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LES NOUVELLES LITTÉRAIRES

E – LES CRITIQUES DÉFAVORABLES

Contre galantisme et pédantisme, les deux plus grands ennemis des bonnes études

et de la science solide338

Il nous faut maintenant examiner les critiques défavorables qui frappent certains ouvrages, certes peu nombreuses339 mais souvent virulentes, et en rechercher les origines. Elles sont souvent impitoyables, utilisant l’ironie et la formule assassine pour pointer les ridicules ou les incompétents et confondre le présomptueux qui prétend démontrer leurs erreurs à Newton340 ou Euclide341. On s’est tout d’abord posé la question de savoir pourquoi ces productions figuraient dans les Nouvelles Littéraires alors que l’on sait la difficulté de la rubrique à simplement rendre compte des ouvrages qu’elle soutient.

Généralement, il s’agit de mettre en garde le lecteur contre des gloires usurpées ou d’habiles faiseurs et l’on retrouve le journaliste dans son rôle de redresseur de torts, pour l’amour de la science et au service du public. Ainsi, l’infortuné qui, en 1772, se permet de réfuter les conclusions de l’Académie des sciences sur la figure de la terre allongée aux pôles se voit-il expédié ainsi :

un de ces ouvrages qui ne méritent d’être annoncés qu’en précautionnant nos lecteurs, l’auteur paraît ignorer les découvertes en astronomie & physique […] des objections d’il y a cent ans, [il] n’a pas compris ; mépris qu’on ne saurait pardonner à l’ignorance […] révoltera les gens instruits […] même les écoliers de philosophie sentiront la frivolité de ses raisonnements342

Si l’on énumère les points sur lesquels un ouvrage est attaqué, on observe tout d’abord qu’il ne s’agit que de la figure inversée d’un jugement élogieux et qu’il suffirait de retourner les critères de validation pour obtenir l’archétype de la mauvaise critique. En effet, on reproche à un auteur sa prétention, son manque de rigueur ou sa partialité comme on vantera son confrère pour sa modestie, sa méthodologie exemplaire ou son objectivité. De la même façon, un ouvrage sera dit superficiel là où on le voudrait profond, son contenu sera inutile au lieu d’être propice au débat, l’édition bâclée sera comparée à une élégante production.

De nombreux reproches s’adressent ainsi au manque d’esprit critique :

338 N.L., juill. 1741, p. 434, de Leipzig : De Galantismo Litterario. [Orat.]

339 Cf. Annexes, tableau « Notices », p. 577.

340 Isaac Newton (1642-1727). Cité comme auteur (1713, 24, 26, 29, 30, 38, 42, 53), contributeur (1714, 26, 38, 49, 55) et référence (1711, 13, 25, 26, 32, 34, 37, 50, 54, 66, 71).

341 Euclide (vers IVe s. av. J.-C.), mathématicien grec. Cité comme auteur (1732) et référence (1711, 37, 46).

342 N.L., juill. 1772, pp. 509-510, de Paris : Dissertation sur la figure de la Terre, texte add. La Condamine, La Haye, à Paris chez Desaint junior, 1772, in-8°. [Philo.]

il a suivi l’auteur avec tant de scrupule qu’il a traduit jusqu’aux fautes343

et de rigueur :

il y a bien des endroits où l’on aurait souhaité plus d’exactitude344 on y désire plus d’exactitude345

à la faiblesse des sources :

on peut dire que cette histoire prétendue n’est qu’un recueil de ce qui se trouve dans les gazettes, mémoires, etc.346

écrits supposés ou douteux347

ceux qui ne veulent que s’amuser y trouveront de quoi satisfaire leur curiosité […] il faudrait que les compilateurs travaillent moins vite, puisent dans les sources, les indiquent avec soin348

à une méthodologie défaillante ou tout simplement inexistante :

on y a mis si peu d’ordre et de méthode349

et, autre péché mortel, au mauvais goût dont sont qualifiés successivement une édition de Racine350, 351 et un recueil de poésie352. On comprend que ce mauvais goût confine à la vulgarité en découvrant ces commentaires offusqués :

le seul mérite est de renfermer de quoi contenter tous les goûts qui ne sont pas difficiles353

ridicule affecté du titre […] le comique dont on se pique dans ce prétendu poème est si chargé qu’il cesse d’être de notre compétence354

Le style est naturellement examiné, de la sobre remarque :

obscurité du style355

343 N.L., mars 1711, pp. 141-143, de La Haye : Aymon, éd. & trad. Jean Quick, in-4°.

344 N.L., nov. 1730, p. 697, d’Amsterdam : Recueil de Litterature, de Philosophie & d'Histoire, Amsterdam : François l'Honnoré, 1730, in-12. [Hist.]

