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Dépression de détachement précoce

C) Chez l’adulte

IV- Dépression de détachement précoce

La dépression de détachement précoce est un état profondément déficitaire observable chez les chiots dont le lien d’attachement primaire n’existe pas ou est rompu trop précocement (PAGEAT 1991). Ce sont des chiots définis caricaturalement comme « trop sages » (PAGEAT 1998).

1- Etiopathogénie

L’attachement est indispensable au développement des mammifères. L’attachement est un comportement instinctif , son existence est indépendant des processus d’apprentissage (PARIS 1996). Chez le chien, ce lien dure jusqu’à la puberté si le chiot reste avec sa mère. A cet âge, se produit généralement la procédure de détachement. Le détachement correspond à la rupture du lien d’attachement primaire. C’est un passage obligé pour, que, vers six mois, le chiot devienne un adulte. En cas d’adoption par une famille humaine, le chiot renoue généralement un second lien d’attachement primaire avec une des personnes de la famille et les conditions d’un développement harmonieux sont alors préservées (MULLER 2000).

Il est encore difficile de définir précisément les causes de la dépression de détachement précoce. Toutefois, les mêmes données sont retrouvées chez la plupart des sujets souffrant de cette maladie : il s’agit de l’absence ou de la rupture précoce des liens affectifs mère/chiot, avant quatre semaines (PAGEAT 1991; PAGEAT 1998).

2- Facteurs de risque

La donnée la plus fréquemment retrouvée est celle de mères peu socialisées, qui manifestent un refus de maternage pendant les quatre premières semaines de vie et/ou qui agressent leurs chiots, parfois violemment. Les chiots dont la mère décède en cours de mise bas, sont évidemment également fortement exposés, de même que les chiots artificiellement

séparés de leur mère pendant cette période (PAGEAT 1998). La qualité de l’attachement peut enfin être défectueuse quand on sépare les chiots trop précocement de leur mère, avant huit semaines (MULLER 2000).

Les portées inférieures à trois chiots sont également plus exposées à développer une dépression de détachement précoce. Il semblerait, en effet que les stimulations tactiles, plus nombreuses dans les grandes fratries, rendent possible une amorce de liens d’attachement entre frères et sœurs (PAGEAT 1998).

3- Manifestation clinique

Les défauts d’attachement ont des conséquences dramatiques sur le développement comportemental du chiot. En l’absence d’attachement, c’est toute la suite du développement, déterminante pour la socialisation qui peut-être perturbée.

De façon aiguë, la rupture du lien d’attachement induit un état de détresse grave chez le chiot (ARPAILLANGE 2002). Cette affection se caractérise par une attitude dépressive qui prend toujours une allure très spectaculaire. Les symptômes principaux sont de l’anorexie par manque d’intérêt pour la nourriture, un ralentissement de la croissance et de l’apathie (MULLER 2000). Des retards staturo-pondéral sont fréquemment observés, la sécrétion d’hormone de croissance cesse jusqu’à ce que le chiot noue un lien d’attachement (MULLER 1996). Certains signes comportementaux, ou leur absence, accompagnent le plus souvent, les signes cliniques : on note une disparition de la majorité des comportements ludiques, d’exploration ou d’attachement. Un symptôme particulier est une hypersensibilité au bruit provoquant de fortes réactions au réflexe de sursautement (BEATA 2004). De plus, dans cette affection, les chiots ont une expression faciale très remarquable car ils sont incapables d’attacher leur regard sur l’individu qui les observe. Leur face est immobile et inexpressive et les signaux de communication sont quasi absents (PAGEAT 1998). Pendant les manipulations pour leurs soins, ils n’interagissent pas avec les soigneurs mais se comportent comme des objets, alors que, dans un même chenil, d’autres chiens vont essayer de jouer avec toute personne qui s’intéresse à eux.

Parfois, les chiots bien qu’apathiques ne présentent pas d’anomalies majeures de santé.

Leur appétit est faible mais régulier et ils n’ont pas de symptômes physiques particuliers.

Toutefois, leur croissance et leur développement, physiologique et comportemental, sont ralentis jusqu’à ce que les chiots puissent de nouveau nouer un lien d’attachement (MULLER 1996; MULLER 2000).

