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La crise ukrainienne : une stratégie du « chacun pour soi » en Eurasie ?

Au-delà du jeu international entre les trois Etats, le triangle stratégique est aussi pour la Russie un enjeu de géopolitique régionale. La Chine et les Etats-Unis ont en effet établi une présence forte et ont développé des intérêts vitaux en Eurasie, représentation géographique d’un espace intermédiaire entre l’Europe et l’Asie, un espace que la Russie a longtemps contrôlé et cherche encore à influencer voire maîtriser. Bien sûr, et il ne faut pas l’oublier, l’Union européenne est également devenue l’un des principaux acteurs de la région, mais nous avons décidé de ne pas l’inclure dans l’analyse de ce jeu triangulaire, choix sur lequel nous reviendrons.

Composer avec ces Etats, en prenant en compte les enjeux internationaux de partenariat avec la Chine, est devenu l’un des principaux défis de la politique régionale russe. Or, la coopération russo-chinoise pour contenir les velléités internationales des Etats-Unis, efficace à l’étranger, semble atteindre ses limites dans l’espace régional de la Russie.

Rivalités latentes entre les trois Etats

Le 27 mars 2014, l’Assemblée générale des Nations unies adopte une résolution concernant l’intégrité territoriale de l’Ukraine, et déclare l’invalidité du référendum organisé en Crimée et à Sébastopol sur le rattachement à la Russie. Sur les 169 Etats, seulement 10, en plus de la Russie, ont soutenu Moscou et voté contre la résolution : l’Arménie, la Biélorussie, la Bolivie, Cuba, le Nicaragua, la Corée du Nord, le Soudan, la Syrie, le Venezuela et le Zimbabwe.

Ingérence et intérêts américains

Les Etats-Unis ont voté pour la résolution, dans la continuité du soutien qu’ils ont apporté aux manifestations populaires à Kiev en 2013 et au nouveau gouvernement ukrainien. La décision de soutenir l’Ukraine dans son conflit avec la Russie et son intégration euro-atlantique est en grande partie liée au projet de contrer les ambitions russes dans la région. En effet, au-delà de la volonté affichée de défendre le processus démocratique et les droits de l’homme, les Etats-Unis ont des intérêts très concrets en Ukraine, largement développés par les think tanks américains. Parmi tous les travaux consacrés à l’importance de l’Ukraine pour les Etats-Unis, une conférence au mois de décembre 201915, à l’occasion du sommet de Paris en « format Normandie » réunissant les dirigeants français, allemand, ukrainien et russe, a réuni dix think tank et des membres du Congrès américain sur le thème « U.S. strategic interests in Ukraine », insistant sur le rôle crucial de l’Ukraine dans la stratégie de sécurité des nations « aimant la liberté » et sur la nécessité de contrer « l’agression russe ». Il a été répété à plusieurs reprises que la « sécurité des Etats-Unis commence en Ukraine » en référence au risque perçu d’une nouvelle expansion russe en Europe. Cette vision de l’Eurasie, nous y reviendrons, valide les théories de Mackinder et de Brzezinski sur le rôle central de l’Eurasie dans les relations internationales.

15 La retranscription intégrale de la conférence est disponible en anglais à l’adresse suivante : https://www.atlanticcouncil.org/news/transcripts/atlantic-council-event-what-can-be-done-to-ensure-ukraine-succeeds/

La neutralité de la Chine à l’ONU pose question

L’exacerbation des tension russo-américaines a constitué l’un des principaux aspects d’étude de la crise ukrainienne, vue comme le point de départ d’un nouveau conflit larvé entre les deux Etats. La position de la Chine après la crise et le rapprochement russo-chinois ont été interprétés par une partie de la communauté scientifique comme une nouvelle manifestation de la profondeur de l’entente entre les deux pays16. Nous proposons toutefois une lecture différente de l’attitude chinoise.

