• Aucun résultat trouvé

De nouveaux rapports au temps et à l’espace

Conclusion chapitre 2 :

3.1. La carte, un outil au service des mobilités locales

3.1.1. De nouveaux rapports au temps et à l’espace

omme nous l’avons vu au chapitre 1, la carte répond au besoin de mobilité du touriste lors de son déplacement. Elle permet d’orienter le visiteur facilement et de manière ludique. L’utilisation de la cartographie, qu’elle soit papier ou numérique, est devenue un acte quotidien pour orienter chacun des mouvements aussi bien dans les loisirs que dans le quotidien. Ces nouveaux outils redéfinissent les espaces et les rapports des visiteurs à leur espace de visite. Dominique Pagès parle de « territoire numérique ». C’est selon elle :

« Un territoire hybride articulant espaces physiques et territoires virtuels, espaces publics matériels et espace public numérique. »84

Le territoire numérique est composé de l’ensemble des outils numériques permettant la mobilité sur les territoires. C’est un concept qui est parti des villes mais qui arrive aujourd’hui dans les espaces ruraux. Selon elle, le territoire numérique est composé de l’ensemble des outils numériques permettant à la fois les déplacements, le renseignement, les rencontres et les relations sociales sur un même espace. C’est donc l’alliance des déplacements physiques (Hommes et matériels) et virtuels (intellectuels). Il est composé de l’addition des outils et des utilisateurs d’un même espace. Les acteurs sont tous ceux qui développent l’espace, qu’ils soient privé ou publics.

La destination proposée par un organisme de promotion touristique local tel qu’un office de tourisme ne peut pas aujourd’hui passer outre l‘ensemble de ces acteurs auxquels sont confrontés les utilisateurs locaux (voyageurs et habitants). Il semble judicieux de penser ces

84 Dominique Pagès. Territoire numérique et tourisme, la destination au fil du réseau. Revue Espace n°273, septembre 2009. P.7.

89 nouveaux espaces au travers des yeux de ses utilisateurs, en offrant une perspective culturelle et sensible, plus que commerciale comme peuvent déjà l’offrir les entreprises privées. C’est cette plus-value que recherche le visiteur dans sa demande auprès des collectivités.

Les figures de l’habitant et du visiteur sont, en effet, de moins en moins en opposition et la sédentarité se fait de moins en moins ressentir. L’étude menée par Marie Delaplace et Gwendal Simon (2017. p34), présente une frontière entre les deux catégories sociales qui tend à diminuer progressivement. L’ancienne opposition « aux touristes, le mouvement, le dépaysement, la découverte, et aux habitants l’ancrage, l’habitude, voire la passivité. » s’estompe.

L’observation des nouvelles mobilités a permis de démontrer que le tourisme était de plus en plus poreux et que les différences entre touriste et habitant existaient de moins en moins. La notion « habiter » est de plus en plus floue à l’égard du développement des différentes migrations présentent (backpacking, bi-résidentialité, rurbanisation, études…). Benson et O’Reilly parlent de « lifestyle migration ».85 La demande des touristes est à la

rencontre avec l’habitant, emprunter ses outils quotidiens, découvrir et s’insérer dans son mode de vie. Cette insertion peut d’ailleurs considérer l’intégration des modes de vie présents, passés et futurs.

A l’inverse, les habitants intègrent dans leur quotidien des activités pratiquées en temps de vacances habituellement, ce qui correspond aux activités de loisirs.

« Ca n’existe plus les touristes. Les touristes veulent faire exactement comme les locaux. Et les locaux, malgré eux, ils s’en défendent mais ils consomment le territoire comme les touristes. Il y a une petite statistique qui est sympa : c’est 30% du chiffre d’affaires du loueur de vélo, il est fait avec des locaux. […] Ca veut dire que les locaux et bien euh ils louent un vélo, ils visitent et ils amènent les gosses au zoo. Comme des touristes ! »86

Finalement, ce qui prime selon lui, c’est le loisir auquel l’organisme de tourisme doit répondre en proposant une visibilité de l’offre du territoire grâce à des outils spécifiques :

« Ils ont des comportements qui sont de plus en plus proches. On parle de loisirs et puis c’est tout. C’est de plus en plus difficile de traiter les touristes d’un côté et les locaux de l’autre. »87

Que ce soit pour obtenir l’agenda des animations locales, les meilleurs restaurants du coin ou la mobilité, les outils sont de plus en plus utilisés par les deux catégories.

85 BENSON, Michaela & O’REILLY, Karen, Lifestyle Migration. Expectations, Aspirations and Experiences. London, Ashgate, 2009, 168 p., bibl.

86 Entretien directeur office de tourisme – réalisé le 3 février 2020 – Annexe E 87 Ibid.

90 La collectivité promeut une destination au-delà d’une simple prescription commerciale, ce sont les prestataires locaux du tourisme mais aussi les espaces qui sont mis en avant. Il s’agit peut-être de sortir de cette vision consumériste du territoire de ne plus avoir à voir mais envisager le tourisme comme un voyage, découverte au fil des envies et non plus des espaces à additionner sur son tableau des destinations vues. Rappelons que le voyage est aussi la quête de sens, de soi, un pèlerinage. « C’est une expérience interculturelle en puissance ». Dominique Pagès ne considère pas les destinations comme des espaces à traverser « de manière fluide et optimisée », elles « s’alimentent d’un imaginaire complexe, et répondent à un désir d’ailleurs. L’insolite dans la déambulation, le fortuit dans l’avancée, le sensible dans la visite sont au cœur de notre relation aux destinations. ».

Dans ce contexte, l’organisme de promotion touristique institutionnel doit répondre à ces attentes multiples en offrant une information claire pour les deux. L’enjeu aujourd’hui pour un organisme de promotion touristique, dans la conception d’un outil cartographique est donc de répondre à différentes attentes dans un contexte où la cartographie est déjà beaucoup développée et utilisée. Elle ne doit donc pas offrir ce qui existe déjà (notamment ce qui est offert par les grands groupes comme Google Maps) mais apporter un nouvel outil complémentaire à la fois utile pour les administrés locaux mais aussi pour les acteurs de la collectivité.