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Revenons, maintenant, à la déréalisation pour constater que le prologue d'Un beau

ténébreux nous initie à une tendance si forte de l'écriture gracquienne qu'elle sera maintenue

tout au long du roman. C'est l'évocation du rythme, cyclique et tellurique, des saisons. Plutôt que de privilégier la reproduction de faits et d'événements historiques précis, le roman gracquien accorde, en effet, une place prépondérante à une temporalité que nous serions tentée de dire naturelle. À ce point que l'évolution de la fiction et de ses personnages semble s'y accorder ─ nous y reviendrons. Or, cette prédisposition159 ne confirme que davantage la similitude existant entre le roman gracquien et le récit poétique (RP-87). C'est de cette propension que témoigne l'amorce du récit :

J'évoque, dans ces journées glissantes, fuyantes de l'arrière-automne, avec une prédilection particulière les avenues de cette petite plage, dans le déclin de la saison soudain singulièrement envahies par le silence. Elle vit à peine cette auberge du désœuvrement migrateur, où le flux des femmes en robe claire et d'enfants soudain conquérants avec les marées d'équinoxe va fuir et soudain découvrir comme les brisants marins de septembre ces grottes de brique et de béton, ces stalactites de rocailles, ces puériles et attirantes architectures, ces parterres trop secourus que le vent de mer va ravager comme des anémones à sec, et tout ce qui, d'être soudain laissé à son vacant tête-à-tête avec la mer, faute de frivolités trop rassurantes, va reprendre invinciblement son rang plus relevé de fantôme en plein jour. (BT-11)

Malgré qu'elle s'ouvre sur cette image relativement nette d'une saison déclinante, la première partie du texte nous tient presque aussitôt en suspens avec ses toutes dernières lignes tant celles-ci nous exposent à une énigme temporelle irrésoluble. L'impénétrabilité de cette dernière y est, d'ailleurs, à la fois accentuée et symbolisée par une curieuse et complexe mythologie. Cette convocation des mythes préfigure, dès lors, l'égyptomanie qui se manifestera à travers

159 Dans « Les yeux biens ouverts », Gracq écrit : « Je suis certain qu’un puissant courant imaginatif peut sourdre de la perception, vive, et [...] entièrement blanche [...] [d']heures [privilégiées], dont on peut s’imbiber vraiment [...]. Un grand courant imaginatif : un livre, par exemple. J’en suis certain parce que cela m’est arrivé : l’envie de commencer un livre m’est presque toujours venue à de telles périodes. Peut-être même ont- elles été à leur manière le sujet réel de ces livres ─ ce que les critiques, à coup sûr, nous concéderaient malaisément. » (P-845) De plus, l'écrivain ajoute que ses « heures se placent surtout », quel hasard, « en automne » (P-845). Dans Carnets du grand chemin, l'auteur écrit en outre : « Un automne aussi beau et ensoleillé que l'été vient le prolonger, apportant avec lui comme toujours le désir d'écrire, d'entreprendre un livre, comme on a le désir d'aller sur la mer. » (CGC-1087) Et Gracq consigne aussi : « L'image de l'arrière- saison, liée pour moi spontanément à celle de la plage qui se vide, surgit pour moi plus spontanément encore d'un instantané cueilli par la mémoire [...]. » (CGC-990)

tout le roman et qui n'est pas sans y rappeler la fascination des romantiques français et des surréalistes pour une civilisation antique, ses hypogées (BT-100), ses hiéroglyphes160. En optant

pour des stratégies formelles d'élision, ou de soustraction, la finale du prologue nous rappelle à nouveau que l'expulsion du réel constitue aux yeux de Gracq un principe inviolable de la nature romanesque. Tout comme le fait la très laconique dénomination de G., cette chute aiguise, alors, la curiosité. Aussi bien que le toponyme de Kérantec, elle place le contexte fictionnel sous le signe du mystère :