345 N.L., févr. 1753, p. 124, de Lisbonne : Indice general alphabetico de las cousas, Lisbonne : François de Silva, 1751, in-4°, 5 £. [Poet.]

346 N.L., juin 1736, pp. 380-381, d’Amsterdam : Massuet, Histoire de la Guerre presente, Amsterdam : François Honoré, 1735, in-8°. [Hist.]

347 N.L., févr. 1744, p. 121, de Vérone : Jérôme, saint, Operum mantissa, éd. Domenico Vallarsi, Vérone : Pietro Antonio Berni & Jacopo Vallarsi, 1743. [Patr.]

348 N.L., mai 1768, p. 353, de Paris : Dictionnaire portatif des faits & dits…, Paris : Vincent, 1768, in-8°, 1504 p. en 2 vol. [Hist.]

349 N.L., févr. 1753, p. 124, de Lisbonne : Serie Chronologica dos Reis de Portugal, Lisbonne : François-Louis Ameno, 1752, in-4°. [Hist.]

350 Jean Racine (1639-1699), auteur dramatique et poète français. Cité comme auteur (1722, 24, 42, 53, 65, 66, 68, 70), contributeur (1755, 64, 70) et référence (1724, 53, 86, 92).

351 N.L., janv. 1724, p. 64, de Londres : Racine, Jean, Londres : Thonson, in-4°.

352 N.L., janv. 1724, p. 64, de Londres : Rousseau, Londres : Thonson, in-4°.

353 N.L., nov. 1751, p. 758, de Naples : Costantini, Lettere critiche, giocose, morali, scientifice, texte add. Pietro Chiari, Naples, 1750, in-8°, 7 T. [Misc.]

354 N.L., mai 1771, pp. 304-305, de Genève : La Thériacade ou l'Orviétan de Léodon, Genève, à Paris chez Merlin, 1769, in-12, 909 p. en 2 vol. [Poet.]

jusqu’à la critique sévère qui, cependant, tient compte de l’intérêt du sujet, ce qui évite le pire à l’auteur de cet hétéroclite mélange des genres :

unique titre d’un ouvrage auquel il est même difficile de donner un nom […] espèce de poème latin sur les vérités de la religion […] en vers saphiques […] innombrables strophes. Le lecteur jugera & de la nature & du mérite de cette production dont nous ne louerons ici que l’objet356

Dans celle-ci, en revanche, bien peu reste à sauver, d’autant plus qu’à la faiblesse de l’écriture s’ajoute ce que le journaliste assimile tout bonnement à de la paresse :

chaleur jointe à l’incorrection […] imperfections, négligences qu’un peu de travail ferait disparoître, [son] talent ne se respecte pas assez lui-même357

Mais ce n’est rien encore, car il est également possible de cumuler tous les défauts à la fois :

pas assez de netteté, de clarté, de liaison dans les idées […] méthode ni aisée ni lumineuse […] style incorrect, louche358

On réclame que le sujet soit neuf ou que l’auteur lui apporte un éclairage qui soit de nature à faire évoluer un débat ou à l’envisager sous d’autres perspectives. On ne goûtera donc pas un ouvrage simplement moyen dans un domaine déjà très représenté en travaux de qualité, de façon d’abord ironique :

nous avons déjà de si bons ouvrages sur cette matière & en si grand nombre qu’on ne saurait trop admirer le courage de l’auteur359

ou plus virulente :

plusieurs auteurs ont écrit sur ce sujet & on nous mande que l’auteur leur ressemble trop […] détails peu importants, inutiles360

Cela va de soi, les attaques contre la religion, les soupçon d’impiété ou de mœurs corrompues sont inacceptables et suffisent à déclencher les foudres du journaliste contre un « livre impie361 » et une attaque violente et satirique du catholicisme en Espagne, qui cumule la nature sulfureuse de son sujet et la mauvaise foi de son traitement, ne suscitera que cette question de pure rhétorique :

en faut-il plus pour discréditer un tel livre ?362

356 N.L., déc. 1772, pp. 824-825, Mutigney, de, Religioni Dicat… [Patr.]

357 N.L., avril 1773, pp. 243-244, de Paris : Turpin, Cyrus, Tragédie en cinq Actes, Paris : J.-P. Costard, 1773, in-8°. [Poet.]

