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En premier lieu, nous avons fait le choix d’adopter et de développer une démarche qualitative au regard de notre objet de recherche, objet dynamique impliquant une prise en compte globale du fait de sa complexité (Jodelet, 2003). Aussi, cette approche s’attache aux significations que les sujets construisent et donnent aux objets dans leur expérience vécue et permet de s’intéresser à la manière dont ils pensent et agissent, donnant toute légitimité à leurs points de vue, favorisant une approche inductive et globale. De plus, ces méthodes qualitatives sont les plus adaptées au cadre théorique des représentations sociales (Farr, 1992 ; Jodelet, 2003, 2015 ; Haas & Masson, 2006) et à la volonté d’observer, dans des contextes sociaux, les rapports que les sujets en difficulté socio-économique construisent avec les droits sociaux.

Avant d’approfondir cette démarche qualitative et la posture qu’elle nécessite, présentons les deux terrains où nous avons enquêté pendant près d’un an (juin 2011-mars 2012), qui constituent les contextes institutionnels de notre enquête qualitative.

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3.1. Les terrains d’enquête d’accès au droit

Ces lieux d’accès aux droits constituent un autre niveau de triangulation. Ces associations d’accès gratuit au droit, où se rencontrent des trajectoires individuelles et des parcours de droits, du sens commun et du savoir expert, sont distinctes à plusieurs égards, offrant à voir des contextes différents de recours aux droits sociaux.

‐ Boutique de droit

Le premier terrain d’enquête que nous avons choisi d’investir est celui de l’association des Boutiques de droit (BD) de l’agglomération lyonnaise. Ce choix fait suite à une première étude que nous avions menée sur le non-recours à la justice, faisant émerger une psychologie sociale du justiciable (Fieulaine, Kalampalikis, Haas & Béal, 2009 ; Béal, Kalampalikis, Fieulaine & Haas, 2014).

Créées en 1980 à l’initiative, entre autres, de Jean-Pierre Bonafé-Schmitt (Sociologue et Chercheur au CNRS), les BD sont, à Lyon, des « lieux ressources » proposant un service d’accès au droit et de médiation dans les quartiers. En 1986, ces lieux ressources ont été implantés dans l’agglomération lyonnaise à la demande de différentes communes. Cette association a fusionné avec puis a été absorbée (en 2013) par l’association

« AMELY» (Association Médiation Lyon), créée en 1989 afin de trouver une méthode alternative au

règlement des conflits du quotidien. Depuis plus de 25 ans, cette association s’inscrit et agit dans les quartiers dits « sensibles » dans le cadre des contrats relevant de la « politique de la Ville ». Elle se focalise donc sur un public ciblé par les politiques publiques comme « précaire ».

Si les BD sont originales dans le champ de l’accès au droit – puisque d’une part, elles évitent les phénomènes de ciblage et de conditionnalité présents dans beaucoup de dispositifs et d’autre part, elles ne sont pas orientées vers une population particulière et encore moins spécialisées sur les droits sociaux – les permanences juridiques sont néanmoins, depuis leur création, essentiellement à destination des « personnes défavorisées » et des « personnes issues de l’immigration » (cf. Annexe « Rapport des BD 2007 »). D’ailleurs,

l’un de leurs objectifs est de « contribuer à la lutte contre les inégalités et les discriminations », en palliant le manque d’informations sur les droits et le manque d’explications juridiques que les administrations et les services publics devraient donner, « décryptant » les droits des sujets, informant sur les démarches nécessaires pour les obtenir, notamment à destination des « personnes d’origine étrangère » (cf. Annexe « Rapport des BD 2007 »). Les statistiques de 2007 des BD et d’AMELY montrent ainsi que la population qui s’y rend majoritairement est d’une part, très largement dans une position socio-économique basse dans la hiérarchie sociale, le « niveau de vie » des sujets usagers se situe en grande majorité en dessous du SMIC (à l’époque 1005 euros) alors même que la proportion d’employés est la plus importante (cela pouvant s’expliquer par l’augmentation des temps partiels). D’autre part, le nombre d’usagers étrangers est relativement important (les statistiques ne prenant en compte que les nationalités et non les origines étrangères). Aussi, ces statistiques révèlent qu’une pluralité de problèmes de droit y est traitée, mais qu’en fonction des caractéristiques sociologiques des populations des territoires où sont inscrites les BD, la nature des problèmes est différente et

