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Les critères généraux d’évaluation monétaire des coûts sociaux et environnementaux et

CHAPITRE 2 : Définition du coût social de l’épuisement et cadre méthodologique pour son

5. Cadre pour l’évaluation des coûts sociaux de l’épuisement des ressources métalliques

5.2. Les critères généraux d’évaluation monétaire des coûts sociaux et environnementaux et

Afin de pouvoir évaluer les « coûts liés à la démultiplication des impacts sociaux et environnementaux », il s’agit de définir une approche d’évaluation monétaire de ces coûts. Ce paragraphe a donc pour but de donner des pistes et de définir des critères généraux pour une évaluation monétaire des coûts sociaux de l’épuisement au sens de Kapp.

Dans un premier temps, une synthèse des principales démarches existantes de monétarisation des impacts sociaux et environnementaux est réalisée. Puis la démarche proposée pour l’évaluation

monétaire des coûts sociaux est explicitée, et les approches d’évaluation monétaires retenues ou écartées par cette démarche sont présentées. Ensuite, le paragraphe revient sur la définition d’un coût « évitable » pour la préciser. Enfin, un résumé des questions à se poser pour l’évaluation monétaire des impacts sociaux et environnementaux est proposé.

5.2.1. Méthodologies utilisées pour évaluer les externalités

Dans ce paragraphe les différentes méthodes utilisées actuellement pour l’évaluation monétaire des externalités sont passées brièvement en revue. En effet, si le cadre conceptuel des externalités n’a pas été retenu pour évaluer les coûts sociaux de l’épuisement, les approches pour évaluer monétairement les externalités sont diverses et certaines approches peuvent être compatibles avec une démarche d’évaluation des coûts sociaux au sens de Kapp.

Les méthodologies utilisées pour évaluer les externalités sont souvent hétérogènes (CGSP, France Stratégue, 2013) utilisant aussi bien des estimations de dépenses réelles (publiques ou privées) engagées pour lutter contre les impacts négatifs, que des estimations tentant d’attribuer une valeur marginale à des biens non-marchands à travers des prix de marché ou à travers des enquêtes sur le consentement à payer des consommateurs. A partir de la classification de Pizzol et de ses collaborateurs établie à partir des différentes méthodes utilisées dans les ACV (Pizzol, Weidema, Brandão, & Osset, 2015), deux principes généraux peuvent être dégagés pour l’évaluation monétaires des externalités : la « détermination du consentement à payer » et la « détermination du coût potentiel de l'activité marginale de réduction ou de remplacement ». Généralement, les publications d’ACV monétarisées utilisent conjointement ces différentes approches d’évaluation des externalités. Il y a cependant des exceptions comme l’approche Eco-cost qui utilise uniquement des coûts d’abattements (Wenhao Chen & Holden, 2018).

Ce paragraphe s’attarde sur la détermination du consentement à payer, la détermination des coûts étant développée ci-après dans la démarche retenue pour la thèse.

La détermination du consentement à payer (CAP) peut se définir ainsi d’après Pizzol : le consentement des individus à payer pour éviter le changement (ou la volonté d'accepter une compensation pour consentir au changement) concernant un « bien non marchand ». Il s’agit de définir « la valeur que les individus sont disposés à payer pour un petit changement [par exemple] d'espérance de vie ou de qualité de la vie. Les individus évaluent les variations de la disponibilité des biens non marchands et les modèles d’évaluation monétaire modélisent cette valeur en termes économiques, afin de la rendre plus explicite et plus significative » (Pizzol et al., 2015). Les valeurs ainsi évaluées correspondent à ce que le rapport MODEXT désigne comme des « externalités intangibles » puisqu’elles « ne correspondent pas à des flux monétaires identifiés et sont évaluées par des moyens détournés » (Gérand et al., 2018).

