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Chapitre 2 – Cadre conceptuel et approche méthodologique

2.2. Approche méthodologique

2.2.2. Cueillette d’information

La collecte des données pour réaliser les quatre articles qui forment le corps de cette thèse s’est échelonnée entre octobre 2015 et mars 2019. Cette recherche combine différentes méthodes dont la principale se base sur les principes de la recherche-action participative. Cette dernière implique équitablement les chercheurs et les partenaires locaux, et ce, à toutes les étapes du processus de recherche, de la conception jusqu’à la diffusion des résultats. Le plus souvent appliquées dans les domaines de la santé publique et du travail social, ces méthodes participatives ont émergé au cours des dernières décennies comme un paradigme alternatif de recherche qui combine l'éducation et l'action sociale (Bourassa, Bélair et

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Chevalier, 2007). Cette façon innovante et flexible de conduire la recherche s’est construite sur les fondations posées par Paulo Freire et Kurt Lewin (Wallerstein et Duran, 2006). Elle se concentre sur les relations entre les partenaires universitaires et communautaires où les principes de co-apprentissage, de bénéfice mutuel, et d'engagement à long terme sont priorisés (Avard 2015). Pour collecter les données, des ateliers participatifs ont donc été organisés avec des acteurs-clefs tels que les jardiniers, des décideurs ou encore des personnes engagées dans les activités de subsistance traditionnelles. Les détails sur la méthodologie sont présentés dans chacun des articles qui forment cette thèse (chapitre 3 à 6). L’objectif est d’offrir ici une vue d’ensemble sur le travail effectué tout au long de ce processus doctoral.

Je me suis rendue au Nunavik à quatre reprises pour une période totalisant 17 semaines et j’ai pris part à l’organisation de séjours de recherche supplémentaires durant lesquels d’autres membres de l’équipe ont contribué à collecter des données utilisées dans cette thèse. Tel que mentionné en introduction, le premier séjour d’une durée de deux semaines en octobre et novembre 2015 a principalement permis d’établir un premier contact avec certains acteurs clefs impliqués de près ou de loin dans les projets liés à la sécurité alimentaire et à l’agriculture circumpolaire à Kuujjuaq, Kangiqsujuaq (Nunavik) et Iqaluit (Nunavut). Des entretiens non dirigés et informels ont été effectués à cette occasion et tous les détails à ce sujet sont présentés au troisième chapitre (sections 3.4. et 3.5.).

Un second séjour de recherche d’une durée de six semaines en juin et juillet 2016 à Kuujjuaq et Kangiqsujuaq a été l’occasion d’introduire le projet de façon plus officielle. Un protocole de suivi des cultures et des récoltes dans les serres de Kuujjuaq a été mis en place avec des jardiniers volontaires durant l’été 2016. Des analyses de sols ont aussi été effectuées afin d’évaluer le potentiel du sol local pour faire pousser certains légumes. À Kangiqsujuaq, les conversations avec certains acteurs locaux ont permis de jeter les bases d’un nouveau projet de jardinage communautaire sous la forme de couches froides (Annexe A).

Le troisième séjour de recherche, qui s’est déroulé du 27 février au 10 mars 2017 à Kuujjuaq et Kangiqsujuaq a permis de consolider les relations de collaboration qui s’étaient esquissées lors des premières rencontres autour du thème de l’agriculture circumpolaire. Ces collaborations concernent le comité de la serre communautaire de Kuujjuaq, la Régie régionale de la Santé et des Services sociaux du Nunavik (RRSSSN), l’école Jaanimmarik à Kuujjuaq, l’école Arsaniq à Kangiqsujuaq ainsi que les citoyens intéressés à développer de

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nouveaux projets de jardinage communautaire dans ces deux villages. Des ateliers participatifs ont été réalisés dans les deux villages afin de réfléchir à l’organisation actuelle du système alimentaire au Nunavik, aux avantages et désavantages que représentent les différentes sources de nourriture (les aliments traditionnels, du marché et produits localement) et aux améliorations possibles, notamment pour accroître la production locale de nourriture par le biais du jardinage. Un projet de développement d’activités liées au jardinage avec l’école et la communauté de Kangiqsujuaq a été défini et soumis auprès de la RRSSSN pour obtenir le financement nécessaire à sa mise en place. C’est finalement lors de ce séjour de recherche qu’ont été réalisées la majorité des cartes mentales présentées et analysées au chapitre 5.

Le quatrième et dernier séjour de recherche auquel j’ai directement pris part s’est déroulé du 14 août au 21 septembre 2017. De nouveaux entretiens informels ont été réalisés à Kuujjuaq avec des acteurs du système alimentaire local, y compris des participants des projets de serre communautaires et du poulailler qui venait d’ouvrir ses portes dans le cadre d’une initiative de l’Association des chasseurs, pêcheurs et trappeurs du Nunavik (Anguviaq). Une réunion publique a également été organisée et le projet a été présenté à une dizaine de membres de la communauté. À Kangiqsujuaq, beaucoup d’énergie a été investie à l’école où différentes classes ont contribué à la construction des couches froides et participé à des ateliers participatifs sur le thème de la transformation du système alimentaire et les scénarios envisageables pour le futur. Trois réunions publiques ont également été organisées à Kangiqsujuaq, mais n’ont pas suscité de participation importante (1 à 3 personnes).

Les données recueillies durant les séjours de recherche se sont en somme avérées insuffisantes pour compléter cette thèse. Pour cette raison, des entretiens semi-dirigés ont été réalisés auprès de 18 experts, acteurs locaux et agents gouvernementaux des régions arctiques et subarctiques à travers le nord circumpolaire sur la thématique des changements globaux et de la souveraineté alimentaire. Le schéma d’entretien (Annexe F) a été construit à partir d’une revue de la littérature portant sur les défis d’adaptation des systèmes alimentaires autochtones dans le nord circumpolaire, puis de plusieurs conversations avec des experts de la question à l’occasion de différentes conférences internationales. Le chapitre 6 s’appuie sur l’analyse de ces entretiens.

Durant le printemps et l’été 2018, ce sont deux étudiantes à la maîtrise qui sont allées à Kangiqsujuaq pour assurer la mise en place et le suivi du projet de jardinage communautaire,

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en plus de mener chacune leur propre projet de recherche. Leur travail a également permis de compléter certaines données manquantes et en particulier la réalisation de cartes mentales additionnelles.

La cueillette d’informations a ainsi pris des formes variées et hybrides tout au long de ce projet doctoral. Cela reflète notamment la nécessaire flexibilité que requiert une recherche- action participative se déroulant en région éloignée et en contexte interculturel. De plus, si le volet « action » du projet a suscité l’adhésion des deux communautés, il a été moins aisé de recruter des participants pour la collecte de données. Les techniques d’analyse et les modes de traitement des données sont expliqués dans chacun des quatre articles.