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Les critères d’une typologie des genres journalistiques Selon Florea (2012 :131) :

JOURNALISTQIUE : MISE EN SCENE ET CONTRAT

2.5. Le discours journalistique et la polyphonie

2.6.2. Les critères d’une typologie des genres journalistiques Selon Florea (2012 :131) :

« La typologie des genres est une question capitale pour le discours de presse, car elle touche à l’identité même du journalisme (cf. Ringoot, Utard 2009). D’une part, les genres conditionnent la rédaction des articles mais, comme chaque journal a une manière particulière d’exploiter le potentiel des genres, ces derniers contribuent, d’autre part, à individualiser les organes d’information ».

Les genres déterminent l’identité du journal et sa ligne éditoriale. Mais la question qui se pose est la suivante : y a-t-il des critères stables qui permettent de classer les genres de la presse ? Nous passerons en revue quelques typologies des genres de la presse écrite. Dans les manuels de presse, les genres journalistiques9 sont présentés comme des catégories reconnues et utilisées par les journalistes dans le but de caractériser les formes que prendront leurs textes. A chaque genre correspond une forme, une fonction. Un quotidien se distingue par ses genres qui servent à le caractériser par rapport aux autres journaux. Les genres journalistiques permettent de déterminer ce qui relève de l’information et ce qui s’inscrit dans le cadre du commentaire. Ainsi,

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un contrat de communication s’établit entre le journal et ses lecteurs en fonctions des genres qu’il favorise, ce qui développe un horizon de lecture et d’attente chez eux.

Il faut reconnaître qu’il y a des classifications qui existent dans le milieu journalistique et que les manuels définissent et détaillent : généralement, il y a les genres d’information, et ceux d’opinion. Ringoot et Rochard (2005 : 77 ) mettent l’accent sur cette classification :

« La notion de genres journalistiques, pour autant qu’elle soit utilisée par les professionnels de l’information et par les chercheurs, n’est pas une notion stable. La catégorisation la plus courante dans les guides du journalisme distingue les genres d’information (brève, filet, compte rendu, reportage, interview…) et les genres de commentaire (éditorial, billet, chronique…) »

Les genres factuels ont pour finalité de communiquer une information alors que les genres d’opinion ou de fond se consacrent à l’examen, voire l’analyse d’une situation ou d’un fait. Mais quant à Bronckart (1997 : 138) :

« S'ils sont intuitivement différenciés, les genres ne peuvent jamais faire l'objet d'un classement rationnel stable et définitif. D'abord parce que, comme les activités langagières dont ils procèdent, les genres sont en nombre tendanciellement illimité; ensuite parce que les paramètres susceptibles de servir de critères de classement (finalité humaine générale, enjeu social spécifique, contenu thématique, processus cognitifs mobilisés, support médiatique, etc.) sont à la fois hétérogènes, peu délimitables et en constante interaction ; enfin et surtout parce qu'un tel classement de textes ne peut se fonder sur le seul critère aisément objectivable, à savoir les unités linguistiques qui y sont empiriquement observables ».

Sur quels critères doit-on s’appuyer pour classer les genres de la presse écrite ? Est-ce des critères formels ? Linguistiques ? Ou des critères socioculturels ? Comme le fait remarquer Grosse (2001) : « Il y a plusieurs chemins qui mènent à Rome, il y a également plusieurs chemins qui nous mènent aux genres » (Grosse, 2001 : 30). Notre objectif, n’est pas de faire l’inventaire de toutes les classifications des genres journalistiques, car cela serait absurde, mais de rendre compte de quelques typologies et critères sur lesquels sont-elles fondées. Les genres journalistiques peuvent être classés en fonction des techniques qui y sont exploitées : est-ce qu’il s’agit des genres qui rapportent l’évènement ? Qui l’expliquent ? Qui le commentent ? Ou qui décrivent un événement ou une personne ?