Des rues une nuit vides, un théâtre qu'on rouvre, une plage pour une saison abandonnée à la mer tissent d'aussi efficaces complots de silence, de bois et de pierre que cinq mille ans, et les secrets de l'Égypte, pour déchaîner les sortilèges autour d'une tombe ouverte. Mains distraites, manieuses de bagues, mais expertes aux bonnes pesées qui font jouer les pierres tombales, déplacent le chaton qui rend invisible, - je devins ce fantomatique voleur de momies lorsque, une brise légère soufflant de la mer et le bruit de la marée montante devenu soudain plus perceptible, le soleil enfin disparut derrière les brumes de cette après-midi du 8 octobre 19... 161 (BT-13)

Témoignant d'une indubitable volonté d'enrayer, de réduire à néant, toute possibilité d'identification du cadre temporel, le prologue gracquien annonce, en outre, le silence qui sera fait sur la situation précise des personnages tout au long du récit, que ce soit dans le journal de Gérard ou dans la dernière partie du roman. En effet, bien qu'il respecte rigoureusement le principe de datation prescrit par le genre, le carnet du diariste ne porte jamais la mention d'une année durant laquelle se déroulerait la fiction162. Cette information n'y est jamais donnée ni, du reste, dans la dernière partie du livre, qui observe, elle aussi, une certaine chronologie. Le procédé d'élision des marques temporelles est, d'ailleurs, répété dans le carnet du diariste lorsque Gregory évoque, à travers sa lettre, la naissance d'Allan : « Allan Patrick Murchison est né à Paris en 19.. » (BT-61).

En favorisant ainsi l'instauration de zones d'indétermination et de flottement, l'ouverture d'Un beau ténébreux, puis le roman tout entier procèdent encore une fois des ressorts du récit poétique, tout éloigné qu'il soit de « l'Histoire et [de] son contenu social conscient » (RP-11). De fait, une déréalisation opère également dans le roman gracquien sur le plan temporel. De sorte que les possibilités d'interprétation restent, de ce point de vue encore, aussi variées que

160 Apparaissant assez tôt dans le récit, la métaphore de l'hiéroglyphe y est récurrente.

161 L'élision nous semble ici mettre en évidence la forte relation d'intertextualité qui lie entre eux Un beau

ténébreux et l'œuvre de Poe; elle rappelle l'incipit de la nouvelle « The Purloined Letter » (« La lettre

volée ») : « At Paris, just after dark one gusty evening in the autumn of 18... » Edgar Allan Poe, « The Purloined Letter », dans Complete Tales and Poems, op. cit., p. 186.

162 Notons tout de suite, d'ailleurs, que le journal de Gérard est daté du 29 juin au 24 août et que la narration du dernier tiers du livre reprend au 1er septembre.

multiples. À preuve, Bernhild Boie situe, pour sa part, tel que nous le savons, l'action d'Un

beau ténébreux dans les années vingt163. Or, voilà une hypothèse qui paraît valable compte tenu

d'un grand nombre de stéréotypes mobilisés par la description des actants gracquiens. Pourtant, quelques indices nous incitent à croire qu'Un beau ténébreux a pour cadre une période historique postérieure à l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale. Telles sont, par exemple, les références au camp de détention d'Hoyerswerda (BT-131-134) ou à la première nuit de

prisonnier (BT-57) de Gérard. Si l'on se réfère à ce que nous en avons dit dans la première

partie de cette étude, ces échos renverraient symboliquement au vécu de Gracq et à la drôle de

guerre. Aussi le brouillage temporel n'est-il que renforcé par ces évocations, et ce parfois,

jusqu'à l'insaisissabilité. À ce point qu'elles semblent toutes participer de cette même volonté d'émanciper la représentation, de l'affranchir des préceptes du réalisme.

