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DEUXIÈME PARTIE LES DISCIPLINES

D - LES BELLES-LETTRES

a - Le style

Le concept de « style », dont les règles ne sont pas clairement fixées, arrive dans le dernier quart du siècle sur le devant de la scène, notamment à la suite de l’ouvrage de Beccaria1058, Ricerche intorno alla natura dello stile, publié à Milan en 1770 et traduit en français l’année suivante1059. Les commandements de ces disciplines normatives que sont la rhétorique et la poétique sont alors remis en cause mais Beccaria, qui s’oppose ici à D’Alembert, insiste sur le fait que si les règles admises sont mauvaises, cela ne signifie pas qu’il faille abolir toute idée de règle.

Nous ne retrouvons pas, à la lecture des Nouvelles, d’analyse de ces théories mais le concept de style littéraire n’est pas négligé pour autant. Bien loin de n’être qu’une simple qualité plus ou moins décorative qui concoure à la réussite de tel ouvrage, il s’agit là d’un élément fondamental et non réductible à un seul champ disciplinaire. Sont ainsi concernés la littérature et l’histoire en premier lieu, naturellement, mais aussi la théologie, le droit, les arts et les sciences. A partir du moment où il examine un livre, quel qu’il soit, le journaliste attend, pour le moins, que l’écriture réponde à certains critères que nous allons maintenant tenter d’identifier.

D’après les nombreuses remarques qui témoignent de l’intérêt des Nouvelles Littéraires pour cette question, il apparaît que le beau style doit présenter certaines caractéristiques, harmonieusement fondues de façon à donner une impression de naturel, de simplicité et de clarté. Le commentaire peut, tout d’abord, se montrer assez vague :

1057 N.L., juin 1787, p. 365, de Sicile : Costanzo, Giuseppe, Elogio d'Ignazio paterno'castello Principe di

Biscari, Catane, 1786, in-8°. [Hist.]

1058 Cesare Bonesana, marquis de Beccaria (1738-1794), philosophe et juriste italien. Cité comme auteur (1765) et référence (1766).

1059 Audegean, Philippe, « Beccaria et l’histoire du concept de style », in Poétique, 2003/4, n° 136, pp. 487-509, p. 491.

on nous marque que cet ouvrage est bien écrit1060

Sont ensuite tour à tour appréciées, l’élégance :

on loue beaucoup ici l’élégance du discours1061

la grâce, la finesse, la concision, la délicatesse :

un des plus beaux esprits & des génies les plus aimables de ce siècle

nous dit-on de Moncrif1062 en 1769, « auteur délicat, qui a fixé le genre de la romance » et dont on loue la « grace, la finesse, le tour concis & original1063 ».

De toute évidence, on préfère les petites formes aux grandes fresques inspirées et il n’est guère question de la véhémence, de la force ou de la puissance que goûteront plus tard les romantiques, fût-ce au risque de la mièvrerie ou de l’académisme. Naturellement, dans le monde des Nouvelles Littéraires où un travail modeste et acharné finit toujours par recueillir ses fruits, cette maîtrise de l’écriture s’acquiert au cours de laborieuses études et à l’aide d’ouvrages fournis par des spécialistes1064, à l’image de celui-ci :

connu dans la République des lettres par plusieurs ouvrages dont il l'a enrichie, pour fournir aux jeunes étudiants des leçons & des modèles de style1065

Signalons enfin comme une curiosité cet ouvrage espagnol traduit en portugais par une dame et publié à Lisbonne en 1751, qui obéit à une véritable contrainte oulipienne avant la lettre :

l’un des cinq ouvrages dans chacun desquels l’auteur a omis une des cinq voyelles. La voyelle A ne se trouve point dans celui-ci 1066

Après avoir identifié certaines des qualités exigées par la rubrique pour considérer un livre comme une œuvre littéraire, à quelque champ disciplinaire qu’il appartienne, il nous faut maintenant examiner les multiples déclinaisons formelles qui permettent à ce beau style et à cette parfaite maîtrise de la langue de s’épanouir.

1060 N.L., mai 1747, p. 319, de Genève : Theorie des sentimens agréables, Genève : Barillot & Fils, in-12. [Philo.]

1061 N.L., juin 1752, p. 440, de Lisbonne : Sylva Feire, Emmanuel de, Assombros de Portugal, Lisbonne, 1751, in-4°. [Orat.]