358 N.L., avril 1764, pp. 247-248, d’Amsterdam : Le Ministère du Négociateur, Amsterdam : Claude Martin, 1763, in-8°, 326 p. [Jur.]

359 N.L., mars 1724, pp. 209-210, de Paris : Loiseleur, Apologie pour la Religion & pour l'Eglise, in-4°, 6 vol.

360 N.L., janv. 1754, pp. 54-55, de Rome : Moretti, Pietro, De S.Callisto, Rome : Antonio Fulgoni, 1752, in-f°, vol. I. [Hist.]

361 N.L., févr. 1724, p. 139, de La Haye : Toland, Pantheisticon, La Haye : Gosse, en prépa.

362 N.L., août 1726, p. 515, d’Amsterdam : Gavin, Antoine, Passe-par-tout de l'Eglise Romaine, trad. Janiçon, Amsterdam : Chatelain [pour Londres : Stephens, J.], in-12, 417 p. [Hist.]

Le journaliste, grâce à son expertise, considère de plus de son devoir de prévenir le public, qui pourrait se laisser tromper par un ouvrage tendancieux :

sans lieu d’impression, ce qui est assez extraordinaire en ce pays […] un de ces libelles qui rend suspecte la religion de ceux qui osent l’imprimer363

et regrette, en une autre occasion, que des « reproches contre l’Église, usés & étrangers à la matière » viennent ternir la réputation d’un ouvrage auquel il reconnaît cependant « beaucoup d’érudition364 ».

Même intéressant, de bon aloi, relevant de la plus pure orthodoxie, encore faut-il que le sujet soit traité convenablement sans être gâché par un auteur insuffisant :

[il] n’a point parlé de ce qu’il avoit de plus intéressant pour les amateurs de l’antiquité, savoir, les figures des monnaies bresciennes, qui étoient néanmoins l’objet de son livre365

Quant à l’auteur, à ses prétentions et à son comportement au sein de la République des lettres, il est aussi soigneusement examiné et l’on peut supposer que des comptes se règlent à cette occasion, même si la démonstration ne peut réellement en être faite. Ainsi, cette remarque lasse :

il s’agit encore de M. de Crousaz366, 367

ne présage rien de bon et la critique de Pope368 que hasarde cet auteur est vertement expédiée. Ailleurs, la présomption d’un médiocre qui remet en cause Euclide est ponctuée de « il croit, il prétend369 », comme si le journaliste tenait avant tout à nous faire comprendre qu’il ne partage pas cette opinion. Quant à cet autre, anonyme celui-là, qui expose tout du long son système cosmographique, il s’attire ce commentaire grinçant :

son principe lui parait satisfaire à tout ; il explique tous les phénomènes de la nature ; il croit avoir trouvé la vérité & n’a pu résister à l’envie d’éclairer son siècle370

Le journaliste ne se laisse d’ailleurs pas impressionner par des accréditations que l’on voudrait prestigieuses et un père récollet en fait les frais en 1725 :

363 N.L., févr. 1727, p. 125, de Hollande : Dialogue entre S. Pierre & Jules II, 1727, in-12. [Patr.]

364 N.L., févr. 1742, p. 125, de Hambourg : Winckler, Johann Dieter, Disquisitiones Philologicae, Hambourg : Jo. Carolus Bohn & Vve Felginer, 1741, in-8°. [Misc.]

365 N.L., mai 1756, p. 312, de Brescia : Notizie della Zecca e delle monete di Brescia, Brescia : Giam Maria Rizzardi, 1755, in-4°. [Antiq.]

