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ÉTAT DE L’ART DES DÉFINITIONS DONNÉES À L’ÉLABORATION 57 Les approches que nous souhaitons maintenant présenter dans les sections suivantes ont

Les descriptions de l’élaboration

2.2. ÉTAT DE L’ART DES DÉFINITIONS DONNÉES À L’ÉLABORATION 57 Les approches que nous souhaitons maintenant présenter dans les sections suivantes ont

cherché à donner des règles formelles permettant d’inférer les relations de discours, parmi lesquelles la relation d’Élaboration.

2.2.3 Approches formelles

Le passage aux approches formelles est une étape importante dans la définition des re-lations de discours, et en particulier de la relation d’Élaboration. La formalisation répond à la nécessité d’expliquer le fonctionnement du discours au moyen d’un système de règles. Nous proposons de présenter dans cette section les définitions de la relation dans deux théories formelles - la théorie de Hobbs (1990) et la théorie de Kehler (2002) - toutes deux issues de l’Intelligence Artificielle. Leur objectif est de donner les moyens à un système informatique de reproduire les inférences produites par les êtres humains lors de l’inter-prétation d’un discours. Enfin, dans le chapitre suivant, nous focaliserons notre attention sur une autre théorie formelle, la sdrt (Asher, 1993; Asher et Lascarides, 2003) que nous avons choisie comme cadre d’analyse.

2.2.3.1 La relation d’Élaboration chez Hobbs (1979, 1985, 1990)

Hobbs (1979, 1985, 1990) recourt aux inférences pour définir les relations de cohérence.

La relation d’Élaboration fait partie de la famille des relations nommée Expansion. Hobbs stipule que le lecteur doit établir la même inférence à partir des deux propositions reliées S0 et S1 pour pouvoir inférer Élaboration.

Elaboration :

S1 is an Elaboration of S0 if a proposition P follows-from the assertions of both S0 et S1 (but S1 contains a property of one of the elements of P that is not in S0) (Hobbs, 1979, p. 73)

Elaboration (S0,S1) :

Infer the same proposition P from the assertions of S0 and S1 (Hobbs, 1990, p. 95)

La définition de Hobbs (1990) présente une évolution : la suppression de la parenthèse (qui spécifie à l’origine une exigence de nouveauté) entraîne un élargissement de la défi-nition qui couvre alors plus de cas. Les deux défidéfi-nitions apportent la même information : généralement, la proposition élaborante apporte des informations nouvelles mais la seconde définition permet également d’inclure les cas de répétition et de reformulation : «Frequently, the second segment adds crucial information, but this is not specified in the definition since it is desirable to include pure repetitions under the headline of Elaboration», (Hobbs, 1990, p. 96).

Chez Hobbs (1990), les deux segments reliés par la relation d’Élaboration ont des contenus similaires avec, pour les cas typiques, un ajout d’informations, comme dans l’exemple suivant :

(28) (a) Go down First Street. (b) Just follow First Street down three blocks to Adams Street. (Hobbs, 1990, p. 96)

(a) Continuez à descendre sur First Street. (b) Suivez First Street en descendant encore trois blocks jusqu’à Adams Street.

Pour analyser correctement ce discours, Hobbs fait remarquer qu’il est nécessaire d’in-férer la même proposition P à partir des deux assertions (a) et (b) (et ne pas interpréter (b) comme une nouvelle instruction). La proposition P commune à (a) et (b) est une assertion du type «se rendre à un certain point de First Street». Pour construire cette inférence commune, il faut comprendre que l’éventualité «follow» (suivre) implique «go down» (se rendre) et faire correspondre les deux trajets évoqués dans les deux assertions : «First Street». Enfin, nous notons que la deuxième assertion apporte des informations supplé-mentaires sur la première assertion en précisant le point final du trajet «Adams Street» et la distance de ce trajet «three blocks». Cette analyse est reproduite ci-dessous :

(a) go(Agent : you ; But : X ; Trajet : First Street ; Distance : Y)

(b) go(Agent : you ; But : Adams Street ; Trajet : First Street ; Distance : Three Blocks)

(Hobbs, 1990, p. 96)

(b) restreint l’interprétation de (a), c’est-à-dire que l’interprétation globalisante possible de (a) «descendre toute la First Street» est totalement exclue à la lecture de (b). Cette analyse renforce l’idée de Hobbs sur la relation d’Élaboration, à savoir que celle-ci a pour fonction principale d’éviter les malentendus ou le manque d’information.