1062 François de Moncrif (1687-1770), écrivain français. Cité comme auteur (1738, 69).

1063 N.L., juin 1769, p. 390, de Paris : Moncrif, de, Œuvres, Paris : Vve Regnard, 1768, in-12. [Misc.]

1064 N.L., oct. 1759, p. 701, de Lyon : Daire, père, Epithètes Françoises, rangées sous leurs substantifs; ouvrage

utile aux Poëtes, aux Orateurs, aux jeunes gens…, Lyon : Pierre Bruyset Ponthus, 1759, in-8°. [Poet.] 1065 N.L., mars 1746, p. 190, de Londres : Durand, Exercices François & Anglois pour les Enfans, avec des

Exercices de conversation & de Lettres, & un choix de bons mots au nombre de 80, Londres, 1745, in-8°

[Misc.]

1066 N.L., juin 1752, p. 440, de Lisbonne : Alcala y Herrera, Alfonse, Varios effectos de amor, trad. donna Françoise Séraphine Xavier, Lisbonne : P. Ferreira, 1751, in-4°. [Poet.] A la lecture du titre original, on constate cependant que la dite voyelle y figure déjà, ce qu’il faut peut-être imputer à une erreur de transcription.

b – Les genres littéraires * La poésie

Contrairement à l’image de genre tombé dans la médiocrité et dont la crise correspondrait à celle de la « conscience européenne »1067, il a été démontré que la poésie des Lumières remportait un réel succès public autant qu’elle inspirait les plus grands auteurs1068 et que cette prétendue déliquescence est plutôt à attribuer à la difficulté qu’il y a pour notre époque à concilier la notion poétique, après la vague romantique, avec ce que nous pouvons percevoir du XVIIIe siècle. Les Nouvelles Littéraires portent témoignage de ce succès puisque le genre poétique y est très représenté et reçoit généralement un accueil favorable, soit comme œuvre de création, soit comme sujet d’étude1069. Cependant, la poésie n’est que rarement considérée selon une perspective artistique, mais plutôt comme un outil propre à répandre plus facilement les concepts et apprentissages du monde savant :

le propre de la poésie est de s'imprimer aisément dans la mémoire1070

En effet, ainsi utilisée comme un moyen pédagogique en raison de ses facilités mnémotechniques, elle permet, grâce à ses rimes et à son rythme, de retenir facilement un texte rébarbatif.

A cet égard, la poésie classique latine reste un modèle « pour initier les jeunes gens dans la lecture des poètes les plus distingués1071 » et, dans cette perspective utilitariste, il n’est pas question de s’affranchir des règles de versification édictées par la tradition. On nous le rappelle d’ailleurs sans ambiguïté à propos des éloges que reçoit, « par rapport à l’histoire mais aussi aux préceptes & aux règles1072 », un ouvrage sur la poésie ancienne et moderne. Toutefois, la forme poétique ne doit pas s’effacer devant la visée pédagogique ou illustrative et une célébration de la peinture en est ainsi félicitée :

rien de didactique […] nous ne pouvons qu’applaudir1073

1067 Hazard, Paul, La Crise de la conscience européenne, Paris : Gallimard, 1968, pp. 147-176 : Une époque sans poésie.

1068 Menant, Sylvain, La Chute d’Icare. La Crise de la poésie française (1700-1750), Genève : Droz, 1981, pp. 1-2.

1069 N.L., août 1772, pp. 569-570, de Paris : Vauvilliers Fils, Essai sur Pindare, contenant une Traduction de

quelques Odes de ce Poëte, avec une analyse, texte add. Vauvilliers Père, Paris : Paul-Denis Brocas, 1772,

in-12, 340 p. [Poet]

1070 N.L., déc. 1724, p. 811, de Paris : Pichot, L.-J., Recueil de pensées morales, Paris : Josse fils

1071 N.L., mars 1752, p. 190, de Paris : Chompré, Selecta latini sermonis exemplaria, è Scriptoribus

probatissimis, ex. extr. d’œuvres de Horace, Juvénal, Ovide, Perse, Phèdre & Virgile, Paris : Hipp.-Lud.