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Revaz (2001) propose cinq critères pour différencier les genres journalistiques :

- un critère pragmatique : il concerne la finalité et le but ciblés par le texte. Il peut s’agir d’une visée informative, persuasive, ou séductrice ;

- un critère énonciatif : identité et degré d’engagement de l’énonciateur. Le degré de l’engagement de l’énonciateur peut différer d’un genre à un autre. Les articles d’information sont moins engagés que ceux du commentaire ou d’analyse ;

- un critère sémantique : il s’agit des thèmes traités dans le texte ;

- un critère compositionnel : qui articule le texte en séquences. Le plan du texte distingue un genre par rapport à un autre ;

- un critère stylistique : il s’agit des textes micro-linguistiques qui articulent tout le texte journalistique.

Neveu (1993) fonde son analyse sur le critère formel, en étudiant les formes des articles et en proposant une « analyse des modes de construction sociale des formes symboliques et stéréotypes narratifs qui structurent l’information » (Neveu, 1993 :07). Cette analyse lui a permis de construire une typologie des contenus journalistiques. Il en distingue : « l’information pure » et il donne comme modèle la dépêche d’agence, « la dissertation » (le commentaire) et « la narration » (le reportage).

Lochard (1996) propose un autre modèle de distinction en fonction du contrat de communication10 qui relie le journal à ses lecteurs. Ce contrat vise d’abord l’information, mais il est doublé par une volonté de capter le plus grand nombre de lecteurs à travers « les diverses formes de mise en scène de l’information» (Lochard, 1996 : 86) en donnant une importance au traitement graphique, à l’illustration, etc. Lochard s’appuie sur la visée comme critère de détermination des genres journalistiques : la visée informative (les articles d’information), la visée persuasive (le commentaire) et la visée séductrice (la critique, la chronique et le billet). L’analyse effectuée par Lochard (1996) consiste à repérer les modes qui sont dominants11dans chaque genre journalistique (argumentatif, narratif, énonciatif et descriptif), ce qui lui a permis de conclure que le texte de la presse écrite dépend d’une mise en scène plus complexe que l’on suppose.

10 Pour une définition du contrat de communication du discours journalistique, voir le chapitre III. 11Voir l’annexe : « Modes dominants et visées communicationnelles des genres de la presse écrite »

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Sous l’angle de la visée informative, Lochard classe la dépêche qui a pour fonction la transmission du savoir. Il en découle trois genres : la brève, le filet et la mouture (Lochard, 1996 : 88). Ces genres purement informatifs se caractérisent par une combinaison de mode d’organisations descriptives (identification, qualification, localisation, temporalisation des actants et des actions) et du mode narratif (mise en place et articulation des séquences d’actions) (Lochard, 1996 : 88). Le reportage relève aussi de cette première visée communicationnelle. Ce genre se caractérise par un degré plus élevé de crédibilité et d’authenticité (description des lieux, production des témoignages de personnes identifiées, etc.). Il présente les mêmes caractéristiques que celles de l’enquête, un article ou un ensemble d’articles qui visent à répondre à une question préalable en s’appuyant sur des témoignages (Lochard, 1996 : 89), mais l’enquêteur se distingue du reporter par le temps consacré à l’objet ou au sujet. L’enquêteur adopte une démarche synthétique qui exploite les témoignages et les faits fonctionnant comme des indices conduisant à la vérité qu’il vise à dévoiler.

Le commentaire, l’analyse et l’éditorial relèvent de la visée persuasive. Ces genres reposent, selon Lochard (1996), sur un mode argumentatif qui est absent dans les genres à dominance narrative et descriptive tels que l’enquête et le reportage. Les genres à visée persuasive reposent sur une logique, une rigueur et une rationalité à travers la suite logique des arguments présentés. Ils ne visent pas, d’après Lochard, à dévoiler une vérité mais à convaincre le lecteur d’une nouvelle idée. L’éditorial est un genre plus marqué que l’analyse et le

commentaire, parce qu’il se distingue par une posture évaluative très affichée par l’auteur. Cette

posture évaluative engage la responsabilité des équipes rédactionnelles éditoriales.

La rationalité est la caractéristique principale des genres à visée persuasive, alors qu’il se trouve d’autres qui jouent sur l’émotionnalité (Lochard, 1996 : 89). Ce sont les formes textuelles à visée séductrice. Elles « tablent sur tous les ressorts du plaisir du texte (tonalité d’écriture plus artistique ; emprunts et citations sous forme de ‘clin d'œil’ ; changement de registre, etc.) » (Lochard, 1996 : 90). La chronique, la critique et le billet apparaissent comme des lieux où se traduit une subjectivité très affichée, où toutes les stratégies discursives sont investies pour séduire le lecteur. Il ne s’agit plus d’un essai de persuasion ou de conviction, mais d’une captation ou d’une interpellation.