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les problèmes relatifs aux droits sociaux (Sécurité sociale, CAF, Pôle emploi, droit des baux, droit du travail) apparaissent avec plus ou moins de force. Nous avons focalisé notre enquête essentiellement sur deux BD, choisies à partir des statistiques fournies par l’association (et des possibilités d’accueil pour notre recherche) : la BD de la ville de Vénissieux et la BD du quartier de la Duchère à Lyon, dans lesquelles il y a de forts taux de population se situant en bas de la structure sociale, appartenant aux catégories socioprofessionnelles les plus basses (employés, ouvriers, retraités, chômeurs, sans emplois), en partie d’origine d’immigrée et recourant plus qu’ailleurs aux BD pour des problèmes liés à l’accès aux droits sociaux. Les juristes de la BD de Vénissieux (implantée dans le quartier des Minguettes depuis 1990) nous ont permis d’accéder à la Maison de Justice et de Droit (MJD) avec laquelle ils travaillent en collaboration et assurent l’accès au droit. Elle accueille globalement des populations avec des problèmes de droit similaires. Un des responsables de cette MJD nous avertira lors de notre première rencontre que « c’est le quart monde ici ». Aussi, cette population semble principalement rencontrer des problèmes dans la réception de droits sociaux (sécurité sociale, CAF, Pôle emploi, etc.) et des problèmes liés au droit du travail, auquel ils semblent davantage recourir aussi. L’association AMELY a recensé dans la BD de Vénissieux (2007), 32,6% de conflits avec l'administration et 23,1% de conflits liés au travail49. Les problématiques de droits sociaux énumérés par les juristes de la Boutique du droit de Vénissieux lors de notre première rencontre révèlent aussi l’existence d’autres types de recours : « dettes », « dossiers de surendettement », souvent relatifs au logement (recours au FSL) ; problèmes de réception du RSA, de la CMU(-C), de l’APL, de l’Allocation chômage, de l’ASS ou relatif à la constitution des dossiers de retraite. Il est aussi régulièrement question (comme nous l’observerons) de recours aux droits relatifs à des problèmes de santé, de handicap (AAH, Pension d’invalidité, etc.). Ces lieux d’accès gratuits aux droits apparaissent donc comme les réceptacles et les catalyseurs des problèmes sociaux de ces territoires. D’ailleurs, les juristes des BD sont en contact permanent avec les services sociaux des quartiers où elles sont implantées qui renvoient les personnes qu’ils suivent vers leurs services, mais aussi sollicitent directement les juristes pour des questions juridiques en relation avec les situations qu’ils rencontrent.

Ces terrains d’enquête nous ont particulièrement permis d’observer le caractère justiciable et contentieux des droits sociaux, l’accès au droit effectué par les juristes de ces dispositifs ayant souvent à voir avec des conflits quant à la réception des droits sociaux50. Ainsi, ces lieux d'accès aux droits nous ont offert une porte d'entrée afin d’observer les dynamiques psychosociales de confrontation aux droits sociaux en situation de pauvreté et des processus de (non-)recours.

D’un point de vue pratique, les BD/MJD sont des permanences juridiques gratuites, anonymes et confidentielles. Des juristes assurent les permanences juridiques, assistés de bénévoles, auprès de qui toutes sortes de demandes peuvent être faites. Lors de ces permanences, les « usagers » confrontés à une difficulté de

      

49 Par ailleurs, il est question de problèmes commerciaux, familiaux, de voisinages…

50 Ils font quelque peu écho aux « bureaux d’aide légale » aux Etats-Unis (qui assistent et conseillent sur le plan juridique les usagers des administrations confrontés à des retards de paiement, des refus de prise en charge, etc.) que Sarat (1990) a investi dans le cadre d’une recherche ethnographique visant à étudier la « conscience du droit » des bénéficiaires de l’aide sociale. Pour une présentation en français de ces travaux autour des Legal Consciousness Study (LCS), voir l’article de Pélisse (2005).