Par ailleurs, telle celle des personnages, la représentation de l'espace et du temps dans

Un beau ténébreux reste profondément marquée par l'intertextualité, tant il est vrai, comme

l'écrit Bernhild Boie, que le véritable topos du roman est l'« espace de la littérature », étendue métaphorique s'il en est une, où « la littérature est lieu d'identification », « décor de fantasme » (NO-1164-1165). Amalgamant les renvois, les analogies et les substitutions en un tout déroutant; les déliant progressivement des impératifs de similarité et des conventions, l'ouverture d'Un beau ténébreux constitue, pour sa part, un entrelacs inextricable d'allusions et de personnifications : elle renvoie à la fois aux secrets de l'Égypte et à la fable de Gygès, par exemple, et son narrateur prend les traits d'une figure ancienne, personnifiant, par là, le mythe osirien. Comme nous l'avons déjà constaté, cette puissante capacité de reconduction des mythes et des références opère sur tous les plans de la représentation chez Gracq. Sur le plan spatio-temporel, Un beau ténébreux apparaît donc aussi comme une surimpression de repères profondément « complexes et multiformes », pour emprunter les mots de Bakhtine définissant les chronotopes164 des œuvres dostoïevskiennes, « de même que les traditions qui se

163 Voir la note 30 à la page 17 de cette étude pour plus de détails. Notons que, dans cette perspective, l'action romanesque se situerait dans un entre-deux ─ l'entre-deux-guerres ─, fort d'un bouillonnement et d'une circulation sans pareille de forces vives aussi bien que fragilisé, marqué, blessé par de profonds stigmates. 164 Dans Esthétique et théorie du roman, Bakhtine définit le chronotope comme « la principale matérialisation du temps dans l'espace » Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1978, p. 391. Cette notion correspond donc, pour le théoricien, à la corrélation essentielle de ces deux principes fédérateurs de la fiction : « Dans le chronotope de l'art littéraire a lieu la fusion des indices spatiaux et temporels en un tout intelligible et concret. Ici, le temps se condense, devient compact, visible, tandis que l'espace s'intensifie, s'engouffre dans le mouvement du temps. » Ibid., p. 237. Toujours d'après Bakhtine, le chronotope équivaut à une forme de matrice, ou de cadre, où les séquences temporelles et spatiales de l'œuvre littéraire se croisent et se solidarisent, devenues indissociables l'une de l'autre, interdépendantes, déterminantes l'une par rapport à

renouvellent en eux165 ». Engendré par un entremêlement d'indices, puis par un entrecroisement de correspondances et de parallélismes, un particulier dialogisme166 semble alors s'établir, du

point de vue situationnel, dans le roman gracquien. Ses pages liminaires en sont bien sûr exemplaires, mais elles préfigurent aussi l'ambiguïté du contexte narratif et fictionnel du récit entier. Se recoupant sans cesse, comme celles dont use l'auteur pour décrire ses personnages, les homologies intertextuelles, géographiques et historiques, y viennent à s'additionner ad

infinitum et à former une trame, un tissu des plus bigarrés; elles impliquent un renvoi à diverses

traditions et à diverses sources. Ainsi, à travers la spatialisation et la temporalisation, l'œuvre porte, encore une fois, la trace d'une mémoire littéraire, métissée et troublante. En plus de révéler la littérarité du texte gracquien et d'y compromettre l'effectuation de l'illusion référentielle, cette dernière n'en favorise que davantage l'atermoiement d'une définition, indivisible, de l'univers fictionnel. À ce point que le récit paraît procéder d'une particulière

intemporalité, d'un achronisme; il devient un lieu d'échanges167, une palingénésie.

En laissant entrapercevoir que le domaine d'Un beau ténébreux sera espace de la

littérature, toutes époques confondues, la mise en écho des renvois opérée par le prologue

n'augure que davantage la complexité référentielle liée au traitement de l'espace dans tout le roman. En effet, château semblable à ceux des romans noirs; sombre forêt, sylve aux charmes surgis de la mythologie celtique; mer envahissante invitant au voyage comme chez Jules Verne; mer porteuse de rumeurs romantiques, évoquant l'imaginaire poétique français du XIXe siècle,

de Vigny, d'Hugo, de Chateaubriand; océan aux échos rimbaldiens; figures de l'onde surréalistes, plage déserte, lieux propices au déchaînement des passions; luxueuse salle de réception rappelant les salons stendhaliens; chambre close et mystérieuse d'Allan aux accents des récits de Poe; souvenirs de villes aux réverbérations baudelairiennes; souvenirs de théâtre et