Un autre modèle de typologisation est proposé par Grosse (2001), il est de nature diachronique. Grosse fait remonter l’éclatement des genres de la presse écrite au 17ème siècle avec l’apparition du premier journal dans le monde La Gazette. Un genre primitif et élémentaire

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du journalisme, la brève de la Gazette était sous forme de phases courtes contenant des informations concises en répondant aux questions : Qui ? Quoi ? Quand ? et Où ? Mais ce n’était pas vraiment de la pure information, car on y trouve des éléments d’opinion et d’évaluation. Dans la même période, il s’est développé un autre genre, le compte rendu, sous forme d’informations portant sur un fait en répondant aux questions : Comment ? et Pourquoi ? Le compte rendu va donner naissance au reportage et à la critique. La première forme de la critique portant sur une pièce théâtrale est très simple (Grosse, 2001 : 20). Très loin du reportage moderne, le reportage ancien se présente sous la forme d’un texte simple dans lequel le journaliste évoque l’événement dont il a été le témoin. Il y manque les preuves. On y mêle les informations et aux jugements personnels du rédacteur. Le troisième genre provenant de la même origine est l’interview. Très proche de l’interview moderne, il se distingue par des introductions et des conclusions en plus de la reproduction fidèle des propos de l’interviewé.

En ce qui concerne les genres d’opinion, le courrier des lecteurs, le billet et le

commentaire se caractérisent par l’usage d’un style très élevé et une volonté de persuader le

lecteur en faisant appel aux moyens fournis par la rhétorique classique (Grosse, 2001 :22). La genèse de ces genres s’est faite dans une période très particulière, la montée du nationalisme avec la naissance de l’État national à Rome. Les tons des articles journalistiques reflétaient la confrontation entre deux pôles : ceux qui étaient pour la construction de l’Etat et d’autres, qui étaient contre. Dans ce climat instable, va naître un sous-genre très particulier, c’est le billet

combatif. Comme son nom l’indique, le ton de cet article était très polémique et très violent. On

y utilisait tous les registres de langue, de l’ironie et même du persiflage. Tous les moyens de la langue y étaient investis dans le but d’attaquer l’adversaire qui peut être une personne ou un groupe ; il peut s’agir d’un responsable, d’un parti ou d’un journal.

C’était, en quelque sorte, les repères historiques qui nous ont permis d’avoir une vue générale sur l’évolution des genres journalistiques, mais la question qui se pose est la suivante: quels sont les facteurs qui ont contribué à la naissance des genres journalistiques et leur éclosion en deux catégories : s’agit-il des facteurs économiques, sociaux ou politiques ? Pour répondre à cette question, il faut étudier les contextes économique et politique. Au 17ème siècle, la société italienne était précapitaliste et absoluste. Les princes, les lettrés et les bourgeois avaient besoin des nouvelles sur ce qui se passait dans leur entourage, dans la société et dans le monde. Pour satisfaire ce besoin, les articles des journaux se limitaient aux brèves et aux comptes rendus qui présentaient les informations les plus essentielles en l’absence de tout commentaire ou d’opinion

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personnelle. D’autre part, la réussite de la révolution française et son rayonnement dans toute l’Europe, et les révolutions qui ont eu lieu dans les pays voisins de la France ont donné naissance à une presse d’opinion. Les journalistes y étaient des observateurs et des analystes de la situation des sociétés européennes qui vivaient dans une période très particulière, c’était la période d’un changement total des régimes politiques et économiques. Les journaux y avaient besoin de moyens pour rester sur le marché, c’est pourquoi il ont créé des rubriques qu’ils ont réservées à la publicité et aux annonces sans oublier que l’Europe connaissait une révolution industrielle et une compétition très forte entre les entreprises qui se sont tournées vers la production en masse de marchandises et qui éprouvaient un besoin de vendre en grande quantité.