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« Trouver sa personnalité en la perdant. » Fernando Pessoa, Le Livre de l’intranquillité.

« Nous disons : moi, et nous pourrions aussi bien dire nous. »

Jean-Marie Guyau, L’art au point de vue sociologique.

« Grandcoucou, spigaou, bil72, Lily133, slyly, phanie11, pathetik, Bachi, invite_v44, Perles18, christophe34400, kamel09, nano84, … » Il ne s’agit pas ici d’une liste à la manière de Prévert, mais bien des pseudos qui apparaissent sur la première page du forum Doctissimo consacré aux accidents sportifs et en particulier aux désaxés rotuliens.76

Certains évoquent des prénoms, d’autres des localisations territoriales, d’autres des statuts sur le forum, d’autres encore sont plus ésotériques. Mais une chose semble certaine, c’est qu’ils sont tous le marqueur d’une identité spécifique au forum en question.

Nous évoquions précédemment les super-héros et leur double identité, mais nous pourrions également faire référence au film Le Seigneur des anneaux, adaptation du Roman de Tolkien, dans lequel Golum se retrouve dans une scène étrange à manifester son dédoublement de personnalité. Dans cette scène, Golum

75 Michel Maffesoli, Le temps des tribus, op. cit., p. VIII.

76Cf. http://forum.doctissimo.fr/sante/accidents-sportifs/desaxes-rotuliens-

59 dialogue avec lui-même occupant tour à tour la position du vicieux, de celui qui manigance, et la position de celui qui souhaite se racheter. Au-delà de la dimension morale, archétypale de la lutte entre le bien et le mal, ce qui est frappant dans cette scène est l’indétermination avec laquelle joue le réalisateur, utilisant des effets de caméra pour nous mettre tour à tour face à deux personnages qui n’en sont pourtant qu’un seul.

On pourrait également prendre en exemple ici les nombreuses émissions de télé-réalité consacrées à la cuisine, dans lesquelles les participants, amateurs, prennent des postures de professionnels dans leurs discours et dans leurs attitudes. L’exemple le plus frappant de cela étant certainement l’édition 2012 de l’émission Masterchef Junior77

, dans laquelle des enfants entre 9 et 13 ans s’affrontent. L’un d’entre eux, une fille nommée Zia, dit dans la vidéo de présentation : « La cuisine c’est de l’art. ». Arthur, un jeune garçon dira aussi : « Il faut que je donne tout pour cette épreuve parce que j’ai envie de gagner. » On croirait entendre des adultes. C’est d’ailleurs ce que cherche la mise en scène de l’émission. Frédéric Anton, chef étoilé, membre du jury de Masterchef dit dans cette même vidéo : « On n’a pas l’impression qu’on a affaire à des enfants. » Et la voix off de présentation insiste sur l’enjeu de ce concours pour enfants : « Sélectionnés parmi les meilleurs jeunes cuisiniers de France. Ils n’ont qu’un seul objectif ce soir : devenir le Masterchef Junior 2012. » Ne nous y trompons pas, il ne s’agit pourtant pas d’une épreuve pour devenir meilleur ouvrier de France, mais bien d’un jeu télévisé. L’identité des participants est en quelque sorte absorbée dans la spectacularisation de celle-ci. Dans ces jeux de télé- réalité, la porosité entre une identité fictive, celle du professionnel, et une identité

77 Cf. http://videos.tf1.fr/masterchef-junior/masterchef-junior-revient-jeudi-5-juillet-a-

60 quotidienne, ils sont père ou mère de famille, travaillent comme secrétaire de direction ou comme ingénieur, joue à plein.