Guerin & Louis-Franc. de La Tour, 1752, in-8° [Orat]

1072 N.L., juin 1741, pp. 366-367, de Bologne : Quadrio, Francesco Saverio, Della Storia e della Ragione di ogni

poesia, Bologne : Ferdinando Pisarri, in-4°. [Orat.]

1073 N.L., déc. 1755, pp. 876-877, de Paris : Baillet de Saint-Julien, La Peinture, Poëme, Amsterdam, à Paris chez Duchêne, 1755, in-12. [Poet.]

Lorsqu’elle est envisagée comme une simple œuvre de divertissement, la poésie ne peut pour autant s’affranchir de certaines règles très précisément définies, elle se calque alors volontiers sur des modèles antiques et la bienséance, la légèreté ou l’élégance sont ses vertus cardinales. Il s’agit là d’une façon d’embellir la vie comme le ferait le tableau d’un maître ou un mobilier raffiné et qui peut même inspirer le graveur d’une planche à l’eau-forte :

d’après les plus beaux poèmes anciens & modernes1074

Quant à l’édification du chrétien, elle trouve dans la voie poétique un très efficace outil d’élévation morale et religieuse. On le voit, qu’elle revête une forme pédagogique, décorative ou religieuse, le rôle fonctionnel de la poésie n’a rien de commun avec ce qui deviendra la conception romantique d’une création transcendante et transmise par des visionnaires.

Les pièces de circonstance participent également de cette fonctionnalité, qu’elles soient composées pour célébrer un mariage princier :

élégance & légèreté de la versification1075

ou une accession au cardinalat :

pas un morceau de poésie considérable & important mais bien fait & enrichi de savantes remarques1076

Le nombre et le rang des dédicataires de ces œuvres font espérer à leurs auteurs une place en vue dans le monde lettré, surtout si un article élogieux des Nouvelles Littéraires vient étayer leurs ambitions, à l’image de ce recueil dédié au roi, au prince de Conti1077 et, pour faire bonne mesure, au lieutenant général en Bourgogne, qui réunit, nous assure le journaliste :

goût, talent, heureuses traces de la poésie latine des bons temps1078

La publication de ces pièces peut même prendre un caractère semi-privé, hommage de l’auteur ou d’un puissant à quelques lecteurs triés sur le volet. Nous sortons là du monde du livre pour entrer dans celui, beaucoup plus fermé, d’une société de cour où le poète n’est qu’un élément de la panoplie aristocratique. Nous citerons ici ces vers composés pour la naissance du prince Frédéric Auguste de Saxe1079, « recueil assez considérable dont on n’a imprimé que trente exemplaires1080 ».

1074 N.L., mars 1772, p. 186, de Paris : Galerie poétique. [Poet.]

1075 N.L., nov. 1758, de Parme : Raccolta di Rime galanti e plausibili, Milan, se trouve à Parme, in-8°, 45 p. [Poet.]

1076 N.L., nov. 1760, p. 738, de Rome : Cratidio, Abisso, Canzone, Rome : Niccolo & Marco Pagliarini, 1759, in-4°. [Poet.]

1077 Louis-François de Bourbon, prince de Conti (1717-1776). Cité comme référence (1724, 35, 45, 47).

1078 N.L., juin 1745, pp. 376-377, de Dijon : Bernier, Denis-François, Opuscula Poëtica, Dijon : P. Marteret, 1742, in-8°. [Orat.]

1079 Auguste III (1750-1827), électeur (1763-1806) et premier roi de Saxe sous le nom de Frédéric-Auguste Ier (1806-1827). Cité comme référence (1752).

1080 N.L., juin 1752, p. 442, de Dresde : Rime per la Nascita del Serenissimo Principe Frederigo Augusto de

Nous y ajouterons les éloges funèbres versifiés dans lesquels les poètes font assaut d’éloquence et de noble émotion, et qui procurent cohérence et visibilité à leur production, comme celui d’Iselin1081, en 1739, publié par son fils et accompagné d’une « quantité prodigieuse de pièces de vers latins & allemands1082 ».

A la lecture des Nouvelles, il nous est également permis de déterminer les genres les plus en faveur, les thèmes de prédilection et l’accueil qui leur est fait.