l'autre et conjointement déterminantes du cours de la fiction. Aussi Bakhtine affirme-t-il que le « chronotope détermine l'unité artistique d'une œuvre littéraire dans ses rapports avec la réalité » Ibid., p. 384. Voir, plus généralement, Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1978, p. 238-398. Il y aurait sans doute beaucoup à dire sur le chronotope d'Un beau ténébreux, notamment en raison de la forte proximité qui lie dans le roman l'évolution du paysage naturel et celle de la saison.

165 Ibid., p. 390.

166 Nous empruntons, encore une fois, ce terme à Bakhtine. En ce qui a trait à la relation associant les notions de chronotope et de dialogisme, voir Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, op. cit., p. 392-393. 167 Pour Gracq, « [c]omme un organisme, un roman vit d'échanges multipliés » (LE-150). Les

métaphores ─ biologiques, géographiques, physiques ou chimiques ─ de l'innervation, de la dissolution, de la conduction, du magnétisme ou de l'irrigation sont d'ailleurs convoqués à foison par Gracq pour décrire l'art romanesque, et ce, dans nombre de ses fragments, particulièrement dans En lisant en écrivant ou dans

Lettrines. Nous y reviendrons dans la conclusion de ce mémoire. Ainsi est-ce, pour l'écrivain, « le propos d'un

des personnages qui fait descendre le crépuscule et la fraîcheur d'une matinée qui rend soudain l'héroïne digne d'amour » (LE-150).

d'opéra ─ tout autant que de théâtres et d'opéras ─ se côtoient et s'entrecroisent dans Un beau

ténébreux. Tant et si bien que, tout au long de l'œuvre, la représentation spatiale paraît

témoigner d'une imprégnation d'autant de lectures. La somme des images suscitée par juxtaposition, dès les pages liminaires du roman, peut alors rappeler les processus de stratification168 qui participent de la formation de la « face de la Terre169 ». Voilà ce que suggère Michel Murat en parlant du style gracquien, de sa manière bien à lui d'« harmonise[r] l'hétérogène », de se « ser[vir] de la dérivation comme [si Gracq] y trouvait [...] une sorte de magma travaillé de courants170 » :

À la matière même de l'œuvre on pourrait appliquer ce que Gracq dit de Rome : « Tout est alluvion, et tout est allusion. Les dépôts matériels des siècles successifs non seulement se recouvrent, mais s'imbriquent, s'entre-pénètrent, se restructurent et se contaminent les uns les autres. On dirait qu'il n'y a pas de tuf originel [...] Et tout est allusion : le terreau culturel qui recouvre la ville est plus épais et plus insondable encore171. »

Parallèlement, l'image qu'il serait tentant d'associer à la temporalité d'Un beau

ténébreux est celle de la spirale ─ celle-ci étant souvent considérée, d'ailleurs, comme un

« glyphe universel172 » du temps. Dans cette perspective, le lecteur d'Un beau ténébreux serait

entraîné dans une étrange trombe où tous les renvois paraîtraient converger173 vers un sombre centre d'attraction, celui-ci se soustrayant sans cesse à toute tentative de saisie rationnelle. Tel l'enroulement de courbes concentriques d'un cyclone, se contractant, s'attirant et se

168 Dans Éclosion de la pierre, Gracq expose les sillons, la « veine » tracés par une « goutte d'encre portée sur une eau mère » et où « l'eau sculpte indéfiniment la pierre » suivant le principe des « affinités électives » et de la « cristallisation ». Voir Julien Gracq, « Éclosion de la pierre » (1945), dans Œuvres complètes : tome I, op. cit., p. 1003-1004. Pour Pour Bruno Tritsmans, à l'image de ce symbole, quasi emblématique, l'écriture gracquienne serait à la fois « liquidité » ─ donc multiplicité, expansion, fluidité, mouvement ─ et

« minéralité » ─ donc « organisation fondamentale », « palimpseste », sédimentation, « linéation ». Bruno Tritsmans, « Paysages minéraux II : Gracq », dans Livres de pierre; Segalen ─ Caillois ─ Le Clézio ─ Gracq, Tübingen, Gunter Narr Verlag (Études littéraires françaises), no 52 (1992), p. 79.