Dans la mise en application du principe de la détermination du consentement à payer plusieurs approches existent. La classification établie par (Pizzol et al., 2015) est listée ci-dessous. Cependant,

les méthodes « contrainte budgétaire » 64 et « préférences observées »65 n’ont pas été considérée

comme une évaluation des externalités par l’autrice de ces lignes et ont été enlevées des méthodes de CAP :

- Préférences révélées : les préférences des individus sont déduites d’un marché de « substitution », c’est-à-dire un bien de marché dont le prix est indirectement affecté par les variations de disponibilité du bien non marchand. Cette approche utilise différentes méthodes (comportement préventif, frais de déplacement, prix hédoniques)

- Préférences déclarées : les préférences des individus sont établies sur la base des préférences exprimées en réponse à des questions de compromis hypothétiques. Soit par la méthode d’évaluation contingente (MEC) : volonté déclarée de payer ou d'accepter une compensation pour un changement spécifié de la disponibilité du bien. Soit par analyse conjointe par choix : des profils de biens sont présentés au consommateur par paires, les profils des biens sont pensés pour offrir une disponibilité différente et des prix différents pour ce qui est considéré être les attributs66 du bien non marchand, ce qui permet de déduire

la valeur marginale des attributs individuels d'un produit non marchand du choix du consommateur

Les méthodes d’évaluation monétaire de type CAP, qui évaluent des externalités intangibles, sont particulièrement utilisées pour évaluer des entités qui ne peuvent pas être reliées à une valeur d’usage ou dont la valeur ne peut se résumer à la valeur d’usage67. En effet, les externalités peuvent

prendre en compte des valeurs d’usage. Par exemple, le rapport du MODEXT cite comme étant une externalité négative de la pollution de l’eau, la perte de revenus pour le tourisme associée aux algues vertes (Gérand et al., 2018). Dans ce cas le recours à une méthode de type CAP n’est pas nécessaire pour évaluer l’externalité. Cependant, pour prolonger l’exemple, si la pollution des rivières devient telle qu’elle menace l’ensemble de la biodiversité du littoral, une évaluation des pertes des revenus des pêcheurs pourrait être menée, mais il devient difficile d’affirmer que cette externalité rend compte de l’ensemble de la valeur de la perte de biodiversité associée. C’est pour tenter de prendre

64 La « contrainte budgétaire » est une méthode pour l’évaluation du bien-être humain : selon les auteurs (Pizzol, Weidema, Brandão, & Osset, 2015) il s’agit de la détermination du consentement à payer pour une « année de vie pondérée par la qualité » dans une situation hypothétique sans externalités. La méthode d'évaluation monétaire considère que la valeur marginale d'une année supplémentaire de vie en bonne santé est déterminée sur la base de la production économique potentielle par habitant et par an. Ici le consentement à payer n’est pas réellement observé, révélé ou déclaré mais plutôt inféré à partir de la production économique potentielle par habitant qui a été perdue, et en partant du principe que la balance comptable (ce qui est gagné doit être dépensé), justifie de considérer comme égale la perte de production et le consentement à payer pour une « année de vie pondérée par la qualité. Cette affirmation est mise en doute par (Pizzol, Weidema, Brandão, & Osset, 2015), et il est considéré ici que la production économique potentielle par habitant et par an peut difficilement être considérée comme une externalité.

65 Les préférences observées sont déterminées à partir des prix de marché, lorsqu’un marché existe pour le bien considéré (Pizzol, Weidema, Brandão, & Osset, 2015). Or la définition de Pigou est « l’effet de l’action d’un agent économique sur un autre qui s’exerce hors marché » (Pigou, 1932). Par définition ce ne sont pas des externalités. La confusion vient de l’utilisation du terme externalité par des méthodes comme ECOVALUE08, pour donner une évaluation monétaire de l’épuisement des ressources tout en utilisant l’approche par les prix (vue dans la partie 1 du présent chapitre), soit la rente hotellinienne, pour mesurer le facteur épuisement. Cette méthode d’évaluation ne peut pas être considérée comme une externalité.