On trouve tout d’abord, très classiquement, les anthologies1083, genre sans surprise qui arrache parfois au rédacteur des plaintes exaspérées :

le projet parait d’abord propre à rebuter le lecteur, accablé depuis longtemps de pareils recueils1084

Un peu fourre-tout, certains mélanges poétiques, qui rassemblent des œuvres de toutes les écoles et de toutes les nations, sont destinés aux « amateurs de belles-lettres […] poésie dans tous les genres : philosophique, didactique, héroïque, sacrée, morale, gaie, légère1085 ».

L’année suivante, un autre ouvrage cite des poètes « grecs, latins, italiens, français, anciens, modernes, chrétiens ou payens, dans toutes les langues & traditions italiennes1086 ». Quant à ces petites formes hétéroclites composées sur des sujets divers :

sur l’amour, la morale, la vertu1087

poème d’un genre singulier, un peu de galanterie & beaucoup de morale1088

ou bien ces « poésies fugitives1089 » que l’on rencontre principalement après 1760, elles se trouvent parfois incorporées à des miscellanées dans lesquelles elles semblent se confondre :

pièces fugitives, lettres, poésie1090

1081 Jacob Christoph Iselin (1681-1737), théologien et philologue bâlois. Cité comme référence (1739).

1082 N.L., févr. 1739, de Bâle : Iselin, Jean-Rodolphe, Laudatio Funebris consecrandae memoriae Viri

incomparabilis, plurimum venerandi, Bâle, in-f°, 77 p. [Orat.]

1083 N.L., janv. 1773, de Paris : Trésor du Parnasse, Londres, à Paris chez Nyon & Saillant, 1770, in-12, 6 vol., 12 £. [Poet.]

1084 N.L., mars 1726, p. 187, de Londres : Recuëil de Poësies Françoises, éd. De Sérières, Londres : Pellet, en prépa. [Orat.]

1085 N.L., oct. 1758, p. 690, de Livourne : Filantrio, Soresto, Poesie, Livourne : Paolo Fantechi, 1757, in-4°, T. II, 248 p., 3 paols/30 sols. [Poet.]

1086 N.L., oct. 1759, pp. 698-699, de Florence : Franchi, Felice Amedeo, Pregi della Poësia, texte add. père Gian Lorenzo Berti, Florence : Andrea Bonducci, 1758, in-4°, 438 p. [Poet.]

1087 N.L., janv. 1759, p. 56, de Milan : Canti, Jacopo, Rime, Florence, se trouve à Milan, 1758, in-8, 254 p. [Poet.]

1088 N.L., févr. 1726, p. 122, d’Italie : Frezzi, Mgr Federigo, Il Quadriregio, o Poema de'quattro regni, textes add. père Ant. Canneti & Giustiniano Pagliarini, notes du père Antegiani, Foligno, à Paris chez Briasson, 1725, in-4°, 2 vol. [Orat.]

1089 N.L., juin 1776, p. 447, de Paris : Blin de Sainmore, Joachim, ou le Triomphe de la Piété filiale, Amsterdam, à Paris chez Brunet, Delalain, Le Jay, & Ruault, in-8°. [Poet.]

Enfin, pour alimenter ces recueils d’étrennes tellement en vogue dans la seconde moitié du siècle, les libraires sont obligés d’en appeler directement aux poètes afin d’assurer leur renouvellement, malgré « le nombre infini de poésies légères qui paraît tous les ans1091 ».

Cette légèreté se retrouve d’ailleurs dans les thèmes galants et amoureux qui président généralement à l’écriture poétique. Mais la poésie religieuse s’efforce de proposer une alternative et telle paraphrase du Livre d’Esther en vers italiens permet à l’auteur de soutenir « qu’il peut y avoir d’excellents poèmes même sans sujets d’amour1092 ».

Cependant, on ne s’étonnera pas de la prédominance des thèmes liés au passé, réel, reconstruit ou légendaire, et de leur résonance dans les colonnes du Journal, compte tenu de l’omniprésence de l’histoire dans le monde lettré des Lumières.