Insistant à plusieurs reprises sur le respect de la souveraineté ukrainienne, et au nom du principe de non-ingérence que Pékin affirme être au cœur de sa politique étrangère, la Chine s’est abstenue lors du vote de la résolution sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Dans le cadre de son partenariat avec la Russie, cette décision étonne. La Russie a en effet fourni une interprétation des évènements en Ukraine qui place les Etats-Unis au cœur de la révolution, du « coup d’Etat » décrit par les autorités russes, et insiste sur le processus démocratique ayant conduit au « rattachement » de la Crimée, en fournissant des arguments historiques. Les conversations fuitées entre l’ambassadeur américain en Ukraine, Geoffrey Pyatt, et l’adjointe au secrétaire d’Etat, Victoria Nuland, ont d’ailleurs apporté du poids à la version russe17. Il eut été alors aisé pour Pékin de valider cet angle, et ce d’autant plus que les arguments et manœuvres de Moscou font écho à ceux employés par Pékin s’agissant de ses revendications en mer de Chine18 et des troubles à Hong Kong : contrôle historique dans le premier cas, accusations d’ingérence américaine dans le second. En s’abstenant à l’ONU, la Chine refuse toutefois de valider le scénario proposé par la Russie au terme duquel la Crimée aurait volontairement et librement choisi son rattachement à la Russie.

La position chinoise aurait été dictée par des intérêts économiques et une vision de la géopolitique régionale dans laquelle la Russie est certes un partenaire, mais aussi un

16 KASHIN, Vasily, 2016. The Ukrainian Crisis: Impact on Sino-Russian Relations. In : RSIS Commentary. Octobre 2016. p. 3.

17 Cette conversation dévoile en partie le soutien des Etats-Unis à certains candidats à l’élection présidentielle qui s’est tenue le 25 mai 2014.

18 ROMER, Jean-Christophe, 2016. Russie. La relation à la Chine [en ligne]. France Culture. 2016. S.l. : s.n. [Consulté le 11 août 2020]. Disponible à l’adresse :

concurrent19. Rappelons que l’Ukraine est l’un des principaux fournisseurs d’armes de la Chine, et qu’en qualité d’ancien pays soviétique, elle est en mesure de lui vendre des armes de haute technologie que Pékin n’avait, jusqu’à 2014, jamais pu obtenir de Moscou. En outre, dans le cadre d’OBOR, la Chine a tout intérêt à maintenir ses relations avec l’Ukraine, qu’un soutien à l’annexion russe de la Crimée aurait pu menacer. Enfin, la fragilisation de la Russie en Ukraine et dans son environnement régional peut créer des opportunités de développement pour la Chine. Il existe donc ici un autre niveau des relations trilatérales Russie-Chine-Etats-Unis, où l’affaiblissement de l’un bénéficie aux deux autres sans aucune collusion de leur part.

La concurrence russo-chinoise à l’échelle régionale est déjà connue en Asie centrale. Elle ne suscite, au moins dans un premier temps, que peu d’inquiétude côté russe, d’abord parce que l’influence chinoise, principalement d’ordre économique, ne semble pas menacer les intérêts russes, ensuite parce que la Russie estime disposer de suffisamment d’atouts, et enfin parce que l’expansion occidentale, notamment de l’Alliance atlantique, constitue un sujet plus pressant pour les autorités russes au début des années 200020. Depuis les années 2010, la relative sérénité de la Russie quant à la présence chinoise est remise en question par les succès économiques chinois, et le déploiement du nouveau projet des routes de la soie, cadre formidable des ambitions internationales de la Chine qui pourrait restructurer profondément les dynamiques en Asie centrale. Bien que les deux pays mettent régulièrement l’accent sur leur collaboration régionale, bien réelle, la concurrence russo-chinoise dans cette région va ainsi croissant.

L’abstention de la Chine lors de la crise ukrainienne et le rattachement de la Crimée à la Russie remet en question le cadre traditionnel, l’Asie centrale, de la concurrence russo-chinoise : la Chine tente-t-elle de concurrencer la Russie dans les autres régions de son environnement régional, espace à part dans la politique étrangère russe ?

L’environnement régional, un espace à part dans la politique étrangère russe

La Russie tsariste puis soviétique a pendant très longtemps affirmé son droit à contrôler ou fortement influencer certains Etats proches : cette influence a été fondamentale dans sa

19 SWANSTRÖM, Niklas, 2014. China’s Stakes in the Ukraine Crisis. In : Institute for Security and Development Policy. mars 2014. p. 2.