169 Chère à Gracq, cette expression du géologue Sueß est notamment utilisée par l'écrivain au cours de son entretien avec Jean-Louis Tissier. Voir « Entretien avec Jean-Louis Tissier » (1978), dans Julien Gracq.

Œuvres complètes : tome II, op. cit., p. 1205.

170 Michel Murat, L’enchanteur réticent. Essai sur Julien Gracq, Paris, Librairie José Corti (Les essais), 2004, p. 143-146.

171 Julien Gracq, Autour des sept collines (1988), dans Julien Gracq. Œuvres complètes : tome II, op. cit., p. 882, cité par Michel Murat, L'enchanteur réticent, op. cit., p. 143.

172 Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l'imaginaire, Paris, Bordas, 1969, p. 361, cité par Pascaline Mourier-Casile, De la chimère à la merveille, Lausanne, L'Âge d'homme (Bibliothèque Mélusine), 1986, p. 155.

173 Aussi, dans En lisant en écrivant Gracq affirme-t-il : « Point de “ monde ”, quel qu'il soit, sans un principe interne d'organisation, sans une sorte de “ vouloir-être-ensemble ” au moins sommeillant, sans un point de fuite, même infiniment éloigné, vers lequel convergent les lignes de sa perspective. Nous le sentons d'instinct plutôt nous ne pouvons le démonter [...]. Les “ mondes ” de l'art et des artistes se reconnaissent à ceci que le point de fuite y a une présence plus tyrannique qu'en aucun autre [...]. » (ELEE-661)

confondant ─ favorisant, en somme, le retour giratoire ou cyclique du même ─ le défilé des références, construit par accumulation, fusionnerait alors en un trouble au fonctionnement presque organique. La spirale serait alors à même de provoquer chez le lecteur tant le vertige

de l'intertextualité que de l'interhistoricité, de l'éternel recommencement. D'autant que, par elle,

comme l'affirme Mourier-Casile, « s'exprime le mythe éternel qui veut que le temps, au lieu de s'inscrire selon un tracé linéaire et irréversible [...] revienne sur ses pas, et dessine des cycles successifs où la mort s'annule et devient porteuse d'une vie nouvelle174 ». Or, cette image, cette

symbolisation d'une possibilité résurrectionnelle est parfois ostensible dans Un beau ténébreux. Si bien qu'elle occupe une place incontestable dans la construction du mystère et de l'irrésolu de la fiction. En plus de réaffirmer la filiation qui existe entre l'œuvre de Gracq et celles de Poe, de Breton (Arcane 17), ou, sur un tout autre plan, celles des romantiques allemands, le thème y lie également entre elles la référence mythologique et la référence christique. Comme dans le récit poétique, l'image de la « structure circulaire » (RP-10-11) paraît d'autant plus imposée par le roman que la datation de son prologue et celle de son dénouement forment une boucle. S'ensuit donc l'impression que le temps s'y enroule sur lui-même175. Sachant que le préambule

gracquien met en scène les événements correspondant au jour du « 8 octobre 19.. » (BT-13) alors que, vers la fin du récit, « [le] dernier jour de septembre » venu (BT-221), le narrateur annonce le commencement de l'automne, n'est-il pas permis de percevoir ─ en faisant exception du fait que le prologue réfère explicitement à un « après-midi » (BT-13) alors que la scène finale du roman renvoie à un imaginaire nocturne ─ un écho entre la scène d'énonciation du texte gracquien et sa chute? Surtout que le « 8 octobre » (BT-156) nous apparaît, la moitié du roman passée, comme étant la date fixée par Allan sur un calendrier pour donner forme à ce projet funèbre qui constitue l'apogée de la fiction.