Au premier chef, naturellement, l’Antiquité inspire les poètes, dans le choix des thèmes ou dans la forme adoptée. La Grèce est à cet égard la mère de la poésie et de l’imaginaire, pour les Nouvelles Littéraires. Volontiers précieuse ou maniériste – on citera tel « bilan déposé au greffe du Parnasse1093 » – la poésie trouve ses inspirations galantes ou bucoliques chez Anacréon1094, Sapho1095 ou Pindare1096 et l’on assiste ainsi à une multiplication des odes en vers saphiques ou des recueils de poésies anacréontiques :

un des meilleurs qui ayent paru, produit des auteurs les plus accrédités en Italie1097

Il n’est pas jusqu’à la poésie religieuse qui ne les appelle à la rescousse dans une curieuse association, en composant un poème de mesure anacréontique à partir d’un psaume, afin de « mettre dans ce poème plus de sentiment & d’onction1098 ».

Les sujets mythologiques sont également très recherchés et l’on célèbre les « remarques judicieuses, l’élégance vantée, les talents de l’auteur pour la poésie italienne et latine1099 ».

Dans le cas où le poète ne puise pas son inspiration chez les Antiques, il ne pourra échapper à leur influence formelle et les Italiens savent bien ce qu’ils leur doivent1100, en termes de pure

1091 N.L., mars 1770, p. 190, de Paris : Les Etrennes du Parnasse, Paris : Fétil, en prépa. [Poet.]

1092 N.L., oct. 1747, p. 634, de Venise : Ester Italiana, o sia il libro di Ester tradotto in verso Italiano, colle

annotazioni; in prosa, che spiegano, e illustrano questa sacra storia, Venise, 1746, in-4°. [Bibl.]

1093 N.L., juill. 1770, p. 499, de Paris : Lettre à l'Editeur de l'Almanach des Muses, Aléthopolis [fict.], à Paris chez Fétil, 1770, in-8°, 16 p. [Poet.]

1094 Anacréon (vers 570-début du Ve s. av. J.-C.), poète grec. Cité comme auteur (1732, 36, 42, 54, 86, 88, 91) et référence (1730, 51, 55).

1095 Sapho (vers 617/612-vers 570/560 av. J.-C.), poétesse grecque. Citée comme contributeur (1736) et référence (1751).

1096 Pindare (518-438 av. J.-C.), poète grec. Cité comme auteur (1772) et référence (1748, 51).

1097 N.L.., oct. 1752, p. 695, de Livourne : Raccolta di leggiardrissime Canzonette, Livourne : Giovanni Paolo Fantechi. [Orat.]

1098 N.L., mars 1756, p. 185, de Rome : Sposizione del Salmo miserere, Rome : Antonio de Rossi, 1755, in-8°. [Bibl.]

1099 N.L., nov. 1752, p. 758, de Venise : Farsetti, La Transformazione d’Adria, Venise : Giambattista Albrizzi. [Orat.]

1100 N.L., avril 1752, p. 244, de Padoue : Sannazari, Jacopo, Poemata ex antiquis, avec des textes de Gabriele Altili, Honorato Fascitelli & Jo. Ant. Vulpio, Padoue : Giuseppe Comini, 1751, in-8°. [Poet.]

technique d’écriture. Quelques audacieux se livrent même à des recherches stylistiques qui ne remportent visiblement pas l’adhésion enthousiaste du journaliste, comme celui-ci, qui s’emploie à introduire de la poésie grecque dans la poésie latine :

idée pas nouvelle en Angleterre, mais ce genre n’a pas fait fortune, on veut le remettre en vogue1101

Dans la seconde moitié du siècle, l’Antiquité semble perdre un peu de son pouvoir de fascination au profit d’un Moyen Âge rêvé. Le mythe chevaleresque est ainsi un genre en soi et l’on parle d’un « poème de chevalerie1102 » mais le thème apparaît également de façon inversée lorsqu’une histoire de la chevalerie en tant qu’institution aborde, et donc reconnaît, son influence sur la poésie1103. La guerre et le fracas des armes donnent lieu également à de nombreux poèmes qui chantent l’héroïsme des héros vertueux et des grands capitaines1104. Après ces recréations d’un passé magnifié, les poètes puisent également leur inspiration dans un ailleurs géographique. Le thème du voyage1105 et de la découverte imprègne alors la seconde moitié du siècle, dans la poésie comme dans bien d’autres domaines.