20 FACON, Isabelle, 2008. L’Asie centrale comme enjeu dans le « partenariat stratégique » sino-russe. In : Fondation pour la recherche stratégique. Février 2008. p. 35.

stratégie de puissance. Bien que la Russie post-1991 ne revendique plus aussi catégoriquement un espace dans lequel exercer un contrôle politique et économique, plusieurs éléments de la politique régionale russe et de la position officielle du Kremlin témoignent de la récurrence d’une ambition d’influence régionale particulière. Pour Moscou, le triangle stratégique entre la Russie, la Chine et les Etats-Unis est ainsi d’abord un phénomène géopolitique dans un environnement qu’elle cherche, historiquement, à contrôler, mais dont les frontières ne cessent d’évoluer.

Entre nécessité et opportunités, la capacité de la Russie à dominer, contrôler ou influencer les Etats de sa sphère régionale est devenue fondamentale dans sa stratégie de puissance. A chaque époque depuis le XVIe siècle elle a constitué la condition sine qua none de l’intégrité et la sécurité de son territoire, et de l’utilisation d’espaces et ressources stratégiques qui ont positionné la Russie en acteur incontournable d’abord sur la scène européenne, puis internationale. L’étendue, la richesse, et le positionnement des espaces régionaux que la Russie parvient à contrôler effacent, dans le cas russe, la distinction entre puissance régionale et puissance internationale.

Pendant la période soviétique, la question de la délimitation d’une zone d’influence régionale ne se posait pas, tant la réponse était évidente : l’espace sous influence régionale correspondait d’une part aux républiques faisant partie de l’URSS et d’autre part aux Etats « satellites », les pays du camp socialiste essentiellement en Europe centrale et orientale. L’influence, ou le contrôle, s’exerçait via la domination politique de la Russie sur ces Etats. A partir de 1989 avec la réunification allemande puis, après 1991, avec la dissolution de l’URSS, la Russie doit revenir sur la question de la définition de son espace d’influence ; quel cadre géographique lui donner ? Comment justifier son existence ? Comment exercer cette influence ? Les trois présidents de la Fédération russe ont mis en avant certains concepts destinés à répondre à ces questions : « l’étranger proche », les « espaces d’intérêts privilégiés », les « zones d’influence » et le « monde russe ». Une étude des discours des dirigeants, combinée à celle des Concepts de Politique Etrangère de la Fédération de Russie, nous permet de proposer une analyse de ces concepts, ce qu’ils révèlent de la stratégie russe, pour proposer un cadre géographique à la politique d’influence de Moscou à l’échelle régionale.

L’expression « étranger proche » (blijnéié zaroubiéjé) est d’abord utilisée par les dissidents soviétiques dans les années 1970-1980, puis est reprise par les médias et la classe politique russes après la chute de l’URSS en référence aux anciennes républiques soviétiques : Estonie, Lettonie, Lituanie, Moldavie, Biélorussie, Ukraine, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizstan et Turkménistan. Certains hommes politiques russes, à l’instar du ministre des Affaires Etrangères de 1990 à 1996 Andrey Kozyrev, ont contribué à la popularisation du terme, l’utilisant dès 1992 pour désigner les nouveaux pays indépendants. Kozyrev a en effet fait des relations entre la Russie et les Etats membres de la Communauté des Etats Indépendants une priorité de la politique russe : « Russia’s main foreign policy priority is its relations with our partners in the Commonwealth of Independent States21 ». La Communauté des Etats Indépendants est alors l’incarnation de ce nouveau concept d’étranger proche. En 1994, lors d’un discours à l’ONU, le président Eltsine réaffirme les liens spéciaux qui unissent la Russie et les pays membres de la CEI et identifie la Russie en garant principal de la sécurité dans ces pays : « The main burden for peace keeping in the former terrritory of the soviet union lies today with the Russian Federation22 ». Le président Eltsine annonce ainsi au monde la volonté de Moscou de conserver une zone d’influence officielle, les anciennes républiques soviétiques.