Les définitions logiques de Hobbs (1979, 1990) (Elaboration(a, b) si a → P ∧ b → P ) ne sont pas immédiatement transparentes par rapport à l’intuition que l’on peut avoir de l’Élaboration. Ces définitions sont destinées à montrer que la proposition élaborante ne sort pas de la situation dénotée par la proposition élaborée. Cette information est représentée par P. Des détails sur P peuvent être apportés par la proposition élaborante. Cette définition est tournée vers l’identité12. Le critère mis en avant dans la définition est ce qui unit les propositons reliées par la relation et non ce qui les sépare : «At a sufficient deep level, the two sentences say the same thing» (Hobbs, 1979, p. 73).

Hobbs (1990) cherche à inclure, dans une seule et même définition, des cas d’Élaboration avec apport d’informations supplémentaires et des cas d’Élaboration semblables à de la répétition ou de la reformulation. Kleiber et Vassiliadiou (2009) font remarquer que ces deux cas présentent des différences structurelles. Les premiers cas peuvent être décrits en termes d’implication unilatérale tandis que les seconds peuvent être décrits en termes d’équivalence logique : si on a Elaboration(a, b) dans le premier cas, nous avons b → a et dans le deuxième cas, nous avons a ↔ b.

Kleiber et Vassiliadiou (2009) rejettent la définition de Hobbs (1990) (Elaboration(a, b) si (a → P ∧ b → P ) et proposent que les exemples d’Élaboration tels que (28) soient caractérisés de façon plus précise en établissant une relation d’implication unilatérale entre les deux propositions (a) et (b), c’est-à-dire que (b) implique (a) mais pas l’inverse (b → a et

2.2. ÉTAT DE L’ART DES DÉFINITIONS DONNÉES À L’ÉLABORATION 59 a 9 b). Dans l’exemple (28), «descendre sur First Street durant trois blocs jusqu’à Adams Street» implique «descendre First Street» mais «descendre First Street» n’implique pas «descendre sur First Street durant trois blocs jusqu’à Adams Street» car effectivement on peut s’arrêter avant d’arriver à Adams Street tout en pouvant inférer qu’on a descendu First Street (avec une interprétation atélique de «go down» (descendre)).

Hobbs ne retient évidemment pas l’implication unilatérale b → a pour déclencher la relation d’Élaboration car cette formulation ne permet pas d’inclure les cas de reformulation et de répétition. Dans ces cas particuliers, S0 implique S1 et S1 implique S0, autrement dit S0 et S1 sont dans une relation d’équivalence logique.

La proposition de Kleiber et Vassiliadiou (2009) (Elaboration(a, b) si b → a) entraîne la subordination de S1 à S0, tandis que la proposition de Hobbs (1990) place les deux propositions (a) et (b) reliées par la relation d’Élaboration à un même niveau.

Si on peut analyser l’exemple (28) en termes d’implication unilatérale, toutes les élabo-rations ne peuvent pas être traitées ainsi. Les définitions inférentielles présentées ci-dessus ne permettent pas de rendre compte des élaborations du type process - step décrites dans la rst :

(29) (a) Mixel a escaladé le Vignemale. (b) Il est parti du refuge des Oulettes au lever du jour.

Dans l’exemple ci-dessus, la phrase (b) décrit un événement qui est une étape de l’évé-nement décrit dans la phrase (a). En nous appuyant sur la définition de Hobbs (1990), nous ne pouvons pas inférer Élaboration étant donné que nous ne pouvons pas inférer de proposition commune P de (a) et de (b). La caractérisation plus précise de Kleiber et Vas-siliadiou (2009) ne tient pas non plus étant donné que dans ce discours, nous n’avons pas b → a. Pourtant, nous considérons bien cet exemple comme un cas d’Élaboration.

La définition de la relation d’Élaboration chez Hobbs (1979, 1990) couvre des cas de redescription d’une même éventualité. Hobbs peut donc rendre compte, avec sa définition d’Élaboration, d’un exemple comme (12) à condition que toutes les étapes de l’évenement décrit dans la propositon élaborée soient données dans la ou les propositions élaborantes : (12) (a) Mixel a escaladé le Vignemale hier matin. (b) Il est parti du refuge des Ou-lettes au lever du jour, (c) puis il a passé la Hourquette d’Ossoue vers 9h, (d) et il est arrivé au sommet vers midi. (Bras, 2007, p. 232)

L’ensemble des trois étapes réunies (b), (c) et (d) constituent une redescription de l’événe-ment «escalader le Vignemale». Il est donc possible, dans le cadre de la théorie de Hobbs, d’inférer Élaboration entre (a) et la réunion de (b), (c) et (d) liés par la relation Occasion13 (Hobbs, 1990). La figure 2.4 représente la structure de (12) que nous construisons au moyen des relations de Hobbs (1990).

