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REALISEE AU CHU D’ANGERS A PARTIR DE 75 DOSSIERS DE

IV. 4.6- Déni de grossesse, IVG, abandon

La demande d’IVG à la découverte de la grossesse est classiquement retrouvée dans la littérature. Dans notre étude 23% des femmes ont demandé une IVG ; On peut penser que cette donnée est sous évaluée car pas toujours déclarée. Cette donnée révèle un refus, au moins transitoire mais catégorique de l’état de grossesse.

La plupart des patientes (84%) qui ont demandé une IVG à la découverte de leur grossesse ont fait le choix de garder leur bébé (n’ont pas entrepris de démarche pour avorter à l’étranger ni d’adoption), et l’ont effectivement gardé. Une seule femme a demandé une interruption de sa grossesse à l’étranger. Ce contraste témoignerait d’un réaménagement psychique adaptatif réalisé en urgence afin de rendre tolérable l’état de grossesse, première ébauche d’un investissement possible. Cette adaptation minimale est possible dans la plupart des cas. A ce moment là, un accompagnement thérapeutique prend tout son sens afin de repérer l’ambivalence de la femme enceinte et la façon dont elle l’élabore.

Certaines études se sont intéressées aux conséquences que pouvaient avoir le refus de l’IVG : Parmi 249 femmes interrogées après un refus d’avortement (Hook cité par Dagg) 27%

déclarent s’être bien adaptées d’emblée à la grossesse et à l’enfant, 51% rapportent des troubles psychiques et une tension pénible pendant une durée considérable après la naissance qu’elles ont actuellement dépassé, et enfin 22% affirment souffrir encore de troubles mentaux et ne pas s’être adaptées. Selon Brockington270, une grossesse non désirée serait un facteur de risque de suicide. Ainsi, les femmes qui ont dans un premier temps refusé leur grossesse restent des mères potentiellement vulnérables. Concernant les conséquences pour l’enfant, une étude réalisée sur 35 ans (David, 1988 cité par Chamberlain271) montre un nombre plus important de problèmes psychosociaux, de délinquance et de difficultés scolaires chez les

      

270 Brockington I, 1996 ; Ibid.

271 Chamberlain D.B. La psychologie du fœtus. In Nouveau traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent tome III (Lebovici, Soule, Diatkine). Paris : PUF, 1985.

enfants mis au monde après un refus d’IVG. Avant la naissance, il est rapporté un taux de fausses-couches spontanées élevées après un refus d’IVG (Brockington272).

Nous avons retrouvé au centre d’IVG du CHU le nombre de patientes ayant demandé une IVG hors du délai légal sur la même période que celle de l’étude. Il est très surprenant de constater que sur les 69 patientes venues demander une IVG hors du délai autorisé par loi, 9 seulement sont retrouvées dans notre groupe de patientes (et se sont donc présentées à la maternité). Ainsi, on peut supposer que les 60 autres femmes n’ont soit pas été répertoriées dans notre étude mais se sont quand même présentées à la maternité d’Angers, soit ont poursuivi leur projet d’avortement à l’étranger. Une étude de 1977 sur le devenir des grossesses pour lesquelles un avortement avait été refusé (Hunton cité par Dagg273), montre que plus de 40% des femmes réalisent un avortement ailleurs.

Notre étude montre un taux d’abandons significativement plus important dans le groupe de femmes qui a dénié sa grossesse par rapport à l’ensemble des femmes ayant accouchées. Ce lien entre déni de grossesse et abandon a déjà été remarqué par certains auteurs274. Notre étude montre également une proportion significativement plus importante d’antécédents d’IVG chez les femmes ayant présenté un déni de grossesse. Ces données seraient possiblement en faveur d’une plus grande ambivalence par rapport à la maternité en général chez les femmes présentant un déni de grossesse, et soulignent l’importance de leur proposer une prise en charge.

      

272 Brockington I, 1996 ; Ibid 

273 Dagg P.K.B. The psychosocial sequelae of therapeutic abortion-denied and completed. Am. J.

Psychiatry 1991 ; 48 : 5 : 578-585.

274 Bonnet C, 1996 ; Ibid. 

V-CONCLUSION

Les difficultés que nous avons eues à repérer les femmes ayant présenté un déni de grossesse témoignent de la méconnaissance de ce phénomène et de la difficulté à le définir avec précision.

Concernant les données socioprofessionnelles et de fréquence, nos résultats concordent avec les résultats obtenus dans la littérature. La fréquence du déni de grossesse au CHU d’Angers se situe entre 2 et 3 pour 1000 naissances. La population des femmes est très hétérogène.

Cependant, on remarque un nombre important de femmes se situant aux âges extrêmes de la vie reproductive, et en situation de précarité sociale. Les risques néonataux retrouvés en proportion élevée, une proportion non négligeable de répétition de déni de grossesse chez une même femme mettent en évidence la nécessité de prendre en charge les femmes qui présentent un déni de grossesse et leur bébé. Les antécédents psychiatriques sont retrouvés dans les mêmes proportions que dans les études publiées et sont très hétérogènes. Le recueil des antécédents psychiatriques est aléatoire dans le cadre de cette étude rétrospective dans la mesure où peu d’évaluation spécialisé ont été proposé. Des résultats plus précis pourraient être recueillis par le biais d’une étude prospective.

Dans cette étude, les entretiens psychiatriques ou psychologiques ont rarement pour seul motif le déni de grossesse mais une problématique qui lui est associée. L’évolution croissante des demandes de consultations de 2005 à 2009 est corrélée à l’augmentation des cas de dénis de grossesse repérés.

Nous pouvons supposer que les femmes présentant un déni de grossesse sont plus ambivalentes par rapport à cette nouvelle maternité. Une grossesse déniée est dans la plupart des cas non désirée et un nombre important de femmes demande une IVG. Accompagner cette ambivalence par le biais d’entretiens systématiques dès la découverte tardive d’une grossesse nous parait être le point de départ d’une prise en charge.

Aussi la consultation psychologique ou psychiatrique aurait un but d’évaluation afin de repérer les femmes qui relèvent d’un soutien psychologique, et celles qui nécessitent une prise en charge psychiatrique plus étayée.

Cette étude a permis de dresser un « état des lieux » de la problématique du déni de grossesse au CHU d’Angers. Ce travail pourrait être le point de départ d’autres études afin de mieux connaître les caractéristiques psychopathologiques des femmes qui dénient leur grossesse et le devenir de la relation mère-enfant.