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la vie quotidienne peuvent exposer leur problème, touchant aux droits de la famille, du travail, au droit social,

aux droits liés au logement (voisinage, problèmes entre locataires et bailleurs…), au droit des étrangers, au droit administratif, droit de la consommation, ainsi que au droit pénal. Le rapport des usagers à cette structure peut se traduire par un tempo qui est donné par le développement des entretiens juridiques. Nous avons pu participer (quand cela était possible, voire nécessaire pour l’association) à ces entretiens, permettant de saisir de l’intérieur les dynamiques de construction du recours au droit, dans le dialogue entre l’expert (clerc) et le profane (Lejeune, 2007). Dans cette rencontre, il y d’abord le temps d’accueil durant lequel les acteurs (souvent les bénévoles) s’assurent que le sujet a bien pris rendez-vous au préalable, le plus souvent par téléphone. Les temporalités des usagers et de l’institution se télescopent et créent souvent des frictions, de la tension, entre l’urgence des usagers et le temps (long) de l’institution et du droit qu’elle représente. Beaucoup de conflits autour de cette question du rendez-vous et plus largement de la temporalité dans l’accès au droit ont pu être observés. Il était courant que des sujets viennent dans ces lieux d’accès au droit sans avoir pris rendez-vous quand d’autres ne l’honoraient pas, ce que les juristes et bénévoles jugeaient moralement comme un manque de respect vis-à-vis de leur travail et un manque de « savoir-vivre » en général.

Ensuite, les entretiens juridiques se font en « présence systématique de deux personnes » (au moins un/e juriste) et durent trente minutes durant lesquelles les acteurs écoutent51 d’abord le récit des usagers, lisent les documents, les courriers, quand il y en a. Durant ce premier temps d’écoute, les juristes trient les différentes histoires qui peuvent parfois être mélangées dans les discours, sélectionnent ce qui est pertinent du point de vue légal, puis traduisent le contenu du discours en termes légaux si cela est possible. L’écoute qui, selon des acteurs et des usagers de l’association, peut être similaire à celle qu’effectue un psychologue clinicien, peut également trouver des limites dans les termes du droit, certains problèmes, certaines injustices débordent les catégories du droit et les déplacent (Boltanski & Chiappelo, 1999) non sans risque de stigmatisation (Boltanski, 1990)52. Aussi, dans un deuxième temps, les juristes formulent une réponse qui peut être constituée d’informations juridiques, d’orientations auprès des services spécialisés (réseau de partenaires), d’aide à communiquer (rédaction de courrier) ou à constituer un dossier devant une commission ou une juridiction, et d’une sensibilisation à la médiation. La perspective d’un règlement en dehors du cadre juridique formel, afin de privilégier une issue moins conflictuelle au problème vécu par les sujets, est souvent mise en avant. Le non-recours au droit peut ainsi être privilégié par les juristes préférant dans certaines circonstances, des résolutions à

      

51 « Ecoute et respect de la personne » ; « Les services d’accès au droit et de médiation s’appuient sur une écoute patiente et attentive afin de prendre en compte au mieux la dimension humaine des problèmes. » (cf. site internet d’Amely http://amely-site.org/site/).

52 Ce travail d’écoute peut être associé à celui d’un psychologue, comme le pensent certains acteurs et certains usagers interviewés (p. ex. Josiane), identité dont certains juristes se défendent fermement. Cela a révélé que ce travail d’écoute des récits et des problèmes amenés dans ces lieux est limité à leur interprétation et la traduction dans le discours du droit. Une catégorie d’usagers apparait alors comme mettant en difficulté ces acteurs de l’accès au droit qu’ils définissent alors comme ayant davantage besoin d’un psychologue (les « tarés » et les « cassoces »), leur problème ne pouvant s’inscrire dans la réalité réifiée du droit, mais davantage dans une taxinomie d’ordre psychiatrique, dont le « délire de persécution », la paranoïa, apparaissent spontanément et naïvement chez les juristes, tendant à disqualifier leur plainte (Boltanski, 1990).

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l’amiable, informelles aux conflits53. Aussi, les juristes ne donnent (théoriquement) jamais de conseils, les exceptions confirmant la règle. Ils transmettent seulement des informations et un ensemble de solutions possibles, l’objectif étant de « laiss(er) à chacun la maîtrise de la solution », « que chacun devienne acteur de la résolution de ses problèmes » (cf. site internet 54). L’objectif est avant tout de rompre la relation de dépendance entre le professionnel et le justiciable, de sortir le justiciable de son statut d’assisté pour en faire un acteur à part entière (cf. Annexes « Etat des lieux » de l’association AMELY effectué en 2007). Ces normes et valeurs sont rappelées quotidiennement par les acteurs associatifs du fait de leur mise à l’épreuve constante de la part des publics usagers mettant souvent en exergue leur manque d’autonomie et leur impossibilité ou leurs difficultés à s’activer davantage dans leurs démarches de recours.