Quelques nations se distinguent dans le paysage poétique des Lumières et les Italiens règnent sur le début du siècle, en héritiers tout désignés des Antiques et de la Renaissance. Cependant, malgré leur réputation de perfection stylistique :

correct, élégant surtout dans la rime1106

ils pâtissent d’un certain traditionalisme qui les confine dans leurs frontières linguistiques. Ainsi, on constate qu’un recueil de vers « composés & rimés à la française » ne remporte guère de succès :

on nous mande que l’oreille italienne n’y est pas faite1107

Dante, cependant, accède à l’universalisme et une nouvelle édition de son œuvre se voit destinée aux « amateurs des belles lettres & de la poésie italienne1108 ».

Après 1750, ce sont les Allemands qui imposent leur spécificité et ouvrent la voie aux romantiques.

D’abord timides :

1101 N.L., mai 1738, pp. 317-318, de Londres : An Introduction of the ancient Grec and Latin…, 1737, in-8°. [Orat.]

1102 N.L., juill. 1791, p. 433, d’Allemagne : Anon., Henri Alxinger, Leipzig. [Poet.]

1103 N.L., déc. 1762, p. 821, de Londres : Hard, Letters on chivalry, Londres : Millar. [Hist.]

1104 N.L., sept. 1747, p. 576, de Paris : La Bataille de Laufel, Poëme en trois chants, Paris : Vve Bienvenu, in-8°. [Orat.]

1105 N.L., mars 1778, p. 190, de Paris : Memorabilis Peregrinatio. [Poet.]

1106 N.L., janv. 1759, p. 56, de Milan : Canti, Jacopo, Rime, Florence, se trouve à Milan, 1758, in-8°, 254 p. [Poet.]

1107 N.L., oct. 1755, p. 690, de Modène : Della vera poësia Teatrale, Epistole Poetiche di Alcuni Modanesi, contrib. Chiari, Renzi, Tori, Tragni & Vicini, Modène : hérit. Bartolomeo Soliani, 1754, in-8°. [Poet.]

1108 N.L., nov. 1757, pp. 762-763, de Venise : Dante, La Divina Commedia, éd. P. Pompei Venturi & Volpi, Venise : Antonio Zatta, en prépa., in-4°, 3 vol. [Poet.]

ce n’est qu’une compilation des auteurs français avec des vers extraits d’auteurs allemands & souvent de l’auteur de l’ouvrage1109

ils accèdent bientôt à la célébrité, comme Wieland1110, Haller ou Gessner :

on fait un cas infini d’un ouvrage de poésie allemande, […] on place son auteur M. Wieland au rang des plus grands poètes1111

le Pope allemand […] la traduction en français met ceux qui aiment la poésie en état d’en juger & de les faire connaître plus particulièrement1112

l’un des plus grands poètes de l’Europe1113

et les journalistes multiplient avec bienveillance l’examen de leurs productions1114, 1115 ou de leurs traductions des classiques grecs1116.

Tous ces thèmes, toutes ces inspirations sont pris en compte par les Nouvelles Littéraires, sans apparent ostracisme envers un genre ou à une école. Il est cependant possible de distinguer certaines spéficités dans les éloges ou les blâmes que reçoivent les œuvres poétiques. Au-delà des exigences liées à la forme, au respect des règles de la versification, à l’élégance et à l’élévation morale que nous avons vu précédemment s’exercer, il apparaît bientôt que le journaliste attend autre chose.

Ce nescio quid plus est de Martial1117, cet impalpable propre à l’expression poétique, inexprimable et essentiel, sans lequel la poésie n’est que de la prose mise en vers se manifeste à partir des années 1750 dans les Nouvelles qui n’hésitent pas alors à s’affranchir d’un certain code normatif, sorte de prescience d’un prochain infléchissement de la sensibilité et réponse à cette « chute d’Icare »1118 que connaît la poésie française dans la première moitié du siècle :

le mérite principal de ses vers est la facilité, leur défaut général de manquer de poésie1119

1109 N.L., juill. 1752, p. 506, de Leipzig : Gottsched, Essai d'une Poëtique Critique, Leipzig : Breitkopf, 1751, in-8°. [Poet.]

1110 Christoph Martin Wieland (1733-1813), poète et écrivain allemand. Cité comme auteur (1755).