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comme point commun l’ambivalence du désir d’enfant. Or le désir d’enfant serait ambivalent en soi135.

Avant d’envisager les mécanismes et les hypothèses explicatives sous un angle psychopathologique et physiopathologique, il semble nécessaire de rappeler les remaniements somato-psychiques de la grossesse normale.

En effet, le processus qui conduit une femme à devenir mère se joue sur un double registre : biologique d’une part et psychique d’autre part avec la mise en œuvre de réaménagements qui constituent une nouvelle crise de maturation136.

IV.1- La grossesse « normale » : la rupture d’un équilibre somatique et psychique

De nombreux auteurs ont insisté sur ce moment évolutif fondamental que représente la grossesse chez la femme. Pour Bydlowski137, la procréation humaine n’est pas une fonction biologique comme les autres, elle tire sa singularité d’intervenir au carrefour de trois facteurs déterminants : le désir d’enfant, la physiologie de l’espèce, le contexte historique et social.

IV.1.1- Une crise identitaire       

135 Devineau-François V. L’accouchement anonyme. Journal de pédiatrie et de puériculture 2001 ; 14 :

219-222.

136 Durand B, 2001 ; Ibid.

137 Bydlowski M. Spécificités humaines de l’engendrement. Les dossiers de l’obstétrique 2009 ; 381 :

8-13.

Racamier138, psychiatre français, utilise en 1960 le terme de « maternalité » pour décrire l’ensemble des processus psychoaffectifs qui se développent chez la femme à l’occasion de la maternité. Il définit la maternalité comme une phase du développement de la personnalité féminine, associant crise identitaire et crise de personnalité.

Pour Bydlowsky, la gestation serait l’occasion d’une crise psychique comparable à celle de l’adolescence139. En effet, à chaque étape du cycle biologique, un certain nombre de taches psychiques doivent être exécutées. De leur exécution dépend le passage à l’étape suivante. La période de la grossesse est ainsi une période de conflictualité exagérée, une crise maturative.

A l’adolescence, l’enjeu est de renoncer à l’enfance pour aborder l’âge adulte. Lors de la première maternité, l’enjeu est le passage à l’autre génération. Ainsi, comme à l’adolescence, la grossesse comporte une capacité évolutive puisqu’elle contribue à la formation d’une identité nouvelle.

Cette rupture d’équilibre en vue d’un nouvel équilibre fait intervenir de multiples facteurs hormonaux, neuropsychologiques, sociologiques qui contribuent à ces réaménagements.

La maternité est une période marquée par la régression : l’ensemble des conflits et angoisses qui étaient présents lors de la première année de vie de la mère sont réactivés lors de la grossesse. Chaque femme est amenée durant sa grossesse à retrouver l’enfant qu’elle a été et à s’identifier à l’image qu’elle avait de sa propre mère. Pour Racamier, la qualité du lien précoce mère-enfant dépend de la réconciliation d’une part de la mère avec l’enfant qu’elle a été, et d’autre part avec l’image maternante de la mère qu’elle a eu lorsqu’elle était enfant.

Bydlowski140 suggère qu’il est indispensable au bien être de l’enfant à venir que la femme reconnaisse sa « dette de vie » à l’égard de sa propre mère. La reconnaissance de cette dette       

138 Racamier PC., Sens C., Carretier L. La mère et l’enfant dans les psychoses du post-partum. In L’Evolution psychiatrique 1961; 525-70.

139 Bibring GL., Thomas F., Dwyer M. Study of the psychological processes in pregnancy and of the

mother – child relationship. Psychoanal. Study. Child.1961 ; 16 : 9-24.

140 Bydlowski M, 1997; Ibid.

est nécessaire pour procréer, car la vie porte en elle l’exigence de transmettre ce qui a été donné.

La reconnaissance par la femme de sa dette de vie nécessite une différenciation de sa propre mère, c'est-à-dire réussir à éliminer tous les processus fusionnels qui peuvent se développer entre une mère « trop bonne » et sa fille très demandeuse d’amour et de protection. Critiquer sa propre mère, accepter de remettre en question ce qu’elle a fait parfois dans la violence et les pleurs, entrainent des sentiments d’angoisse et de culpabilité. Cette capacité de rupture avec sa propre mère n’est possible qu’en présence d’une bonne image de celle-ci : « pour rompre, il faut avoir beaucoup reçu » dit Delassus.

Diquelou141, obstétricien, décrit un comportement « grand-maternel » parfois surprenant : hyperprotecteur, dubitatif ou encore agressif, traduisant une altération de cette capacité de rupture, de cette capacité d’autonomie entre la mère et la fille. Que cette séparation ait lieu avant ou pendant la grossesse est une condition très importante du bon déroulement de la gestation, de la prise de conscience de cette grossesse et de son issue. Cette capacité à se réconcilier avec sa mère dépend aussi de la place qu’a occupée le père de la future maman (dans la petite enfance puis à l’adolescence). On sait depuis Freud que le rôle du père est important pour la petite fille dans la résolution du complexe d’Œdipe. Pendant l’adolescence et même bien avant, le comportement paternel est essentiel à la prise de conscience par la jeune fille de sa place par rapport à son père, première référence masculine. Le père a ainsi permis à la future mère, sa fille, de comprendre qu’il était le mari de sa mère et qu’elle ne pouvait prétendre à occuper cette place auprès de lui. Enfin, le père de par sa complémentarité avec la mère est « l’ossature transgénérationnelle du noyau familial hétérosexuel ».

Le père du futur bébé a une place d’accompagnement de la parturiente dans sa crise identitaire : il va permettre à la femme enceinte par son attitude de réaliser sa condition de future mère mais il contribue surtout à unifier chez elle le concept de Féminité-Maternité, plus ou moins élaboré.

      

141Diquelou JY., Le dépistage prénatal des dysfonctionnements majeurs mère-enfant et leur prise en charge dans un service de gynécologie obstétrique. Revue internationale de pédiatrie 1999 ; XXX : 293-2 : 86-93.