366 Jean-Pierre de Crousaz (1663-1750), philosophe suisse. Cité comme auteur (1717, 24, 26, 30, 33, 36, 38, 42, 43) et référence (1743).

367 N.L., juin 1738, p. 383, de Genève : Crousaz, de, Commentaire sur la Traduction en vers de M. Pope, Genève : Pellissari & Cie, 1738, in-12. [Philo.]

368 Alexander Pope (1688-1744), poète britannique. Cité comme auteur (1726, 30, 38, 42, 49, 53, 56, 69, 77), éditeur (1730, 69), contributeur (1726, 72), traducteur (1724, 30) et référence (1737, 41, 44, 53).

369 N.L., janv. 1711, p. 13, de Livourne : Marchetti, Euclides reformatus, Livourne, in-4°.

muni de plusieurs approbations qui en donnent une idée très favorable à ceux qui se laissent prévenir par de pareils suffrages371

Un autre personnage fait montre d’une prétention insupportable et se présente dans son avertissement paré de toutes les qualités, de beauté, d’intelligence, de précocité. Le Journal le prend à son propre jeu en citant de larges extraits de ce texte liminaire car il « peut suffire ici pour donner une idée de sa manière de pensée372 ».

ce qui est, on en conviendra, une façon élégante de manier la perfidie. Il est bien difficile de berner le journaliste avec des ouvrages creux et des propos convenus, lui qui réclame à longueur de rubrique de l’original, de l’innovation et de la profondeur. Nous citerons, par exemple, un récit de voyage dont l’auteur ne mentionne que « peu de choses curieuses ; il n’a fait que courir dans son voyage, ne s’arrête en aucun endroit et n’entre dans aucun détail, sinon les vins373 ».

Enfin, l’infortuné qui s’élève contre la philosophie moderne voit son sort réglé en deux lignes :

plus pieux que savant, pas assez instruit, [il] cite des autorités qui ne prouvent rien, des faits faux, noms & dates défigurés374

En effet, le manque de culture, l’ignorance, l’incompétence satisfaite ne doivent pas s’attendre à l’indulgence des Nouvelles Littéraires. Même si le journaliste semble faire preuve de compréhension en pointant les défaillances, somme toutes excusables, d’un dictionnaire historique :

il est impossible que dans un ouvrage si considérable, il ne se glisse pas quelques erreurs

c’est pour mieux faire remarquer l’une de ces erreurs, l’annonce malencontreuse de la mort de Zurlauben375 :

on sait qu’il est plein de vie, la plus légère perquisition eût suffi pour dissiper l’erreur376

371 N.L., avril 1725, p. 256, de Bordeaux : Chevalier, père Angélique, Semaine édifiante, partagée en sept

entretiens instructifs, Bordeaux : Nic. de la Court, in-8°.

372 N.L., oct. 1727, pp. 635-636, de La Haye : Tyssot de Patot, Simon, Lettres choisies, La Haye : Matthieu Rognet, 1727, in-12. [Misc.]

373 N.L., nov. 1724, p. 762, de La Haye : Sainte-Maure, Charles [abbé de Beaulieu], La Haye : Pierre Gosse, in-12.

374 N.L., févr. 1778, p. 120, de Liège : Observations philosophiques, Liège : J.F. Bassompierre, à Paris chez Berton, 1771, in-12. [Philo.]

375 Beat Fidel Zurlauben (1720-1799), écrivain suisse d’expression française. Cité comme auteur (1753) et référence (1778)..

376 N.L., janv. 1778, pp. 57-58, de Paris : Ladvocat, abbé, Dictionnaire historique & bibliographique, Paris : Vve Didot, se trouve chez Le Clerc, 1777, in-8°, 2250 p. en 3 vol., 15 £. [Hist.]

Il n’est pas permis de bâcler un travail et l’ironie acerbe du journaliste, qui ne craint pas ici l’exagération, témoigne de son agacement :

les omissions rassemblées pourraient certainement remplir aux moins quinze autres volumes in folio377

On reprochera donc à l’auteur d’un ouvrage sur la pratique du théâtre dans les couvents de n’être « nullement instruit dans la doctrine des bons auteurs378 » tandis qu’on remarquera, à propos de la critique d’un traité sur la muriométrie, « combien l’auteur connaissait peu la matière qu’il a traitée379 » et même, sous couvert d’une certaine indulgence, à un troisième, auteur d’une histoire des Provinces-Unies, de ne s’être « écarté de la vérité que parce qu’il n’était pas assez instruit380 ».

