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Détournement d’usage par les concepteurs

4.4 Les « effets de bord » provoqués par la mise en place des constats ergonomiques

4.4.2 Détournement d’usage par les concepteurs

Les constats ergonomiques génériques sont des outils qui, bien que CAO, ont été créés pour ré-pondre à des besoins typiquement ergonomiques. Il n’y a que quelques rares préconisations (c’est-à-dire des évaluations par rapport à l’échelle de notation de l’ergonomie, créée par le métier ergonomie) dans ces outils. Ils sont précisément destinés à mener des « constats », c’est-à-dire à analyser, à dis-séquer, à un instant donné, une zone de la maquette numérique, d’un point de vue particulier, le point de vue de l’ergonomie. Ils ne servent pas à aider à construire la maquette numérique mais bien à l’analyser.

Or certains des constats ergonomiques génériques ont été rapidement détournés de leur objec-tif de constatation, pour être transformés par les architectes en des outils véritablement d’aide à la conception. Un outil d’aide à la conception désigne un outil permettant de guider la construction ou l’agencement des éléments de la maquette numérique, ce sont par exemple d’anciennes pièces, ou des modèles sur étagères qui sont adaptés au cas envisagé. Le métier ergonomie fournit des élé-ments d’aide à une conception ergonomique (Par exemple des surfaces enveloppe qui permettent de positionner les commandes par rapport à la position et au gabarit du conducteur), mais les constats ergonomiques génériques ne s’inscrivent pas du tout dans cette démarche puisqu’ils exigent un envi-ronnement d’entrée pour être instanciés.

Et pourtant. . . Pourtant certains architectes ont rapidement pris en main et détourné de leur usage premier des constats ergonomiques génériques, mêmes si tous ne sont pas concernés par ce détourne-ment. Dans un premier temps, les architectes ont rapidement perçu l’intérêt du constat ergonomique générique qui leur permettait de mener rapidement, et sans l’intervention du Pilotes Prestations Client ergonomie, une analyse de la zone d’architecture qu’ils étaient en train de concevoir. Cela leur per-mettait d’anticiper le jalon suivant, de connaître par avance, de façon approximative, le niveau atteint par leurs constructions. Car en effet, si l’évaluation n’est pas incluse dans les constats ergonomiques génériques, l’architecte responsable d’une zone sait en revanche généralement si le Pilote Presta-tions Client ergonomie préconise que des cotes augmentent ou diminuent, etc. Et il a la possibilité de comparer deux analyses successives.

D’autre part, certains architectes ont directement utilisé des constats ergonomiques génériques comme des outils leur permettant de construire une zone particulière. Notamment, un architecte a utilisé un constat analysant l’espace disponible au niveau de la tête des passagers arrière (constat ergonomique générique « garde aux têtes arrière ») pour dessiner une partie de la garniture de toit arrière. Comment a-t-il outrepassé le problème posé par la nécessité de fournir un environnement d’entrée ? Simplement en utilisant des éléments « factices », créés très rapidement pour l’occasion, correspondant grossièrement à la solution envisagée. Une fois le constat instancié, et le mannequin avec ses gardes au niveau de la tête mis en place, l’architecte peut construire la garniture, en respectant une sorte de cahier des charges en trois dimensions. De même, d’autres constats ont été détournés pour, par exemple, construire les crans d’ouverture d’une porte (ce qui correspond à ouvrir la porte et l’arrêter à une certaine distance de la voiture, comme si elle s’appuyait contre un mur). Le constat ergonomique générique « accessibilité en environnement restreint » (Voir le paragraphe 3.4.5 page 95 ainsi que la figure 3.9 page 97) a été particulièrement dévoyé de son objectif initial, qui est, en résumant, d’analyser les dimensions et formes de la porte pour évaluer si, dans un environnement restreint, elle s’ouvrira suffisament pour laisser passer le conducteur. Ici, plusieurs « murs fictifs » ont été positionnés, afin de déterminer la plus petite distance offrant une accessibilité correcte, afin de sélectionner l’angle d’ouverture correspondant au premier cran.

Ce détournement d’usage par les architectes témoigne sans doute d’une bonne appropriation des outils par les architectes. Si les Pilotes Prestations Client ergonomie doivent veiller à ce que les

constats ergonomiques génériques ne soient pas utilisés abusivement, cette appropriation est de bonne augure pour leurs relations et le partage d’un terrain commun, au virtuel

4.5 Conclusions

Dans ce chapitre, l’intégration dans le système de conception du constat ergonomique générique a été décrite . Et l’organisation de l’accès à l’outil ou à ses instances participe, comme l’outil lui-même, au partage de représentations sur la maquette numérique, entre les Pilotes Prestations Client ergonomie et les architectes. En effet, ce partage de représentations, cette synchronisation cognitive11 provient :

– de l’utilisation d’un outil standardisant et encapsulant des savoirs et savoir-faire métier, per-mettant de réaliser les tâches fastidieuses automatiquement et de se concentrer ainsi sur les problèmes de conception (et non les problèmes de l’analyse !) ;

– de la permanence de l’accès à l’outil et à ses résultats, permettant de lier les activités courantes à celles passées, dont le contexte (et donc le sens) a été préservé.

Le constat ergonomique générique, intégré dans le système de conception, répond globalement aux problèmes soulevés dans le chapitre 2. Il permet de rapprocher, sur un terrain particulier (l’ana-lyse de l’ergonomie de la maquette numérique), les deux acteurs. Il crée un « référentiel opératif commun12» et rapproche les « object worlds13» des deux acteurs en les amenant à partager un même système d’information et un même outil.

Et si des applications inattendues ont été mises à jour, elles sont plutôt une marque de l’appro-priation du système par l’ensemble des acteurs, et montre que ses possibilités peuvent encore être augmentées, au delà de celles prévues.

Le prochain chapitre va présenter une synthèse et une généralisation du système d’information et du constat ergonomique générique.

11Voir [Darses, 1997], [Darses, 2004] paragraphe 2.1.3 page 52.

12Voir [de Terssac et Chabaud, 1990] paragraphe 2.1.3 page 52.

Perspectives et généralisation : le constat

générique

Dans ce chapitre, après un retour sur les principes du système d’information fondé sur le constat ergonomique générique, les perspectives ouvertes par ce nouvel outil intégré au système de concep-tion de l’entreprise seront discutées. Une généralisaconcep-tion sera ensuite abordée, présentant succincte-ment quelques applications à d’autres domaines que l’ergonomie véhicule.

122 Chapitre 5

5.1 Les apports du constat ergonomique générique à l’intégration du

point de vue du client dans la conception