Nous avons été présent dans ces lieux d’accès aux droits du mois de mai au mois de décembre 2011 (sauf au mois d’août) essentiellement dans les BD/MJD de Vénissieux, en lien avec notre objectif de recherche et les possibilités d’accueil du terrain. Une demi-journée par semaine, nous étions à la BD de la Duchère. Puis, face à nos difficultés pour effectuer des interviews, il nous a été proposé d’assister à une permanence juridique à la BD de la Croix-Rousse. Une présence quotidienne dans ces lieux d’accès aux droits nous a permis d’observer de manière intensive et sensible la vie associative, les multiples interactions qui s’y jouent impliquant les acteurs (juristes, bénévoles) et les usagers ; de participer aux échanges informels et formels ; de saisir les représentations (valeurs, normes…) des acteurs en ce qui concerne le recours aux droits et les usagers. L’accès aux interactions entre juristes et usagers, lors des entretiens juridiques, nous a donné l’occasion d’observer non seulement les rapports entre clercs et profanes mais aussi la co-construction dynamique des recours. Nos observations ont été consignées dans un carnet de bord. Cette présence continue et engagée nous a également permis d’effectuer des entretiens de recherche individuels55 avec des usagers (n=16) présentant des problématiques variées, mais toutes liées aux droits sociaux et à la justice distributive. Nous recrutions les sujets après les temps d’entretien juridique, soit nous-mêmes quand nous y participions, soit via les juristes qui venaient nous présenter les usagers à la suite de leur temps d’échange. Nous avons rencontré énormément de difficultés à effectuer des entretiens de recherche avec des usagers de ces lieux d’accès au droit, essuyant beaucoup de refus et d’échecs.

‐ L’Association Lyonnaise d’Ingénierie Sociale (ALIS)

L’Association Lyonnaise d’Ingénierie Sociale (ALIS) est le deuxième terrain où nous avons déployé notre démarche d’enquête qualitative. Elle est un dispositif d’accès aux droits différent du premier terrain, nous       

53 P.ex. dans le cadre de l’entreprise et du contrat de travail. Une des juristes nous dira par exemple que « ce n’est pas parce qu’on a des droits qu’on est obligé de les utiliser », comparant le recours au droit au droit de vote ; cela n’étant pas toujours dans leur intérêt de recourir nous dira-t-elle.

54 http://amely-site.org/site/

55 Cependant, lors de trois entretiens, les sujets étaient accompagnés d’une autre personne (ami, famille), ceci a donné une coloration particulière à l’entretien de recherche, à sa dynamique et aux données qui y ont été produites. Cela constitue un résultat en soi en ce qui concerne la place des autres dans le recours à des droits subjectifs, la socialisation et les groupes qui se forment dans ces pratiques collectives de recours aux droits.

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permettant d’observer d’un autre point de vue le (non-)recours aux droits sociaux en situation de pauvreté relative.

Créée en janvier 200256, cette association est, selon ses mots, « un lieu d’accueil pour l’accompagnement social, la recherche d’emploi et l’accès au soin ». Se situant en bas des Pentes de la Croix-Rousse à Lyon, en plein centre-ville et/mais dans une « petite rue » à l’écart, elle permet l’accueil et l’accompagnement social et professionnel de « personnes sans domicile et des habitants fragilisés du Centre-ville ». ALIS est un lieu d’accès gratuit aux droits sociaux « visant l’insertion » et non pas un lieu d’accès à des aides « humanitaires ». Cette antinomie symbolise cette association et son évolution historique puisqu’elle est passée, en 25 ans d’existence, d’une activité d’aide portée aux SDF basée sur les « besoins primaires » (nourriture, hygiène…), à une focalisation sur les problématiques d’insertion. Comme le stipule le site internet, elle constitue « un accès aux droits (emploi, logement, santé...) et aux soins pour des personnes sans domicile ».