4- Epidémiologie

Aucune prévalence familiale ou ethnique n’apparaît dans cette maladie, on ne constate, par ailleurs, aucune relation avec le sexe. Les mères manifestant un déficit de socialisation ou d’imprégnation intraspécifique, semblent avoir un fort risque de ne pas s’occuper de leur chiots. De même, la mise bas par césarienne sous anesthésie générale semble rendre l’attachement plus difficile et conduire au refus de maternage. Il semblerait, bien que cela ne soit pas prouvé, que les chiennes très dominées soient des mères à risque car la présence de chiennes dominantes au sein de l’élevage pourrait inhiber leur maternage (PAGEAT 1998).

Au sein d’une meute sauvage, les femelles dominantes ont seules accès à la reproduction.

Lorsqu’une dominée met bas, la femelle dominante lui vole ses petits.

Cette affection existe chez les éleveurs, mais elle reste rare. Par contre, elle devrait se rencontrer de plus en plus fréquemment dans les magasins spécialisés types animaleries. Dans ces établissements, les animaux, généralement en bonne santé physique, ne sont pas ou sont peu manipulés, par manque de temps de la part des responsables de rayon. Ces chiots ont peu l’occasion d’être l’objet de marques affectives et ont peu de contacts avec d’éventuels compagnons de jeu (MULLER 2000). Il semble même que les grandes races soient plus touchées (mais le déficit est plus difficile à mettre en évidence), surtout quand elles n’ont toujours pas quitté le magasin à l’âge de six ou sept mois (MULLER 1996).

5- Evolution

Sans soutien vital, l’évolution est souvent fatale. S’ils s’en sortent, ces chiots vont développer assez souvent un syndrome de privation sensorielle bien que placés dans un milieu qui semble riche mais avec lequel ils n’ont pu interagir. Ces chiots seront également particulièrement exposés au syndrome Hypersensibilité-Hyperactivité car, la plupart du temps, maintenu loin des adultes éducateurs (MULLER 2000).

C’est une maladie assez stable dans le temps, toutefois, les chiens atteints sont fréquemment présentés à la consultation comportementale tardivement. Leur état déficitaire ne commence réellement à poser problème à leurs propriétaires que lorsque leur incapacité à interagir avec l’extérieur rend impossible toute activité en commun (PAGEAT 1998).

6- Pronostic

Le pronostic est réservé compte tenu de la rapidité avec laquelle l’état d’un chiot peut se dégrader suite à de l’hyporexie (BEATA 2004). D’autre part, les propriétaires doivent être

avertis du risque de séquelles malgré un traitement relativement long (12 à 18 mois) (PAGEAT 1991; PAGEAT 1998).

Les traitements précoces sont toujours de meilleur pronostic, on estime qu’après deux ans, le taux de récupération est très faible (PAGEAT 1998).

Les conséquences d’une mauvaise construction comportementale ne sont pas négligeables, ainsi que nous venons de le voir. La majorité des chiens souffrant de troubles du développement sont, en effet, inaptes à la vie en famille, que ce soit à cause de leur dangerosité, de leur incapacité à gérer l’environnement et les contacts ou de leur hyper réactivité. Les maladies dont ils souffrent nécessitent, de plus, des traitements longs et coûteux et la guérison clinique est difficile à obtenir. Les retombées sur l’éleveur, économiques lors du retour d’un chien à l’élevage, ou en terme de publicité, ne sont pas à négliger. Traiter des troubles du développement est indispensable pour faire prendre conscience aux éleveurs de la nécessité d’une médecine préventive.

3 : PREVENTION DES TROUBLES

COMPORTEMENTAUX A L’ELEVAGE

Etre éleveur de chiens est depuis longtemps synonyme de passion pour une ou plusieurs races canines. Mais le marché et son économie ont aussi leur dictat, et la satisfaction du client est devenue le point d’orgue de toute transaction. De fait, l’animal, en tant que chose vendue, devient l’objet de toutes les attentions quant à ses qualités intrinsèques, et les garanties pour les vices rédhibitoires sont loin des exigences actuelles des consommateurs. Ceux-ci veulent en effet et en premier lieu, un chien qui s’adapte à la plupart des situations, ce qui n’est pas le cas des animaux atteints des différents troubles que nous venons de citer.

De plus en plus, les éleveurs font appel aux services de vétérinaires pour des compétences spécialisées comme la visite sanitaire des locaux et les vaccins, ou la chirurgie orthopédique, ou encore le suivi de reproduction. Face à cette nouvelle demande qu’est un

« chiot équilibré », le vétérinaire doit se positionner en tant qu’interlocuteur privilégié : il doit dépister les situations à risque et mettre en place une stratégie de prévention des troubles du développement au sein de l’élevage. Enfin, il a aussi pour rôle de s’assurer de la qualité de la vente et de son suivi désormais obligatoire au moment du placement du chiot.