Le concept d’étranger proche traduit déjà l’acceptation côté russe d’une perte d’influence de Moscou par rapport à l’URSS, puisqu’il exclut les anciens Etats satellites23. Le Concept de Politique Etrangère publié en 2000 le confirme. Dans la section des « Priorités Régionales », le document détaille l’importance des relations de la Russie avec les autres pays de la CEI principalement dans le domaine de la sécurité et de la coopération économique: « A priority area in Russia's foreign policy is ensuring conformity of multilateral and bilateral cooperation with the member states of the Commonwealth of Independent States (CIS) to national security tasks of the country » ; « Serious emphasis will be made on the development of economic cooperation

»

. Les pays de l’ancien espace sous influence soviétique, non-membres de la CEI

21 KOZYREV, Andrei, 1992. Russia: A Chance for Survival. In : Foreign Affairs [en ligne]. 1 mars 1992. n° Spring 1992. Disponible à l’adresse : https://www.foreignaffairs.com/articles/russia-fsu/1992-03-01/russia-chance-survival.

22 ELTSINE, Boris. 1994. President Yeltsin General Assembly Speech, Sep 26, 1994 | Video | C-SPAN.org [en ligne]. 1994. Disponible à l’adresse : https://www.c-span.org/video/?60435-1/president-yeltsin-general-assembly-speech.

23 TOURNON, Sophie, « Retour sur le concept d’un Étranger proche russe », 15 décembre 2010, Regard sur l’Est, http://www.regard-est.com/home/breve_contenu_imprim.php?id=1134.

en Europe, font seulement l’objet d’une rapide mention : « A topical task in relations with the states of Central and Eastern Europe is, as before, the preservation of the existing human, economic, and cultural ties, (…) and providing an additional impetus to cooperation in accordance with the new conditions and the Russian interests ». Les Etats baltes, quoiqu’ayant fait partie de l’URSS, sont quant à eux traités d’une façon spécifique. Le document appelle au « développement des relations », au « bon voisinage » et à une « coopération mutuelle », termes vagues qui n’engagent à aucun résultat et qui entérinent la mise au second plan des pays baltes par rapport aux pays de la CEI.

En proposant d’officialiser ce concept d’étranger proche, Moscou cherche visiblement à atteindre deux objectifs : conserver autant que possible son influence dans les pays les plus dépendants de la Russie, et les utiliser comme un glacis, ou zone tampon, face aux grandes puissances occidentales24.

Le concept d’étranger proche n’est pas sans rappeler celui « d’America’s backyard25 », issu de la doctrine Monroe et du « corollaire » Roosevelt. La doctrine Monroe est mise en place par les Unis au XIXe siècle et définit les sphères d’influence de l’Europe et des Etats-Unis : plus précisément elle rejette toute ingérence européenne sur le continent américain, avec en retour l’assurance de la part de Washington de rester en-dehors des affaires européennes. En 1904, le président Roosevelt complète la doctrine Monroe par le « Roosevelt corollary », qui officialise l’expansion de la sphère d’influence américaine, la défense des intérêts américains à l’étranger et l’intention des Etats-Unis d’intervenir militairement en cas de « méfaits » perpétrés à l’international : « Chronic wrongdoing, or an impotence which results in a general loosening of the ties of civilized society, may in America, as elsewhere, ultimately require intervention by some civilized nation, and in the Western Hemisphere the adherence of the United States to the Monroe Doctrine may force the United States, however reluctantly, in flagrant cases of such wrongdoing or impotence, to the exercise of an international police power26 ». Les Etats-Unis

24 GOMART, Thomas, 2006. Quelle influence russe dans l’espace post-soviétique ? In : Le Courrier des pays de l’Est. 2006. n° 1055, p. 4-13.

25 LIVINGSTONE, Grace, 2009. America’s Backyard: The United States and Latin America from the Monroe Doctrine to the War on Terror. S.l. : Zed Books ; Latin American Bureau. ISBN 978 1 84813 213 9 hb.

26 ROOSEVELT, Theodore, 1904. December 6, 1904: Fourth Annual Message. In: Miller Center [en ligne]. 1904. Disponible à l’adresse :

https://millercenter.org/the-presidency/presidential-speeches/december-6-1904-fourth-annual-message.

ont ainsi justifié leurs interventions militaires à Cuba, au Nicaragua, au Mexique, à Haïti et en République Dominicaine entre 1898 et 1924.

