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Constitution d’une mémoire de projet

4.4 Les « effets de bord » provoqués par la mise en place des constats ergonomiques

4.4.1 Constitution d’une mémoire de projet

Le projet d’amélioration du partage des informations projet circulant entre les Pilotes Prestations Client ergonomie et les architectes n’a pas eu pour objectif de créer, ni même d’initier la constitution d’une mémoire de projet. Les principes et concepts avancés par ce vaste domaine de recherche ont été succinctement abordés au paragraphe 2.4.2 page 65. Ils ont principalement servi de principe direc-teur pour explorer la capitalisation des informations projet, notamment le principe de « capitalisation des caractéristiques du projet », permettant de donner un accès asynchrone aux informations aux di-vers protagonistes du projet. Mais l’intérêt d’une capitalisation de la logique de conception avait été soulevé à ce moment.

Cependant, comme le signale [Schmidt, 1998], la capitalisation de la logique de conception est un sujet sensible, pouvant occasionner des controverses au sein de équipes de conception qui ne voient pas nécessairement les contraintes et les compromis sous le même angle. Cela peut même, éventuellement, nuire à la qualité de la coopération, d’autant que cette activité réclame un temps non négligeable. La conception d’un nouveau système d’information pour le partage des données projet entre les architectes et les Pilotes Prestations Client, fondé sur l’utilisation des constats ergonomiques génériques, ne s’est pas orienté vers la capture systématique des logiques de conception. Cela est possible : dans chaque classeur du PDM contenant une instance de constat ergonomique générique il est possible de glisser un rapport supplémentaire, « expliquant », par exemple, les résultats de l’ana-lyse ergonomique menée et le contexte de la conception l’entourant, l’évolution remarquée depuis la précédente analyse, les raisons ayant conduit à l’adoption d’un compromis, etc. Mais le constat ergonomique générique a été conçu pour soulager la charge de travail de l’architecte, et même les Pilotes Prestations Client ergonomie n’étaient pas particulièrement favorables à cette démarche de capitalisation, également pour des raisons de création d’une nouvelle charge de travail.

Néanmoins, l’idée d’archiver les résultats de chaque analyse (les instances de constat) dans le PDM, afin de servir de source d’information unique et fiable, a suscité l’intérêt de chaque partie. Cet archivage et les choix organisationnels du rangement ont été abordés au paragraphe 4.1.3 page104, mais vont être précisés dans ce paragraphe. En effet, cet archivage ne comptait pas une charge de

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travail particulièrement conséquente et permettait dans le même temps d’archiver et de partager aisé-ment les données issues des analyses ergonomiques. Les différents acteurs ont donc a priori approuvé le principe du rangement.

Et en fait, l’organisation de cet archivage a ouvert des perspectives qui n’avaient pas été envi-sagées dans les objectifs de l’amélioration du partage d’information. En effet, si l’organisation est structurée de sorte à stocker les instances de constat en lien avec la maquette numérique, le contexte des analyses restera alors lié aux analyses. Or ce contexte est précieux pour les Pilotes Prestations Client ergonomie, qui utilisent régulièrement des raisonnements ou des enseignements basés sur des cas passés pour convaincre leurs interlocuteurs. C’est-à-dire que, au delà des analyses et des évalua-tions ergonomiques – relativement abstraites –, les Pilotes Prestaévalua-tions Client ergonomie utilisent leur expérience et celle des architectes pour appuyer leur argumentation (la « base » de la conception col-laborative, d’après H. Rittel, voir paragraphe 1.1.5 page 12, permettant de surmonter la complexité de la conception) et en donnant des perspectives tangibles à leurs propositions. Ainsi, les précédents projets permettent d’illustrer les dérives fréquentes de certaines cotes (et de la prestation), ou la per-ception qu’ont les clients de problèmes qui semblent peu critiques. Les cas passés permettent aux Pilotes Prestations Client ergonomie de mettre en perspective les positions qu’ils défendent, en appui des analyses et évaluations menées via les outils de l’ergonomie. Ils permettent également de prévoir, d’anticiper des difficultés.

