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Trois acteurs principaux : Chine, Russie, Etats-Unis

Les relations avec la Chine et avec les Etats-Unis sont au premier plan de la politique étrangère russe. Tantôt partenaires, mais plus souvent concurrents voire adversaires, les Etats-Unis et la Russie n’ont cessé, au cours des premières décennies du XXIe siècle, d’alterner entre rapprochement et crises. Parallèlement à une lutte d’influence croissante, liée à une cohabitation

forcée dans plusieurs régions du monde, les deux pays ont tenté de créer des axes de coopération pérennes, notamment dans le secteur spatial et dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international. Toutefois, si l’état de leurs relations est mouvant, leur dimension stratégique est pour la Russie élevée et constante. Près d’un demi-siècle de compétition ont en effet imprimé leur marque et la Russie continue aujourd’hui de comparer sa puissance à celle des Etats-Unis et de justifier sa politique étrangère par des actions américaines passées ou récentes.

La Chine est revenue au premier plan de la politique étrangère russe à l’instigation du premier ministre russe E. Primakov durant les dernières années du XXe siècle. Dans un contexte de déception des relations avec les pays occidentaux, la Russie envisage de mettre à profit sa dimension asiatique et de se tourner vers ce continent. Car derrière l’enjeu du choix entre un partenariat avec la Chine ou avec les Etats-Unis, se pose la question plus générale pour la Russie de son appartenance géographico-culturelle : est-elle un pays occidental, tourné vers l’Europe et les Etats-Unis, ou un pays asiatique, tourné vers la Chine ? Pour Moscou, les opportunités de croissance économique et de poids diplomatique que recèle un partenariat avec la Chine, notamment face aux difficultés pour la Russie et les Etats-Unis d’établir des relations stables et fructueuses, ont progressivement amené les dirigeants et les élites russes à renforcer leurs liens diplomatiques, économiques et culturels avec Pékin.

Plusieurs raisons ont conduit à maintenir l’Union européenne en-dehors de notre champ d’analyse. Premièrement, nous cherchons en priorité à mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre au sein du triangle stratégique entre la Russie, la Chine, et les Etats-Unis, dont l’Union européenne est par essence, exclue, même si elle joue un rôle dans les luttes d’influence entre les Etats. Ensuite, l’examen attentif des différents documents établissant la stratégie régionale de la Russie conduit au constat d’un effacement progressif de l’Union européenne comme partenaire et interlocuteur privilégié de la Russie, en dépit de leur proximité géographique, du poids de l’UE dans les affaires régionales, notamment en Ukraine, et de son statut de premier partenaire commercial de la Russie. C’est en partie le résultat d’une lassitude, côté russe, face à la campagne de dénigrement récurrente dont elle fait l’objet, et de la difficulté à négocier avec une Union fragilisée par de multiples dissensions45. La Russie a en outre des difficultés à percevoir l’Union européenne comme un ensemble politique cohérent, lié au manque de

45MARCHAND, Pascal, 2014. Géopolitique de la Russie - Une nouvelle puissance en Eurasie. Presses universitaires de France. Major. ISBN 978-2-13-062557-5.

coordination des Etats et aux difficultés à définir une stratégie de politique internationale (ironiquement pour Moscou, c’est durant la crise ukrainienne que l’UE a fait montre d’une unité inédite). La Russie perçoit en outre l’Asie comme le nouveau centre économique mondial, et y concentre désormais une grande partie de ses efforts. Il ne s’agit pas ici de minimiser le rôle de l’Union européenne dans la géopolitique eurasiatique, mais de sélectionner, du point de vue de Moscou, les principaux enjeux de puissance. Tant que l’UE, pour Moscou, ne parvient pas à élaborer une véritable stratégie autonome de politique étrangère, elle ne sera pas perçue comme un interlocuteur diplomatique de premier plan. Enfin, il a été jugé que le sujet était déjà, au vu des acteurs et des enjeux abordés, suffisamment étendu et compliqué, sans inclure l’Union européenne comme quatrième acteur. Nous ne nous priverons pas cependant d’évoquer le rôle de certains pays de l’Union à propos de telle ou telle situation.

Etats-Unis, Russie, Chine : des vecteurs multiples

Comprendre la stratégie d’un Etat requiert d’avoir identifié les acteurs impliqués, individus, entreprises, associations, organisations, qui, en plus des acteurs gouvernementaux, participent à l’élaboration ou la mise en œuvre de sa stratégie. En sus des institutions et dirigeants politiques, des membres des administrations présidentielles, nous avons identifié deux autres types d’acteurs. Nous incluons d’abord certaines organisations internationales, notamment celles dans lesquelles ces trois Etats disposent d’une influence particulière. L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) sera ainsi considérée dans notre travail comme une organisation participant de la stratégie américaine ; l’Organisation de Coopération de Shanghai, créée à l’instigation de la Chine traduit ses ambitions d’influence en Asie centrale ; l’Union économique eurasiatique et le grand partenariat eurasiatique, sont de nouvelles propositions formulées par Moscou pour maintenir son influence régionale. S’agissant de la politique américaine en particulier nous prendrons également en compte les actions de certaines Organisations non gouvernementales américaines, qui, partiellement financées par l’Etat américain, soutiennent les efforts d’influence des Etats-Unis à l’étranger. Il convient enfin d’analyser les stratégies de certaines grandes entreprises russes et chinoises, sans se restreindre aux entreprises d’Etat, dont la stratégie commerciale est souvent en adéquation avec les objectifs définis par Pékin et Moscou.

Des acteurs secondaires qui cherchent à gagner en autonomie face aux grandes puissances voisines

Les Etats composant l’environnement régional de la Russie sont abordés dans notre sujet d’étude principalement comme des objets de rivalités entre les trois Etats de notre triangle. Ils ne peuvent toutefois être cantonnés à cette attitude passive, et ignorer leurs ambitions et stratégies fausseraient notre analyse. Nous nous limiterons cependant, le sujet étant déjà étendu, à une présentation, lorsqu’elle est pertinente, des stratégies officielles mises en place par leurs gouvernements.