13

Deux configurations rendent possible l’inférence de la relation Occasion chez Hobbs (1990) : 1. Un changement d’état peut être inféré de la proposition S0, dont l’état final peut-être inféré de la proposition S1. 2. Un changement d’état peut être inféré de la proposition S1, dont l’état initial peut être inféré de S0.

Fig. 2.4 – Structure de (5) chez Hobbs

La définition de Hobbs (1990) permet donc également de rendre compte de l’exemple (11) si le segment (b) est considéré comme une redescription de l’événement décrit dans le segment (a). De (a) et (b), on peut inférer la proposition P «Paul s’est déplacé dans le parc». (11) (a) Paul s’est promené dans le parc. (b) Il a traversé le petit bois jusqu’à la rivière. En revanche, il n’est pas possible d’inférer de propositions communes à partir de (a) et (b) dans les exemples (9) et (10), ce qui permet de prédire que les propositions (a) et (b) ne sont pas reliées par la relation d’Élaboration.

(9) (a) Paul s’est promenené dans le parc. (b) Il n’arrivait plus à travailler.

(10) (a) Paul s’est promené dans le parc. (b) Le soleil commençait à se coucher au bord du lac.

Nous souhaitons maintenant discuter un autre exemple de Hobbs analysé avec la relation d’Élaboration :

(30) (a) John can open Bill’s safe. (b) He knows the combination. (Hobbs, 1990, p. 96) (a) John peut ouvrir le coffre-fort de Bill. (b) Il connaît la combinaison

L’analyse de Hobbs est la suivante : de (a) et (b), on infère P «Bill connaît une ac-tion qui lui permet d’ouvrir le coffre-fort de Bill». Des connaissances du monde nous per-mettent d’établir le lien entre la modalité exprimée par «can» (pouvoir) et le fait d’avoir une connaissance particulière. L’élaboration porte sur cette connaissance qui est la mémo-risation de la combinaison du coffre-fort.

Cette analyse est discutable car d’autres analystes proposent ici une Explication, c’est-à-dire que la connaissance de la combinaison rend John possiblement capable d’ouvrir le coffre-fort. Cette suggestion est de plus appuyée par le fait que le marqueur because, prototypique de l’Explication, peut être inséré entre les deux propositions.

Selon Hobbs, dans (30), l’Élaboration et l’Explication se fondent en quelque sorte l’une dans l’autre. La reconnaissance d’Explication se base sur l’inférence de (b) comme étant une cause possible de (a). La reconnaissance d’Élaboration se base sur la double inférence de P à partir des assertions de (a) et (b). Très souvent, la proposition P est l’assertion de

2.2. ÉTAT DE L’ART DES DÉFINITIONS DONNÉES À L’ÉLABORATION 61 (a). Dans l’exemple (30), la proposition P «Bill connaît une action qui lui permet d’ouvrir le coffre-fort de Bill» n’est autre que (a), et donc (b) implique (a) dans ce cas. Selon Hobbs (1990), il est probable que cette implication soit perçue comme une causalité :

– (a) → P – (b) → P – (a) = P – (b) → a

(30) est un exemple de la confusion entre les relations de discours Élaboration et Expli-cation sur laquelle nous reviendrons dans cette thèse dans le chapitre 9.

Selon Hobbs, l’exemple (30) est un cas d’Élaboration appelée function-structure (fonction-structure). Le premier segment décrit une éventualité comme étant une fonction (dans (30) la capacité d’ouvrir le coffre-fort) et le deuxième segment détaille la structure interne de cette éventualité (dans (30) la connaissance de la combinaison du coffre-fort). L’exemple suivant est également un exemple de ce type d’Élaboration extrait d’une description d’un algorithme :

(31) (a) Initialize T. (b) Set stack A empty and set link variable P to T. (Hobbs, 1990, p .97)

(a) Initialise T. Vide la pile A et lie la variable P à T.

Selon l’analyse de Hobbs, le segment (a) décrit la fonction (ou le rôle) que jouent les instructions dans le programme. Le segment (b) décrit spécifiquement les deux instructions à suivre : «Set stack empty» et «link variable P to T», deux propositions par ailleurs reliées par la relation Parallèle selon les définitions de Hobbs.