66Un bien ou un service est décomposé en attributs ; par exemple, pour les services récréatifs du littoral

girondin, trois attributs peuvent être retenus : « Océan », « Sable » et « Forêt » (Rambaud, 2015)

67 « Les valeurs d’usage sont celles rencontrées classiquement dans la théorie économique standard (qu’on oppose généralement aux valeurs d’échange). Ainsi, elles correspondent aux bénéfices tirés d'une utilisation réelle d'une ressource donnée. Une valeur d’usage peut reposer sur un bien matériel, sur un service immatériel ou un mixte de ces deux notions. » (Rambaud, 2015)

en compte cette valeur non capturée par la valeur d’usage qu’est né le concept de valeur économique total, qui a été établie par le « Rapport Pearce » en 1989,et qui est un « instrument déterminant » de la notion de développement durable actuelle (Rambaud, 2015). Cette valeur économique totale est la somme des valeurs d’usage et de non-usage. Les valeurs de non-usage seront résumées ici à la valeur d’existence pour simplifier le propos. La valeur d’existence peut être définie comme la « prise en compte d’une entité socio-environnementale ‘’pour elle-même’’ dans un cadre néoclassique » (Rambaud, 2015). Le concept de valeur d’existence reconnaît qu’une partie de l’utilité conférée par les individus à une entité (bien ou service) provient de la valorisation de cette entité uniquement par rapport à son état de conservation. Sa prise en compte passe par l’attribution d’une valeur monétaire à la valeur d’existence pour mettre cette « valeur en lien avec le niveau d’utilité engendré » par cette entité (Rambaud, 2015). La prise en compte de la valeur d’existence depuis le Rapport Pearce dans les travaux de l’ENC constitue « une certaine révolution par rapport à la pensée économique classique habituée aux seules valeurs d’usage » (Rambaud, 2015). Dans le cadre de l’ENC donner une valeur d’existence à une entité sert à empêcher sa dégradation ou sa destruction (Rambaud, 2015). La valeur d’existence vient ainsi corriger l’absence de prise en compte des consentements à payer pour la préservation d’une ressource, car dans le cadre de l’ENC, par définition la valeur totale est la somme des consentements à payer. Donc si des individus sont prêts à payer pour préserver une ressource alors cette valeur doit être prise en compte (Rambaud, 2015). Les méthodes d’évaluation monétaires de type CAP sont donc particulièrement utilisées pour tenter d’établir des valeurs d’existence.

Deux raisons principales peuvent expliquer le recours fréquent aux méthodes de CAP. La première raison est que le recours à une méthode de type CAP est cohérente avec le cadre conceptuel de l’ENC pour prendre en compte les externalités. En effet dans ce cadre « la dégradation de l’environnement s’explique[nt] par l’absence […] de prix » (Gadrey & Lalucq, 2015). Il s’agit donc d’attribuer une valeur à l’entité à conserver pour éviter l’apparition d’une externalité, et la valeur économique de l’ENC est, par définition, l’ensemble des consentements à payer. Cette approche est donc même plus cohérente avec le cadre de l’ENC que l’évaluation des dépenses liées à la « détermination du coût potentiel de l'activité marginale de réduction ou de remplacement ». La deuxième raison est que l’évaluation du CAP peut pallier l’absence de données sur les coûts de réduction des dommages ou de remplacement, lorsqu’ils sont indisponibles, et surtout lorsque ces coûts ne peuvent être calculés du fait d’une perte définitive ou irréversible (par exemple l’extinction d’une espèce, la perte d’un écosystème rare, des pertes de vies humaines, etc.)

Enfin, les méthodes d’évaluation du CAP sont controversées. Notamment la MEC, qui est particulièrement usitée et qui consiste à mesurer les externalités via des enquêtes sur le consentement à payer pour la préservation de l’entité ou à recevoir un dédommagement. La principale critique concerne le niveau d’information des personnes interrogées sur les enjeux liés au sujet et le rôle du sondeur comme intermédiaire pour délivrer ces informations. Les quatre objections les plus soulevées peuvent être résumées ainsi (Hanemann, 1994 in Rambaud, 2015) :

- De petites modifications dans le questionnaire et/ou la façon de le présenter peuvent entraîner des changements significatifs au niveau des réponses ;

- L’étude peut elle-même créer les valeurs estimées, c’est-à-dire qu’elle peut faussement révéler des valeurs monétaires. Les personnes interrogées « se forcent » à faire émerger des valeurs artificiellement pour aller dans le sens de l’étude ;

- Le degré d’information sur les entités concernées et d’entraînement à ce type d’exercice des personnes interrogées peuvent avoir de réelles conséquences sur l’évaluation ;