Dans un autre registre, attardons-nous sur le bureau d’ordinateur d’un adolescent. Il comprend, en effet, une multiplicité de fenêtres ouvertes : une fenêtre Google, qui lui permet de faire des recherches sur tout et n’importe quoi ; une fenêtre Facebook, à partir de laquelle il partage des informations avec l’ensemble de sa communauté d’amis ; une fenêtre MSN ou Skype, dans laquelle il discute en direct avec son meilleur copain ou sa meilleur copine ; une fenêtre Ogame (un jeu de gestion et de conquête spatiale) dans laquelle il met en place des stratégies d’alliance et de conquête de tel ou tel univers ; une fenêtre Itunes, dans laquelle il choisit la musique qu’il est en train d’écouter. A chacune de ces fenêtres correspond une situation relationnelle particulière, une forme de socialisation spécifique, dans laquelle il se fond et pour laquelle il utilise des codes de communication bien particuliers : MSN voit l’utilisation des smiley ; Ogame l’utilisation des abréviations spécifiques au jeu ; Facebook l’utilisation de photos et de post. A chaque situation relationnelle, à chaque fenêtre ouverte sur une communauté correspond une actualisation d’un potentiel identitaire. L’adolescent navigue d’une fenêtre à une autre, et en faisant cohabiter plusieurs de ces fenêtres en même temps, il passe d’un potentiel identitaire à un autre. Il s’agit ici de faire de soi un itinéraire (Stéphane Hugon) – dimension spatiale accentuée dans la Postmodernité sur laquelle nous reviendrons. La monade leibnizienne est ouverte de toutes parts et prend l’eau pour laisser place à ce que Maffesoli a appelé des sincérités successives. L’identité ne semble plus figée dans une fonction particulière, mais semble naviguer d’une situation relationnelle à une autre, d’un rôle à l’autre. On peut d’ailleurs lire dans un récent article du monde.fr : « Yannick, 24 ans, n'est pas un super-héros mais il affirme mener "une double vie". Il a, d'un côté, une existence sociale conventionnelle de "classique chargé de mission dans une association environnementale" du nord de

61 la France ; de l'autre, une vie virtuelle désinhibée où il "laisse libre court à [ses]

envies". »78

Ce que ces différents exemples mettent en exergue est la mutation des identités. La modernité s’est construite autour de la notion d’individu. Le contrat social et la rationalité étaient portés par l’individu. Descartes fonde le monde à partir du cogito individuel. L’identité de l’individu vient de l’intérieur et il l’extériorise pour se manifester. Le travail, au sens marxiste, en étant l’aboutissement comme capacité de transformation du monde, de modelage du monde à son image. L’identité contemporaine, comme l’a montré à de nombreuses reprises Michel Maffesoli, est beaucoup plus éclatée, et renvoie à cette notion de persona – le masque – telle que Mauss l’a développée dans son célèbre Essai sur la notion de personne. L’individu ne disparaît pas pour autant, il se transforme, il renvoie à « cette antique sagesse qui fait de chaque individu le simple punctum d’une chaîne ininterrompue ou encore qui lui attribue une multiplicité de facettes faisant de chacun un microcosme,

cristallisation et expression du macrocosme général ».79

Pour prendre une métaphore capable d’éclairer ce constat, il en est du « moi » comme de l’atome. Avec la physique quantique, l’atome, l’insécable, se trouve fragmenté, éclaté en une multiplicité de particules élémentaires qui, selon leurs dispositions et leurs propriétés, produisent les différents éléments qui composent le tableau de classification périodique de Mendeleiev. Ce sont les relations entre ces différentes particules qui donnent à la matière et aux différents éléments qui la composent leurs propriétés, leur identité. On peut alors dire, avec Jean-Marie Guyau, qu’une des

78 http://www.lemonde.fr/vous/article/2012/08/10/le-partage-fait-sa-revolution-

numerique_1744846_3238.html

62 caractéristiques du moi contemporain est que « la solidarité domine l’individualité ».80

Il y a un principe fusionnel qui est à la source du sociétal contemporain.