Enfin, c’est une véritable exécution capitale que subit ce malheureux homme de lettres dont l’ouvrage semble cumuler tous les défauts :

vers sans poésie, prose sans style, drame sans intérêt […] étonnant qu’on l’ait imprimé381

L’éthique de l’auteur est naturellement examinée et peut être déterminante. Le manque de modération, un esprit partisan ou querelleur, la partialité qui va jusqu’à la malhonnêteté, « même esprit de satire & de partialité382 », rien de tout ceci n’échappe au journaliste et ce sont ces manquements qui lui inspirent les mots les plus durs. Nous en voulons pour preuve ce commentaire indigné à l’égard de l’abbé Nadal383, qui, en 1725, rajoute subrepticement une préface litigieuse à son ouvrage :

avec une préface qui a révolté toutes les honnêtetés […] déclamation injuste & offensante qui ne fait tort qu’à lui-même […] préface imprimée sans que l’approbateur l’ait vue384

377 N.L., nov. 1726, pp. 709-710, de Paris : Trésor des Antiquités & des Histoires, Leyde : Pierre Van der Aa, à Paris chez Noël Pissot, in-f°, 45 vol., 440 florins. [Hist.]

378 N.L., nov. 1752, pp. 759-760, de Palerme : Esame del saggio istorico…, Palerme : Impr. di S. Apostoli, 1751, in-4°. [Poet.]

379 N.L., mars 1776, p. 188, de Paris : Buffel, Réflexions critiques sur la Mûriométrie, Paris : Monory, à Lyon chez Rosset, à Montpellier chez Rigaud, à Nîmes chez Buchet & à Tours chez Brillant, in-8°, 197 p., 2 £ 8 s. [Arts]

380 N.L., avril 1754, pp. 253-254, de Paris : Aubry du Mourier, Mémoires pour servir à l'Histoire de la

République des Provinces-Unies, éd. Amelot de la Houssaye, Londres, à Paris chez Charles Robustel, 1754,

in-12, 556 p. en 2 vol. [Hist.]

381 N.L., janv. 1764, p. 61, de Paris : Mes Récréations, Amsterdam, à Paris chez Langlois fils, 1763, in-12. [Poet.]

382 N.L., janv. 1727, p. 60, d’Angleterre : Master Key to Papery. [Patr.]

383 Abbé Augustin Nadal (1659-1741), poète et écrivain français. Cité comme auteur (1724, 25, 38) et contributeur (1758).

Quant aux divers collaborateurs, éditeurs ou traducteurs, loin d’être épargnés, ils font l’objet d’un examen encore plus rigoureux en raison des prétentions scientifiques ou érudites qui s’attachent à leur fonction.

L’aspect matériel du livre est également mis en cause et la cible de critiques acerbes, sur un ton de maître d’école tançant un élève négligent :

il serait à souhaiter que le dessin et la gravure des planches eussent été faits avec plus de soin et de propreté385

Certains imprimeurs font également les frais de remarques expéditives :

[il] vient d’imprimer assez mal386

beaucoup moins belle pour le papier & pour les figures qui ne sont qu’en bois387

ou, plus surprenant, étant donné ses liens avec le Journal des Savants, le Parisien Chaubert :

des fautes qui ont leur source dans l’inattention de ce même imprimeur388

Ces partis-pris, ces exigences, ces jugements parfois violents, on vient de le voir, déterminent le jugement des Nouvelles Littéraires et participent donc de leur identité intellectuelle. Il nous faut maintenant éloigner quelque peu la perspective en replaçant la rubrique dans son époque, en tant que périodique des Lumières, afin d’examiner le regard qu’elle porte sur les siècles passés autant que sur celui auquel elle appartient. Nous observerons ensuite dans quelle mesure elle se montre perméable aux divers courants de pensée qui parcourent son temps, afin de complaire, tour à tour, à ses pôles d’attraction – le pouvoir, la science, le public – sans perdre de vue son projet initial.