5.2.2. DEMARCHE D’EVALUATION MONETAIRE DES COUTS SOCIAUX DANS LE CADRE DE LA

THESE

Ce paragraphe a pour objectif de tracer les grandes lignes d’une évaluation monétaire des coûts sociaux cohérente avec le cadre conceptuel défini par Kapp. Le cadre d’analyse développé ici s’inscrit dans le prolongement du développement méthodologique d’analyse des coûts sociaux au sens de Kapp effectué par le Basic, et est différente de l’évaluation des externalités pratiquée actuellement par d’autres acteurs économiques, comme True Price, réalisant des évaluations sur les externalités qui font généralement appel à l’ensemble des méthodes de calcul des externalités, dont le CAP, et qui cherchent à attribuer une valeur économique totale aux biens de consommation (voir Annexe 5 pour plus de détails sur les différences conceptuelles et méthodologiques entre le travail du Basic et de True Price). Ce paragraphe cherche au contraire à mettre en place un cadre d’analyse permettant de valider ou rejeter le recours aux différentes méthodologies de calcul des coûts sociaux au regard des définitions posées précédemment.

Comme cela a été vu dans la partie 3 du présent chapitre, l’identification et l’évaluation des coûts sociaux a pour but dans le travail de Kapp d’interroger les causes, et les effets des systèmes institutionnels sur ces coûts sociaux pour les besoins de la formulation d’une politique minimisant, voire excluant l’apparition de coût sociaux, à l’échelle du cas d’étude (W. Kapp, 1963, pp. 200–205). Cette politique n’ayant pas pour objectif l’internalisation des coûts dans le prix des biens produits, mais la diminution effective des coûts sociaux par différents moyens. De plus, Kapp privilégie une approche préventive quant à la prise en charge des coûts sociaux par rapport à la prise en charge des dommages, ce qu’il souligne notamment sur la question de l’épuisement des ressources naturelles : « comparés aux coûts sociaux potentiels qui peuvent être occasionnés par un épuisement économiquement irréversible, les coûts effectifs nécessaires pour prévenir ces conséquences sociales préjudiciables sont relativement faibles » (W. Kapp, 1963). Enfin, pour Kapp, l’apparition des coûts sociaux est due à leur absence de prise en compte dans les coûts de la production.

Il s’agit donc de privilégier une approche d’évaluation monétaire qui permette la formulation d’une politique de prévention minimisant ou supprimant les coûts sociaux, sans se focaliser sur l’établissement d’un prix des entités sociales ou environnementales impactées. Suivant cet objectif, l’évaluation monétaire des coûts sociaux liés à la production est comprise comme l’ensemble des dépenses réellement engagées, ou qui pourraient être réellement engagées, pour la prise en charge des dommages et conséquences négatives supportées par des tiers ou par la collectivité dans son ensemble. C’est donc une démarche similaire à l’approche de « détermination du coût potentiel de l'activité marginale d’abattement ou de remplacement » (Pizzol, Smart, & Thomsen, 2014), ainsi définie par Pizzol et ses collaborateurs : ce sont les externalités « liées au coût des mesures (techniques) qui devraient être prises ailleurs dans la société pour atténuer / abattre / réduire / éviter / rétablir les émissions / dommages, soit totalement (réduction totale), soit partiellement (objectif politique) ».

Il est donc proposé ici d’adopter une approche d’évaluation monétaire des coûts sociaux résolument tournée vers les actions à engager pour diminuer les coûts sociaux et environnementaux. Les coûts sociaux évalués monétairement consistent donc dans les dépenses engagées ou à engager pour la prise en charge de dommages et conséquences négatives.

Lorsque les coûts sociaux ne sont pas pris en charge ou pas entièrement pris en charge, ce qui dans les faits est presque toujours le cas, il s’agira d’avoir recours à un scénario réaliste, c’est-à-dire prenant en compte des mesures de prise en charge des coûts sociaux pouvant techniquement être mises en œuvre (sans s’arrêter aux freins politiques, culturels, économiques qui peuvent être discutés dans un deuxième temps). En effet, il serait problématique de ne pas évaluer un coût social