Nous proposons, pour terminer cet exposé, l’analyse de trois autres exemples de Hobbs (1990) :

(32) (a) This immense tract of time is only sparsely illuminated by human relics. (b) Not enough material has yet been found for us to trace the technical evolution of East Asia. (Hobbs, 1990, p. 97)

(a) Cette immense période de temps n’est que partiellement mise en lumière par des reliques humaines. (b) Nous n’avons pas encore trouvé assez de matériel pour nous permettre de retracer l’évolution technique en l’Asie de l’Est.

De la première phrase, on peut inférer la proposition P suivante «nous manquons d’éléments pour étudier cette période de temps» à partir de «sparsely illuminated» (par-tiellement mise en lumière). De la deuxième phrase, on peut inférer la même proposition P à partir de «not enough material» (pas assez de matériel). Afin d’obtenir cette même proposition P à partir des deux segments : «il manque du matériel pour étudier cette pé-riode de temps», il faut faire correspondre «relics» (reliques) du segment (a) et «material» (matériel) du segment (b) comme renvoyant aux mêmes objets et faire également corres-pondre «this immense tract of time» (longue période) dans (a) et «the technical evolution of East Asia» (l’évolution technique de l’est de l’Asie) dans (b) comme renvoyant à la même période de temps.

(33) (a) Generally blood donor quality is held high by avoiding commercial donors... (b) Extremely careful selection of paid donors may provide safe blood sources in some extraordinary instances, but generally it is much safer to avoid commercially obtained blood. (Hobbs, 1990, p. 97)

(a) Généralement la qualité des dons de sang est plus élevée si on évite les don-neurs commerciaux... (b) Une sélection extrèmement rigoureuse des dons financés pourrait fournir des sources sûres de sang, dans quelques cas exceptionnels, mais générallement il est plus sûr d’éviter le sang obtenu de façon commerciale.

Selon Hobbs, on peut inférer à partir du premier segment (a) la proposition P suivante «une qualité élevée des donneurs de sang est une façon de minimiser les risques»14à partir de «blood donor quality is held high» (la qualité des donneurs de sang est plus élevée). Dans la deuxième phrase, on peut inférer la même proposition P à partir de «safe blood sources» (source de sang sûre) et «much safer» (plus sûr) qui impliquent la minimisation des risques.

(34) (a) Time is running out on Operation Condor. (b) Nixon must clear himself by early in the new year or lose his slipping hold on the party. (Hobbs, 1990, p. 98) (a) Le temps s’écoule pour l’Opération Condor. (b) Nixon doit s’expliquer avant le début de l’année sous peine de perdre sa place au soleil.

Dans cet exemple, la reconnaissance de la relation d’Élaboration est basée sur la possibilité d’inférer que «time is running out» (le temps manque) et «must... be early in the new year» (doit... avoir lieu en ce début de nouvelle année) renvoient à la même idée, c’est-à-dire «qu’on attend rapidement une réaction de M. Nixon». Cette inférence se base également sur le fait que le lecteur sait que Nixon était impliqué dans l’Opération Condor.

Hobbs (1990) distingue, en plus de la relation d’Élaboration, la relation d’Exemplification. Exemplification (S0,S1) :

Infer P(A) from the assertion of (S0) and P(a) from the assertion of (S1), where a is a member or subset of A. (Hobbs, 1990, p. 98).

Nous allons considérer l’Exemplification en examinant les deux exemples suivants et leur analyse proposée par Hobbs (1990).

(35) (a) This algorithm reverses a list. (b) If its input is «(A, B, C)», its output is «(C, B, A)». (Hobbs, 1990, p. 98)

(a) Cet algorithme inverse une liste. (b) Si son entrée est «A, B, C», sa sortie est «C, B, A».

Pour inférer la relation d’Exemplification, il faut d’abord inférer de «reverses» dans (a) une relation causale entre l’entrée et la sortie de l’algorithme : «le résultat Y (output) de l’algorithme est l’inverse de X (input)», puis reconnaître que «A, B, C» est une liste d’entrée (input) de l’algorithme et «C, B, A» est la sortie (output) de l’algorithme.

14

Il nous semble plus exact d’inférer «la qualité des donneurs de sang est plus élevée si on évite les donneurs commerciaux» pour (a) et (b). Mais cela ne change pas considérablement l’analyse.

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