de déchargement. Là, il dépose sa commande et il dit à voix haute « prêt ». La machine récitera le refrain qui annonce le début d’une nouvelle commande, d’un nouveau chronométrage.

primes de productivité, vacances, congés sociaux, congés de maternité, de paternité, congé parental, régime d’assurance collective, fonds de pension, journées de maladie, uniformes fournis, formation, régime de santé et sécurité au travail, etc.

Les horaires sont calculés en tenant compte de la fatigabilité de la tâche (cf. Tableau 3.1). Les heures supplémentaires sont sollicitées à l’avance, personne n’est obligé de les accepter. À l’inverse, nous l’avons constaté dans de nombreuses occasions, ce sont les travailleurs eux-mêmes qui s’inquiètent si on ne leur offre pas l’opportunité de faire du temps supplémentaire.

Tableau 3.1

Principaux horaires du centre de distribution Secteur Heures par

semaine Type d’horaire Horaires Personnel de

Bureau Semaine normale

de travail de 37,5 heures

Horaire de jour 8 h 00 à 16 h 30 avec une heure non payée pour le repas de 12 h 00 à 13 h 00

Commis aux

Fruits et légumes Semaine normale de travail de 40 heures

Horaire de jour 5 h 50 à 14 h 20 avec une demi-heure non payée pour le repas Horaire de soir 14 h à 22 h 30 avec une demi-heure

non payée pour le repas

Horaire de nuit 22 h 30 à 7 h avec une demi-heure non payée pour le repas

L’éclairage dans les zones de travail est de bonne qualité et, même si les températures sont très basses, l’environnement est très approprié pour le travail physique. L’air que l’on respire est sain, libre de matières particulaires, de mauvaises odeurs, etc. Le sol est toujours dans d’excellentes conditions pour le déplacement des monte-charges et la marche à pied.

La signalisation est facilement lisible pour les personnes de toutes les cultures et origines linguistiques. Mais certaines informations visuelles peuvent contenir un double message. Par exemple, il y a de panneaux indiquant qu’il faut rouler lentement.

Ils sont localisés dans certains couloirs à une hauteur assurant le confort visuel, aussi bien celui des opérateurs de monte-charges (dont le travail demande de regarder continuellement vers le haut) que des préparateurs de commandes (dont le travail demande de regarder continuellement vers le bas) ; également, il y a des panneaux

« stop » en lettres blanches sur un octogone rouge, à tous les coins des étagères formant les intersections des voies de circulation.

Il existe un net effort de la part de la direction pour donner la consigne que « la sécurité est plus importante que la vitesse ». En fait, dans la formation des premiers jours, on insiste fortement sur le fait que la vitesse est l’ennemi de la sécurité et de la qualité du travail. Mais, cette consigne est un oxymore, car la mesure de la productivité – tout le monde le sait – est ce qui impose le rythme et les cadences.

Cela cause une grande tension chez les nouveaux préparateurs et chez tous ceux qui n’atteignent pas un rendement suffisant par rapport à ce que marque le chronomètre.

Ils font face à une décision difficile : soit augmenter la vitesse de leurs gestes pour augmenter leur productivité, soit risquer un accident de travail (avec de blessures physiques nuisant à leur propre intégrité ou à celle d’un camarade).

En ce qui concerne les uniformes, les travailleurs réguliers utilisent des bottes de travail avec un embout de protection en acier ; ils portent des vêtements techniques très adaptés pour un travail avec des températures variant entre 4 °C et 13 °C. Ces vêtements sont d’une couleur très visible pour de raisons de sécurité soit bleu foncé avec des bandes réfléchissantes, soit orange fluorescent.

Les nouveaux travailleurs ne portent pas d’uniforme pendant leur période de probation.

Ils doivent se charger eux-mêmes d’apporter leurs bottes de travail, leur bonnet et leur veste d’hiver. L’entreprise leur fournit des gants et des baudriers. Le port du baudrier mérite un commentaire. Tous les travailleurs en processus de formation sont dotés de baudriers jaune fluorescent de la même couleur que les bandes sur les salopettes et les vestes du personnel régulier. Ces baudriers une fois placés descendent en bretelles de l’épaule à la taille pour la partie de devant et se croisent en X dans le dos.

Dès le premier jour, le nouvel employé reçoit des indications selon lesquelles il n’est pas permis de travailler dans l’entrepôt sans porter ces baudriers. Celles-ci permettent de distinguer un travailleur en période de probation des autres. Cela correspond à une intention logique et louable de préserver les nouveaux travailleurs des risques d’accident, et surtout de prémunir l’entreprise des conséquences que celui-ci pourrait avoir.

Dès qu’un travailleur est définitivement embauché, il reçoit la consigne de réclamer son uniforme de travail complet. Il n’aura plus besoin du baudrier, parce que les uniformes comprennent les bandes distinctives déjà mentionnées. Notons incidemment ici que le baudrier est une sorte de « symbole de stigmate » (Goffman, 1975). Le travailleur qui le porte a un statut inférieur dans l’équipe de travail.

Porter un baudrier est un distinctif indiquant que l’on est un « novice » en cours de formation ; c’est le synonyme d’un « jeunot » causant des perturbations (ralentir la circulation dans les couloirs, ne pas observer la distance recommandée vis-à-vis des opérateurs de monte-charges, interrompre les autres en posant des questions sur la façon correcte de réaliser des opérations, etc.). Nous avons constaté que quand un nouveau travailleur interrompt un travailleur régulier pour lui demander une information quelconque, il se justifie en montrant son propre baudrier pour indiquer

son statut de nouveau avec un geste qui traduit une demande de patience, de compassion, de tolérance à son égard.

La distinction hiérarchique entre les nouveaux et ceux qui sont recrutés de façon définitive n’est pas anodine dans le quotidien du travail. Le fait de porter un baudrier donne lieu à une forme subtile de discrimination qui affecte le nouveau travailleur dans sa condition et sa relation aux autres. Le fait de porter un baudrier, qui signifie « être en période de probation », se justifie du point de vue sécuritaire, légal et organisationnel, mais a des implications en ce qui concerne les éprouvés subjectifs : les nouveaux veulent être acceptés comme des membres du microcosme qu’ils habitent.

Ils aspirent à changer de condition et appartenir à la catégorie des « travailleurs réguliers », à devenir membres du syndicat. Nous avons pu constater l’enthousiasme ritualisé des collègues le jour où un nouveau se présente au travail portant son uniforme; il reçoit de félicitations, des gestes d’approbation, on lui fait des blagues, etc.

Quand le nouveau travailleur est débarrassé de son baudrier, il efface sa marque distinctive antérieure ; à partir de ce jour, il est passé de l’autre côté de la barrière, il est devenu à parte entière membre de l’équipe.

Dans le document UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL (Page 102-106)