Cela a pour conséquence de mettre au premier plan de la construction du soi, ou plutôt de sa manifestation, la solidarité et le groupe. C’est alors l’émotionnel qui prend le dessus sur le rationnel. L’émotionnel rassemble, fusionne et confond dans un processus d’empathie, là où le rationnel découpe, segmente, analyse. L’exemple de Doctissimo, cité plus haut, est ici intéressant. On ne cherche pas forcément à y trouver un diagnostic, comme chez le médecin, mais plutôt des conseils, un partage d’expériences. Ce qui compte n’est pas tant la vérité du symptôme que la sincérité des avis et le fait de savoir que quelqu’un vit la même chose que vous. Faire partie du groupe, appartenir à une communauté sont des appétences propres à une période dans laquelle les métarécits, qui structuraient et donnaient sens au social, sont saturés. La fin des grands récits, décrite par Lyotard, laisse nos sociétés dans un état de gestation où la solidarité émotionnelle, primitive, prend le pas sur la solidarité rationnelle et contractuelle. Le contrat hobbesien qui garantissait les droits de l’individu en échange de sa liberté naturelle laisse sa place à une communauté enveloppante de pairs. L’Etat laisse sa place à la tribu, et le bon conseil, le mot rassurant, prennent le pas sur le diagnostic du médecin.

Grandcoucou écrit en introduction du forum :

- « Salut à tous ceux qui ont des problèmes de rotule qui part en vrille...venez nous rejoindre au club, on est sympa et on se soutient comme on peut... »

Lily133 lui répond :

- « Coucou tout le monde, bonne idée Grandcoucou de créer le club des désaxés. Tu vois ça ramène du monde et même des personnes qui veulent juste savoir ce que c'est !! Je voulais aussi te dire que mon casque n'est pas rouge mais argenté et doré C'est les camions qui sont rouges !! Mais c'est pas grave !! »

80 Jean Marie Guyau, L’art au point de vue sociologique, éditions Félix Alcan, Paris, 1888,

63 L’individu n’est alors plus rattaché simplement à une fonction, mais plutôt à une multiplicité de rôles. « Il ne se donne pas (…) de tâches spécialisées mais des rôles à jouer, flexibles et divers. »81 nous dit McLuhan à propos de l’homme électronique. Il est tantôt créateur d’un forum sur les désaxés rotulien, tantôt père de famille, tantôt joueur de World of Warcraft, tantôt commercial, etc. Chaque situation renvoyant à un rôle qui s’actualise en fonction de la relation qui est en jeu. Difficile de le ranger dans une catégorie socio-professionnelle ou dans une fonction sociale spécifique. Le contrat social, où chaque contractant possède une place définie et garantie par l’Etat, se diffracte alors en ce que Maffesoli appelle des tribus

affectuelles où les rôles sont mouvants et l’organisation complexe et organique. Le

contrat laisse place au pacte. On passe du registre du social au registre de la socialité tels que Maffesoli les a définis82 :

Social Socialité

Structure mécanique

(Modernité)

Structure complexe ou organique

(Post-Modernité) Organisation économico-Pol. Masses

Individus (Fonction)

Personnes (rôle) Groupements contractuels Tribus affectuelles

Cela renvoie à ce que nous développerons plus loin concernant ce que nous avons appelé un bovarysme contemporain. Ces rôles sont autant de façons de se vivre comme un autre. Mais insistons encore une fois, ces masques, ces personae, ne sont pas faux, ils sont un ensemble de sincérités successives. « Je est un autre »

81 Marshall McLuhan, « La révolution de l’information », op. cit., p. 154. 82 Ce tableau est extrait de Michel Maffesoli, Le temps des tribus op. cit., p. 19.

64 écrivait Rimbaud. Et comme Nietzsche l’a bien montré, la profondeur des choses se cache souvent à leur surface. L’apparence n’est pas signe d’erreur ou de falsification, elle est l’expression d’une tendance, d’un complexe de forces, ici d’une socialité, d’une situation relationnelle qui s’exprime avec force et vigueur.