L « arrière-cour » des Etats-Unis fait initialement référence aux pays d’Amérique centrale et latine en tant qu’espace sous influence américaine. Tout comme les Etats-Unis ont par la doctrine Monroe revendiqué l’Amérique latine comme leur sphère d’influence, la Russie revendique un siècle plus tard les anciennes républiques soviétiques comme sa propre sphère d’influence. L’un des sujets de conflit entre la Russie et les Etats-Unis réside aujourd’hui dans cette conception de l’organisation du monde par sphères d’influence : alors que les dirigeants russes continuent d’en défendre le principe, les Etats-Unis, au nom du principe d’autodétermination des peuples, affirment avoir désormais rejeté une telle partition du monde. En 2013, le secrétaire d’Etat américain John Kerry annonce que « l’ère de la doctrine Monroe est terminée27 », signifiant la volonté des Etats-Unis de changer la nature de ses relations avec les pays de « l’arrière-cour » et par extension annonçant la fin d’une zone d’influence des Etats-Unis.

Utiliser le concept d’étranger proche dans l’analyse de la politique d’influence régionale pose aujourd’hui deux problèmes principaux : l’emploi d’un concept unique en référence à onze pays (en excluant les pays baltes) suggère une homogénéité qui est loin de représenter la réalité : « Il ne faut pas attendre de la notion d’Étranger proche qu’elle dise grand-chose de chacun des pays auxquels elle fait référence : que l’on considère la démographie, le niveau de développement économique ou la culture politique, c’est la disparité qui domine (…)28 ». Parler de stratégie russe dans l’étranger proche ne doit pas faire oublier l’existence d’une stratégie russe particulière à chaque pays. A la suite de la crise ukrainienne, plusieurs dirigeants politiques ont exprimé leur inquiétude quant à une invasion probable d’autres pays par la Russie, la Pologne ou la Lituanie par exemple. A ce jour, la Russie a conduit quatre opérations militaires à l’échelle régionale : en Tchétchénie (mais il s’agissait de son propre territoire), en Moldavie, en Géorgie et en Ukraine, la présence militaire russe en Ukraine étant officieuse. Les objectifs qui ont sous-tendus ces opérations diffèrent à chaque fois ; sans affirmer que la Russie n’a aucune ambition d’influence dans les pays baltes, il n’est pas possible d’affirmer que sa

27 WASHINGTON FREE BEACON, 2013. Kerry: The Era of The Monroe Doctrine Is Over [en ligne]. novembre 2013. Disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=4SFSavUqzdw.

28CHAMONTIN, Laurent. Géopolitique de la Russie et de son « Étranger proche ». In : [en ligne]. Disponible à l’adresse : https://www.diploweb.com/Russie-et-Etranger-proche-retour.html#nb2.

politique dans un pays de sa sphère régionale pourrait s’appliquer à tous : il est ainsi évident que les intérêts de la Russie au Tadjikistan, en Lettonie et en Ukraine ne sont ni de même nature, ni de même ampleur. Nous avons envisagé que cette vision uniforme de la politique régionale russe, véhiculée par de nombreux acteurs de la politique internationale, pourrait résulter de ce concept d’étranger proche.

Deuxièmement, l’étranger proche constitue un cadre géopolitique hérité de l’URSS aujourd’hui insuffisant pour délimiter géographiquement la stratégie d’influence régionale russe post 2000. En outre, les ambitions d’influence de la Russie dans son environnement régional ne sauraient être uniquement le fruit de son passé soviétique : la Russie, que ce soit sous la forme d’un empire, de l’Union soviétique, ou d’une fédération, mène depuis plusieurs siècles une politique de domination à l’égard des pays voisins.

Le concept d’étranger proche a d’ailleurs disparu des allocutions officielles des dirigeants russes, laissant la place à de nouvelles représentations de l’espace régional.

Le « monde russe »

Le deuxième concept apparu dans l’ordre chronologique et utilisé pour définir les espaces sous influence russe est celui de « monde russe » (russkiy mir). En 2007, le président Poutine crée la fondation « Russkiy mir », dont les principaux objectifs sont de soutenir le