Or, si l’instance de constat contient à la fois les éléments de l’environnement numérique ayant été fourni en entrée, et l’ensemble des mesures et procédures ergonomiques appliquées lors de l’ins-tanciation, l’environnement d’entrée peut être relativement dépouillé. Il est parfois retravaillé (par exemple pour obtenir la ligne d’accessibilité) et tous ses éléments ne correspondent pas nécessaire-ment directenécessaire-ment à des élénécessaire-ments de la maquette numérique ; de plus, seuls les élénécessaire-ments pertinents pour l’analyse peuvent avoir été intégrés à l’environnement d’entrée. Il n’est donc qu’un pâle reflet du contexte de la maquette numérique à ce jalon. Mais si les liens entre l’instance de constat, et la maquette numérique sont préservés, par exemple en respectant la structure d’archivage schématisée sur la figure 4.3 page 105, alors le lien entre le contexte de l’analyse et l’analyse est conservé.

Pour résumer, si l’instance de constat conserve l’environnement sur lequel le constat a été ins-tancié en plus de l’ensemble des mesures et éléments ergonomiques, il s’agit d’un environnement allégé, qui ne présente qu’une vision réduite du contexte de l’analyse. L’archivage de ces instances en lien avec la maquette numérique permet de retrouver aisément le contexte global de l’analyse, ayant conduit à la configuration de l’environnement enregistré dans l’instance. Par exemple, pour retrouver ce contexte global il est possible de rassembler dans une même session CATIA® l’instance du constat et les compositions de la maquette numérique lui correspondant (jalon projet et zone(s) d’architecture concernée(s)) pour mener des comparaisons avec une configuration ultérieure.

Ceci n’est évidemment pas une organisation suffisante permettant de capturer et de capitaliser par-faitement la logique de conception tout au long des développements du projet véhicule. Mais le fait de garder les liens entre analyse et maquette numérique permet de pouvoir reconstruire facilement, a posteriori, le contexte global dans lequel l’analyse a été menée. Cette capitalisation des analyses (des instances) en lien avec la maquette numérique est un grand pas vers la construction d’une mémoire de projet partagée à la fois par les architectes et les Pilotes Prestations Client ergonomie. En effet, jusqu’à présent, les résultats des analyses étaient (et sont toujours) conservés par le Pilote Prestations Client ergonomie dans ses archives propres, et en grande partie partagé avec les autres Pilotes Prestations Client, dans un répertoire informatique spécifique. Mais ces objets (résultats des analyses), étant to-talement déconnectés de la maquette numérique, perdaient ainsi beaucoup de poids lorsqu’ils étaient support de l’argumentation des Pilotes Prestations Client ergonomie. La date, la version exacte de la

maquette, les « nums » (donc les pièces) sur laquelle avait été effectuée l’analyse : coupes, projections, mesures de cotes, etc. Toutes ces informations étaient perdues.

Une capitalisation dans le PDM, avec une structure d’archivage pratique, évite de perdre ces données, et permet de les situer dans leur contexte. Cette possibilité offre aux Pilotes Prestations Client ergonomie la possibilité d’une véritable référence, dynamique et en 3D, à une base de cas permettant de soutenir leur argumentation. La figure 4.7 présente de façon détaillée la proposition d’intégration des instances de constats ergonomiques génériques dans les classeurs de la maquette numérique, et leur capitalisation au fil des développements des projets.

Phases de développement projet

t

Projet 1

Jalon 1 Jalon 2 Etc.

Zone 1 Zone 2 Ergo PDM Instance Instance Constat générique Instance de constat Instance de constat

: point de vue ergonomique sur la maquette numérique

Instance

FIG. 4.7 – Une proposition d’intégration du constat générique dans le PDM

La métaphore des « radiographies » de la maquette numérique est une nouvelle fois intéressante. Le classement des radiographies d’un patient, par ordre chronologique et en lien avec sa pathologie, éclaire le médecin et lui permet d’émettre des diagnostics dans des cas similaires, par exemple moins avancés, même si chaque sujet est différent. La pratique de l’ergonomie dans le suivi de projets véhi-cule est semblable à la pratique du médecin : à l’aide de ses outils et de son expérience, appuyée par un répertoire de cas, il diagnostique et pronostique, fait des recommandations. Une mémoire de cas partagée, dont les cas sont enregistrés en contexte, est un support précieux car elle permet de justifier ou réfuter, dans tous les cas mettre en perpective, les arguments échangés entre les parties.

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