Nous pouvons déjà noter que cette transformation de l’individu en personne marque l’apparition – ou la réapparition – de la « communauté émotionnelle » (Maffesoli). Idéaltype de la socialité contemporaine qui se concrétise comme aura d’un groupe, d’une tribu, et qui renvoie à « cette sortie de soi, ex-stase, qui est dans la logique de l’acte social ».83

L’extériorisation du soi ne se fait plus comme entreprise de transformation du monde, mais plutôt comme communion avec lui. A titre d’exemple, nous pourrions faire référence ici à un moment fondateur de la saga

Harry Potter. En effet, l’école des sorciers de Poudlard est partagée en quatre

collèges : Gryffondor, Serpentars, Poufsouffle, Serdaigle. Chacun de ces collèges est représenté par un symbole héraldique et un certain nombre de valeurs qui correspondent à l’esprit du collège. Lors de l’arrivée des nouveaux étudiants à Poudlard, il y a une cérémonie un peu spéciale pour déterminer dans quel collège vont être envoyés ces nouveaux venus. On leur place un chapeau magique sur la tête, le Choixpeau, qui détermine alors où ils seront envoyés en fonction des correspondances et des congruences entre l’impétrant et son futur collège. Le Choixpeau est en quelque sorte porteur de ce qui fait la communauté de chaque collège et incarne le choix du groupe. Il est l’intermédiaire entre l’impétrant et sa nouvelle tribu. Cette scène marque bien ce nouveau rapport à la communauté, à la bande. C’est ici le groupe qui détermine qui fera partie de lui. Harry Potter ne serait d’ailleurs pas grand chose sans les différents personnages principaux qui viennent peupler sa bande. A l’inverse, dans une perspective plus moderne, dans le film

65

Grease, la bande n’est pas mise au premier plan, mais c’est bien son chef, Travolta,

qui l’est. Il y a ici encore une vision individualiste du rapport au monde. L’épreuve, ici une course automobile, doit être surmontée seul, là où Harry Potter surmonte les difficultés qu’il rencontre, magiques ou familiales, grâce au soutien de ses amis et de sa bande.

La multiplicité des rôles, que nous décrivions plus haut, renvoie également à cette anomie qui est le propre des périodes de transition et qui est un des marqueurs de la postmodernité naissante. Comme le rappelle Maffesoli : « Ce qui tend à prédominer dans les moments de fondation, c’est le pluralisme des possibilités, l’effervescence des situations, la multiplicité des expériences et des valeurs ; toutes choses qui caractérisent la jeunesse des hommes et des sociétés. »84

Comme nous le verrons un peu plus loin, une des autres caractéristiques de nos sociétés est la recherche d’aventure, c’est-à-dire l’expérimentation, la prise de risque, bref, la lutte contre l’ennui.

0’.3 De l’ennui.

« Condition de l’homme. Inconstance, ennui, inquiétude. » Pascal, Les Pensées (24).

« L’ennui profond, essaimant comme un brouillard silencieux dans les abîmes de la réalité-humaine, rapproche les hommes et les choses, et vous-mêmes avec tous, dans une indifférenciation étonnante. Cet ennui révèle l’existant en son ensemble. »

Martin Heidegger, Qu’est-ce que la métaphysique ?

« L’humanité sérieuse de la croissance se civilise, s’adoucit, mais elle tend à confondre la douceur avec le prix de la vie, et sa durée tranquille avec son dynamisme poétique. »

Georges Bataille, La Part Maudite.

66 L’ennui n’est pas chose nouvelle. De tous temps, les hommes semblent bien s’être ennuyés de différentes manières. L’ennui n’est donc pas propre à tel ou tel type de société. Cependant, comme Simmel le rappelle dans le problème de la sociologie, il ne faut pas confondre les contenus et les formes de socialisation. Si l’ennui traverse l’ensemble des sociétés humaines en tant que contenu, ses modalités d’expression, ses différentes actualisations correspondent à autant de formes spécifiques. Il n’est donc pas inutile de nous pencher sur cette question de l’ennui en tant que forme liée à une socialisation.

Ce qui nous intéresse ici concerne le contexte sociétal dans lequel l’esprit du jeu contemporain est amené à s’exprimer. L’ennui et sa forme nous intéressent donc à ce titre, c’est-à-dire comme éléments de contextualisation et de compréhension du contemporain. Mais pour comprendre ce qu’est l’ennui contemporain, il nous faut en faire une petite généalogie, ou tout au moins en esquisser les prémices.