Si les usagers d’ALIS partagent le fait d’être dans une situation de pauvreté relative et dans un rapport fragile avec le logement, ils ne peuvent pas être définis de manière tout à fait homogène, y compris dans leur rapport au logement. Dans le rapport d’activité 2012 de l’association (cf. Annexes), sur les 302 nouveaux inscrits cette année-là, 119 (39,4%) se disent « sans solution habituelle » de logement, 88 (29,1%) déclarent être régulièrement hébergés « à droite, à gauche » et 31 (10,3%) le sont par des membres de la famille proche. Seuls 9,9% accèdent aux hébergements en foyers d’urgence ou via le 11557. Par ailleurs, notons que cette population est essentiellement masculine (909 hommes contre 232 femmes). Même si les 25-35 ans sont plus nombreux (39,5%) ils ont la particularité d’être relativement instables dans l’usage de l’association (« fort turn-over »)58. Les sujets de nationalité française représentent 65,7% (n=749) du nombre total d’usagers inscrits alors que les étrangers hors Union Européenne constituent 29,6% d’entre eux (n=338)59. De plus, les usagers sont, pour la grande majorité (87,1%), « isolés » dans le sens où ils ne vivent pas en couple (marié ou situation maritale). Pour finir cette présentation statistique des usagers d’ALIS, sur les 302 nouveaux inscrits, un nombre prépondérant est sans aucune ressource (41,5%), alors que parallèlement 35,5% d’entre eux recourent au RSA, ceci nous donnant un aperçu de la présence du phénomène de non-recours dans cette association60. Par ailleurs, 41 usagers (6,8%) touchent une Allocation chômage, 20 (5,5%) sont salariés et 8 (2,8%) perçoivent la retraite.

Un « accueil de jour » est effectué tous les matins (hors week-end), accueillant 1200 personnes chaque année et entre 80 et 100 personnes environ chaque jour. C’est essentiellement dans cet espace-temps que nous avons effectué notre enquête, ne pouvant assister aux entretiens entre les usagers et l’assistante sociale. L’accueil de jour offre un espace convivial, permettant de prendre un petit déjeuner et d’y rester la matinée, au       

56 Pour reprendre la gestion et l'animation de Croix-Rousse Accueil/Emploi et Accueil Santé.

57 10 déclarent loger à l’hôtel (3,3%), 8 dans leur véhicule (2,6%), 2 déclarent être hospitalisés (CHS) (0,7%), 14 se loger dans un squat régulier (4,6 %).

58 Contrairement aux personnes plus âgées (35-45 ans = 28,9% ; 45-60 ans=24,4%) qui sont plus « stables » dans leur usage et leur fréquentation de la structure.

59 Les européens représentent 4,7% de la population soit un effectif de 54 usagers.

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chaud et à l’abri. Il permet surtout de bénéficier d’une domiciliation (adresse), nécessaire prérequis à toute démarche administrative et légale61 et de s’inscrire dans l’espace et le temps du droit et de l’administration. Les sujets peuvent donc venir à ALIS récupérer leur courrier qui est trié et distribué tous les matins par des bénévoles62. Ce moment rituel a été particulièrement intrigant et intéressant à observer, donnant tout son poids aux papiers, à l’écrit, à l’attente dans le recours aux droits sociaux.

L’accès aux droits est assuré par l’assistante sociale, le directeur de la structure et la psychologue (pour la CMU spécifiquement). ALIS donne la possibilité de s’informer et de s’orienter dans son parcours de droit, ainsi que de « bénéficier » d’un accompagnement social, notamment via la permanence de l’assistante sociale pour l’accès aux droits (notamment l’instruction et le suivi RSA), à l’hébergement, aux ressources... Si les usagers veulent rencontrer l’assistante sociale, la demande de rendez-vous se fait le matin-même, en arrivant, auprès d’une bénévole à l’accueil. Après 10 heures 30, il n’est plus possible de prendre rendez-vous, exceptions faites en fonction des possibilités de l’assistante sociale, de la demande et du besoin de l’usager. Parallèlement à l’accueil de jour, « l’espace emploi » accueille, oriente et accompagne les usagers vers l’emploi63.

Nous avons effectué notre enquête de terrain dans ce lieu d’accès aux droits de la fin du mois de décembre 2011 à la fin du mois de mars 2012. Pendant un peu plus de trois mois, nous avons mené de multiples observations participantes quotidiennes dans ce lieu, intégrant l’observation et l’écoute des interactions entre acteurs de l’association, avec des participations à des discussions informelles. Nous avons participé et observé la vie de l’association, à la place des usagers, comme un usager quasi « ordinaire », nous donnant accès aux