parce que le problème n’est pas pris en charge par les pouvoirs publics ou autres parties prenantes concernées. Les coûts ne seraient alors que le reflet de la politique sociale ou environnementale des pouvoirs publics. Plusieurs scénarii peuvent être envisagés parmi lesquels la prise en charge totale des coûts sociaux (approche soutenabilité forte), et la prise en charge des coûts sociaux selon des objectifs fixés par des politiques ou des normes sociales et environnementales préalablement définies, si de telles politiques ou normes existent sur le dommage étudié. Cette volonté de « fonder l’évaluation sur les normes objectives des minimums sociaux [et environnementaux] et mesurer les coûts sociaux en écarts à ces minimums » (W. Kapp, 1963) est soulignée à plusieurs reprise par Kapp (W. Kapp, 1963). Pour lui cela permet de se départir du risque d’évaluer « les coûts sociaux d’après les propres normes et préférences du chercheur, ce [qui] serait introduire dans l’analyse économique des jugements de valeur hautement subjectifs, arbitraire et problématique » et peut être résolu par la référence à des « normes objectives» (W. Kapp, 1963). Ces normes sont pensées par Kapp comme étant à la fois le produit d’un consensus scientifique et d’une délibération sociale. S’il ne s’agit pas ici d’entrer dans le fond du débat sur les processus sociaux aboutissant à la création des normes, on soulignera que les minima sociaux et les normes relatives à la pollution sont loin de faire consensus universellement, évoluent, et en un mot sont le produit d’arbitrage et de négociation entre différents acteurs. Cette problématique des référentiels utilisés pour la prise en charge des coûts peut être en partie résolue en évaluant plusieurs niveaux de prise en charge.

L’évaluation monétaire ne prend donc pas en compte les externalités intangibles liées aux dommages irréversibles ou pertes définitives, et il s’agit donc d’une sous-estimation de l’ensemble des coûts sociaux provoqués par un modèle de production. L’objectif étant de faire une évaluation monétaire au plus près des dépenses réelles (ou qui pourraient l’être) engendrées par le phénomène des coûts sociaux. Il est proposé d’assumer le caractère incomplet de l’évaluation monétaire. En effet, l’évaluation monétaire des coûts sociaux se fait à minima dans le but de comparer différentes situations générant des coûts. L’important dans l’évaluation monétaire des coûts sociaux au sens de Kapp est donc de s’assurer de la comparabilité des résultats de l’estimation et non d’avoir une estimation la plus complète possible.

Tout d’abord, parce qu’il n’est pas question dans l’approche de Kapp de définir la valeur économique totale des biens de consommation, mais de trouver des dispositifs de prise en charge des coûts sociaux afin de les réduire ou de les supprimer. Comme l’objectif recherché n’est pas d’internaliser les externalités pour s’approcher de la valeur économique totale, mais de trouver des leviers pour diminuer les coûts sociaux, la logique de comparaison de différents modèles de production sur la base de dépenses réelles semble préférable. Par ailleurs, ces leviers n’excluent pas des mesures visant à modifier les prix, mais cela n’est pas une finalité en soi et se fait dans une logique instrumentale (comment modifier le prix ? quel est l’impact réel de la modification du prix ?) et non pour refléter une valeur d’existence évaluée sur la base d’enquêtes. Pour Pizzol et ses collaborateurs l’approche basée sur les coûts ne peut pas permettre d’atteindre un « optimum social », car elle n’est pas basée sur le CAP des individus (ou alors partiellement à travers une approche du CAP politique) (Pizzol et al., 2014). Pour Kapp, l’optimum social n’est pas défini par le système de prix, mais à travers la mise en place de minima sociaux et environnementaux qui fixent des objectifs pour la réduction des coûts sociaux. Autrement dit, pour Kapp les objectifs politiques fixés collectivement et si possible sur des constats scientifiques « objectifs » définissent l’optimum social. Cette divergence n’est pas nouvelle puisque face à l’approche utilitariste (adoptée par l’ECN), une critique habituelle consiste à souligner la difficulté de faire des comparaisons interpersonnelles quantitatives des utilités, et à affirmer que l’optimum social ne peut se résumer à la somme des utilités individuelles.

Ensuite, le caractère incomplet de cette évaluation est pallié par la prise en compte des dommages irréversibles ou pertes définitives, pour elles-mêmes. En effet, l’approche des coûts sociaux au sens