Les sociétés occidentales du XIXe siècle sont typiques d’un certain type d’ennui. Baudelaire, Gauthier, Flaubert, Stendhal, par exemple, ont tous décrit ce mal si particulier de la modernité. Spleen, mélancolie, ennui, malaise, désœuvrement, sont autant de synonymes d’un état qui se retrouve au centre des préoccupations et d’une culture moderne de l’individu.

Au commencement de cela, il y a Descartes. En fondant le monde à partir du

cogito, il isole le sujet pensant du reste du monde et positionne notre « vie

intérieure » au centre des préoccupations. A sa suite, Leibniz parlera des monades sans porte ni fenêtre, Freud fondera la psychanalyse et le second romantisme fera entrer l’ennui dans le panthéon littéraire moderne avec les poésies de Baudelaire ou

Madame Bovary de Flaubert. Mais pourquoi s’ennuie- t-on ? Quelle forme l’ennui

prend-t-il avec la modernité ?

La rationalisation de l’existence, désenchantement du monde wébérien, élimine le sens éthique des choses et du monde. Le positivisme, la science et la technique,

67 ont permis d’évacuer le religieux, le mystérieux, l’étrange, de nos sociétés. Mais l’explication scientifique ne révèle pas de significations. L’individu se retrouve alors désœuvré dans un monde sans significations et sans valeurs. C’est la première caractéristique de la forme moderne de l’ennui : une désacralisation. C’est-à-dire, comme le suggère Mircea Eliade, une perte du sens de l’existence, mais aussi une perte d’être car « le sacré est saturé d’être ».85

La « profanisation » du monde ouvre le sociétal à une forme de virtualisation ou de simulation. L’être-ensemble est alors en quelque sorte dilué dans un idéalisme qui n’a plus de prise sur lui.

A cette première caractéristique s’ajoute l’individualisme politique et social, issu du contractualisme, qui fragmente le lien social et isole les individus. C’est l’anomie dont parle Durkheim dans Le suicide, qui permet de comprendre le mal-être de son époque. L’ennui se fait nostalgie communautaire, la solitude des villes en étant le pendant nécessaire. On voit alors deux mouvements qui s’amplifient. L’essor des droits et des protections individuelles, qui correspondent à l’aboutissement du modèle hobbesien de l’Etat protecteur. Et l’urbanisation qui regroupe de plus en plus d’individus déracinés dans les villes modernes. L’individu est au centre du politique, il défend ses droits et ses intérêts et, dans le même temps, il se retrouve isolé de ses racines, du groupe dans lequel il est né. On voit alors une atomisation sociale et une solitude grandissante apparaître dans les villes. C’est la deuxième caractéristique de la forme de l’ennui moderne : un individualisme politique et un isolement des individus les uns par rapport aux autres.

Mais l’individualisme n’est pas seul en cause. La massification de la société moderne amène avec elle son lot d’ennui. L’uniformisation, l’industrialisation, la répétition, la routine, sont autant de causes qui viennent se surajouter à une culture individualiste. L’imprévu, l’imprévisible, le hasard, sont mis de côté, pour un temps.

85 Mircea Eliade, Le sacré et le profane, éditions Gallimard, coll. Folio essais, Paris, 2005

68 Nous verrons par la suite, que le risque, le danger, l’aventure, font de nouveau leur apparition. C’est la troisième caractéristique de la forme de l’ennui moderne : une uniformisation des modes de vie.

La modernité atteint peut-être son apogée au XIXe siècle, et avec elle s’installent donc une culture, un imaginaire et une forme spécifique de l’ennui. Mais cet ennui lié à une coupure, un isolement et une uniformisation est toujours présent aujourd’hui. De nombreux exemples viennent illustrer son actualité et ses effets.

Le premier de ces exemples est un site internet : http://www.stopennui.com/. C’est une plateforme communautaire sur laquelle on partage ses multiples expériences de l’ennui, mais aussi jusqu’où l’on peut aller pour lutter contre l’ennui. On y trouve des photos, des vidéos, des textes. Ne relevons ici que deux catégories présentes sur le site : ennui passager et JMTQ (Je m’ennuie tellement que…). Dans la première on trouve ce genre de témoignages86