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Détection et discrimination grâce aux blocages de courant et temps de résidence

2. Détection d’ADN simple et double brins, courts, par des mesures de courant électrique en utilisant des

2.2. Détection et discrimination grâce aux blocages de courant et temps de résidence

La détection de petits brins d’ADN a été réalisée du petit vers le grand côté du nanopore en solution tampon KCl 1 M, Tris 10 mM, et EDTA 1 mM, à pH 8,4. Les brins d’ADN sont ajoutés du côté du petit diamètre et un voltage positif (500 mV) est appliqué du côté trans du pore. Ce voltage a été choisi en tant que bon compromis entre la stabilité du courant, et une détection possible des blocages de courant. Pour cette étude nous avons utilisé deux types de polynucléotides. Des homo-polythymidylates, constitué de 10 ou 40 bases (T10 et T40), et des homo-polyadénosines, constitué de 10 ou 40 bases (A10

et A40). Pour l’étude d’ADN double brin, des mélanges de polynucléotides avec leurs brins complémentaires ont été préparés par simple addition puis ajoutés dans la demi-cellule côté cis. Des traces de courant caractéristiques ont été enregistrées pour le contrôle et les échantillons de T40, A40/T40, A10/ T10.

Chapitre 4. Détection de molécule unique : Influence de la surface du pore

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Figure 77: Exemples de traces de courant obtenues sans ADN (noté control), et avec les différents

échantillons T40, A40/T40, A10/ T10

Tous les échantillons ont pu être détectés en utilisant notre nanopore. Ceci a été possible car ce nanopore a un petit diamètre optimisé pour la détection. Des tests effectués sur des nanopores plus larges (petit diamètre supérieur à 6 nm) n’ont pas permis de détecter les polynucléotides simples et doubles brins. Des blocages de courant, le temps de résidence (Δt) et le blocage de courant relatif (ΔI/I) ont été extraits. Les histogrammes sont représentés dans la (Figure 78).

Figure 78: Histogrammes des paramètres des évènements, a. Temps de résidence b. Blocages relatifs de courant

Pour déterminer la valeur moyenne de chaque distribution, le temps de résidence est ajusté en utilisant une loi normale logarithmique, et les blocages de courant relatifs sont ajustés par une fonction gaussienne. Pour les ADN simples brins T40 les distributions sont monomodales pour à la fois le temps

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de résidence (0,86 ms) et pour les blocages relatifs de courant (8,5 %). En ce qui concerne les ADN doubles brins les distributions pour les blocages de courant sont clairement bimodales (Figure 78a). Cette distribution bimodale peut être expliquée par la différence de géométrie (complètement déplié ou plié) de l’ADN quand il entre à l’intérieur du pore. Cependant cette hypothèse parait peu probable, à cause du diamètre du pore, qui ne permet pas un passage de l’ADN dans une conformation repliée.

Table 8: Valeurs moyennes des histogrammes des évènements

Echantillons Temps de résidence

(ms) Blocage relatif de courant ΔI/I (%)

T

40

0,86 8,5

-A

40

/T

40

0,65 9,06 15,24

A

10

/T

10

1,07 9,60 15,79

Une autre explication peut être envisagée. Les doubles brins ont été obtenus par un simple mélange des simples brins complémentaires, polyA et polyT. Dans ce cas, nous obtenons donc un mélange à l’équilibre entre les doubles et les simples brins qui ne se sont pas couplés. Les valeurs faibles de blocages relatifs de courant, 9,06 % pour A40/T40 et 9,60 % A10/T10, seraient dues aux simples brins d’ADN, puisque proches de celle obtenues pour T40 (8,5 %). Pour les ADN doubles brins, la valeur du ΔI/I serait plus élevée, aux alentours de 15 %, puisque le diamètre des doubles brins est supérieur à celui des simples brins, et donc occupe plus d’espace à l’intérieur du pore. Nos résultats sont cohérents avec une étude précédente sur le passage de l’ADN double brin à travers un pore conique (petit diamètre 4 nm) qui a montré des blocages relatifs de courant de 15 à 30 %.264

Contrairement aux ΔI/I, la distribution des Δt pour les ADN doubles brins ne présente pas clairement de distribution bimodale. Cependant, les distributions sont centrées autour de 0,65 ms pour A40/T40 et 1,07 ms pour A10/T10. Pour mieux comprendre la distribution du temps de résidence, nous avons cartographié les évènements, leurs temps de résidence en fonction de blocage relatif de courant.

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Figure 79 : Cartes des évènements, temps de résidence en fonction des blocages relatifs de courant.

En accord avec nos hypothèses précédentes, les évènements à faibles ΔI/I sont considérés comme étant le passage des ADN simples brins. Une valeur limite de 13 % peut être estimée grossièrement en accord avec les résultats obtenus pour T40. Donc, le temps de résidence pour des ΔI/I > 13 %, sont d’environ 0,3 ms pour A40/T40 et 1,5 ms pour A10/T10, respectivement plus court et plus long que pour l’ADN simple brin (0,86 ms). Ce résultat semble contre-intuitif quand nous le comparons à la littérature. En effet il est couramment reporté une augmentation du temps de résidence avec l’augmentation de la longueur de chaine de l’ADN.259 Toutefois la plupart des études du passage de l’ADN dans un nanopore solide se font dans du SiN, d’épaisseur environ 30 nm correspondant à une longueur d’ADN déplié d’environ 90 paires de bases. Pour de l’ADN de plus de 100 paires de bases, sa longueur est supérieure à celle du pore et donc le facteur déterminant pour le temps de résidence est la longueur de l’ADN. Dans notre cas les longueurs des ADN dépliés sont de 13,2 nm pour A40/T40 et 3,3 nm pour A10/T10. La détection de l’ADN s’effectue dans la zone du nanopore où le diamètre est suffisamment petit, pour induire un blocage significatif. Si l’on fait l’hypothèse que ce diamètre doit être inférieur à 6 nm, la longueur de détection correspondante est de 158 nm, ce qui est plus de 10 à 30 fois supérieur à la longueur des brins. Donc, le paramètre qui gouverne le temps de résidence est la vitesse de l’ADN, qui dépend de son nombre de charges. Ainsi, le temps de passage de l’ADN à l’intérieur du pore diminue avec l’augmentation du nombre de charges et donc l’augmentation du nombre de nucléotides, ce qui est cohérent avec nos résultats.

L’utilisation d’un nanopore de fort rapport d’aspect conique, et un champ électrique faible permet une forte augmentation du temps de résidence qui permet la détection d’ADN de 40 et 10 paires de bases avec des temps respectifs de 0,65 ms et 1,07 ms. Cependant, ce résultat est à prendre avec précaution car les blocages relatifs de courant, sont inférieurs à 20 %, ce qui rend la détection difficile.