• Aucun résultat trouvé

Analyse du potentiel de l’agriculture circumpolaire et autres pistes prometteuses

Chapitre 2 – Cadre conceptuel et approche méthodologique

2.1. Cadres opératoire et conceptuel

2.1.4. Analyse du potentiel de l’agriculture circumpolaire et autres pistes prometteuses

Le troisième objectif spécifique est l’analyse du potentiel de l’agriculture circumpolaire et l’identification d’autres pistes prometteuses pour la résilience du système alimentaire nordique. Les concepts de résilience et de repossession environnementale seront mobilisés dans le cadre de ce dernier objectif.

64 2.1.4.1. Résilience

C’est dans la discipline de l’écologie qu’a émergé le paradigme de la résilience (Holling, 1973). Il est de plus en plus adopté comme approche dans les travaux traitants des systèmes socioécologiques (Folke, 2006; Tendall et al., 2015). La résilience est le potentiel d'un système socioécologique de rester dans une configuration particulière, en maintenant ses rétroactions et ses fonctions après des perturbations, ou implique la capacité de ce système à se réorganiser en un état alternatif, mais acceptable à la suite d'un changement profond (Berkes, 2012). C’est l’opposé de la vulnérabilité (Robards et Alessa, 2004). Dans la perspective défendue par Folke (2006) et Berkes et al. (2003), mieux vaut gérer la capacité des systèmes socioécologiques à s’adapter et à s’ajuster aux changements plutôt que d’essayer de contrôler le changement de ces systèmes. La gestion de la résilience améliore la probabilité de maintenir les voies souhaitables pour le développement dans des environnements changeants où l'avenir est imprévisible et les surprises probables (Folke, 2006).

Dans un système socioécologique résilient, une perturbation de l’environnement peut représenter une occasion de tenter de nouvelles choses, d’innover pour un développement harmonieux. À l’opposé, dans un système socioécologique vulnérable, de petites perturbations peuvent entraîner des conséquences sociales dramatiques (Folke, 2006). Dans la perspective défendue par Folke (2006) et Berkes et al. (2003), mieux vaut gérer la capacité des systèmes socioécologiques de s’adapter et de s’ajuster aux changements plutôt que d’essayer de contrôler le changement de ces systèmes. La gestion de la résilience améliore le contrôle sur le type de développement à mettre en œuvre dans des environnements changeants où l'avenir est imprévisible et les surprises probables (Folke, 2006).

Dans le chapitre 4, ma réflexion sur la résilience s’articulera autour de la notion de sécurité environnementale développée par Loring, Gerlach & Huntington (2013). Ces auteurs considèrent que les systèmes alimentaires, énergétiques et hydriques sont co-constitutifs de la sécurité environnementale. Ils soutiennent que les interactions entre les sécurités alimentaire, énergétique et hydrique doivent être considérées lors de l’élaboration d’un plan d’action afin d’éviter que l’amélioration d’une composante ne nuise à une autre.

65

Dans le chapitre 6, je donne un aperçu des pistes de solutions à envisager pour favoriser la résilience du système alimentaire inuit. Pour ce faire, je m’appuie sur la définition de Tendall et al. (2015) de la résilience du système alimentaire :

[The] capacity over time of a food system and its units at multiple levels, to provide sufficient, appropriate and accessible food to all, in the face of various and even unforeseen disturbances (…) disturbances in food systems can be internal or external, cyclical or structural, sudden or gradual; they can consist of natural, political, social, or economic shocks. It is important to consider this variety of possible disturbances when using a food system resilience perspective, as disturbances may also interact and have cumulative impacts. (Tendall et al., 2015, p. 19)

Il s’agit donc de la capacité du système alimentaire à recouvrer et à maintenir la sécurité alimentaire au fil du temps, en misant sur la flexibilité, l’apprentissage continu et la mise en place de plans alternatifs ou de secours (Anderies, Folke, Walker et Ostrom, 2013; Simonovic et Peck, 2013). Le chapitre 6 traitera de la résilience du système alimentaire dans le contexte circumpolaire. À l’issue de mes analyses, je proposerai d’élargir l’objet de la résilience du système alimentaire en contexte autochtone et inuit, afin qu’elle permette au système alimentaire de se rétablir et de maintenir non seulement la sécurité alimentaire, comme le suggèrent Tendall et al. (2015), mais également la souveraineté alimentaire. En effet, tel que défini dans la section 2.1.1.2., la souveraineté alimentaire offre une perspective plus holistique qui permet une meilleure prise en compte de la nourriture au sein des relations entre territoire et bien-être, ce qui correspond à une dimension centrale de l’alimentation chez les Premières Nations et les Inuit.

2.1.4.2. Repossession environnementale

En continuité de la résilience, la repossession environnementale est un concept qui met de l’emphase sur l'importance des lieux pour le maintien de la santé physique, émotionnelle, mentale et spirituelle chez les Inuit (Wilson, 2003). C’est une proposition pour contrer la dépossession environnementale vécue à travers les processus coloniaux et la contamination environnementale, voire pour réparer la rupture métabolique (section 2.1.1.1.) et contrecarrer l’aliénation territoriale (section 2.12.1.). Dans la littérature sur la santé des Autochtones, peu

66

d'attention a été accordée aux effets sur la santé de la dépossession environnementale ni à la façon dont elle peut produire et maintenir des inégalités de santé au fil du temps (Richmond et Ross, 2009). Big-Canoe et Richmond (2014) et Tobias (2015) soulignent que la repossession environnementale peut être favorisée par le maintien ou la revitalisation de relations sociales fortes, du partage de connaissances traditionnelles et de l’appartenance identitaire. La repossession environnementale renvoie aux processus sociaux, culturels et politiques par lesquels les peuples et les communautés autochtones reconquièrent leurs terres et leurs modes de vie traditionnels (Big-Canoe et Richmond, 2014; Tobias, 2015). Dans le cadre de cette thèse, ce concept est particulièrement pertinent, car il permet d'explorer la façon dont les Inuit renouent avec les terres traditionnelles et les bénéfices qui en découlent pour la santé. Ce concept sera mobilisé dans le sixième chapitre (sections 6.3.2., 6.3.3. et 6.8.3.) pour appuyer une compréhension critique des changements liés au mode de vie et à l'utilisation des territoires chez les populations autochtones du nord circumpolaire.